DISSERTATION - ELEMENTS DE CORRECTION

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DISSERTATION - ELEMENTS DE CORRECTION
DISSERTATION - ELEMENTS DE CORRECTION
Comment le partage de la valeur ajoutée entre salaires et profits influence-t-il l'investissement ?
Remarque préalables
- Le type de sujet : il ne s'agit pas d'un sujet de discussion mais d'analyse. On vous dit que le partage de la valeur
ajoutée influence l'investissement, et on vous demande d'expliquer quelle est cette influence, et par quels mécanismes
elle se fait.
- Le partage de la valeur ajoutée : la valeur ajoutée se répartit entre les agents économiques qui ont contribué à sa
création. Les travailleurs (le facteur travail) perçoivent des salaires (auxquels on ajoute les cotisations sociales
patronales, qui constituent un revenu différé), l'entreprise (le facteur capital) perçoit l'EBE (= le profit) et l'État prélève
une part de la valeur ajoutée (aux alentours de 10 %).
- Les déterminants de l'investissement : la demande (celle qui existe à un moment donnée, et celle qui est anticipée
par les entrepreneurs), les profits (réalisés et escomptés), le taux d'intérêt (qui influence la profitabilité). Il apparaît donc
que stimuler les profits par un partage de la valeur ajoutée plus favorable à l'entreprise peut stimuler l'investissement.
C'est d'ailleurs ce que réclament la plupart des chefs d'entreprise. Cependant, un partage favorable au profit, cela
signifie aussi un partage moins favorable aux salaires, donc à la demande, ce qui peut à terme pénaliser les
investissements. C'est tout, l'enjeu du sujet : trouver un équilibre entre salaires et profits ...
Introduction : Au début des années 2000, les profits des entreprises augmentent sensiblement. Ce qui
a amené certains économistes à dénoncer des niveaux de profits trop importants qui brideraient la
croissance en limitant la part des salaires dans la valeur ajoutée. De fait, l'investissement des
entreprises n'a que faiblement augmenté en 2005 (+ 1,5 %). Faut-il alors remettre en cause la politique
conduite en France depuis 1983 et privilégier à nouveau les salaires dans le partage de la valeur
ajoutée ? Une telle politique avait alors pour objectif de restaurer la compétitivité de l'économie française
à un moment où l'augmentation de la part des salaires dans la valeur ajoutée s'était traduite par un
sous-investissement massif, une dégradation du commerce extérieur et une montée du chômage. Cette
politique a montré ses effets positifs, mais peut-être a-t-elle atteint aujourd'hui ses limites ?
I - La restauration des profits des entreprises peut stimuler l'investissement
Un partage de la valeur ajoutée favorable aux entreprises et à leurs profits peut avoir un impact positif
sur l'investissement (A). E. Schmidt, chancelier allemand ne disait-il pas « les profits d'aujourd'hui font
les investissements de demain et les emplois d'après-demain » ? En effet, des profits restaurés
améliorent la capacité d'investir des entreprises (B) mais aussi leur volonté d'investir (C).
A. Un partage de la valeur ajoutée favorable aux entreprises est bénéfique pour l'investissement
• Une faiblesse des profits a un impact négatif sur l'investissement : cas de la France à la fin des
années 1970 (documents 1 et 3).
• À l'inverse, une amélioration des profits améliore le niveau des investissements : cas de la
France au début des années 1980 (documents 2 et 3).
B. Les profits influencent positivement la capacité à investir
• Ils permettent de développer l'autofinancement (document 6).
 profits →  épargne →  autofinancement.
• Un constat : le taux d'investissement est lié au taux d'autofinancement, du moins jusque dans
les années 1980 (document 4).
• L'autofinancement est favorable à l'investissement car il permet de diminuer le coût de cet
investissement. Le recours au financement externe est limité lorsque la capacité
d'autofinancement est forte.
C. Les profits ont également une influence positive sur la volonté d'investir
• Des profits importants améliorent la profitabilité de l'investissement.
- Définition profitabilité : rentabilité économique – taux d'intérêt réel
-  profits →  rentabilité économique →  profitabilité →  investissement
• L'amélioration de la compétitivité des entreprises stimule aussi l'investissement.
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Faible recours au crédit bancaire : financement non-inflationniste qui permet à terme
d'améliorer la compétitivité des entreprises, ce qui stimule leurs ventes, et donc les incitent à
investir pour pouvoir produire davantage.
De plus, la baisse du coût relatif du travail par rapport au capital (du fait de la rigueur salariale
qui accompagne la restauration des profits) améliore aussi la compétitivité-prix des
entreprises, ce qui renforce le mécanisme précédent.
Transition : Un partage de la valeur ajoutée favorable aux profits des entreprises permet donc de
stimuler l'investissement. C'était d'ailleurs l'objectif de la politique économique menée en France après le
« tournant de 1983 » (document 1). Cependant, aujourd'hui, les profits des entreprises sont importants
sans que les investissements ne soient repartis à la hausse : le rétablissement des profits ne peut donc
garantir une augmentation de l'investissement, et peut même avoir des effets néfastes sur le niveau de
l'investissement.
II - La restauration des profits peut ne pas être suffisante pour rétablir
l'investissement, et peut même avoir des effets néfastes sur le niveau de
l'investissement
Les mécanismes décrits dans la partie précédente, d'inspiration néo-classique, n'ont pas forcément
trouvé confirmation dans la situation économique française après le milieu des années 1980. Cela peut
s'expliquer d'abord parce que le niveau de l'investissement dépend d'autres éléments que le seul profit
(A). Mais la rigueur salariale qui accompagne le rétablissement des profits peut également avoir un
impact négatif sur l'investissement (B).
A. L'augmentation des profits n'est pas forcément suivie d'une hausse de l'investissement
• Un constat : le maintien d'un taux de marge élevé depuis la fin des années 1980 s'est
accompagnée d'un taux d'investissement variable : il ne semble plus y avoir de corrélation
(document 4)
• Cette déconnexion s'explique de plusieurs façons. D'abord, les profits peuvent être utilisés pour
autre chose que pour l'investissement (document 2) : verser des dividendes aux actionnaires,
faire des opérations de croissance externe (OPA), racheter les actions de l'entreprise
(augmentation de la valeur actionnariale), placements financiers lorsque les taux d'intérêt sont
attractifs comme cela a été le cas dans les années 1990, désendettement (remboursement des
emprunts).
• Cette déconnexion s'explique aussi par le fait que le niveau de l'investissement ne dépend pas
seulement du niveau de profit. Entrent également en compte le degré d'utilisation des capacités
de production, l'intensité de la concurrence, le niveau de la demande anticipée, ...
B. La stimulation des profits peut décourager la consommation, et donc l'investissement
• La restauration des profits va de pair avec la rigueur salariale : gel des salaires, indexation ex
ante des augmentations de salaires sur les prix qui laisse peu de place à la négociation
salariale, faiblesse des augmentations accordées ... Politique salariale d'autant plus facile à
mettre en œuvre que le chômage élevé des années 1980-1990 permet de faire pression sur les
salariés pour modérer leurs exigences (document 1).
• Le constat : diminution de la part des salaires dans la valeur ajoutée après 1983 (document 3).
• La compression des salaires vient déprimer la demande de consommation des ménages. Les
entreprises voient donc leurs débouchés se réduire. La demande anticipée (Keynes) devient
plus faible, ce qui décourage l'investissement des entreprises (document 5).
Conclusion : Le partage de la valeur ajoutée est par essence conflictuel (les intérêts des salariés et de
l'entreprise sont contradictoires) : il semble donc difficile de déterminer un « bon » partage, ou un
partage « harmonieux » de la valeur ajoutée. En revanche, il faut, pour déterminer le partage de la
valeur ajoutée, prendre en compte l'ensemble de la situation économique. Favoriser les profits ne peut
pas être efficace si les entreprises ont déjà les capacités financières pour investir mais qu'elles
manquent de débouchés pour rentabiliser leurs investissements.