Eléments de corrigé DISSERTATION de S.E.S. TE1 Janvier 2011 En

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Eléments de corrigé DISSERTATION de S.E.S. TE1 Janvier 2011 En
Eléments de corrigé
DISSERTATION de S.E.S. TE1 Janvier 2011
En quoi le partage de la Valeur ajoutée influe-t-il sur l'investissement ?
Le sujet demande d’examiner une relation causale entre le partage de la valeur ajoutée (entre salaires et
profits) et l’investissement. Ceci exclut un plan de type dialectique : il ne s’agit pas de se demander si, oui ou
non, la valeur ajoutée influence l’investissement, puisque le libellé du sujet indique que la valeur ajoutée
influence l’investissement. Il faut examiner quelles conséquences les différents choix possibles du partage
(favoriser les salaires ou favoriser les profits) ont sur l’investissement.
Cela fournit une indication de plan possible : on peut se demander dans un premier temps comment la
stimulation des profits peut (ou a pu) favoriser l’investissement, puis voir les limites d’une telle répartition de
la valeur ajoutée (ce qui revient à se demander comment une répartition de la valeur ajoutée favorisant les
salaires encourage –ou décourage- l’investissement).
Introduction
Accroche : Après la crise, les entreprises ont reconstitué leur « cash » et, dans une certaine mesure, leurs
bénéfices, elles se remettent à avoir des politiques plus généreuses en faveur des actionnaires. En 2010, les
entreprises françaises du CAC 40 distribueront à leurs actionnaires 40 milliards d'euros de dividendes ce
qui constitue un record.
Problématique : Mais certaines voix s’élèvent alors pour dénoncer ces niveaux de profits jamais atteints,
qui en contractant la part des salaires dans la valeur ajoutée, brideraient la croissance. Les entreprises
auraient en effet les moyens d’augmenter leur stock de capital fixe, grâce à un taux de marge restauré (EBE/
valeur ajoutée), mais ne le feraient pas faute de débouchés. De fait, l’investissement des firmes en 2010
aurait faiblement diminué ( -1,5%) en volume. Faut-il alors privilégier les salaires et remettre en cause la
politique conduite depuis 1983 en France, visant à restaurer le taux de marge ? Il s’agissait alors de
répondre à dégradation de la compétitivité de l’économie française : l’augmentation forte de la part des
salaires dans la valeur ajoutée s’était en effet traduite par un sous-investissement massif, une dégradation
du commerce extérieur, la montée du chômage. Politique qui a montré des effets positifs, mais connaît peut
être aujourd’hui ses limites.
Annonce du plan : En effet, la stimulation des profits des entreprises peut être un facteur favorable à
l’investissement, en jouant sur leur capacité et leur volonté d’investir (I), toutefois, elle peut s’avérer non
seulement insuffisante (les profits peuvent trouver d’autres utilisations et d’autres déterminants que le profit
sont nécessaires pour qu’une firme investisse) mais également décourager la consommation et donc la
volonté d’investir (II)
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I/ La stimulation des profits des entreprises peut être un facteur favorable à
l’investissement
Annonce sous-parties I. : La restauration des profits peut avoir un effet positif sur l’investissement, comme
en témoigne la célèbre phrase du Chancelier allemand E.Schmidt : « Les profits d’aujourd’hui sont les
investissements de demain (et les emplois d’après demain). Ce raisonnement d’inspiration néo-classique
nous rappelle en effet que les profits jouent à la fois sur la capacité d’investir (les profits passés, A) et la
volonté d’investir (les profits anticipés, B).
A- La restauration des profits a une influence positive sur la capacité d’investir…
1- Elle permet de disposer de capacités d’autofinancement permettant un financement interne
- Rappel des modes de financement de l’investissement (distinction financement interne et financement
externe, et de leurs déterminants respectifs : épargne / taux d’intérêt)
- Restaurer les profits, c’est restaurer les capacités d’épargne (et donc d’autofinancement) des entreprises.
Or, un constat s’impose : il y a une assez bonne corrélation positive entre taux d’épargne des entreprises et
taux d’investissement.
2- Ce financement interne est moins inflationniste et moins coûteux que le financement externe.
- Une épargne abondante (de la part des entreprises, comme des autres agents économiques) est
synonyme de fonds prêtables, donc de baisse des taux d’intérêt, permettant à son tour de stimuler
l’investissement par effet de levier.
- La situation française des années 1974-83 en fournit un contre-exemple.
Subissant la baisse de leur taux de marge (- 3 points entre 1978 et 1982), les entreprises n’ont pu trouver
dans le financement externe un mode de financement alternatif pour leurs projets d’investissements, compte
tenu des taux d’intérêts réels fortement positifs dus à l’inflation forte de ces années-là. Elles durent alors
renoncer à leurs projets, mettant à mal leur compétitivité, ce qui s’est traduit par la hausse du chômage.
B- … mais également sur la volonté d’investir
1- La restauration des profits augmente aussi la rentabilité économique des investissements
- L’investissement est un coût pour les entreprises, dont le but principal est la maximisation de leurs profits.
Pour qu’il y ait investissement, il faut donc que le rendement anticipé de l’investissement (le taux de profit)
soit supérieur à son coût (approximé par le taux d’intérêt réel).
- La restauration des profits permet d’augmenter la rentabilité économique du capital investi et en ce sens
constitue une incitation à investir. (doc.6)
2- Elle joue aussi sur la compétitivité des entreprises et la substitution du capital au travail
- La désinflation qui résulte d’un financement « sain » de l’investissement (sans recours au crédit bancaire,
donc à la création monétaire) augmente la compétitivité des firmes. Elles vendent plus, produisent plus et
pour cela investissent davantage. Ce cercle vertueux passe par un gain de compétitivité-prix, mais aussi de
compétitivité structurelle puisque l’investissement est un vecteur de l’innovation. Ce fut l’objectif affiché des
politiques de désinflation compétitive mises en place en France à partir de 1983.
- La volonté d’investir est déterminée par le coût relatif du travail par rapport au capital. Si la part des salaires
dans la valeur ajoutée augmente (sans être compensée par des gains de productivité équivalents), cela
renchérit le coût relatif du travail et les entreprises sont incitées à substituer du capital au travail, c'est-à-dire
à investir au lieu d’embaucher. Ainsi, est lue la période 1975-1983 en France par les économistes néoclassiques.
II/ Pourtant, la restauration des profits peut s’avérer non seulement insuffisante , mais
encore avoir un effet défavorable sur le niveau de l’investissement.
Annonces sous-parties II: Les enchaînements d’inspiration néo-classiques décrits plus haut n’ont pas
nécessairement trouvé confirmation dans la situation économique française des années 1983-2005, d’autres
déterminants de la volonté et de la capacité d’investir entrent en ligne de compte (A). En outre, un partage
de la valeur ajoutée trop défavorable aux salaires peut avoir un effet récessif nuisible à l’investissement
comme l’avait bien montré Keynes dès les années 1930 (B).
A- La restauration des profits peut ne pas être suivie d’une hausse de l’investissement
1- C’est ce qui s’est passé dans les années 1990 où on assiste à une déconnexion entre taux de marge et
taux d’investissement (doc.2). La corrélation positive vérifiée jusqu’alors n’est plus valide. Particulièrement
pour l'Allemagne.
2- Les entreprises peuvent en effet trouver d’autres utilisations à leurs profits : se désendetter (doc.6), verser
des dividendes aux actionnaires, racheter leurs propres actions (pour augmenter la valeur actionnariale),
mener des opérations de croissance externe (OPA, ce qui ne signifie donc pas nécessairement
développement de nouvelles capacités de production) ou même placer leur épargne, s’il s’avère que ces
placements rapportent plus que les projets d’investissement productif (ce qui peut être le cas lorsque les
taux d’intérêt sont élevés, comme au début des années 1990, doc3).
3- La déconnexion entre profit et investissement s’explique aussi par le fait que les profits ne sont pas le seul
déterminant de l’investissement. D’autres conditions sont aussi nécessaires : des capacités de production
saturées, la pression de la concurrence, une demande anticipée forte…
B- Or, la stimulation des profits peut décourager la consommation et donc la volonté d’investir
1- L’augmentation des profits va souvent de pair (sauf gains de productivité importants) avec la rigueur
salariale.
2- … Ce qui prive les entreprises de débouchés et donc de volonté d’investir. Cet argument keynésien met
l’accent sur l’effet négatif sur l’investissement de la rigueur salariale que suppose la stimulation de l’épargne
des entreprises par restauration des profits. Ainsi, peut s’enclencher une spirale récessionniste, que certains
voient à l’œuvre aujourd’hui dans l’atonie de la croissance du début des années 2000 (Doc.1)
3- Stimuler les profits et l’épargne des entreprises est inutile dans une logique keynésienne, car ce sont les
investissements qui font les profits et l’épargne, et non l’inverse. « Les entreprises gagnent ce qu’elles
dépensent » écrivait Keynes.
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Conclusion : Ainsi, la question des conséquences du partage de la valeur ajoutée sur l’investissement est
doublement complexe. D’un côté, il apparaît clairement que la restauration des profits a une influence
positive sur la capacité d’investir (puisqu’elle permet de disposer de capacités d’autofinancement permettant
un financement interne moins inflationniste et moins coûteux que le financement externe) mais également
sur la volonté d’investir (la restauration des profits augmente aussi la rentabilité économique des
investissements et joue aussi sur la compétitivité des entreprises et la substitution du capital au travail).
D’autre part, la restauration des profits peut ne pas être suivie d’une hausse de l’investissement (les
entreprises peuvent en effet trouver d’autres utilisations à leurs profits mais aussi parce que les profits ne
sont pas le seul déterminant de l’investissement) ; plus grave la stimulation des profits peut décourager la
consommation et donc la volonté d’investir.
Dès lors, plutôt que de dire qu’il faut un partage équilibré (quel équilibre ?) ou harmonieux (le partage de la
valeur ajoutée est par essence conflictuel), il semble alors judicieux de répondre en affirmant l’inutilité d’une
stimulation des profits (et de l’épargne des entreprises) dès lors que les firmes ne manquent pas de
capacités financières pour investir, mais plutôt de débouchés pour rentabiliser les investissements. Ce qui
semble correspondre à la situation actuelle…