Histoire des Arts Thématique: Arts-Etats

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Histoire des Arts Thématique: Arts-Etats
Classe de 3ème
Histoire des Arts
Problématique: arts-histoire-mémoire(s)
Thématique: Arts-Etats-pouvoir
période XXème siècle
Où le cinéma de propagande d'Eisenstein montre comment la masse des anonymes peut être le moteur de l'histoire.
Présentation de l'auteur
Metteur en scène soviétique, Serguei Mikhaïlovitch Eisenstein est né le 23 janvier
1898, à Riga (Lettonie). Son père était architecte et sa mère appartenait à la petite bourgeoisie. Il fait des progrès rapides
à l'école et apprend plusieurs langues avec facilité. Il se passionne pour tous les arts. En 1915, il entre à l'Institut des
Ingénieurs Civils de Petrograd. En 1918, abandonnant ses études, il s'engage dans l'Armée Rouge et part, volontaire, pour
le front. Démobilisé en 1920, il devient metteur en scène et décorateur de théâtre ("Le Mexicain, d'après Jack London). Il
fait ses débuts au cinéma en 1923, avec Le Journal de Gloumov, un petit film burlesque inséré dans une représentation
théâtrale et publie, la même année, ses premiers écrits théoriques sur le "montage-attraction". En 1924, Eisenstein
travaille au montage de la version russe du Docteur Mabuse, de Fritz Lang et réalise son premier long métrage, La Grève.
L'année suivante, à l'âge de vingt-sept ans, il met en scène Le Cuirassé Potemkine. En 1928-29, c'est Octobre et La Ligne
générale. Il part pour le Mexique en 1930, pour y tourner Que Viva Mexico mais le film ne devait pas aboutir. De retour en
U.R.S.S., Eisenstein entreprend alors son premier film parlant, Le pré de Bejine, d'après Tourgueniev, qui demeurera
malheureusement inachevé. D'après une musique de Serge Prokofiev, il réalise en 1938 Alexandre Nevski, avec Nikolaî
Tcherkassov et prépare en 1941, Ivan le Terrible - avec de nouveau Tcherkassov - dont la seconde partie, comprenant des
séquences en couleurs, terminée en 1946, ne sera présentée qu'en 1958. Alité depuis plusieurs mois à la suite de troubles
cardiaques, Eisenstein meurt à Moscou, le 11 février 1948.
Analyse de l'oeuvre
Idéologie et mise en scène Le Cuirassé Potemkine accorde à l’épisode de la mutinerie
des marins du fameux navire de guerre une importance sociale et historique qu’il n’eut pas dans l’histoire. Il en est de
même pour l’escalier d’Odessa et sa fusillade, où il ne s’est rien passé en 1905; les événements se déroulèrent en réalité
sur le port en flammes et dans les faubourgs de la ville. La reconstitution cinématographique élève au rang de mythe la
répression dont la Russie fut le théâtre et s’inscrit résolument dans l’idéal révolutionnaire alors triomphant. Le cinéaste
refuse le choix d’acteurs professionnels et prend le parti de ne pas individualiser ses personnages. L’acte révolutionnaire
est alors vu comme une geste collective au sein de laquelle l’être n’a qu’un rôle fugitif. La révolte motivée, nous dit
Eisenstein, est une affaire de masse soudée dans une même abnégation de soi pour le progrès de tous. Seuls quelques
visages ou regards furieux d’anonymes répondant à la figure de la synecdoque (la partie pour le tout) émergent de temps
à autre de la masse en colère. Science du montage Eisenstein découpe l’espace de l’action et met l’accent sur quelques
Affiche originale du film
détails afin d’arriver à une cinématographie fondée sur la plastique des images - tels que le lorgnon du médecin-major ou
> photogrammes du film et escalier d'Odessa en 2005 >
le visage horrifié de la Bohémienne. «Il s’agit de réaliser une série d’images composées de telle sorte qu’elles provoquent
un mouvement affectif, qui éveille à son tour une série d’idées. Le mouvement va de l’image au sentiment, du sentiment
Présentation de l'œuvre
Générique
technique:
Réalisateur,
scénariste
(avec
Nina à la thèse ». Le choix du montage expressif (succession de plans par association d’images en conciliant l’approche
poétique et l’approche rationnelle), n’est plus là pour raconter une simple histoire mais pour conduire l’esprit du
Agadjanova), monteur Serguei M. Eisenstein
spectateur aux idées préétablies; c'est ce qu’Eisenstein a appelé le montage intellectuel (ou idéologique), initié dans Le
Résumé: En juin 1905, dans le port d'Odessa, les marins du Cuirassé Potemkine puis développé avec Octobre en 1927.
cuirassé Potemkine, qui reviennent de la guerre du Japon, se
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mutinent, poussés à bout par la viande avariée des rations. Rejoints Importance de l'œuvre Commandé à Eisenstein par les autorités soviétiques pour le vingtième anniversaire de
par une partie des officiers, ils jettent les autres par-dessus bord. La la révolution de 1905, ce film va devenir l'un de ses plus fameux chefs-d'œuvre, l'un des plus censurés aussi, y compris
population de la ville, enthousiaste, se mobilise pour leur porter des dans son pays, pour être parvenu à exalter la révolte des humbles avec trop de puissance (préambule écrit par Trotski,
évidemment soigneusement supprimé par ses successeurs, et les sous-titres originaux). S. M. Eisenstein fait d’un groupe
vivres. Mais la répression tsariste est en marche.
d’hommes et de femmes unis dans la même idéologie le véritable héros d’une fresque où triomphe la science du montage
nourrie de constructivisme et de symbolisme - notamment dans la séquence la plus célèbre de l'histoire du cinéma, le
Autres œuvres: Autres films de propagande : film de landau dévalant l'escalier monumental d'Odessa, où des soldats descendent d’une manière rythmée et machinale sur la
propagande nazi: le Juif Süss (1940), film de propagande étasunien foule en la bousculant, tandis que la mère agonise lentement sous les balles tsaristes; le plan utilise un travelling avant en
Naissance d'une Nation de DW Griffith, 1915, deux des films les plus plongée, façon de filmer révolutionnaire pour l’époque. À noter que lesdits escaliers sont en réalité tout petits, et que les
racistes de l'histoire du cinéma. Les impérialistes américains, extrait massacres de civils qui ont suivi la mutinerie du Potemkine ont eu lieu ailleurs dans la ville. Mais c'est la version
de Animated Soviet Propaganda, compilation de films d’animation d'Eisenstein qui a triomphé dans l'imaginaire du monde entier, comme la prise du Palais d'hiver faussement spectaculaire
soviétiques sur l’ennemi capitaliste vu d’URSS et
Make mine par lui orchestrée dans Octobre. Interdit pour son contenu social révolutionnaire pendant près de trente ans, ce film n’est
freedom, film d’animation, 10 min., USA qui est un manuel autorisé à la diffusion en France qu’à partir de 1953 !
d’hystérie anticommuniste à l’usage des jeunes enfants.
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Voir aussi les oeuvres de musique engagée étudiées avec M.
Dufreix et les oeuvres engagées étudiées en Lettres.
Pour Lénine « le cinéma est de tous les arts le plus important ». C’est la raison pour laquelle il signe dès 1919 un décret de nationalisation du cinéma qui donne le
monopole de la production et de la diffusion des films, précieux outil de propagande et d’éducation des masses, à l’État, décision très vite suivie par la création des
deux premiers instituts de cinéma au monde. Le nombre de films passe de 11 en 1921 à 154 trois ans plus tard et une nouvelle génération de cinéastes
révolutionnaires et talentueux accède à la réalisation et se lance avec enthousiasme dans des expérimentations artistiques de premier ordre.