Construire des liens solides entre facility management et achat
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Construire des liens solides entre facility management et achat
© Photo Global View / Simon Schmitt / THINK TANK SOURCING & PURCHASE PROCESS Construire des liens solides entre facility management et achat Le 7e Congrès FM Interactif, organisé par Ki’Communications à Malines a attiré plus de 200 participants avec le thème « Achat et/en Facilities ». L’achat est évidemment lié au facility management, mais de plus en plus d’entreprises considèrent l’achat et le facility management comme deux disciplines distinctes, alors qu’elles sont étroitement liées. L ’achat est un processus stratégique. Le Facility Manager doit connaître son domaine et/ou déterminer dans quel cadre il peut ou doit mener la négociation d’achat. Ainsi, dans certains cas, la mobilité fait partie des achats négociés par le Facility Management, et dans d’autres non. Il en est de même pour les prestations IT dont l’achat, dans certaines entreprises, est très morcelé entre plusieurs départements. Il est donc important de comprendre l’historique d’une situation et de vérifier pourquoi certains achats ne sont pas du ressort du Facility Manager, surtout lorsque l’on est convaincu qu’il vaudrait mieux qu’ils le soient. Les achats de services et décisions relatives à l’environnement de travail, l’immobilier, la mobilité qui seraient effectués par d’autres départements auront une influence certaine sur ce qui est décidé au sein du domaine d’achat FM. Une concertation avec les autres acheteurs est dès lors indispensable. Il est communément admis que le Facility Management a la mission perpétuelle d’économiser. Mettre les fournisseurs sous pression pour pouvoir acheter moins cher constitue une méthode classique qui peut porter ses fruits à court terme, mais qui ne sera pas pour autant la bonne stratégie. Évidemment, nous souhaitons acheter à un prix serré, au « meilleur prix ». Mais quel est le meilleur prix ? On parle ici de qualité du service ou de produit mais qu’il convient de comparer à une offre semblable. Le danger est-il réel que le prix soit le seul critère déterminant dans l’achat, ou y a-t-il quand même encore de l’espace pour rémunérer une meilleure qualité et du service ? La relation et la communication entre le département FM et la direction des achats détermineront la manière dont les différents critères d’achat seront pondérés lors des appels d’offres. Le 7e Congrès FM Interactif a débuté par deux sessions plénières, suivies par de multiples groupes de travail, animés par des facility managers et acheteurs expérimentés. Nous avons assisté à ces débats et discussions et mettons en avant dans les pages qui suivent certaines opinions et des retours d’expériences venus de ces experts, et relatifs aux synergies possibles entre les divisions achat et Facility Management, aux opportunités à saisir et aux pièges à éviter. Eduard Coddé ✍ PROFACILITY GUIDE 2015 11 / THINK TANK SOURCING & PURCHASE PROCESS Mieux acheter ensemble « La Centrale de marchés des Pouvoirs Publics Flamands opère toujours sur la base du triangle utilisateur, acheteur et juriste », affirme Frank Geets, Administrateur Général de la Société Facilitaire des Pouvoirs Publics Flamands. Le Facility Management représente ici le client interne. Il est essentiel pour tout achat de définir précisément au préalable ce qui est souhaitable et voulu. Aujourd’hui, la procédure d’achat s’appuie trop souvent sur des situations et solutions que l’on pense déjà connaître, alors qu’il faut laisser assez de place dans les discussions avec les fournisseurs potentiels afin de favoriser une solution innovante. Sonder le marché est dès lors souhaitable pour en apprendre plus et mieux connaître l’offre disponible. Que ce soit en visitant les salons professionnels, en participant à des groupes de réflexions ou via l’échange d’expériences entre collègues. Après la phase exploratoire du marché, suit alors les phases : « Request For Information » (RFI) et « Request For Quotation » (RFQ). Pour cela, les cahiers des charges très stricts n’en disent malheureusement pas assez. Un contact personnel est souvent souhaitable pour mieux cerner et comprendre les attentes du client. L’acheteur veut comparer les offres, mais dans de nombreux cas, cellesci sont difficilement comparables. Heureusement, la loi sur les marchés publics est axée sur une sélection des meilleures pratiques. Elle établit au préalable des critères de sélection, ainsi qu’une pondération de ces critères, ce qui exclut le risque que seul le prix soit déterminant. Cette loi prévoit que tant les critères d’attribution que leur pondération doivent être communiqués et rendus publics. Par rapport au privé, cette transparence dans l’attribution des marchés publics relève donc d’une obligation légale. Lors de l’établissement d’un contrat, des SLA et des KPI réalistes doivent y être intégrés. C’est fondamental car après l’attribution d’un contrat, souvent négocié de façon très approfondie, le Facility Management doit ensuite collaborer pendant des années avec le fournisseur sélectionné. Le département achat et facility management doivent dès lors dialoguer fréquemment pour former ensemble un bon tandem. Acheter avec une vision d’entreprise « On peut se limiter à l’achat pur, ou aller plus loin en achetant avec une vision d’entreprise », affirme Frédéric Kain. Ce dernier a plaidé pour la prise en compte d’un mix d’intérêts lors de la préparation aux négociations d’un contrat. Siemens veut faire partie des « meilleurs employeurs ». C’est pourquoi les valeurs de l’entreprise doivent aussi se refléter dans la politique d’achat. Étant donné, par exemple, que la durabilité fait partie de ces valeurs, on ne peut courir le risque que le nettoyage ne soit pas durable et socialement responsable suite à une pression trop forte sur les prix. En tant qu’employeur, Siemens veut contribuer au bien-être des collaborateurs avec des éléments tels qu’un catering de qualité, des bureaux agréables et fonctionnels, l’accessibilité des bureaux avec 9 localisations, etc. « Cette politique est couronnée de succès car nos collaborateurs sont relativement fidèles à l’entreprise avec en moyenne une carrière dans l’entreprise proche des 25 ans. » Frank GEETS Administrateur Général de la Société Facilitaire des Pouvoirs Publics Flamands Frédéric KAIN Head of Location Manager SRE BE, Siemens 12 PROFACILITY GUIDE 2015 Chaque utilisateur le sait très bien, il faut développer une politique d’achat avec une vision d’entreprise qui soit favorable pour tout le monde. Par exemple, pendant longtemps, le café était gratuit, jusqu’à ce qu’un projet soit lancé avec un café expresso meilleur moyennant une participation modeste des collaborateurs. Le projet s’est heurté au début à la résistance des syndicats, mais s’est révélé finalement un grand succès. Siemens est très attentif au restaurant d’entreprise. Les coûts des repas sont supportés pour deux tiers par l’employeur, tandis que l’employé contribue lui-même à hauteur d’un tiers. Depuis quelque temps, un projet a été mis en place pour avec une offre de repas santé plus équilibrés, sans surcoût pour le travailleur. Succès immédiat : la demande pour ce type de repas a quintuplé en l’espace de trois mois. Frédéric Kain : « Le catering est un service typique relevant des achats réalisés par le facility management, mais de nouvelles initiatives et de nouveaux projets sont souvent plus facilement adoptés lorsqu’ils sont discutés en concertation avec les responsables des RH et appuyés par la direction RH. » Bernard de Keyzer Acheter plus efficacement pour conserver davantage de trésorerie Selon Kris Van der Veken, le « cash » est plus que jamais le sang de toute organisation et tant le Facility Management que l’Achat peuvent offrir une valeur ajoutée considérable en conservant davantage de trésorerie disponible. Pour des sociétés tertiaires, le Facility Management représentant le deuxième des trois postes de dépenses les plus importants d’une organisation, Kris Van der Veken a indiqué qu’un pourcentage d’épargne à un seul chiffre réalisé par le FM a le même effet qu’un doublement du chiffre d’affaires pour l’organisation. Là où auparavant les divisions Facility Management et Achat étaient souvent opposées, une collaboration constructive entre les deux est aujourd’hui plus que souhaitable. Le Facility Management peut influencer positivement l’Achat en le conseillant sur l’outsourcing et la différenciation. Avec un achat plus efficace et un pilotage plus ciblé des achats par le Facility Management, il resterait plus de cash dans l’organisation pour appuyer le core-business. L’outsourcing du service facilitaire est monnaie courante, mais aujourd’hui de nombreuses organisations sont déjà dans un stade d’outsourcing de services multiples et groupés avec un fournisseur unique. Selon Kris Van der Veken, le travail avec un « main contractor » en tant que fournisseur multiservice peut à terme mener aussi à externaliser le pilotage FM et aboutir à une gestion intégrée du FM avec ce fournisseur (iFM). La structure FM traditionnellement épaisse et large au sein de l’entreprise est dès lors ramenée par l’iFM à une structure FM mince. Kris VAN DER VEKEN Freelance Senior Consultant et Interim Manager FM L’iFM gagne du terrain « En 2011, les dépenses mondiales en iFM (integrated facility management) représentaient 353 milliards de dollars ; en 2013, ce montant s’élevait à 640 milliards », a déclaré d’emblée Werner Donckers, Director Global Corporate Services HP. La part de l’iFM dans la totalité des dépenses facilitaires a augmenté en deux ans de 12 à 15 %. L’Europe a elle aussi enregistré une augmentation de 20 à 27 milliards de dollars. La Grande-Bretagne mène la danse avec une part d’environ 40 %. En 2006, HP travaillait avec quelque 800 fournisseurs dans le monde. Aujourd’hui, ce nombre a été réduit à un seul. Dans une première phase, HP a fait le pas vers un contrat iFM pour chacune de ses trois régions. Finalement, ceci a été ramené à un seul contrat mondial. « Le stratégique est resté en interne, tandis que le tactique a été sous-traité », résume Werner Donckers. L’offre de partenaires qui montraient de l’intérêt pour un contrat iFM de cette ampleur s’est avérée être limitée à moins de dix ! Avant de passer aux négociations sur un contrat iFM, il est nécessaire de mettre de l’ordre dans ses propres affaires. Sous-traiter des problèmes est hors de question ! Que payons-nous aujourd’hui pour quelle prestation de service ? Quels sont les besoins spécifiques et les législations à respecter pour chaque pays ? Avec 800 fournisseurs, il était exclu pour HP d’atteindre un niveau de prestation uniforme. C’est pourquoi un « Performance based contract » de 300 pages a été établi définissant les résultats à atteindre. Le contrat a été conclu avec un prix de base global dans tous les pays, mais le contractant iFM le scinde par pays. En outre, il y a de l’espace pour des missions en marge du contrat de base avec un choix libre du (des) fournisseur(s). Des KPI ont été fixés pour pouvoir évaluer et comparer les prestations fournies. Mensuellement, une réunion d’évaluation est tenue avec le HP Location Manager et un responsable du prestataire de services FM. Werner DONCKERS Director Global Corporate Services, HP PROFACILITY GUIDE 2015 13 / THINK TANK SOURCING & PURCHASE PROCESS Le client et le fournisseur ont une vision différente Patrick Waûters a évolué dans sa propre carrière passant d’acheteur à Facility Manager. Il met en exergue qu’un contrat all-in peut engendrer de nombreux surcoûts. La division Achat souhaite un contrat étanche, qui offre toutes les sécurités nécessaires. Le fournisseur établit le contrat sur la base du cahier des charges. Les divergences entre les attentes et les prestations offertes sont souvent présentes dans la pratique. Ceci est dû aux cahiers des charges appliqués qui sont rarement actualisés et épurés. Une réflexion approfondie est nécessaire et préalable à l’externalisation de certains services, définissant mieux les résultats attendus et les risques possibles et acceptés. Il existe un corollaire évident entre les attentes de l’entreprise et la détermination du prix par les fournisseurs. Un prix convenu qui soit all-in pour une prestation aboutit souvent à une tarification qui est soit trop élevée, soit trop basse. Pour déterminer le prix final, Patrick Waûters recommande de privilégier une combinaison entre une partie fixe convenue et une partie variable en fonction du résultat obtenu. Le client attend un « service de qualité »… une réalité différente pour chacun, qu’il convient de préciser et objectiver. L’utilisation d’un progiciel FMIS peut contribuer grandement à définir précisément les attentes et besoins, pour ensuite fixer les KPI nécessaires liés aux SLA et produire un reporting régulier qui soit adapté. Patrick Waûters insiste sur le fait que le facility management n’est pas une science exacte, et que c’est en outre une discipline encore assez jeune. Il déplore souvent le manque et la pauvreté de la communication entre la tripartite – département Facility Management, Achats et les fournisseurs – sur les prestations réelles des services facilitaires. Patrick WAÛTERS Freelance Senior Consultant FM 14 PROFACILITY GUIDE 2015 Rationaliser l’achat « La situation existante présentait une offre très large de fournisseurs pour un service encore plus largement répandu », décrit Benny Gers, Consultant & Project Lead Procurement EMEA pour Cochlear/Progressio. Non seulement beaucoup de services ont été achetés, mais ils étaient aussi souvent achetés de manière décentralisée, locale, ce qui rendait la gestion particulièrement complexe. En outre régnait une mentalité « ce que nous faisons nous-mêmes, nous le faisons mieux », générant le développement de nombreux services en plus des services achetés. Ce fut dès lors une décision logique de procéder à l’outsourcing de tout ce qui ne faisait pas partie du core-business de l’entreprise, leader mondial d’implants auditifs. Aujourd’hui, il y a un Facility Manager externe contre 2,5 ETP internes auparavant. Là où le service facilitaire était, avant, un enchaînement d’exceptions, la standardisation est aujourd’hui la norme. « L’achat est aujourd’hui basé sur les besoins réels et plus sur le plaisir d’avoir », conclut Benny Gers. Il faut s’interroger sur la personne qui devrait prendre l’initiative dans un processus aussi radical de rationalisation et de standardisation. Très souvent, l’initiative est prise par la division qui utilise le plus un service donné, mais ce n’est pas forcément la meilleure approche. Il vaut mieux laisser s’exprimer les capacités et donner la préférence à des personnes ayant la compétence la plus élevée. Il est par ailleurs nécessaire d’ôter au maximum tous les doutes et points de désaccord avant de poursuivre le processus d’achat proprement dit. Il est conseillé de rédiger un « statement of work » (SOW) qui décrit dans le détail toutes les attentes, le service à fournir, le timing, les conditions d’achat, etc. Il s’agit d’une tâche très complexe et difficile, qui sera de préférence traitée en équipe. Benny GERS Consultant & Project Lead Procurement EMEA, Cochlear/Progressio Bernard de Keyzer Permettre au Facility Management d’avancer plus vite Belgacom a vu son personnel fondre, passant de 30-40.000 collaborateurs à 15.000 aujourd’hui, ce qui va évidemment de pair avec une inoccupation des bâtiments et une chute des besoins facilitaires. D’autre part, Belgacom est présent d’une manière ou d’une autre dans quasi toutes les communes belges. « Les bâtiments et installations sont très différents de nature et d’ampleur, ce qui débouche sur un très large éventail de besoins de maintenace et de services facilitaires », explique Yves Bertholomé, Head of Infrastructure & Facilities Management. Aujourd’hui, il s’agit de 1400 bâtiments et d’une superficie totale de 1,4 million de mètres carrés. Cela signifie notamment l’entretien de 4000 aircos et de 400 générateurs de secours. Le budget pour assurer le fonctionnement quotidien atteint 60 millions € par an. Le département facilitaire compte 500 ETP, soit nettement moins d’un collaborateur par bâtiment. De plus, les services facilitaires internes sont démantelés. Un des défis consiste à favoriser une collaboration optimale entre les gens chargés des services facilitaires internes et externes. Le département achat est adapté aux 4 business units et consacre annuellement 2,1 milliards d’euros pour quelque 5500 fournisseurs. « Le défi permanent consiste à faire fonctionner l’ensemble », résume avec concision Marc Smet, Head of Procurement Operations & Services. « Les budgets sont comprimés, ce qui oblige à mieux acheter. Une nouvelle politique d’achat a été établie qui favorise la meilleure offre et pas le prix le plus bas. » Il faut constamment réfléchir aux bâtiments qui sont encore nécessaires et à la manière dont l’entretien peut correspondre au mieux aux besoins. Souvent, les bâtiments existants ne sont pas adaptés aux nouveaux produits et services. Dans certaines situations, le Facility Management doit bénéficier de libertés pour aller plus vite que la voie normale d’achat. Marc SMET Head of Procurement Operations & Services, Belgacom Yves BERTHOLOMÉ Head of Infrastructure & Facilities Management, Belgacom Réduction des coûts par le partenariat « La réduction des coûts constitue un objectif commun à l’Achat et au Facility Management », souligne Peter Bottelberghs, Responsable Facilities & Achats UZ Antwerpen. « Viser un partenariat ouvre les meilleures perspectives pour réaliser cet objectif ». Il existe une grande similitude entre la mission des deux départements au sein d’une organisation, d’où l’intérêt de développer ensemble une seule vision avec une seule stratégie et une seule gestion opérationnelle. Rassembler les forces débouche sur de meilleurs achats. En prospectant ensemble, l’achat comprendra mieux ce qui est concrètement nécessaire. Ceci entraîne des délais plus courts pour les appels d’offres et une utilisation optimale du nombre d’ETP disponibles. Les processus doivent être constamment actualisés pour pouvoir effectuer à tout moment la bonne demande. Chaque demande doit être remise en question et ne peut être le résultat de copies incessantes de demandes préalables. L’Achat et le Facility Management évoluent alors chacun de réactif à proactif. Au sein de l’UZ Antwerpen, les imprimantes ont connu une multiplication sauvage, avec finalement plus de 600 modèles différents pour lesquels des stocks de consommables (cartouches d’encres) devaient être gérés. Cette croissance sauvage a été arrêtée suite à une étude sur le prix de la page imprimée. La commande d’imprimantes individuelles a été stoppée, le parc d’imprimantes a été radicalement uniformisé, l’entretien a été sous-traité et l’organisation paie un prix fixe par page. Le contrat avec le partenaire court sur une durée de 72 mois. Peter Bottelberghs : « L’accent lors de l’achat s’est déplacé. Il est désormais mis sur le processus et plus sur le prix. » Cette mesure a non seulement entraîné une réduction de coûts, mais depuis lors les utilisateurs impriment également moins. Peter BOTTELBERGHS Responsable Facilities & Achats, Hôpital UZ Antwerpen PROFACILITY GUIDE 2015 15