Réponse inflammatoire et polytraumatisme : mise au point

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Réponse inflammatoire et polytraumatisme : mise au point
Réanimation 15 (2006) 568–575
http://france.elsevier.com/direct/REAURG/
Mise au point
Réponse inflammatoire et polytraumatisme : mise au point
Inflammatory response and polytrauma: an update
K. Asehnoune*, A. Édouard†
Service d’anesthésie–réanimation, unité propre de recherche de l’enseignement supérieur–équipe d’accueil (UPRES–EA 392), CHU de Bicêtre,
Assistance publique–Hôpitaux de Paris (AHHP), 94275 Le Kremlin-Bicêtre cedex, France
Disponible sur internet le 07 novembre 2006
Résumé
Le polytraumatisé (PT) sévère décède fréquemment d’un syndrome de défaillance multiviscérale (SDMV). Le SDMV précoce est inflammatoire et associé à une infiltration massive des organes par des polynucléaires neutrophiles (PNN). Le SDMV tardif est septique et associé à une
diminution sélective de production de cytokines pro-inflammatoires en réponse à une stimulation ex vivo par du lipopolysaccharide (LPS). Les
toll-like recepteurs (TLRs) sont un composant fondamental de l’immunité innée. TLR2 et TLR4 jouent un rôle dans la reconnaissance des
bactéries et des molécules endogènes de danger. TLR4 reconnaît le LPS des bacilles Gram négatif et TLR2, les composants des bactéries
cocci Gram positif. L’étude des voies TLR2 et TLR4 représente donc un intérêt particulier pour l’étude du SDMV d’origine traumatique. Les
TLRs présents sur les monocytes et les polynucléaires jouent un rôle majeur dans l’inflammation et son contrôle au travers de voies de signalisation aboutissant à NF-κB et aux MAP kinases. Il a récemment été démontré que, le niveau d’activation de NF-κB et de ses kinases de régulation après une stimulation ex vivo de TLR4 était corrélé au devenir des patients dans le cadre du SDRA, et du polytraumatisé sévère. Le
développement de techniques de « monitorage immunologique » permettra dans un futur proche de déterminer quels sont les patients à risque
de développer des complications post-traumatiques afin de leur administrer le traitement le plus adapté. Cette nouvelle approche est porteuse
d’espoir quant au développement de thérapeutiques « immunomodulatrices » enfin efficaces car administrées à des patients sélectionnés sur des
critères adaptés.
© 2006 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Multiple organ failure (MOF) remains the leading cause of death after severe trauma. The systemic inflammatory response syndrome (SIRS)
and the neutrophils that accumulate in organs are critically involved in early MOF. Late MOF is septic, and associated with a selective decreased
capacity of patients’ monocytes to produce proinflammatory cytokines in response to endotoxin (LPS) ex vivo. Toll-like receptors (TLRs) are a
critical component of innate immunity. Within the TLR family, TLR2 and TLR4 sense specific microbial products and danger associated molecular patterns. TLR4 senses the LPS from Gram negative bacteria, and TLR2 senses bacterial products from Gram positive bacteria. Studying
TLRs pathway is of particular interest in the setting of post-traumatic MOF. TLRs on immune cells (neutrophils and monocytes) play a major
role in the creation and the control of inflammatory processes through the signaling pathways of NF-κB and MAP kinases. Recently, it was
demonstrated that early alterations in leucocytes activation patterns, particularly involving the ability to activate NF-kappaB and regulating
kinases after an ex vivo TLR4 stimulation of immune cells, contribute to subsequent clinical course in ARDS and severe trauma. The development of immunomonitoring will help in the selection of patients at risk of post-traumatic complications, and thereby, the choice of the most
Abréviations : CARS, Compensatory anti-inflammatory response syndrome ; CRP, C-reactive protein ; FRO, Fractions réactives de l’oxygène ; HSP, Heat
shock protein ; ICAM, E-selectine molécules d’adhésion ; IKKs, Kinases activatrices de NF-κB ; ISS, Injury severity score ; LPS, Lipopolysaccharide ; MAPK,
MAP kinase ; NF-κB, Facteur de transcription nucléaire κB ; PN, Polynucléaire neutrophile ; SAC, Staphylococcus aureus souche cowan ; SDMV, Syndrome
de défaillance multiviscérale ; SDRA, Syndrome de détresse respiratoire aiguë ; SIRS, Syndrome inflammatoire réactionnel sévère ; TLR, Toll-like recepteur ;
TNF, Tumor necrosis factor.
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (K. Asehnoune).
†
in memoriam.
1624-0693/$ - see front matter © 2006 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.reaurg.2006.10.011
K. Asehnoune, A. Édouard / Réanimation 15 (2006) 568–575
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appropriate treatment protocols. Finally, there is reason to believe that future studies may demonstrate a beneficial role for immunomodulatory
therapies in carefull defined groups of patients.
© 2006 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Polytraumatisme ; Défaillance multiviscerale ; Marqueurs inflammatoires ; Immunité ; HLA-DR ; Pronostic
Keywords: Polytrauma; Multi organ failure; Inflammatory markers; Immunity; HLA-DR; Clinical outcome
1. Généralités cliniques
Le traumatisme grave reste aux États-Unis, la première
cause de mortalité au cours des 30 premières années de vie.
Schématiquement, la mortalité attribuable au polytraumatisme
survient au cours de trois périodes distinctes. Durant la première période « immédiate » (premières heures posttraumatiques), le décès est lié à des lésions neurologiques irréversibles conduisant à la mort encéphalique ou à des complications circulatoires du fait de la rupture de gros vaisseaux
thoraciques ou abdominaux. Il semble peu probable que le progrès des techniques médicales puisse améliorer significativement cette mortalité immédiate. Au cours de la seconde phase
dite « précoce », le décès survient généralement du fait de
lésions passées inaperçues ou non traitées initialement (plaies
hépatiques ou des dilacérations spléniques…). L’évolution des
techniques diagnostiques et la création de centres spécifiques
ont permis une diminution considérable de la mortalité à cette
phase. Malheureusement, certains patients présentant un traumatisme grave (Injury severity score [ISS] > 25 dans une
échelle allant de 0 à 75) décèdent d’un syndrome de défaillance
multiviscérale (SDMV) sans qu’aucune amélioration significative de mortalité n’ait été observée à ce jour. Il a été récemment
démontré que, le SDMV était dû à une dysrégulation prolongée
de l’immunité innée et acquise aboutissant à la constitution
d’un processus autodestructeur d’origine immun se traduisant
par des lésions d’organes souvent non concernés par l’impact
initial. Ce syndrome se présente comme une cascade de défaillances à l’origine de laquelle le poumon occupe une place prédominante. La défaillance circulatoire est une atteinte tardive
souvent annonciatrice d’une évolution défavorable.
2. Physiopathologie du syndrome de défaillance
multiviscérale post-traumatique
Eisman et al. ont pour la première fois introduit le terme
« Syndrome de Défaillance Multiviscérale » pour décrire
l’évolution clinique de patients présentant des défaillances
d’organes secondaires à un choc hémorragique [1]. La moitié
de ces patients présentait un abcès intra-abdominal au moment
du diagnostic de SDMV [1]. L’infection a donc été ajoutée au
choc hémorragique comme facteur de risque de survenue de
SDMV. Il a ainsi été suggéré que le SDMV constituait
l’expression fatale d’un état infectieux méconnu. Faist et al.
ont précisé la cinétique de survenue du syndrome en décrivant
deux modes de survenue du SDMV : une forme précoce,
essentiellement due à une dysrégulation immunitaire, sans
sepsis apparent, et une forme tardive compliquant un état sep-
tique passé inaperçu [2]. D’autres études ont confirmé cette
classification en précisant toutefois que, quel que soit le délai
de survenue du SDMV, une cause infectieuse n’est pas toujours mise en évidence en particulier dans le cadre des syndromes précoces [3]. Enfin, Norton et al. ont confirmé que l’infection n’était pas l’étiologie unique du SDMV en montrant que le
drainage systématique d’abcès intra-abdominaux chez des blessés présentant ce syndrome n’améliorait pas le pronostic des
patients [4].
Finalement, on peut dire que les patients polytraumatisés
sévères (ISS>25) présentent tous un syndrome inflammatoire
réactionnel sévère (SIRS) initial. Cette réponse est probablement bénéfique à la phase précoce post-traumatique et se
résout spontanément à la guérison des patients. Cependant
lorsque le syndrome inflammatoire est exagéré ou prolongé,
les patients rentrent dans une phase de SIRS « malin » pouvant
évoluer vers le syndrome de détresse respiratoire aiguë
(SDRA) et le SDMV.
La réponse immunitaire consécutive à un traumatisme grave
et à un état de choc hémorragique est précoce, puisqu’elle
débute au cours des premières minutes qui suivent l’accident.
Elle est caractérisée par l’activation des polynucléaires neutrophiles (PN), de l’endothélium, des macrophages et des lymphocytes. De nombreuses études soulignent la responsabilité
majeure de ces cellules inflammatoires ; c’est le cas en particulier des PN dans le développement d’une lésion pulmonaire
aiguë (acute lung injury) ou d’un SDRA. En effet, l’activation
des polynucléaires et leur séquestration viscérale aberrante
notamment au niveau des poumons, sont des événements clés
qui précipitent l’évolution du sujet vers une défaillance d’organes précoce [5]. Les polynucléaires activés libèrent des facteurs
cytotoxiques dans les organes cibles, telles des fractions réactives de l’oxygène (FRO), des enzymes protéolytiques (élastase). Ces facteurs jouent un rôle déterminant dans la clairance
bactérienne, mais ils sont également, en cas de réponse excessive et/ou inappropriée, à l’origine d’inflammation voire de
nécrose viscérale, en l’absence de processus infectieux.
L’étude histologique des poumons de patients morts au cours
de l’évolution d’un SDRA a mis en évidence l’abondance
anormale de polynucléaires dans la microcirculation pulmonaire [6]. L’administration d’anticorps monoclonaux dirigés
contre certains composants du complexe réceptoriel d’adhésion
des polynucléaires aux cellules endothéliales (antiCD11b/CD18), diminue significativement la lésion pulmonaire
aiguë au décours d’un sepsis expérimental [7]. Ces faits supportent la théorie du « microenvironnement » suggérant que
l’adhésion des polynucléaires à l’endothélium vasculaire est
une étape cruciale dans le développement d’une lésion au
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niveau de l’organe cible. Cette activation cellulaire entraîne
également une augmentation de la synthèse et de la mise en
circulation de médiateurs de l’inflammation dont les plus étudiés sont les cytokines. Les cytokines suivantes sont abondamment retrouvées au décours d’un traumatisme grave :
● les cytokines pro-inflammatoires : elles stimulent la production et le relargage d’autres cytokines, et favorisent la « réponse
de phase aiguë » hépatique (acute phase response) [8] : le
tumor necrosis factor (TNF), l’interleukine (IL)-1, l’IL-6 et
l’IL-8 ;
● les cytokines anti-inflammatoires inhibent la synthèse de
cytokines pro-inflammatoires : l’IL-4, lL-10, -11 et -13, ainsi
que le transforming growth factor (TGF)-β.
3. Compartimentalisation de la réponse inflammatoire
post-traumatique
Toute agression sévère suscite, on l’a vu, une réponse
inflammatoire généralisée qui est un phénomène normal et
nécessaire pour assurer la cicatrisation, la défense et la stérilisation des tissus lésés. Mais elle génère également une réponse
anti-inflammatoire pour limiter les effets potentiellement néfastes d’un syndrome inflammatoire excessif. L’équilibre entre les
deux types de réponses pro- et anti-inflammatoires semble
déterminer le pronostic des patients. L’hypothèse d’une discordance immunologique a été évoquée ; elle consiste en un déséquilibre complexe entre syndrome inflammatoire réactionnel
sévère (SIRS) et la réponse anti-inflammatoire compensatoire
(compensatoty antiinflammatory response syndrome, CARS)
[9]. Ce déséquilibre rend compte d’une part, des observations
cliniques de SDMV « SIRS dépendant », précoces et caractérisés par une inflammation tissulaire majeure, sans mise en évidence de foyer infectieux, et d’autre part de SDMV tardif
« CARS dépendant » caractérisé au contraire par une anergie
leucocytaire du compartiment sanguin favorisant la survenue
d’infections ultérieures.
Nous développerons dans un premier temps le concept de
« première et de seconde agression » qui sous-tend la survenue
du SDMV précoce « hyper-inflammatoire » SIRS dépendant
puis du SDMV tardif secondaire à l’anergie leucocytaire sanguine « CARS dépendant ».
3.1. Inflammation tissulaire « Première et Seconde agression »
La « restimulation » précoce du système immunitaire au
décours du traumatisme (première agression) par un ou plusieurs évènements même modérés telle une intervention chirurgicale ou une infection (seconde agression ) va entraîner une
exacerbation majeure de la réponse inflammatoire (Fig. 1).
Cette réaction inflammatoire aberrante est responsable de la
survenue d’un SDMV précoce. L’équipe de Ernest Moore a
modélisé les conséquences d’un traumatisme grave en termes
de défaillances d’organes en imposant cette notion de « modèle
à deux agressions » [9]. Dans ce modèle, le traumatisme initial
entraîne la libération de nombreux médiateurs de l’inflamma-
Fig. 1. Modélisation des conséquences d’un traumatisme grave en termes de
défaillances d’organes : modèle à deux agressions.
tion. Cette réponse initiale correspond au phénomène de « première agression ». De nombreux auteurs ont décrit le profil
immunobiologique correspondant à la première agression ; le
niveau de production des médiateurs inflammatoires étant
directement corrélé à la sévérité des lésions [10]. Obertacke
et al. ont mis en évidence une augmentation de la perméabilité
capillaire par des lavages bronchoalvéolaires précoces (avant la
sixième heure d’admission) chez des blessés graves [11]. Les
patients qui développaient ultérieurement un SDRA présentaient d’emblée une fuite capillaire plus importante que les
patients sans complication respiratoire majeure. Le rôle d’une
intervention chirurgicale au décours d’un traumatisme et agissant comme une seconde agression, a été largement étudié.
C’est le cas en particulier des ostéosynthèses par enclouage
fémoral [12]. La valeur prédictive d’une élévation préopératoire de médiateurs de l’inflammation (élastase, C-reactive protein [CRP], PN) a été étudiée chez 106 patients polytraumatisés
sévères subissant une intervention chirurgicale. La survenue
d’une défaillance d’organe postopératoire était prédite avec
une précision de 79 % par une élévation préopératoire de ces
trois paramètres [13]. Ces données confirment qu’une intervention chirurgicale même mineure pratiquée alors que la réponse
inflammatoire post-traumatique n’est pas résorbée constitue un
facteur de risque de survenue de dysfonction d’organes.
L’infection peut également jouer le rôle de « seconde agression ». Ogura et al. ont démontré l’importance de l’infection en
tant que « seconde agression » sur l’activation des PN et sur la
production d’interleukine-6 [14]. L’action potentiellement
dévastatrice du phénomène « seconde agression » infectieuse
ou chirurgicale est désormais validée par de nombreuses équipes [12], et le modèle biphasique à deux agressions de réponse
biologique et immunitaire soutient le développement de modèles expérimentaux permettant d’analyser les conséquences d’un
traumatisme grave.
3.2. Réponse anti-inflammatoire systémique
Au décours des traumatismes graves, une paralysie immunitaire systémique, précoce et prolongée qui fait suite au SIRS
initial a été mise en évidence. Cette immunosuppression joue
un rôle important dans la survenue de complications infectieu-
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ses et de SDMV tardifs. Elle est définie par trois caractéristiques essentielles :
● une diminution de la capacité des monocytes à présenter
l’antigène traduite par une diminution de l’expression membranaire de HLA-DR [15] ;
● une diminution des capacités leucocytaires de synthèse et de
production des cytokines pro-inflammatoires (TNF, IL-1,
IL-6 et IL-8) en réponse à une stimulation endotoxinique
(LPS) [16]. Cette anergie des leucocytes sanguins ressemble
au phénomène de tolérance aux endotoxines, particulièrement fréquent chez l’homme ;
● des concentrations plasmatiques élevées de cytokines antiinflammatoires sTNFR p55, IL-10 et IL-1ra ; la concentration de ces cytokines étant corrélée avec la mortalité des
patients [17].
Des phénomènes successifs ou concomitants d’immunostimulation (SIRS) et d’immunosuppression (CARS) peuvent
ainsi provoquer la survenue d’un SDRA et/ou d’un SDMV
au cours de la période post-traumatique.
4. Marqueurs de réactivité immunologique
Les marqueurs utilisés pour identifier les patients à haut
risque de complications secondaires sont répartis d’une part
en marqueurs sériques tels que la CRP, le TNF, l’IL-1β, l’IL6, l’IL-8, l’IL-10 et la procalcitonine (PCT), et d’autre part en
marqueurs d’activité cellulaire tels que la β2 intégrine CD11b/
CD18 (molécule d’adhésion présente à la surface des PN), les
molécules ICAM-1 (molécule d’adhérence endothéliale permettant la migration tissulaire des PN), la E-sélectine (molécules d’adhérence endothéliale) et HLA-DR (molécules de présentation de l’antigène à la surface des monocytes).
La concentration de CRP s’élève au cours des 48 heures qui
suivent le traumatisme, mais la CRP n’a pas de valeur prédictive des complications ultérieures. La PCT est produite par les
cellules c de la thyroïde. Des concentrations élevées existent
dans le plasma des traumatisés alors que ce peptide n’est pas
mis en circulation chez les sujets sains ; la PCT n’a pas non
plus de valeur prédictive du risque de complications posttraumatiques. Le TNF est l’un des régulateurs centraux de la
réponse inflammatoire aiguë. Il est impliqué dans le chimiotactisme et l’adhésion endothéliale des PN, la genèse de la fièvre,
l’apparition d’une hypotension. La demi-vie plasmatique du
TNF est courte. La persistance de concentrations circulantes
élevées de TNF chez les blessés a une valeur pronostique péjorative mais un traitement par des anticorps anti-TNF est inefficace. L’utilité du TNF en tant que marqueur pronostic chez le
traumatisé reste controversée. L’IL-1 et l’IL-8 ont des propriétés comparables à celles du TNF ; ces cytokines ne sont pas des
marqueurs de gravité fiables. En revanche, les concentrations
circulantes d’IL-6 sont corrélées avec la gravité du traumatisme
et avec la survenue ultérieure d’un sepsis lorsque l’expression
de cette protéine est prolongée [18]. Dans ce cadre, le rapport
IL-6/IL-10, reflet de l’ambivalence immunostimulation/immu-
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nosuppression semble améliorer la sensibilité de l’IL-6 comme
indicateur de gravité. En effet, ce rapport a été corrélé à la
sévérité de l’atteinte viscérale et au pronostic après un traumatisme grave [19].
En ce qui concerne les marqueurs d’activité cellulaire, des
résultats discordants ont été publiés à propos de la valeur pronostique des molécules d’adhérence endothéliale (ICAM-1, Esélectine) et de la molécule d’adhérence leucocytaire CD11b/
CD18. De tous les marqueurs d’activité cellulaire existant à
l’heure actuelle, HLA-DR est le seul à avoir donné des résultats concordants. Le rôle principal de cette molécule située à la
surface des macrophages est la présentation antigénique aux
cellules lymphocytaires permettant ainsi le déclenchement de
la réaction immunitaire cellulaire adaptative. L’expression de
HLA-DR est un indicateur des capacités de présentation des
motifs antigéniques infectieux et un reflet des capacités de
défense de l’hôte contre les pathogènes. Des valeurs convaincantes de sensibilité et de spécificité de ce marqueur ont été
rapportées en termes de prédiction du pronostic posttraumatique [15].
Finalement, la sévérité du SIRS à l’admission des blessés
reste un marqueur performant de mortalité et de durée d’hospitalisation. Actuellement, l’IL-6 et HLA-DR sont les seuls marqueurs biologiques de l’inflammation en mesure de prédire
l’évolution clinique et le pronostic au décours d’un traumatisme grave. Le dosage plasmatique de l’IL-6 est notamment
devenu un examen de routine dans des centres de traumatologie nord-américains.
5. Réponse individuelle, apports de la génétique
Les variations interindividuelles sont fréquemment mises en
cause pour rendre compte des différences d’évolution et de
pronostic entre des patients présentant des lésions traumatiques, et des facteurs de risque de défaillances secondaires comparables. Des prédispositions génétiques sont probablement
responsables de ces évolutions différentes chez des patients
similaires. Certains individus sont génétiquement « programmés » pour développer une réaction inflammatoire plus ample
à une agression septique ou traumatique. Un polymorphisme
génétique concernant le récepteur aux immunoglobulines présent sur les PN (CD-16) est notamment associé avec une altération des fonctions de phagocytose [20]. De la même manière,
l’expression membranaire faible ou importante de HLA-DR est
une caractéristique génétiquement déterminée [21]. Il existe
également un polymorphisme d’une paire de bases situé en
position 308 sur le gène du TNF ; ce polymorphisme est associé avec la survenue de sepsis et avec un pronostic posttraumatique défavorable [22]. Des résultats identiques ont été
obtenus au cours du choc septique dont la mortalité était corrélée à l’existence d’un polymorphisme sur le gène du TNF [23].
Des polymorphismes sur le gène de l’IL-6 ont été corrélés avec
l’importance de la réponse inflammatoire [24]. Enfin, des polymorphismes présents sur le gène de l’IL-10 permettent d’envisager l’idée d’un contrôle génétique partiel de la réponse
immunitaire et inflammatoire post-traumatique [25]. Ces études
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récentes démontrent l’existence d’une sensibilité génétiquement déterminée à l’infection. Il est donc probable que le génotype des patients victimes d’un traumatisme sévère influence la
survenue d’un sepsis ou d’un SDMV. La connaissance des
polymorphismes d’intérêt dans le cadre de la réponse inflammatoire post-agressive concernant notamment les gènes des
cytokines, permettra dans les années qui viennent d’adapter
les thérapeutiques au génotype des patients.
6. Immunothérapie et marqueurs du futur : rôle des TLRs
et de NF-κB
Le choc traumatique entraîne essentiellement des lésions
d’ischémie et de reperfusion tissulaires. L’ischémie globale,
responsable d’hypoperfusion tissulaire, est causée par l’état de
choc hémorragique qui peut être associé à des fractures osseuses et à des contusions viscérales. La reperfusion succède à la
mise en jeu des mécanismes compensatoires et à la réanimation
du blessé qui associe souvent le remplissage vasculaire, et la
perfusion de médicaments vasopresseurs. Les lésions hypoxiques tissulaires sont aggravées par la réoxygénation brutale. Un
lien entre les dommages cellulaires initiaux liés à l’agression
oxydative et l’inefficacité de la régulation inflammatoire a été
mis en évidence, et implique la mise en circulation de molécules particulières appelées « molécules de danger ». Les toll-like
receptors (TLRs) sont une composante fondamentale de
l’immunité innée qui reconnaît spécifiquement des éléments de
micro-organismes (bactéries, virus, levures, champignons,
parasites) mais également les molécules endogènes de danger
mises en circulation après un polytraumatisme. Les TLRs sont
présents sur la membrane cellulaire des cellules de l’immunité
innée (monocytes–macrophages, PN). Au sein de la famille des
TLRs, deux récepteurs jouent un rôle majeur dans la reconnaissance des bactéries et des molécules endogènes de danger. Il
s’agit de TLR-4 qui reconnaît le LPS des bacilles Gram négatif
et de TLR-2 qui reconnaît des éléments membranaires de bactéries Gram positif. Probablement plus qu’aucun autre membre
de la famille, TLR-4 est à la croisée des phénomènes inflammatoires d’origine infectieuse ou non, car il est stimulable aussi
bien par le LPS d’origine microbienne que par des molécules
endogènes de danger tels l’acide hyaluronique, le sulfate
d’héparine, le fibrinogène, la HMGB1 et les protéines de
choc thermique (heat shock proteins) [26,27]. De plus, TLR-4
pourrait être spécifiquement impliqué dans les défaillances viscérales secondaires à des phénomènes d’ischémie–reperfusion.
En effet, les zones de nécrose sont réduites dans un modèle
d’ischémie–reperfusion myocardique chez des souris délétées
en TLR-4 (TLR-4–/–) par rapport à des animaux de génotype
sauvage [28]. Les animaux TLR-4–/– présentaient également
une diminution de l’infiltration tissulaire neutrophilique et de
l’agression oxydante [28]. Dans un autre modèle murin
d’ischémie–reperfusion régionale, l’expression rénale de
l’ARNm de TLR-4 était significativement augmentée cinq heures après la reperfusion [29]. Enfin, dans un modèle murin
d’ischémie–reperfusion hépatique, les voies de signalisation
dépendantes de TLR-4 étaient impliquées dans la genèse des
Fig. 2. Voies d’activation de NF-kB via TLR4/2.
lésions intracellulaires du foie et la production des cytokines
pro-inflammatoires [30]. Ces exemples soulignent l’importance
de la voie des TLRs dans les phénomènes d’ischémie–reperfusion probablement du fait de la mise en circulation ou du relargage tissulaire de molécules de danger spécifiquement reconnus par TLR2 et TLR4.
Deux grandes voies de signalisation intracellulaire sont activées par TLR-2 et TLR-4 (Fig. 2). La première aboutit à l’activation du facteur de transcription nucléaire NF-κB par ses
kinases activatrices (IKKs). NF-κB est alors libéré de son inhibiteur cytoplasmique IκBα et va pouvoir migrer dans le noyau
cellulaire pour se fixer sur le promoteur des gènes NF-κB
dépendants et assurer leur transactivation. NF-κB régule la
transcription de nombreux gènes codant pour des protéines de
l’inflammation et de l’immunité impliquées dans les agressions
infectieuses ou traumatiques telles que des cytokines proinflammatoires. La seconde voie de signalisation provoque
l’activation des MAP Kinases (MAPK) : p38 et JNK qui participent également à la transcription génique en activant NF-κB
et régulent la stabilité des ARNm des protéines de l’inflammation.
7. Inflammation tissulaire
Les PN sont une des premières barrières de défense contre
l’introduction d’un agent pathogène dans l’organisme et constituent l’un des pivots de l’immunité innée. Ces cellules mobiles
sont recrutées très rapidement du sang circulant vers un foyer
infectieux ou inflammatoire. Les PN sont capables de synthétiser de novo des cytokines pro- et anti-inflammatoires. Les PN
interviennent donc dans l’homéostasie tissulaire ainsi que dans
la régulation des réponses immunitaires et le remodelage tissulaire au cours de la cicatrisation. Les neutrophiles apparaissent
comme étant des cellules particulièrement importantes dans le
développement du SDMV septique et post-traumatique. Une
preuve indirecte étant que l’élimination des PN avec des anticorps spécifiques ou des substances cytotoxiques prévient le
développement du SDRA postendotoxinémique [31]. De la
même manière, des souris délétées pour les gènes de sousunités de la NADPH oxydase (p47phox et gp91 phox) et pos-
K. Asehnoune, A. Édouard / Réanimation 15 (2006) 568–575
sédant donc des PN incapables de produire des FRO, ne présentent pas de lésions de SDRA après une administration de
LPS [32].
La compréhension de la régulation des fonctions des PN est
essentielle à la compréhension des mécanismes conduisant à
une réponse immunitaire innée adaptée. C’est aussi un préalable indispensable à la mise au point de nouveaux agents thérapeutiques mieux ciblés dans les pathologies impliquant une
dysfonction du PN telle que le SDMV post-traumatique.
L’infiltration tissulaire et l’activation des PN résultent de la
production locale de molécules pro-inflammatoires telles que
des cytokines (TNF, IL-1, IL-6, IL-8…), des facteurs de croissance (G-CSF), des molécules d’adhésion. Le facteur de transcription nucléaire NF-κB joue un rôle central dans la régulation d’expression de la plupart des médiateurs de
l’inflammation. De plus, NF-κB est activé par les différents
mécanismes mis en œuvre au cours de la défaillance d’organe
observée au cours du sepsis, du polytraumatisme et des lésions
d’ischémie–reperfusion en général. Il a été notamment démontré que le niveau d’activation de NF-κB est corrélé à la mortalité dans le sepsis [33], le polytraumatisme [16,34] et le SDRA
[35]. L’incubation de PN ex vivo avec du LPS entraîne une
translocation nucléaire rapide de NF-κB et la production de
cytokines NF-κB dépendantes telles que TNF et IL-8 [36]. Si
cette production est excessive et non régulée, la défaillance
d’organe survient. Dans ce contexte, il a été démontré qu’au
sein des voies de signalisation TLR2 et TLR4, les FRO, les
protéines kinase C α/β ou la kinase Akt (PI-3K/Akt) sont de
puissants activateurs de NF-κB et représentent de ce fait des
cibles thérapeutiques potentielles [37–39]. La kinase Akt est
exemplaire de l’apport potentiel des techniques de biologie
moléculaire dans la compréhension de la physiopathologie
complexe du SDMV et des dérèglements de l’immunité qui
l’accompagne. Les altérations de NF-κB dépendant de PI3Kγ/Akt retrouvées in vitro sur des PN en culture ont une
cohérence fonctionnelle in vivo. En effet, une diminution de
la translocation nucléaire de NF-κB et de la production des
cytokines NF-κB-dépendantes a été observée dans des SDRA
chez des souris PI-3Kγ–/– mais pas chez les animaux PI-3Kγ+/+.
Enfin, en clinique humaine, il a été démontré qu’une activation
moindre de NF-κB et de PI-3Kγ/Akt dans des PN sanguins de
patients atteint d’une lésion pulmonaire aiguë était corrélée
avec une diminution du nombre de jours de ventilation mécanique et une diminution de mortalité [35].
8. Paralysie immunitaire systémique posthémorragique
Une production modérée et régulée de cytokines proinflammatoires (TNF, IL-1, IL-6, IL-8) contribue à la clairance
des pathogènes au niveau des sites inoculés par le traumatisme.
En cas de déséquilibre, le CARS, s’il prédomine sur le SIRS,
aboutit à une immunodépression systémique qui fragilise
l’organisme vis-à-vis de la survenue d’une infection. La caractéristique essentielle de l’immunodépression systémique est
représentée par l’état d’anergie leucocytaire du compartiment
sanguin. Au décours d’un état de choc traumatique, les éro-
573
sions cutanées, les fractures ouvertes, les altérations de la
muqueuse intestinale secondaires à la reperfusion postischémique, permettent aux « molécules endogènes de danger », aux
micro-organismes et aux endotoxines (LPS) de pénétrer dans la
circulation générale. La conséquence est une capacité de
réponse diminuée des leucocytes sanguins au LPS (agoniste
TLR4) ou à d’autres antigènes bactériens. Le corollaire de
cette anergie des leucocytes étant une élimination microbienne
insuffisante et de ce fait une incidence accrue d’infections. Le
risque de développement d’un sepsis augmente d’ailleurs avec
la durée de cette paralysie immunitaire. Il convient de noter
que cette paralysie immunitaire n’est pas spécifique du polytraumatisme grave puisqu’elle a été décrite dans le cadre
d’autres stress aigus tels que le sepsis [34] qu’elle qu’en soit
l’origine et la chirurgie cardiaque [40]. Par ailleurs, il a été
démontré qu’au décours du polytraumatisme la prise en charge
globale du blessé (douleur et son traitement, substances d’anesthésie, chirurgie) participe à l’aggravation de la paralysie
immunitaire.
L’état d’anergie cellulaire post-traumatique a d’abord été
attribué à ces contacts répétés des cellules monocytaires avec
des endotoxines. En fait, cette hyporéactivité leucocytaire ne
nécessite pas obligatoirement un contact préalable avec du
LPS. Une simple réaction inflammatoire, en particulier la
mise en circulation de cytokines pro-inflammatoires ou de
molécules endogènes de danger, conduit probablement à cette
anergie leucocytaire systémique. Les mécanismes de la paralysie immunitaire systémique post-traumatique restent peu étudiés. Adib-Conquy et al. ont étudié la translocation nucléaire
de NF-κB et l’expression cytoplasmique de son inhibiteur IκBα
dans des cellules mononucléées sanguines issues de patients
victimes d’un traumatisme grave (ISS > 25). Dès le premier
jour post-traumatique, une diminution de l’activation de NFκB et de l’expression nucléaire de sa sous-unité p65 transactivatrice sont observées dans les PBMC (cellules mononucléées
sanguines : lymphocytes, monocytes) stimulés par du LPS de
Escherichia coli au travers des récepteurs TLR-4 [16]. Ces
observations sont comparables au phénomène de tolérance à
l’endotoxine expérimentale et permettent d’expliquer au
moins en partie l’anergie leucocytaire sanguine posttraumatique. La diminution de l’expression nucléaire de NFκB peut également être la conséquence d’une production de
cytokines anti-inflammatoires, tels l’IL-10 ou le transforming
growth factor-β (TGF-β). En effet, des concentrations plasmatiques élevées d’IL-10 ont été mises en évidence dès le premier
jour post-traumatique [16]. Cette cytokine pourrait jouer un
rôle car elle altère l’expression et la translocation nucléaire de
NF-κB, et contribue à la désensibilisation cellulaire [41]. AdibConquy et al. ont également mis en évidence des concentrations élevées de TGF-β au décours d’un traumatisme grave
[16]. TGF-β est considéré comme une cytokine immunosuppressive, même si ses effets sur NF-κB sont moins clairs que
ceux de l’IL-10. Il est probable que la PGE2, les catécholamines, les neuropeptides, les glucocorticoïdes naturels, contribuent également à cette hyporéactivité des cellules sanguines
au décours des traumatismes dans le cadre de la réponse à
l’agression. Cette « désactivation leucocytaire » en réponse à
574
K. Asehnoune, A. Édouard / Réanimation 15 (2006) 568–575
la stimulation par du LPS n’est toutefois pas généralisée. En
effet, lorsque les PBMC issus de patients traumatisés sont stimulés au travers des récepteurs TLR-2 par du Staphylococcus aureus Cowan tué (SAC), la diminution de l’expression de
NF-κB et des cytokines pro-inflammatoires n’est plus observée, suggérant que la réponse de l’hôte diffère en fonction
des stimuli (LPS ou SAC) [16,42].
Le caractère plurifactoriel de la paralysie immunitaire posttraumatique rend nécessaire le développement de modèles animaux de choc hémorragique reproduisant l’hyporéactivité au
LPS des cellules sanguines circulantes. Ces modèles permettront d’analyser précisément les mécanismes et les causes de
l’état de paralysie immunitaire systémique décrit chez les
patients traumatisés. Il a ainsi été démontré dans un modèle
murin de choc hémorragique que le volume de remplissage et
les catécholamines jouaient un rôle majeur dans l’hyporéactivité leucocytaire sanguine au LPS [43–45].
9. Spécificités de la réponse inflammatoire posttraumatique
Les mécanismes intracellulaires de la dysfonction immunitaire post-traumatique conduisant au SDMV sont incomplètement connus. En revanche, des différences existent en fonction
de l’origine infectieuse ou traumatique de l’agression. En effet,
expérimentalement, les mécanismes de constitution du SDRA
post-traumatique sont différents de ceux observés au cours du
SDRA postendotoxinique [46]. Les voies de signalisation intracellulaire mises en jeu par un traumatisme diffèrent de celles
impliquées par l’endotoxinémie. L’agression radicalaire et la
stimulation des récepteurs β-adrénergiques sont nettement
impliquées dans la genèse d’une lésion pulmonaire aiguë au
décours d’un traumatisme et peu mises en cause dans celle
d’une lésion pulmonaire postendotoxinique. Ainsi, Abraham
et al. ont démontré que l’inhibition de la xanthine oxydase
d’une part, la stimulation β-adrénergique d’autre part amélioraient exclusivement le SDRA dans un modèle murin de choc
hémorragique par comparaison à une endotoxinémie [46]. Des
différences dans les modalités de la paralysie immunitaire ont
été mises en évidence selon l’origine septique ou traumatique
du syndrome inflammatoire post-agressif. L’inhibition posttraumatique de NF-κB n’est pas en rapport avec une séquestration de celui-ci par son inhibiteur cytoplasmique IκBα au
décours d’un état de choc traumatique, par opposition avec
l’augmentation de IκBα observée au cours du phénomène de
tolérance aux endotoxines [34]. De plus, l’expression nucléaire
de NF-κB ex vivo est augmentée chez des patients septiques
dont la mortalité est corrélée avec cette augmentation [33].
Inversement, le niveau d’activation ex vivo de NF-κB est significativement abaissé dans les cellules mononucléées sanguines
issues de patients victimes d’un traumatisme grave [16,34,42].
L’axe hypothalamohypophysaire est un déterminant majeur
de la réponse de l’organisme au stress aigu qu’il soit septique
ou traumatique. Au cours du sepsis sévère, une dysfonction de
cet axe concomitante d’une aggravation du pronostic a été
décrite [47]. Simultanément, la vasodilatation périphérique et
la diminution des résistances vasculaires systémique deviennent progressivement insensibles aux agents vasopresseurs.
L’administration de faibles doses d’hydrocortisone restaure la
réactivité alpha-adrénergique artérielle, diminue l’incidence et
la sévérité des défaillances d’organes, et finalement améliore le
pronostic des patients [47]. Une altération de la sécrétion de
cortisol en réponse à un test au synacthène a aussi été mise
en évidence dans le cadre du choc traumatique, comme celle
observée au cours du sepsis [48]. Pourtant, et à la différence du
sepsis, l’administration d’hydrocortisone chez des polytraumatisés augmente la sensibilité vasculaire à la stimulation alpha-1adrénergique uniquement chez les patients présentant un choc
hémorragique, quel que soit le résultat du test au synacthène
[49].
10. Conclusion
Le développement de techniques de « monitorage immunologique » permettra dans un futur proche de déterminer quels
sont les patients à risque de développer des complications posttraumatiques afin de leur administrer le traitement le plus
adapté. Cette nouvelle approche est porteuse d’espoir quant
au développement de thérapeutiques « immunomodulatrices »
enfin efficaces car administrées à des patients sélectionnés sur
des critères adaptés.
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