Distribution pharmaceutique€: Où va l`Europe

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Distribution pharmaceutique€: Où va l`Europe
Politique de santé International
Distribution pharmaceutique
Où va
l’Europe ?
LES RÉPARTITEURS
EUROPÉENS MILITENT EN
FAVEUR D’UNE NOUVELLE
RÉGLEMENTATION.
Les modes de distribution du médicament évoluent
en Europe sous l’emprise des nouvelles stratégies des
laboratoires. Les grossistes répartiteurs européens s’en
inquiètent et proposent de nouvelles pistes.
L
a distribution du médicament,
en plein bouleversement
en
Europe et particulièrement au
Royaume-Uni, n’échappera pas
à de nouvelles remises en cause dans
les mois à venir. En aval de la chaîne,
les grossistes leaders dans l’UE, se
sont d’ores et déjà positionnés pour
acquérir de nouvelles oicines et démultiplier les chaînes de pharmacies
partout où Bruxelles leur permettra,
demain, de le faire en levant un peu
plus encore les barrières au monopole
oicinal. Pour l’amont, les répartiteurs (ou wholesalers) full-line savent
que leur métier évoluera désormais au
rythme des mutations que connaît le
monde pharmaceutique. Un univers
au sein duquel dominent les produits
de spécialités dont la croissance sur les
cinq premiers pays européens est, selon IMS Health, de 10,6 %, soit deux
fois plus rapide que celle de ces mêmes marchés tous produits confondus
(+ 5,4 %), avec une contribution décisive à l’évolution globale de la pharma
européenne (83 %). Dans un contexte
également marqué par l’explosion du
marché des génériques, dont les volumes en croissance génèrent des lux logistiques importants mais des marges
de plus en plus restreintes, les grossistes se trouvent placés face à de nouveaux déis. Déis qui ont pour nom
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PHARMACEUTIQUES - SEPTEMBRE 2008
les ventes directes – croissantes sur la
décennie écoulée, elles atteignent plus
de 20 % du marché de détail en France
et 17 % en Allemagne –, le DTP ou
« direct to pharmacists », – instauré par
Pizer et quelques autres laboratoires
au Royaume-Uni où il représente déjà
24 % du marché de détail en valeur –,
et enin la distribution à l’hôpital, qui
représente 30 % du marché italien et
constitue l’activité principale de bon
nombre de dépositaires (ou pre-wholesalers). Le tout se déployant dans un
contexte de pression croissante sur les
prix – des princeps comme des génériques – et de faibles volumes sur les
nouvelles spécialités à forte valeur
ajoutée. « Les produits de spécialité
briseront de plus en plus la chaîne traditionnelle d’approvisionnement », explique dans ce registre en juin dernier
à Prague, Adel Al-Saleh, président Europe, Moyen-Orient et Afrique d’IMS,
au cours du congrès annuel du GIRP1.
Une chaîne que ce dernier voit bousculée par les importants lux de dispensation de médicaments à l’hôpital, les
nouveaux canaux de distribution qui
se mettent en place (home care aux
Pays-Bas ou en Angleterre), et bien sûr
par l’accroissement des ventes directes
des fabricants. « L’accès au patient va
fonctionner de manière diférente et le
pharmacien va, dans certains cas, être
exclu et, dans d’autres, accéder aux
médicaments diféremment », pronostique le président d’IMS qui estime
encore que nous allons voir émerger
« une plus grande diversité des canaux
de distribution ».
Repositionnements
Face aux nouvelles donnes de la supply
chain du médicament en Europe, les
acteurs de la distribution ont d’ores
et déjà pris leurs marques et se préparent à déployer de nouvelles stratégies. Au Royaume-Uni, Richard
Barker, directeur général de l’ABPI,
conirme que les modèles de distribution pharma sont, avec le DTP, en
train de changer, sans impact notable
sur la disponibilité des produits. Le
schéma de régulation pharmaceutique des prix (PPRS) n’y est pas sans
doute pas étranger, dans un système
de santé national qui incite fortement
les oicinaux à vendre leurs produits
au moindre prix et/ou à rechercher de
meilleurs marges au besoin en ayant
recours aux importations parallèles.
Sur ce marché très « libéral » où l’intégration verticale est autorisée, de
même la possession de plusieurs oicines, et où les supermarchés vendent
aussi bien de l’OTC que du princeps
et où encore les acheteurs locaux du
NHS redoublent d’initiatives pour
DR
négocier les prix, les trois principaux Nouveaux modes
répartiteurs assurent près de 90 % des de rémunération
livraisons et possèdent près de la moi- Dans les rangs des full liners allemands
tié des pharmacies de détail, rappelle ont cours d’autres questions relatives
volontiers le dg de l’ABPI. « De nou- à l’avenir des marges de la distribuveaux modèles vont se généraliser », tion de produits pharmaceutiques
ajoute ce dernier en évoquant le DTP (280 000 outre-Rhin). Pour homas
initié par Pizer et ses clones, le « pres- Trümper CEO d’Anzag et président
tataire logistique tiers » (AstraZeneca) de l’association allemande des grossisou encore « le prestataire de services tes répartiteurs (PHAGRO), deux délogistiques » (GSK). « L’intégration veloppements contrarient la position
verticale ultérieure de pharmacies par de la répartition dans son pays. Le
les répartiteurs va compliquer le
premier est relatif aux baisses
tableau, mais ces changede prix répétées que subisments ne semblent pas
sent les médicaments
concerner le gouvernesous diverses formes
ment anglais », ajoute
(imposition de prix
Distribuer des
ce dernier en juin au
de référence, rabais
génériques
GIRP. En prise avec
obligatoires sur les
des lux croissants
génériques, pratidevient moins
de contrefaçons, souques de rabais entre
rentable
vent « portés » par les
caisses maladies et
importations parallèles
fabricants, etc.) dans
dans les circuits intérile cadre des plans de
eurs d’approvisionnement, ce
redressement de l’assuranmême gouvernement sait pourtant
ce-maladie qui se sont succédés
que « l’intégrité de la chaîne d’appro- depuis plus d’une décennie. Le sevisionnement est un enjeu majeur ». cond est la croissance des ventes diRaison pour laquelle, l’ABPI, comme rectes des laboratoires (voir tableau).
ses homologues européens à l’EF- Dans un contexte économique très
PIA, dont le Leem3, plaide pour un chahuté, distribuer certains médibannissement du reconditionnement caments, et surtout des génériques,
pharmaceutique – diicile à mettre en devient de moins en moins rentable
œuvre – et se prononce en faveur de explique le président de la chambre
l’introduction d’un code DataMatrix syndicale allemande, qui propose un
généralisé à tous les produits circulant nouveau mode de rémunération des
en Europe.
prestations des répartiteurs sous forme
d’un taux de marge « logistique » ixe
SOURCE : CHAMBRE SYNDICALE DES RÉPARTITEURS ALLEMANDS (PHAGRO)
Évolution des ventes directes dans différents pays de l’UE
Allemagne
Italie
de 0,93 euros par emballage traité et
un taux maximum de 3 % pour les
produits à prix élevés. La proposition
est pour l’heure encore en débat outreRhin où les répartiteurs estiment que
la distribution de génériques est notamment devenue non rentable.
Plus au Sud, l’Espagne, terreau historique des exportations parallèles vers l’Europe du Nord, est en prise avec d’autres
problèmes. Miguel Valdés Garaizabal,
directeur général de la fédération des
répartiteurs espagnol (Fedifar) rappelle
que dans le système national de santé
ibérique, les grossistes sont les garants
de l’approvisionnement en médicaments. « Avec l’introduction par Pizer
du modèle DTP au Royaume-Uni, nos
grossistes, associations de pharmaciens
et autorités de santé ont réalisé que notre système de distribution était en danger », conie le directeur de Fedifar, qui
rappelle que la loi du 26 juillet 2006 sur
les garanties et sur l’usage rationnel des
médicaments et des produits médicaux
a permis d’adapter la législation espagnole aux nouvelles directives sur le médicament. Mais les textes en vigueur qui
garantissent l’approvisionnement des
répartiteurs par les fabricants demeurent
à ses yeux encore trop généraux. Aussi
sa fédération négocie-t-elle un nouveau
texte qui soit de nature à préserver, sinon renforcer, le statut des répartiteurs
dans le système de santé. Car nombre
de laboratoires, Pizer en tête, suivi de
Jansen, MSD, Lilly, AstraZeneca et Sanoi-Aventis, ont adopté en Espagne un
système de double prix4 – ou de prix
libres – pour barrer la route aux importations parallèles. D’autres ont instauré des systèmes de quotas. Autant de
contraintes que les répartiteurs vivent
mal et qu’ils souhaitent voir surmontées
par une nouvelle réglementation. n
Royaume-Uni
Belgique
Jean-Jacques Cristofari
Suisse
Autriche
Finlande
Irlande
Luxembourg
Portugal
Espagne
Suède
(1) Groupement international de la
répartition pharmaceutique, cf. Pharmaceutiques n° 158, juin-juillet 2008.
(2) Association of the british pharmaceutical industry
(3) Cf. « L’EFPIA met le paquet », Pharmaceutiques n° 158, juin-juillet 2008
(4) Ces laboratoires livrent des répartiteurs – sélectionnés - à un prix supérieur
au prix officiel. Une fois les médicaments
dispensés aux officines espagnoles, les
grossistes reçoivent un rabais qui couvre
la différence. Cette procédure empêche
les exportations parallèles.
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