L`attention pour être présent à soi-même et à l`autre

L’attention pour être présent à soi-même et à l’autre
(Conférence au RYE à Évian : 21 juillet 2014)
Introduction
T.1 : La formation de l’attention est le but véritable et presque l’unique intérêt des études. (Simone Weil)
I. L’attention comme présence à soi-même
1.1. Prendre ses distances en décollant : le sommet de la montagne
T.2 : La pensée doit être, à toutes les pensées particulières, comme un homme sur une montagne qui,
regardant devant lui, aperçoit en même temps sous lui beaucoup de forêts et de plaines. (Simone Weil)
T.3 : Le « moi » de l’homme machine change aussi vite que ses pensées ou ses sentiments. Il ne se
souvient jamais de lui-même. Il ne sent pas « C'est moi qui observe ». Pour arriver vraiment à s'observer, il
faut d'abord se rappeler soi-même. Lorsque j'essaie de me rappeler moi-même, mon attention est dirigée à
la fois vers l'objet observé et vers moi qui l'observe. (Georges Gurdjieff)
1.2. Se recentrer : le moyeu de la roue
T.4 : Trente rayons convergent au moyeu mais c’est le vide, au milieu de la roue, qui permet l’usage du
char. (Lao Tseu)
1.3. Observer les contenus de conscience en les laissant passer dans le ciel intérieur
T.5 : On laisse les formations mentales passer comme nuages dans le ciel, sans s’y opposer, sans s’y
accrocher. Elles perdent alors leur acuité et cette pratique nous conduit au-delà. (Taisen Deshimaru)
T.6 : Sous le pont Mirabeau coule la Seine / Et nos amours / Faut-il qu’il m’en souvienne / La joie venait
toujours après la peine / Vienne la nuit, sonne l’heure / Les jours s’en vont, je demeure. (Apollinaire)
1.4. Calmer les vagues du mental
T.7 : Le yoga est la cessation des vagues du mental (Patanjali) : mon esprit est semblable à la mer, agitée
ou calme. Si elle est apaisée, je peux voir le reflet de la lune ou la perle dans ses profondeurs. Être attentif
à soi-même, c’est donc calmer les vagues du mental.
1.5. Sortir de l’aliénation en trouvant son svadharma : le voyageur dans la diligence
T.8 : Si je ne suis pas moi, qui le sera ? (Rabbi Hillel)
T.9 : Plus l’homme accepte de se reconnaître dans les images dominantes du besoin, moins il comprend
sa propre existence et son propre désir. Ses propres gestes ne sont plus à lui mais à un autre qui les lui
représente. (Guy Debord)
T.10 : Nasrudin projette de construire sa propre maison. Il prend mille conseils auprès de ses proches puis
achète tout ce qu’ils lui recommandent : des tuiles, des briques, des tuyaux… Il entrepose l’ensemble pêlemêle dans son jardin puis convoque ses amis pour pendre la crémaillère. Devant leur stupéfaction, il
s’exclame : « C'est curieux ! J'ai pourtant fait exactement ce que chacun d'entre vous m'avait dit de faire ! »
(Idries Shah)
T.11 : Sache que le Soi, l’être profond, est le chef de la diligence, le voyageur à l’intérieur du char.
L’intellect est le cocher. Les chevaux sont les sens. (Katha Upanishad)
1.6. Vivre dans la présence du présent : le soleil de midi
T.12 : Le soleil de midi ne fait pas d’ombre. (Koan zen)
II. L’attention comme présence à l’autre
2.1. Attendre le meilleur de l’autre : l’humanisme exigeant
T.13 : Je tiens comme principe des principes qu’il faut chercher le bien, c’est-à-dire présupposer le bien.
Celui qui attend le plus de l’homme est le mieux servi. S’il est clair que le professeur n’attend rien de bon,
l’élève se laisse tomber au niveau le plus bas. (Emile Chartier dit Alain)
T.14 : La personne est un absolu à l’égard de toute réalité matérielle. (Emmanuel Mounier)
T.15 : L’homme passe infiniment l’homme. (Blaise Pascal)
T.16 : La crainte d’imposer un effort intellectuel aboutit à ne plus rien imposer du tout. Si un élève déclare
qu’il n’a pas envie de faire des mathématiques ce matin, on lui répond en souriant qu’il n’a qu’à faire autre
chose. Ces méthodes tendent à économiser pour l’élève l’effort de l’intelligence, de la mémoire et de
l’attention. On pousse le respect de l’individualité jusqu’au refus de la former. On aboutit à faire des
individus ajustés qui n’offrent plus de résistance aux modes ou à la publicité. (Denis de Rougemont)
2.2. Apprendre à écouter l’autre en faisant le vide
T.17 : L’esprit se fait vide et pénétrable à l’autre. (Simone Weil)
T.18 : La manière dont se présente l’Autre, dépassant l’idée de l’autre en moi, nous l’appelons Visage. Le
Visage d’Autrui détruit à tout moment et déborde l’image plastique qu’il me laisse, l’idée à ma mesure.
Autrui me parle : je ne sais pas à l’avance ce qu’il va me dire. (Emmanuel Levinas)
2.3. Apprendre l’art du dialogue
T.19 : Le dialogue apprend aux interlocuteurs à se mettre à la place de l’autre donc à dépasser leur propre
point de vue. Grâce à leur effort sincère, ils découvrent par eux-mêmes et en eux-mêmes, une vérité
indépendante d’eux dans la mesure où ils se soumettent à une autorité supérieure : le LOGOS. L’individu
se transcende dans quelque chose qui le dépasse. (Pierre Hadot)
2.4. Se relier à l’autre en apprenant à se mettre à sa place : le collier de perles
T.20 : Si je ne suis que moi, suis-je encore moi ? (Talmud, traité Aboth)
T.21 : L’humanité est semblable à un collier de perles. La perle symbolise le caractère unique de chaque
personne. Quant au fil d’or qui relie les perles, il représente le Soi à l’intérieur de chacun qui nous relie à
tous les autres êtres. (Bhagavad Gîta)
T.22 : La vie et la mort, la souffrance et la joie, le jasmin derrière la maison, tout, tout est en moi.
(Etty Hillesum)
T.23 : Autrui me touche. Il m’incombe. La responsabilité pour autrui va jusqu’à la substitution. (Levinas)
T.24 : Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne
une loi universelle. (Emmanuel Kant)
Jacques de Coulon
Livres : Éditions Payot : L’art de l’étonnement ; Les méditations du bonheur ; Soyez poète de
votre vie (à paraître en septembre dans la Petite Bibliothèque Payot)
Éditions Jouvence : La philosophie pour vivre heureux ; Philosophie, 365 graines de
sagesse à cultiver