l`interet des indicateurs de performance dans la
Transcription
l`interet des indicateurs de performance dans la
Colloque SHF - Paris - Septembre 2002 - Lætitia Guérin-Schneider - L'intérêt des indicateurs de performance dans la gestion des services d'eau et d'assainissement L'INTERET DES INDICATEURS DE PERFORMANCE DANS LA GESTION DES SERVICES D'EAU ET D'ASSAINISSEMENT Lætitia GUERIN-SCHNEIDER Laboratoire Gestion de l'Eau et de l'Assainissement, Ecole Nationale du Génie Rural, des Eaux et des Forêts RESUME En France, la gestion des services d'eau et d'assainissement a connu des changements importants au cours des vingt dernières années. Il est devenu évident que l'exploitant, qu'il soit d'ailleurs public ou privé, doit désormais rendre des comptes sur son activité et tenir ses engagements non seulement en terme de prix, mais aussi en terme de contenu du service. Le renforcement de la régulation et de la transparence dans le secteur de l'eau est d'autant plus important que l'augmentation du prix de l'eau a été mal acceptée par les usagers. Cet article fait le point sur l'introduction possible de la mesure de performance par indicateurs dans les services d'eau, sur les apports que l'on peut en attendre et sur les applications en cours en France, notamment pour la régulation impliquant les collectivités locales. ABSTRACT In France, the fields of water and sewerage services have undergone great change over the past twenty years. It is now obvious that the operator, either public or private, has to account for his activity and has to fulfil his commitment, not only in terms of price, but also in terms of the content of the service. The reinforcement of regulation and transparency is all the more important in France because the price increase has been badly accepted by the users. This article reviews the possible introduction of performance measurement by indicators in the water services and underlines the prospect and the current applications in France, notably for the regulation involving local authorities. I. PRESENTATION DES ENJEUX I.1 La remise en cause des services d'eau en France Les services d'eau ont connu une crise d'image durant la dernière décennie. L'augmentation du prix de l'eau, dans un contexte parfois troublé, a alerté bon nombre de consommateurs sur les conditions de gestion de leurs services. Ils se sont soudain mis à douter de la réelle prise en compte de l'intérêt général. Pourtant, l'apparition de telles difficultés n'a rien d'étonnant dans la situation que connaît le secteur de l'eau en France qui, par essence, est un monopole naturel. Malgré les progrès introduits dans la procédure de délégation par la loi Sapin en 1993, la concurrence initiale reste limitée. Le déséquilibre d'information et de compétences entre les élus locaux, responsables de l'organisation des services, et les opérateurs, renforce encore un peu plus le risque potentiel de privilégier l'intérêt privé, et notamment la recherche de l'efficacité économique, au détriment du service public. Dans ces conditions, pourquoi les difficultés ne se sont-elles révélées qu'au début des années 90 ? Sans doute parce que la finalité du service public a évolué, sans que ne se renouvellent les mécanismes d'incitation mis en jeu par les collectivités, face aux opérateurs [1]. Colloque SHF - Paris - Septembre 2002 - Lætitia Guérin-Schneider - L'intérêt des indicateurs de performance dans la gestion des services d'eau et d'assainissement Pendant toute la période de l'après-guerre, dans le contexte de la reconstruction, l'objectif du service public était quantitatif. Il fallait assurer la desserte la plus large possible. L'intérêt de l'opérateur, concessionnaire, convergeait avec celui du service public. Travaillant à ses risques et périls, il devait accroître la desserte pour augmenter sa recette. Désormais la majorité de la population est raccordée. L'enjeu est devenu qualitatif : améliorer la qualité de l'eau ou de la dépollution, mais aussi les services aux clients et la gestion du patrimoine. Dans ce contexte, l'amélioration du service coûte à l'exploitant, sans contribuer aux recettes. Quelle motivation demeure pour améliorer la qualité tout en limitant les prix ? Le développement de nouveaux outils de gestion destinés aux collectivités apparaît donc utile pour améliorer la maîtrise des élus sur leurs services et garantir la prise en compte des nouveaux objectifs qualitatifs des services publics. C'est un complément à un autre type d'initiatives, déjà mises en uvre par les exploitants eux-mêmes, que sont les démarches qualités. I.2 L'intérêt de renouveler les outils de régulation des services d'eau Les démarches qualité (certification ISO 9000 notamment), sont incontestablement une réponse des exploitants des services d'eau pour témoigner de leurs efforts pour prendre en compte la qualité du service et donc pour satisfaire les nouveaux objectifs évoqués ci-dessus. Pourtant, ces démarches ne sont pas suffisantes. Tout d'abord, elles sont organisées en interne par l'exploitant, sans que les objectifs soient forcement validés par la collectivité. Surtout, le principe des certifications de type ISO 9000 est un contrôle des processus, c'est à dire des moyens mis en uvre. L'engagement ne porte donc qu'indirectement sur les résultats obtenus. La régulation des services publics, mis en uvre par la collectivité locale elle-même, et orientée vers les résultats est donc bien une initiative distincte, utile pour améliorer la gestion des services d'eau. Elle contribuera à restaurer leur image en prenant mieux en compte l'intérêt général. L'enjeu de la régulation n'est pas seulement le prix et le suivi des coûts, comme on a trop souvent tendance à le penser. L'engagement sur le prix ne vaut rien sans un engagement sur le contenu du service. La mise en place d'indicateurs de performance, non financiers, est un moyen d'avancer dans ce sens. II. INTRODUIRE LA MESURE DE PERFORMANCE DANS LA REGULATION LOCALE DES SERVICES D'EAU II.1 Des indicateurs de performance pour faire quoi ? L'introduction d'indicateurs de performance mesurant les résultats du service ouvre de nombreuses perspectives, en terme de définition du contenu du service, de pilotage par la collectivité, d'incitation à l'amélioration et enfin de communication vers les usagers (cf. figure 1). Définition Formuler les objectifs du service Communication Informer les consommateurs Pilotage Suivre les résultats du service et leur évolution Pseudo-concurrence et incitation Comparer les services pour compenser la dissymétrie d'information Figure 1 Les étapes clefs d'utilisation des indicateurs de performance Colloque SHF - Paris - Septembre 2002 - Lætitia Guérin-Schneider - L'intérêt des indicateurs de performance dans la gestion des services d'eau et d'assainissement Jusqu'à présent, dans le cas de la délégation ou a fortiori dans le cas de la régie, où aucun contrat formel n'est écrit, la traduction concrète des principes de services publics était souvent exprimée en termes flous. Les indicateurs permettent de préciser les objectifs à atteindre. En choisissant une liste d'indicateurs, avec des valeurs cibles traduisant les divers engagements, la collectivité explicite ce qu'elle attend du service. Les indicateurs sont ainsi un outil de contractualisation ex ante. Ils sont aussi un outil d'adaptation mutuelle en cours de contrat. Une fois les indicateurs fixés, la collectivité est en mesure de suivre l'évolution annuelle du service. Les dérives sont repérées et les progrès mis en évidence. La collectivité peut alors engager un dialogue objectif avec l'exploitant pour obtenir des explications complémentaires et déboucher sur des décisions visant l'amélioration du service. En même temps, les indicateurs, à partir du moment où ils sont partagés entre de nombreuses collectivités, rendent possibles des comparaisons. Ces comparaisons vont apporter à chaque collectivité des informations qui éclairent leurs propres résultats. Elles créent une émulation qui incite à la performance. Les indicateurs sont enfin un outil d'information des consommateurs qui sont de plus en plus attentifs à la gestion des services d'eau. Ils révèlent des améliorations qui étaient difficilement perçues par l'usager. Par exemple, la donnée de trois indicateurs simples (taux de renouvellement du réseau, pertes par kilomètre et taux d'interruption de service), souligne l'impact positif sur les fuites et sur la continuité du service de travaux qui concernent les conduites et qui donc ne sont pas visibles. Cette nouvelle forme de transparence fait intervenir l'effet de réputation et renforce le désir de l'exploitant d'améliorer la qualité du service. Il semble donc bien que l'introduction de la mesure de performance soit propre à améliorer la maîtrise des services d'eau par les collectivités locales, en introduisant des échanges plus riches et en renouvelant les incitations. II.2 Passer de la théorie à la pratique : construction d'un outil opérationnel En s'appuyant sur une participation à plusieurs groupes de travail impliquant des acteurs de terrain (notamment à l'AFNOR et au Ministère de l'Agriculture), nous avons traduit le principe de mesure de performance dans un outil de régulation concret [2]. Ces discussions ont débouché sur une liste d'indicateurs respectant plusieurs principes : - privilégier des indicateurs centrés sur les résultats, puisque c'est la réalisation des missions de service public et le respect des engagements qui sont visés. Les indicateurs de moyens n'ont été utilisés que pour les éléments liés à la pérennité du service, qui sont des résultats futurs, non observables directement, - couvrir tous les principaux aspects du service de manière à éviter un effet pervers classique qui consiste à n'améliorer que les éléments sur lesquels on se sent jugé, - privilégier les indicateurs simples, clairs et peu coûteux à mesurer, - proposer un panel d'indicateurs adaptables localement, en ouvrant la possibilité d'un choix parmi une liste, pour tenir compte de la diversité des situations et des priorités locales tout en limitant le nombre des indicateurs mesurés. Au nom du pragmatisme, quelques compromis par rapports à ces principes ont été adoptés. Mais ces légères adaptations sont finalement la condition pour aboutir à un consensus. L'important était d'obtenir une liste de définitions, acceptée de toutes les parties prenantes et applicables sur le terrain. L'enjeu est important : un panel partagé pourra être largement mis en uvre et rendre Colloque SHF - Paris - Septembre 2002 - Lætitia Guérin-Schneider - L'intérêt des indicateurs de performance dans la gestion des services d'eau et d'assainissement possible la capitalisation des informations, le développement des compétences et, finalement, les comparaisons. La liste des indicateurs est une première étape : elle constitue le vocabulaire élémentaire pour décrire la performance du service. Mais les indicateurs ne prennent tout leur sens que dans le cadre d'une syntaxe, définie par des règles permettant d'associer des indicateurs de manière cohérente. En effet, un indicateur isolé est le plus souvent difficile à interpréter. Que dire d'une station d'épuration ayant un mauvais taux d'extraction de boues, c'est à dire n'éliminant pas la pollution escomptée ? Est-ce lié à un sous-dimensionnement des installations, à la présence dans les effluents d'eaux parasites perturbant le traitement ou bien à un défaut d'exploitation ? C'est le regroupement pertinent de plusieurs indicateurs (taux de charge de la station, taux d'eaux parasites, rendement épuratoire ) qui va permettre d'analyser la situation, de remonter aux responsabilités et de déboucher sur des recommandations. Pour chaque type de service, eau (E) ou assainissement (A), cinq tableaux de bord ont ainsi été constitués pour traduire les missions fondamentales de ces services publics : continuité, santé publique, protection de l'environnement, fourniture d'un service au client, pérennité. Le tableau qui suit présente ces critères de synthèse de manière succincte. Tableau 1 Les principaux aspects de la performance et les indicateurs liés Critère (service concerné) Commentaire Concerne la qualité du service immédiatement perçue par l'usager dans la relation commerciale qui s'établit avec le service d'eau Prestation au client (d'où le terme de client). (E, A) Ce critère a trait aux traitements des réponses aux courriers, aux délais de branchement, à la facturation Il concerne avant tout l'exploitation. A rapprocher du précédent, ce critère donne Réclamations une vision globale de la satisfaction des usagers (E, A) à travers l'analyse des plaintes. Concerne l'adéquation entre la ressource et la Gestion de la demande, la qualité sanitaire de l'eau, la ressource en quantité sécurité de la desserte. et en qualité Ce critère mêle des aspects d'exploitation et de (E) gestion du patrimoine. Liste (non exhaustive) d'indicateurs de performance associés à ce tableau de bord - Taux de réponses au courrier dans un délai de 15 jours - Proportion de lettres d'attente parmi les réponses dans les délais - Taux de respect du délai de remise en eau des branchements existants - Réclamation récurrente - Taux de conformité des analyses DDASS (eau distribuée) - Taux de conformité des analyses d'autocontrôle (eau distribuée) - Durée de restriction à la consommation (suite page suivante) Colloque SHF - Paris - Septembre 2002 - Lætitia Guérin-Schneider - L'intérêt des indicateurs de performance dans la gestion des services d'eau et d'assainissement Critère (service concerné) Commentaire Concerne les interruptions de service et l'état du réseau qui sont liés (fuites pour l'eau ou Gestion du réseau et débordements pour l'assainissement, continuité du service interventions, renouvellement). (E, A) Ce critère mêle des aspects d'exploitation et de gestion du patrimoine. Concerne les conditions de fonctionnement et l'efficacité du traitement épuratoire, ainsi que la Gestion de la station filière d'élimination des boues. d'épuration (dont Les aspects environnementaux sont pris en boues) compte. (A) Ce critère mêle des aspects d'exploitation et de gestion du patrimoine. Capacité de Concerne la comptabilité de la collectivité. Ce financement de la critère dégage les capacités de financement collectivité pour juger de la pérennité économique du (E,A) service (capacité à investir). Liste (non exhaustive) d'indicateurs de performance associés à ce tableau de bord Pour l'eau : - Indice linéaire de pertes - Rendement - Indice linéaire de réparations de conduites principales pour fuite ou rupture - Taux de recherche de fuites - Taux de renouvellement du réseau Pour l'assainissement : - Taux de débordements d'effluents dans les locaux des usagers - Indice linéaire de réparations de conduites principales pour fuite ou rupture - Taux de renouvellement du réseau - Taux de charge de la station - Taux d'extraction des boues - Taux de bilans conformes - Taux de rejets sans traitement dans le milieu récepteur - Taux d'autofinancement potentiel - Indicateur de flux de dette (annuité de la dette / épargne de gestion) - Durée d'extinction de la dette Ces tableaux de bord ont été testés sur cinq services d'eau et d'assainissement réels, avec le soutien des Agences de l'Eau et du Ministère de l'Environnement. Des rapports de performance complets ont été rédigés pour chacun de ces services. A titre d'illustration, un tableau de bord pour le critère "gestion de la ressource" est présenté en encart, page suivante. Ce type d'analyse peut déboucher sur une discussion constructive avec l'exploitant et aider la collectivité à préparer des décisions. Dans le cas donné en illustration, ci-dessous, les suites à donner consistent par exemple à : - préciser avec l'exploitant les données de fiabilité insuffisantes, - lancer des études pour trouver une solution technique à la présence de pesticides, - lancer des négociations avec le syndicat voisin pour augmenter l'autorisation d'achat d'eau en gros, - etc. Le test réalisé sur les cinq collectivités pilotes a fait la démonstration que la plupart des informations nécessaires au calcul des indicateurs étaient disponibles, ou en voie de l'être. Il a montré également que les tableaux de bord étaient parlants et permettaient de déboucher sur des pistes concrètes d'amélioration mais aussi de valoriser les bons résultats obtenus. Ainsi, la mesure de performance favorise l'augmentation du rapport qualité-prix en jouant sur le facteur qualité. L'outil est puissant, mais il doit être utilisé avec discernement dans le cadre des comparaisons. Des typologies devront être constituées pour comparer des services suffisamment homogènes en terme de complexité. Colloque SHF - Paris - Septembre 2002 - Lætitia Guérin-Schneider - L'intérêt des indicateurs de performance dans la gestion des services d'eau et d'assainissement ******************************************************************************** Exemple de présentation d'un critère sur l'une des collectivités pilotes 1996 1997 1998 Nota Fiabilité Intensité de l'autocontrôle (eau distribuée) 1995 Taux de conformité des analyses DDASS (eau distribuée) Taux de conformité des analyses d'autocontrôle (eau distribuée) 1994 Indicateurs suivis Unité Gestion de la ressource en quantité et qualité % 100 70,6 100 100 90,9 (1) J % ND! ND! ND! 100 99,5 (1) J 1000 m³ ND! ND! ND! 1,11 1,12 J j h 0 44,2 1,09 nb d'analyses / 0 0 0 J 45,5 44,4 43,0 J 1,55 1,15 1,15 K (2) Taux de mobilisation de la ressource en % 78,1 ND! ND! 90,5 108, K (2) pointe 2 Nota : 1 - non-conformités = atrazine + simazine (la non-conformité réelle est persistante, mais réduite à ces paramètres) 2 - ratios établis avec le volume distribué lors de la semaine de pointe (1996 à 1998) ou du mois de pointe (1994, valeur douteuse compte tenu de son mode de détermination) Durée de restriction à la consommation Durée moyenne de stockage Coefficient de pointe 0 44,1 ND! Commentaires : La collectivité ne dispose que d'une unique ressource (importation d'eau depuis une autre collectivité). La présence de traces de pesticides est le seul défaut de qualité repéré dans l'eau distribuée. Dans la mesure où cette pollution semble persistante, des mesures correctives sont à prévoir (diversifier les ressources, étendre le traitement ). En période de pointe, la collectivité est souvent proche du volume maximum qu'elle est autorisée à importer du syndicat voisin. Il serait donc utile, soit de revoir les conditions d'importation pour augmenter les volumes mis à disposition de la collectivité, soit de diversifier les ressources. Le service dispose globalement d'une durée de stockage confortable qui doit lui permettre de faire face, en cas d'incident sur le réseau de distribution. Aucune restriction de service n'a été imposée durant les 5 dernières années. La réalisation d'analyses d'autocontrôle montre l'attention portée par l'exploitant au suivi de la qualité de l'eau. ************************************************************************************** II. 3 Les premières applications sur le terrain Deux institutions sont actuellement engagées dans l'utilisation des indicateurs de performance définis à l'ENGREF : le Ministère de l'Agriculture, avec ses services déconcentrés, les Directions Départementales de l'Agriculture et de la Forêt (DDAF) et l'Agence de l'Eau Artois-Picardie. Les DDAF interviennent en tant que conseillers auprès des collectivités. Elles sont particulièrement présentes dans le secteur de la gestion des services d'eau. Ainsi, les DDAF assistent environ 80% des collectivités de moins de 20 000 habitants, engagées dans une procédure de délégation de leur Colloque SHF - Paris - Septembre 2002 - Lætitia Guérin-Schneider - L'intérêt des indicateurs de performance dans la gestion des services d'eau et d'assainissement 1 service d'eau ou d'assainissement . Les élus leur confient souvent une mission de contrôle des délégataires, ou, plus rarement, d'appui à la gestion des régies. Dans ce cadre, les DDAF ont adopté l'outil de mesure de performance, élaboré avec l'ENGREF. Elles vont ainsi constituer les tableaux de bord accompagnés de commentaires pour alimenter la relation entre les élus et leurs exploitants. L'Agence de l'Eau Artois-Picardie a, quant à elle, souhaité enrichir son "observatoire des prix des services" par des informations sur la performance. Jusqu'à présent l'observatoire ne fournissait que des données sur le prix. Ces informations conduisaient à des classements arbitraires, qui cachaient une hétérogénéité forte en terme de conditions d'exploitation et de qualité de service. En intégrant quelques-uns des indicateurs de performance proposés par l'ENGREF, l'Agence donnera une vision plus complète du rapport qualité-prix des services. II.4 Elargir le débat sur la régulation nationale des services d'eau en France L'adoption des indicateurs de performance sur le terrain est une première étape pour faire évoluer les pratiques en France. L'enjeu va bien au-delà de la mise en uvre, localement, de mesure de performance. Derrière le principe des indicateurs et des comparaisons, c'est la question de l'organisation globale de la régulation, au niveau national, qui est en réalité soulevée. Cette question s'inscrit dans un débat très actuel [3 ; 4 ; 5]. La loi sur l'eau adoptée en Première lecture en janvier 2002, prévoit d'instaurer un Haut Conseil des services d'eau et d'assainissement qui devra appuyer la gestion locale par les collectivités, notamment par la production de données. Le travail engagé sur les indicateurs de performance sinscrit donc dans une dynamique et contribue à l'alimenter. Les propositions de lENGREF en terme de diffusion dinformation et de mise en place dindicateurs de performances sont dailleurs citées dans le rapport Tavernier [6] et suscite l'intérêt du Ministère de l'Environnement [7]. Si l'on admet que les indicateurs donnant lieu à des comparaisons vont être mis en uvre dans un proche avenir, des décisions concrètes en terme d'organisation de la régulation s'imposent. La mesure de performance suppose d'abord une complémentarité entre le niveau local, en prise avec le terrain, et le niveau national, seul à pouvoir assurer une large diffusion des informations. L'échelle nationale est nécessaire pour la définition des indicateurs partagés et pour la mutualisation des données qui vont permettre de constituer des références représentatives. Par contre, la mise en uvre du suivi des services et l'incitation ne peuvent se faire qu'au niveau local. Les élus ont à la fois la légitimité nécessaire et la capacité d'intervenir dans les quelques 30 000 services d'eau et d'assainissement français2. Ils sont en mesure d'interpréter les résultats en tenant compte du contexte du service. Cela ne signifie pas que les élus agissent seuls - ils peuvent se faire aider notamment par les services déconcentrés de l'Etat - mais ils conservent un pouvoir décisif dans l'organisation du service. Leurs prérogatives ne sont pas limitées. Au contraire elles sont renforcées par la mise à disposition d'outils d'expertise nouveaux. L'utilisation des indicateurs de performance implique également une conception de la régulation basée sur le pouvoir d'enquête et d'information et non pas sur un pouvoir juridictionnel et autoritaire. C'est la régulation par coup de projeteur ("sunshine regulation") ou par pseudoconcurrence ("yardstick competition"), chère aux anglo-saxons. Pour diffuser des informations pertinentes et pour être reconnue et écoutée, l'autorité de régulation nationale doit associer des compétences techniques, juridiques et financières, spécifiques à l'eau. Ces arguments vont dans le sens d'une régulation sectorielle. 1 Source : enquête laboratoire GEA - Ministère de l'Environnement (1998-2000). Une enquête récente de l'IFEN dénombre 16 337 services d'eau et 17 972 services d'assainissement en 1998. Ces chiffres intègrent les services communaux partiels (par exemple distribution seule ou bien production seule). 2 Colloque SHF - Paris - Septembre 2002 - Lætitia Guérin-Schneider - L'intérêt des indicateurs de performance dans la gestion des services d'eau et d'assainissement La mise en place de la régulation par mesure de performance débouche ainsi sur un schéma plus cohérent, impliquant différents acteurs : consommateur, élus locaux, réseaux d'experts et instance de régulation nationale. III. Un dernier pas à franchir vers l'incitation : l'intéressement à la performance Ainsi la mesure de performance par indicateurs portant sur le contenu du service ouvre de larges perspectives pour renouveler les mécanismes incitatifs, assurant l'amélioration qualitative des services. Les indicateurs de performance, mobilisés dans la phase de négociation initiale, permettent de fixer de manière explicite les résultats à atteindre pour mieux assurer les objectifs de service public. Au cours de la phase d'exécution, les indicateurs deviennent un outil de suivi et en même temps un support de pseudo-concurrence. Une dernière étape reste à franchir pour effectuer la jonction entre la régulation sur les résultats qualitatifs et la régulation du prix : pourquoi ne pas utiliser quelques-uns des indicateurs de performance comme des facteurs d'intéressement, venant moduler la recette des exploitants. Ce dispositif réintroduirait l'incitation financière qui demeure un levier souvent efficace et redonnerait un sens à la notion des risques et périls qui s'est peu à peu érodée. Un travail sur la notion d'équilibre des services sur la durée d'un contrat et sur les mécanismes d'intéressement contractuels est d'ores et déjà engagé3. Bibliographie [1] Grand d'Esnon A. et Guérin-Schneider L. (2000). Délégation de service public - Vers de nouveaux indicateurs de performance. Le Moniteur des Travaux Publics et du Bâtiment 5062, pp 96-98. [2] Guérin-Schneider L. (2001). Introduire la mesure de performance dans la régulation des services d'eau et d'assainissement en France - Instrumentation et organisation. Thèse de gestion, ENGREF, 447 p. [3] Haut Conseil du Secteur Public (1999). Quelle régulation pour l'eau et les services urbains. Paris 129 p. [4] Institut de la Gestion Déléguée (2000). La régulation des services publics locaux - Table ronde. Paris 112 p. [5] Martinand C. (2001). La maîtrise des services publics urbains organisés en réseaux. Conseil Economique et Social, Les éditions des journaux officiels, 125 p. [6] Tavernier Y. (2001). Rapport d'information n° 3081 déposé par la commission des finances en conclusion des travaux d'une mission d'évaluation et de contrôle par M. TAVERNIER sur le financement et la gestion de l'eau. Assemblée Nationale. [7] ENGREF et OIEau (2001). Mesure de performance et régulation des services d'eau et d'assainissement - Information, contrôle ou incitation ? Fondements et pratiques françaises et internationales, Actes du colloque, 17-18 septembre 2001, Montpellier, France, 253 p. 3 Projet de recherche du laboratoire GEA de l'ENGREF en collaboration avec Service Public 2000 et l'Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris.