Fiche Echanges

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Fiche Echanges
Les échanges
L’échange, c’est un transfert réciproque, c’est donner pour recevoir.
I. VIT-ON EN SOCIETE PAR INTERET ?
« Le monde n’est pas une marchandise. » Que dénonce ce slogan altermondialiste ? Le fait que les
échanges marchands dominent le monde. Mais l’échange semble aussi avoir des facteurs
positifs : enrichissement de la société, contacts pacifiques avec les autres sociétés, etc.
A. Le règne de la valeur d’échange (≠ valeur d’usage)
Aristote distinguait la valeur d’échange et la valeur d’usage : une chaussure sert soit à
chausser (valeur d’usage, utilité relle) soit à être échangée (valeur d’échange, son prix). Les deux
valeurs ne sont pas équivalentes. L’eau, très utile, s’échange mal quand elle existe en grande
quantité ; le diamant, peu utile, s’échange bien. Une usine polluante peut créer de l’emploi et
relancer la croissance (valeur d’échange) mais créer un mode de vie insupportable pour les
habitants (valeur d’usage). C’est pourquoi l’argent ne peut pas être le seul critère pour mesurer
le bonheur.
Marx a montré que le fait de produire une chose non pas pour satisfaire directement un besoin,
mais pour pouvoir l’échanger, donne une priorité absolue à la valeur d’échange sur la valeur
d’usage. Tout devient marchandise : le travailleur lui-même devient une marchandise qu’il peut
échanger sur le « marché du travail ».
B. La société est fondée sur l’échange
Cependant, l’échange est-il si négatif ? Il existe 3 moyens d’obtenir ce que l’on désire auprès de
quelqu’un d’autre : 1) le vol, 2) le don, 3) l’échange. L’échange nous permet donc d’obtenir ce
que nous voulons sans avoir à voler ou à compter sur la bienveillance des hommes. L’homme a
intérêt à vivre en société, car il est plus facile pour l’homme de subvenir à ses besoins dans une
société que seul, grâce à la division du travail et à l’échange.
La société fonctionne-t-elle mieux si chacun poursuit égoïstement son intérêt ? « Ce n'est pas de
la bienveillance du boucher, du marchand de bière ou du boulanger, que nous attendons
notre dîner, mais bien du soin qu'ils apportent à leurs intérêts. » dit Adam Smith, dans De la
richesse des nations (1776). Les gens travaillent d’autant mieux qu’ils ont intérêt à bien travailler
pour pouvoir échanger le produit de leur travail. C’est pourquoi Smith affirme que si chacun
poursuit son intérêt personnel, cela sert d’autant mieux l’intérêt général.
« L’homme est un loup pour l’homme » disait Hobbes dans le Léviathan. L’homme n’est donc
pas sociable par nature, au contraire les hommes se craignent entre eux, c’est par intérêt qu’ils
vivent ensemble. C’est pour sortir de « l’état de guerre de chacun contre chacun » dans "l’état
de nature", selon Hobbes, que nous avons fondé la société avec des lois nous protégeant.
C. Le don est un échange déguisé
Le don est l'action de donner sans contrepartie, du moins apparente. Le don semble donc
s’opposer à l’échange. En effet, le don se veut désintéressé. Cependant, pour faire honneur au
don, la personne en bénéficiant peut faire un don en retour, qu'on appelle le contre-don.
Marcel Mauss montre, dans Essai sur le don (1924), que certaines sociétés sont fondées sur ce
système de don/contre-don. C’est là un moyen de créer du lien social (comme, par exemple,
lorsque des chefs d’Etat s’offrent des cadeaux afin d’entretenir de bonnes relations). Celui qui
aura « contre-donné » plus qu’il n’a reçu acquiert une certaine estime sociale.
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Les échanges
Cependant, si nous cherchons à créer du lien social, n’est-ce pas le signe que nous
n’échangeons pas seulement pour un intérêt matériel ? Ne peut-on pas alors parler
d’échange désintéressé ?
D. L’échange n’est pas seulement utilitaire mais crée aussi du lien social
A l’évidence, il n’existe pas que des rapports d’intérêts, mais aussi des rapports d’amitié, d’aide.
Certes, si les hommes s’assemblent, c’est peut-être parce qu’ils ont tous besoin réciproquement
des uns des autres. Mais si la cause est d’abord le besoin, la vocation de la vie en société n’est
pas la simple survie matérielle, mais la vie heureuse. Non seulement vivre mais bien vivre. Or,
comme le dit Aristote dans l’Ethique à Nicomaque : « Nul ne voudrait vivre sans amis,
même étant comblé de tous les autres biens ». Les relations humaines ne sont pas toujours
créées dans un but utilitaire, mais parfois seulement pour le plaisir de créer du lien social, des
amitiés. Par exemple, quand chacun paie sa tournée dans une soirée, l’échange n’a aucun intérêt
économique, puisque chacun a payé la même chose, mais cet échange a permis de renforcer le
lien social et le sentiment d’amitié.
« L’homme est par nature un être sociable » dit Aristote dans La Politique, car l’homme est
par nature un être doué de parole et de raison. L’homme ne devient pleinement un homme
que dans une société, en échangeant avec les autres hommes. C’est parce qu’ils se parlent,
qu’ils commercent, qu’ils circulent, que les individus parviennent à construire une communauté.
Il n’y a donc pas d’humanité possible sans échanges.
Jacques Ellul affirmait que le don recèle une puissance subversive : « le don désacralise
l’argent ». Il rappelle que nous ne vivons pas ensemble seulement pour survivre, mais aussi pour
le plaisir de vivre ensemble.
II. LES ECHANGES FAVORISENT-ILS LA PAIX ?
A. Là où les hommes échangent, il n’y a plus de pillage
Le commerce peut favoriser la paix pour plusieurs raisons. 1) Là où le commerce est installé, les
hommes n’ont en principe plus d’intérêt à piller. 2) Le commerce amène les peuples à se
fréquenter et à se connaître : ils n’échangent pas seulement des biens matériels, mais ouvrent
aussi leur culture à d’autres cultures. C’est pourquoi Montesquieu affirme, dans l’Esprit des
lois (1748) : « le commerce guérit des préjugés destructeurs ». 3) Les nations se rendent
ainsi, par le commerce, mutuellement dépendantes.
B. La guerre économique
Mais ne peut-on pas parler d’une autre forme de guerre, une guerre économique ? L’échange, en
principe, suppose à la fois que les choses échangées soient différentes (à quoi bon échanger deux
objets identiques ?) et qu’elles soient malgré tout équivalentes (pour qu’il y ait échange et non
spoliation). L’équivalence de valeur est donc la condition de l’échange. Cependant, rechercher du
profit, c’est chercher à faire un échange qui n’est pas égal. La recherche du profit pervertit donc
l’échange.
Dans le Capital, Marx montre bien comment la relation de travail dégénère en rapport de force. Il
s’agit bien d’un échange, entre d’une part un salaire, d’autre part sa force de travail. Mais ce
besoin réciproque n’empêche pas les deux contractants d’avoir des intérêts opposés. L’intérêt du
capitaliste sera de rémunérer le moins possible un maximum de travail : l’échange peut alors
devenir exploitation.
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