(Le FM est mort. Vive le FM !>

Transcription

(Le FM est mort. Vive le FM !>
DOSSIER
T
FAC]LITY
Interview
Y]ANAGEI"] ENT
juin derniet, lors d'une matrnale du Sypemr, Xavrer Bai'c- :,::logue du
cabinet Atemis, professeut associé à lUnrversrté de Versailles Saint uenr,- 3-"/yslines et
professeur affilié à 'ESCP Europe, lvrait à l'assembiée un < état des lreux sai-;':.d > du
marché du facility nranagement, un secteur qu'ilestrme être < à la croisée des.rer-t-rins >,
Le 30
Pour lui, un changement de paradigne s'lmpose.
(Le FM est mort. Vive le FM !>
Après avoir mené une
étude de plusieurs mois et
rencontré formellement
une dizaine de dirigeants
d'entreprise de FM et autant
de donneurs d'ordres, quel
est votre principal constat
concernant la situation
actuelle de cette filière ?
Côté donneur d'ordres colrme
prestataire, j'ai observé un
prises étendues>, sous conditions
d'un partage de la valeur ajoutée, C'est pour tous une
ambition
légitime et pertinente ! Dans le
mouvement de spécialisation et
de professionnalisation actuel,
i1 y a de la place pour le FM, l'intégration et la professionnalisa-
les innovations? En matière de
faciiity management, ils sonttoujours responsables mais ils ne sont
pius compétents.Iis sont donc en
quête d'expertise. Pas seulement
Xavier'Baron,
sociologue
du cabinet Atemis
alloués à l'encadrement.
nierie sociale.
Les déceptions en matière
de FM seraient donc
Comment les FMeurs viventils cette situation difficile ?
uniquementliées à des
pratiques d'achats ?
Dit ainsi, le constat est brutai, il
1es
compétences sont appauvries et
les moyens octroyés au facility
management se réduisent conti-
tion des services aux occupants
Toute la faute ne peut
pas être rejetée sur 1e <vilain ache-
et auxbâtiments. Toutefois, cette
teur). Les clients aussi disent
ambition est contrariée par des
injonctions contradictoires. Et
1es deux parties s'avèrent flnale-
leur frustration face au marché
dtr FM et à son offre actuelle.
Car de l'autre côté du miroir, les
FMeurs, prudents et en résis-
ment frustrées.
Quels types d'inionctions
contradictoires subit le
marchéduFM?
On demande aux prestataires
de oroposer des services de
62
sont
nuellement, notamment ceux
traitantes sont asphyxiées,
illi
! Oùr
concernant chacune des prestations séparément, mais au sujet
de la stratégie organisationnelle,
de l'évolution des modes de travall... Et pourquoi pas même, d'un
savoir-faire concernant le traitement des jeunes, I'introduction
du handicap, I'insertion professionnelle,., De nombreux décideurs attendent les FMeurs sur
ces sujets également, compte
tenu de leur expertise en ingé-
nomique et flnancière, I1 leur faut
obtenir tout cela à bas coût, Ils
veulent tout, mais sans le payer
! Résultat, 1es entreprises sous-
mou, mais un vrai consensus
de performance pour les < entre-
clientes s'impatientent
nologies et RSE. Les donneurs
d'ordres sont en quête d'offres
et d'innovations servicielles coconstruites, d'expertises organisationnelles, d'une véritable
ingénierie sociale,.. Pour autant,
leur consentement à 1a dépense
ne résiste pas à la pression éco-
consensus (somme toute assez
tout de même) sur la pertinence
économique du modèle FM. La
promesse est d'offrir un surcroît
qualité, alliant nouvelles tech-
Loin de
1à.
tance devant Ia spirale régressive
du 1ow-cost et la déflation sala-
positionnent comme des
> alors même qu'ils
devraientendosser un rôle < d'intégrateuru. Alors Ies entreprises
riale,
<
se
assembleurs
est discutable, mais j'ai rencontré
des
FMeurs qui n'y croient plus,.,
Des acteurs prudents, plutôt en
arrière main. Venant d'un métier
(l'énergie, 1a construction, la propreté...), i1s <yvont> surtout pour
que les autres n'y aillent pas àleur
place ! C'est moins une <offre de
valeut>, une vision du métier ou
du service quiles poussent à proposer du FM qu'un raisonnement
de type conservatoire, pour ne
pas devenir un fournisseur de 2nd
rang. lngénieurs, constructeurs,
ARSEG
IIIFtl
N0251 SEPTE14BRE 2015
t, ,t., i,, r! a:itirlrti, i!t::,,1r i;t iit,jitilfiit
i)irt l{,
Comment expliquer ce que
vous présentez comme un
manque d'optimisme mais
aussi devision stratégique ?
Le secteur du FM n'est pas né
pour se décharger de personnel
non cceur de métier. Le FM ne
peut plus se présenter uniquement ainsi. Ce modèle d'affaire
est mort. D'une belle mort d'ailleurs ! Il est simplement arrivé au
bout de ses possibilités.
Le paradigme doit donc être
réinventé. Vers quoi devrait
tendre le secteur ?
d'une vision servicielle ou d'une
Le FM est mort. Vive Ie FM ! Son
stratégie de performance mais
d'une faille créée par la trans!
tion de l'entreprise communautaire vers 1'entreprise étendue,
une entreprise qui se centre sur
modèle économique est resté
son cceur de métier, mais en exter-
nalisant le reste. Pour schématiser
à outrance, unjour, des clients ont
demandé auxpersonnes qui s'oc-
cupaient de la climatisation s'ils
ne pouvaient pas également s'occuper de la sécurité, de l'accueil
ou des ascenseurs,..
Etpuisqu'ils
étaient sur place ils ont répondu
<pourquoi pas ! ?>. Une logique
pragmatique a pris le pas sur la
construction d'une pertinence
de f intégration des services aux
occupants pour offrir une valeur
ajoutée renouvelée et élargie.
Résultat,
1es
FMeurs
se
retrouvent
dans la posture du dominé. Ils
semblent avoir assimilé que leur
métier est de permettre aux autres
de réaliser des économies, qu'ils
sont une solution d'ajustement
des effectifs et de la masse salariale, une possibilité de payer
SEPTEMBRE
2015 ARSEG Itlt0 N0251
trop longtemps englué dans des
i11,i,.11ri
lj..ritiit ir 1-|-.1:r:rtlii i,'t-
,
energéticien, spécialiste de propreté ou de restauration.., Chacun se regarde avec déflance et
refuse de devenir le sous-traitant
du voisin.
::\/iri'iù. 1 r',ri
r r.,
.l i)i ilir-) i:l'j('iilrltrilr:i iiil
des
logiques flnancières qui nivellent
les services vers le bas. Il doit
muer en passant d'un modèle
industriel de prestations techniques à un modèie de services,
créateur de valeur immatérielle.
C'est à cette condition que le secteur pourra se donner les moyens
de répondre efficacement à la
concurrence de la main d'æuvre
à bas coût, aux pratiques d'achat
destructrices, aux tensions sur la
qualité, etc. Un nouveau modèle
peut naître ! Au-delà de la prise en
charge de <commodités> externalisées, le FM peut démontrer
son utilité sociale et devenir un
métier à part entière.
Vous dites que le métier
de FMeur n'existe pas
vraiment. Comment
est-ce possible alors que ce
secteur pèse 5OO milliards
i)iii:tti|.r,,Ll
t- r;l-ll.,lr, r1itr.
r
Xlti,t'--.i
l',/i
iitlli
Entrer dans l'ère servicielle,
Disons qu'il n'existe pas au sens
sociologique du terme. Un métier,
c'est d'abord une offre d'utilité
sociale. Construire des maisons,
c'est offrir de quoi habiter, vendre
des voitures, c'est proposer de
quoi se déplacer... Les FMeurs
n'ont pas encoTe réussi à déflnir
1a 1eur. D'allleurs, même le terme
<facility management> ne parvient pas à trouver de traduction
française. C'est symptomatique !
réflexes de productivité indus-
trielle inadaptés et dans
,,,t1
ti.l'l:;ii,it:, r-ir.,,ltit ,::tri1t.ii:ri;:,r-i , i,t i
11il(
d'euros (lire aussi I'article
p.s2)?
itril,,
qu'est-ce que cela signifie
pouf les FMeurs ?
I1 s'agit de se positionner comme
les acteurs capables de valoriser et de développer les actifs
immatériels des clients, d'ac-
croître les capacités productives de leurs salariés. La valeur
aioutée de leurs services réside
dans la transformation de l'état
des bénéflciaires qu'elle
induit
(génération de performance,
de bien-être, etc.), Pour dépasser la livraison de prestations, il
Qu'est-ce qui manque au
FM et qui définit un métier,
faut changer 1e référentiel mais
aussi la relation entre les entre-
sociologiquement parlant
prises cllentes etles FMeurs. C'est
?
Une profession s'organise autour
de plusieurs éléments : des sys-
tèmes de pensées, des savoirs,
des outils spécifiques, des
valeurs et actions communes,
des cocies déontologiques...
construit avec
Elle
champions,
des mythes fondateurs, des
se
des
ensemble qu'ils pourront coconstruire les solutions adaptées,
dans une relation de conflance
s'inscrivant dans la durée. Il n'est
plus possible d'avoir d'un côté des
donneurs d'ordres méflants voire
paranoïaques et de l'autre des
FMeurs qui se placent en position
rituels d'intégration, pourquoi
de
pas même des uniformes, Tout
ceci manque au FM. Durantmon
étude, je n'ai pas trouvé non plus
d'université du facility management. Alors bien sûr, le secteur
est (jeuneD et les acteurs qui le
composent sont issus d'univers
très différents.Il est normal que
la création de son identité prenne
dutemps. Mais l'heure estvenue
pour lui de dépasser la culture
industrielle et d'entrer dans 1'ère
que les deux parties se parlent en
servicielle.
victimes. Il est indispensable
toute transparence. Les clients
sont prêts à écouter si on leur
parle de leurs problématiques.
La valorisation de
1a
co-construc-
tion. des investissements sur la
dimension humaine du métier
sont nécessaires au secteur pour
sortir par le haut des impasses
du modèle industriel et dégager
de nouvelles sources de
produc-
tivité dans l'usage des espaces
detravail.:
+

Documents pareils