La fée Pectine
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La fée Pectine
52 Aux fourneaux Migros Magazine 22, 31 mai 2005 «Je dois me taper sur les doigts pour ne pas en inventer de nouvelles recettes tous les jours.» La fée Pectine A Romainmôtier, Véronique Kinal crée des marmelades dont le seul nom charme et envoûte. Pour «Migros Magazine», elle passe au sel et s’attaque au poisson. n ce temps-là, à Budapest, «il se dessertes rangés avec soin, des odeurs racontait autant de blagues entre d’épices et de rose, des notes délicates deux stations de tram qu’en sept de bergamote et d’earl grey: le Pectinaannées passées aux Etats-Unis». rium. Depuis son enfance dans l’après-guerre Ouvert voici quelques années, après d’un pays à vif, Véronique Kinal trimballe avoir transité de domicile fixe en kitcheun humour juif et hongrois ravageur, un nette de fortune, il accueille des visiteurs «r» diablement roulé, un rire impétueux éberlués. A deux pas de l’architecture sacomme une cascade printanière. C’est crée des moines de Cluny, Véronique joue peu dire qu’elle a du répondant: on hésite ici de douces partitions de musique sucrée. avec elle entre le «Pêche, pomme débit de la Grandepoire, abricot, y’en Dixence, le babil a u-ne y’en a u-ne, fluide d’un salon de pêche, pomme, poithé, petit doigt rere, abricot, y’en n’a levé, et la blague pas z’une de trop.» féroce à s’exploser Dans ses recetdeux ou trois côtes. tes, contrairement Née de deux à la comptine, tout rescapés, elle fit est dosé miraculeuaprès eux «la prosement juste: messe de ne se donpêche de vigne au ner qu’au culte de poivre rose, («ma la vie» et on la sent Pamplemousse et bière blanche, nectarine au première osée»), pétrie de l’humour thé des moines ou melon à la menthe fraîche? papaye au gin et – caustique, corcitron vert, pruneau rosif, à la Woody Allen –, des déses- à l’orientale, bigarade et chocolat amer, pérés. Mais voilà, comme ceux qui ont gelée de thé earl grey, pamplemousse et éprouvé la labilité du destin, notre bière blanche (parmi les dernières-nées, Pectine (un de ses surnoms) sait que les un pur bonheur)…Vous en voulez d’autheures graves appellent un propos léger, res? Accrochez-vous, cent vingt sont en et qu’inversement la confiture est chose vente, sur quelque cent quatre-vingts bien trop sérieuse pour qu’on l’aban- répertoriées pour l’heure et «je dois me donne aux belles-mères. taper sur les doigts pour ne pas en invenPoussons donc la porte de sa bonbon- ter de nouvelles tous les jours», raconte la nière, au cœur du village de Romainmô- fée des petits pots gourmands. «D’abord tier, pour y découvrir des rayons et des parce que les clients me redemandent E Dans son magasin de Romainmôtier, Véronique Kinal propose cent vingt sortes de confitures. Migros Magazine 22, 31 mai 2005 Aux fourneaux 53 toujours les mêmes, ensuite parce que je n’aurais pas la force d’en fabriquer plus.» Davantage que des confitures Avec sa rondeur et son verbe goûteux, cette femme-là est ma foi une incarnation de la gourmandise sur deux pattes. Et de l’échoppe au site, en passant par son exquis petit bouquin*, on se lèche les doigts et on a envie de toutes les essayer, ces petites merveilles. Même si, elle en convient, les confitures restent avant tout une affaire de labeur, patience et travail de petit insecte obstiné. Rien que des fruits et du sucre – persifleront les oublieux du petit déj’ à qui il manque la case de la vraie douceur de vivre – et en plus, c’est même pas vrai, taratata, car ces confitures-là, madame, sont bien plus que de simples confitures. Parce que le pruneau au pinot noir et romarin est à faire «rougir de bonheur une viande blanche», que la poire au caramel est inouïe sur une tarte, la pêche de vigne au poivre rose simplement divine pour accompagner un gibier. Et on ne vous a encore rien dit du confit d’échalote à la truffe, ni de l’aigre-doux de raisin noir au vinaigre balsamique sur un foie gras… Parce que la griotte aux noix et à la cannelle est un baume pour les chagrins d’amour et que le pamplemousse au gingembre se mérite quatre jours durant, et que pour inventer la nectarine au thé des moines ou le melon à la menthe fraîche, il fallait en plus un talent fou de marieuse. Parce que le seul point commun de tous ces petits pots – au-delà de troisquatre principes inébranlables (rien que les meilleurs produits, des cuissons ultracourtes, etc.) tient finalement à leur faible dosage en sucre. La genèse de cette passion serait-elle à chercher du côté des onctueuses confitures de gratte-cul de son enfance. «Ma mère en fourrait une pâte levée qu’elle cuisait au four et nous dégustions ces butka, spécialité hongroise, avec un chocolat brûlant.» Non, sa mère est certes une cuisinière redoutable, mais «je l’ai vue plus souvent le nez dans un livre qu’une spatule à la main», dément-elle dans son rire à rebondissements multiples… 54 Aux fourneaux Arrivant à Genève à 20 ans, un peu par hasard, elle ne découvre l’art des confitures que bien plus tard, une demie vie de femme déjà accomplie, avec ses années à trimer dans diverses banques et sociétés au devenir plus ou moins hasardeux, à élever un fils à peu près seule. Non, l’histoire ne commence pas avant ce jour des années 1990 où Véronique vient de s’installer à la campagne et se découvre «millionnaire en temps: j’ai passé un après-midi à cuire des poires avec du sucre. Le résultat devait être assez bon, mais il manquait juste une tronçonneuse pour le couper». Véronique gamberge, bosse, jette et recommence, songe à marier la pêche de vigne au poivre rose, bref, travaille jusqu’à ce que le résultat ait enfin raison de son perfectionnisme et que tous les copains tombent à ses pieds, éperdus de bonheur gourmand: «C’est génial, tu devrais vendre tes confitures…» Elle s’inscrit au marché qu’une amie lui signale, puis à un autre, juste avant les Fêtes de fin d’année. L’émeute, ou presque. «Certains sont venus en acheter à 9 heures, ont goûté et sont revenus daredare à 16 heures, d’autres ont rameuté tous leurs potes»; le bouche-à-oreille, les premiers articles, l’appel d’un éditeur feront le reste. On vous le disait: cette fille-là est une dangereuse incitation au péché de gourVéronique Zbinden mandise. Migros Magazine 22, 31 mai 2005 Pour une fois sans confiture! Connue loin à la ronde pour ses divines confitures, Véronique Kinal l’est moins pour sa cuisine «salée» inventive, qu’elle réserve normalement à ses amis. Pour «Migros Magazine», elle prépare des joues de lottes sur son duo d’asperges et leur sauce safranée. Une recette de saison, simple et rapidement réalisée. Bon appétit! Coupez le tronçon dur des asperges vertes avant de les cuire dans de l’eau salée. Facultatif: enlevez la peau restant sur la joue de la lotte. Photos Nicolas Righetti/Rezo Le Pectinarium, Romainmôtier, 024 453 16 11, www.pectine.com, *«Confiture», Ed. Olizane, 2000. ANNONCE Les asperges blanches, elles, s’épluchent. Aux fourneaux Migros Magazine 22, 31 mai 2005 Joues de lottes sur duo d’asperges et leur fine sauce safranée La saison des asperges bat son plein. Profitons-en! Pour 4 personnes 12 asperges vertes (500 g) 12 asperges blanches (1 kg) Une douzaine de joues de lottes (ou 600 g, selon leur taille) 1 pointe de couteau de safran en poudre et autant de pistils 2-3 dl de crème fleurette (35%) Sel, poivre, huile d’olive Un petit bouquet de fleurs de saison, pour la décoration 1) Commencer par éplucher les asperges blanches, en éliminant le bout, si nécessaire, puis les cuire à l’eau bouillante salée durant 20-30 min., selon la taille). Mettre à infuser pendant ce temps le safran dans la crème; chauffer quelques instants, retirer au premier signe d’ébullition et réserver. 2) Nettoyer ensuite les asperges vertes en éliminant le tronçon dur, si nécessaire, et les cuire quelques minutes à l’eau salée. Egoutter, éponger dans un torchon; vérifier la cuisson des asperges blanches et procéder de même avec les vertes (10-15 min.) 3) Répartir harmonieusement les asperges vertes et blanches sur les assiettes; chauffer une poêle avec un peu d’huile d’olive et y passer brièvement les joues de lottes. Saler et poivrer. Réchauffer doucement la sauce safranée en rectifiant éventuellement l’assaisonnement. 4) Répartir ensuite les joues de lottes sur les assiettes et imaginer un décor avec la fine sauce safranée. Fleurir enfin les assiettes selon la saison et l’inspiration du moment. Astuces: Idéalement, suggère Véronique Kinal, on remplacera le safran par du matcha, cet étonnant thé vert à la douce amertume*. Parce que le contraste de goûts est encore plus subtil et que la sauce au matcha dessine un magnifique camaïeu de verts avec les asperges. Procéder comme pour le safran: infuser le matcha au préalable dans la crème, chauffer doucement, réserver. *dans les boutiques spécialisées et notamment au Pectinarium 55 Conseils culinaires Est-il nécessaire de précuire la pâte spéciale lasagnes déjà abaissée? La pâte abaissée de Jowa en vente à Migros ne nécessite pas de cuisson. Comme elle absorbe le liquide contenu dans la farce et la sauce, elle est à bonne texture très rapidement. Cette remarque est également valable pour la préparation des cannellonis. Il faut toutefois veiller que les feuilles de pâte soient recouvertes par la sauce ou la farce et non pas uniquement de fromage. Dans une recette marocaine, il était question de dattes coupées en dés. Le résultat s’est avéré plutôt collant. En lieu et place de petits morceaux, j’avais pratiquement une compote. Coupez d’abord les dattes en deux dans le sens de la longueur et enlevez le noyau. Puis roulez les moitiés ainsi obtenues dans du sucre glace ou de la farine. Il est alors facile de les couper en lamelles, puis en dés. De cette manière, les morceaux ne collent pratiquement plus entre eux et se mélangent mieux aux autres ingrédients. Besoin d’un conseil culinaire? Appelez-nous! 0901 240 244* Du lundi au vendredi de 9 à 12 h *première minute gratuite, puis Fr. 1.– par appel Par courriel: conseilsculinaires@ cuisinedesaison.ch Vous désirez devenir un cordon-bleu? «Cuisine de saison», le magazine culinaire de Migros: 12 parutions annuelles pour Fr. 25.– Commande ou numéro d’essai gratuit: tél. 0848 877 777** www.saison.ch **tarif normal de conversation