Distribution officinale : Quelles perspectives en
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Distribution officinale : Quelles perspectives en
Distribution officinale Quelles perspectives en France ? Instauration du libre service à l’officine l’an prochain, possible ouverture du capital, menaces à terme sur le monopole officinal… L’année 2008 marquera-t-elle la première étape d’une dérégulation du circuit officinal français ? P lusieurs réformes visant à déréguler la distribution oicinale sont intervenues dans plusieurs pays européens au cours de ces dernières années : l’Allemagne, en 2004, a remis en cause le principe d’indivisibilité de la propriété et de la gérance de l’oicine. Désormais, un pharmacien allemand peut contrôler jusqu’à quatre oicines. Fin 2006, plus de 8 % des oicines étaient ainsi devenues des iliales d’une autre pharmacie. En Italie, des produits de prescription médicale facultative peuvent être distribués en dehors de l’oicine depuis juillet 2006. Cette même année a été marquée au Portugal par la in du monopole oicinal. Aux Pays-Bas, les supermarchés sont autorisés depuis 2002 à commercialiser des spécialités d’automédication non soumises au monopole oicinal, à condition qu’elles soient dispensées par des droguistes diplômés. En Suède, le gouvernement met in à partir de 2009 au monopole que l’Etat détient sur la distribution pharmaceutique (via Apoteket AB). Parallèlement à ces réformes, la Commission européenne a lancé en 2007 une ofensive contre quatre pays – l’Autriche, l’Espagne, l’Italie et la France – pour entrave à la libre circulation des capitaux et à la liberté d’établissement. Le 21 mars dernier, la Commission a adressé aux autorités françaises une lettre de mise en demeure concernant la loi française d’indi- 42 PHARMACEUTIQUES - DÉCEMBRE 2007 visibilité de la propriété et de la gérance de l’oicine. Il s’agit de la première étape d’une procédure d’infraction au Code communautaire qui pourrait aboutir à la saisine de la Cour européenne de justice d’ici 2009. L’exception française Au regard des expériences européennes et des processus de dérégulation entamés récemment en Italie, au Portugal et en Allemagne, les autorités de notre pays peuvent-elles continuer à se prévaloir du principe de « l’exception française » ? Il semble bien que la libéralisation du secteur oicinal en France soit inéluctable à terme. Et ce, pour plusieurs raisons : • La dérégulation de la distribution pharmaceutique va dans le sens de la politique européenne de suppression des monopoles dans les principaux secteurs de l’économie (électricité, services postaux, transport ferroviaire et aérien), • La maîtrise des coûts de distribution constitue depuis plusieurs années une préoccupation des pouvoirs publics. L’oficine est le seul secteur à ne pas avoir entamé de profondes rationalisations et remis en question son organisation. Les pharmaciens ne supportent pas directement le coût d approvisionnement de leur oicine. Livrer deux à trois fois DR Dossier Officine par jour u n e même oicine, avec en moyenne trois produits par ligne de commande, induit des coûts élevés pour les répartiteurs. D’autre part, la taille actuelle du réseau est surdimensionnée dans certaines régions et déséquilibrée dans sa répartition démo-géographique. L’approvisionnement des oicines en surnombre génère là-aussi pour les répartiteurs et les laboratoires des coûts non justi és, • L autorisation du libre service à l o cine pour certains produits d’automédication ouvrira une brèche pouvant entraîner à moyen terme l ouverture de ce segment de marché à la grande distribution. L’exemple italien le démontre actuellement. • certains arguments contre ce processus de dérégulation, avancés par le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP) et les syndicats de pharmaciens, apparaissent plutôt « faibles ». L’effet levier de la sortie du monopole En premier lieu, sur la question du capital des oicines et de l’indépendance des pharmaciens. Quel sens ou contenu donner à cette indépendance ? Dans les faits, le pharmacien est de plus en plus dépendant sur le plan économique et inancier de son groupement, de son grossiste, de ses laboratoires fournisseurs, de son banquier… La véritable indépendance est celle qui permet d’assurer le développement de son activité et de ses revenus. Elle ne relève pas d’un statut. L’adhésion à une chaîne ou à une enseigne « intégrée » peut être considérée comme bénéique pour un réseau. Elle permet de disposer de moyens inanciers plus importants pour investir dans la formation du pharmacien et de son équipe, optimiser le référencement et l’agencement de l’oicine, développer de nouveaux services… Le Royaume-Uni démontre que les oicines a liées à des chaînes sont souvent plus dynamiques et plus novatrices en matière de services et d’ofre produits. Autre pilier de l’exercice oicinal : celui du monopole oicinal. Les arguments avancés contre sa levée pour les produits d’automédication reposent sur une confusion entre le monopole oicinal et le monopole pharmaceutique. La protection des intérêts de santé publique, l’éducation thérapeutique du patient et le conseil sont du ressort du pharmacien diplômé. Que ce pharmacien exerce dans une oicine dont il est propriétaire ou dans un point de vente dont il est salarié – parapharmacie, drugstore, oicine « shop-in-shop » dans une GMS – n’a pas de rapport avec la qualité de l’acte de dispensation. Certes, la sortie du monopole oicinal de certaine spécialités d’automédication remettrait en cause l’équilibre économique actuel de nombreuses oicines mais : • Elle obligerait le pharmacien à développer une approche véritablement commerciale de ce marché et à renforcer la dimension « conseil » de l’acte de vente, • Elle créerait des conditions plus favorables au développement de l’automédication (libre service, meilleure visibilité des prix, politique de prix plus compétitive), • Elle pourrait favoriser le recentrage de l exercice o cinal sur les missions les plus valorisantes : développement de la prévention dans le cadre de priorités de santé publique, prescription pharmaceutique dans le cadre de renouvellement d’ordonnances, gestion des dossiers pharmaceutiques, suivi de patients soufrant de pathologies chroniques… Nouvelles opportunités Outre les impacts sur l’économie du réseau, une éventuelle dérégulation du circuit aurait pour conséquences : • La montée en puissance des enseignes de pharmacies, en faveur de celles les mieux gérées et structurées autour de concepts solides (groupe HPR, Forum Santé, Direct Labo, Plus Pharmacie…), même si ces concepts sont fortement susceptibles d’évoluer dans les années à venir. Les enseignes fédèrent actuellement 6 à 7 % des oicines, ce qui est inalement relativement important eu égard à la jeunesse de ces organisations et à l’attachement réputé viscéral des pharmaciens à leur indépendance et à leur autonomie de gestion, • Un rapprochement entre certaines de ces enseignes (ou certains groupements) et les répartiteurs, comme le laisse augurer l’entrée récente de Phoenix Pharma dans le capital de Plus Pharmacie, • Et pour les laboratoires pharmaceutiques, le renforcement des stratégies marketing à l’oicine qui pourront se traduire pas des accords de référencement, des actions de formation pour le titulaire et son équipe, d’avantage de collaborations dans le cadre d’actions de prévention et de programmes d’accompagnement patients… Autant de nouvelles opportunités de partenariats aujourd’hui insuisamment développés et qu’une réorganisation du circuit autour de réseaux plus structurés et intégrés devrait faciliter. n Hélène Charrondière 43 DÉCEMBRE 2007 - PHARMACEUTIQUES