Donner pour recevoir, est-ce le principe de tout échange

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Donner pour recevoir, est-ce le principe de tout échange
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Donner pour recevoir, est-ce le principe de tout échange ?
Introduction
1. Oui, donner pour recevoir est le principe
de tout échange
A. Les échanges sont la forme universelle de l’activité par laquelle les
hommes cherchent à satisfaire leurs besoins vitaux
Le don et le contre-don sont donc à la base même de toute société possible, de toute humanité possible, qu’il s’agisse d’un échange de nature
symbolique (la communication, le dialogue, les relations affectives…) ou
d’un échange marchand, échange de biens dont l’argent va très vite
devenir le vecteur.
B. L’échange est une condition de possibilité de la société, et la complémentarité va peu à peu trouver une nouvelle efficacité dans l’émulation
Dans l’échange, les hommes sont en effet en situation de mesurer leurs
talents respectifs, ces talents étant exacerbés par la comparaison et le
besoin de reconnaissance.
C. Les hommes ont intérêt à cohabiter sur la base d’une saine concurrence
Cette concurrence produit à long terme un surplus de biens, une plus
grande efficacité et un bonheur certain. Tous, pauvres ou riches,
concourent à l’enrichissement de la société en poursuivant leur intérêt
bien compris.
2. Non, donner pour recevoir n’est pas
le principe de tout échange
A. L’échange peut ne tendre que vers le bénéfice
Ne faut-il pas en effet savoir identifier, derrière cette émulation, ce que
la concurrence peut avoir de pernicieux ? L’émulation suppose que l’on
soit en situation de comparer la qualité des produits fabriqués. Or la
concurrence peut prendre une tout autre figure lorsqu’elle ne vise que
le produit de l’échange : ainsi on ne donne plus pour recevoir, mais pour
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recevoir plus que ce que l’on a donné. Tout l’effort consiste en ce que
l’échange nous soit bénéficiaire. Ainsi, c’est sur le « recevoir » que se
concentre l’échange et non sur le « donner ». C’est le moteur même d’un
échange ayant pour fondements les principes de l’économie libérale.
B. Dans ce cas, l’échange n’a pas pour objet l’amélioration de la condition
de tous dans la satisfaction mesurée des besoins naturels, mais bien
plutôt un désir d’enrichissement illimité qui est satisfait au détriment des
autres
C’est déjà ce que craignait Aristote lorsque l’argent fut introduit comme
monnaie d’échange : il n’est plus le moyen mais la fin de l’échange.
3. Tout échange ne valorise pas ce que l’on reçoit
au détriment de ce que l’on donne
A. La morale chrétienne nous engage à donner sachant que le don est
à lui-même sa propre récompense, une occasion de jouissance morale
en quelque sorte
B. On peut reprendre ce type de raisonnement d’une façon différente en
mettant en évidence ce que « l’estime de soi » peut avoir de déterminant
dans le bonheur humain
En effet, une société qui encourage une universelle concurrence entre les
hommes les dispose aussi à placer tout leur bonheur dans leur capacité
à consommer. Ce bonheur n’est-il pas particulièrement fragile ? C’est un
bonheur qui suppose une exaltation du désir dont on sait qu’il est souffrance aussi bien que jouissance à travers l’expérience du manque qui
lui est consubstantiel. De plus, ce bonheur se met à la merci de circonstances qui ne sont jamais absolument maîtrisables (chômage, faillite…).
Le don qui ne vise à rien d’autre qu’au don est bien sûr une forme
d’échange, mais ce qui est échangé, c’est ici de l’être et non de l’avoir.
Il s’agit ici d’un « supplément d’être » dont l’obtention ne dépend que de
nous et dont la permanence nous est garantie par l’estime de soi que
personne ne peut nous arracher.
Conclusion
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■ Ouvertures
LECTURES
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Adam Smith, La Richesse des nations.
Mauss, « Essai sur le don, Sociologie et anthropologie ».
Durkheim, De la division du travail social.
Marx, Le Capital, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t. I.