TNF et anti-TNF

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TNF et anti-TNF
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TNF et anti-TNF
Professeur Pierre MASSON
Institut Christian de Duve - Université Catholique de Louvain
Introduction
Le TNF est la cytokine la plus inflammatoire que l’on connaisse. Elle est impliquée
dans de nombreuses maladies allant de la polyarthrite rhumatoïde au psoriasis en
passant par la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse. On comprend dès lors la
grande efficacité des inhibiteurs de cette cytokine, dont les antagonistes
thérapeutiques sont soit des anticorps monoclonaux ou une protéine de fusion, dans
laquelle le récepteur spécifique est associé au fragment dit Fc d’une
immunoglobuline IgG [1].
Découverte du TNF
Le TNF a été découvert en 1975 par le cancérologue Lloyd OLD. À l’époque, on
savait que des extraits bactériens pouvaient ralentir la croissance des tumeurs.
Aussi, ce chercheur a injecté du BCG plus du lipopolysaccharide à des souris
porteuses d’un sarcome. Ce qui a provoqué la nécrose de la tumeur. L’intérêt de
l’expérience tient au fait que Old a reproduit cette nécrose en injectant le sérum de
souris qui avaient reçu des injections de BCG et de LPS. Ce qui a conduit à
l’identification du TNF [2].
Plus tard, on a constaté que c’était la destruction des vaisseaux de la tumeur qui était
cause de la nécrose et l’on a tiré parti de cette activité pour traiter des sarcomes par
perfusion de membre isolé. Le TNF fait disparaître les vaisseaux de la tumeur, mais
pas les vaisseaux normaux [3].
Structure et production du TNF
La molécule du TNF comporte 3 sous-unités identiques [4]. Curieusement, il existe
une homologie très nette avec la protéine de la capside de petits virus à ARN. Ce
phénomène a été également observé pour d’autres cytokines, par exemple l’IL-10.
On ignore si, au cours de l’évolution, c’est le virus qui s’est approprié le gène de la
cytokine ou si c’est l’inverse. Le TNF est le prototype d’une famille de 19 ligands et
de 29 récepteurs, tous impliqués dans la morphogenèse, l’apoptose et la
prolifération. Il convient de bien distinguer les deux formes de TNF, le TNF-α et le
TNF-ß ou lymphotoxine. Le TNF-α est produit par une grande variété de cellules dès
qu’elles sont soumises à une agression, tandis que le TNF-ß à une origine plus
restreinte, essentiellement les lymphocytes Th1, les lymphocytes T cytotoxiques et
les macrophages activés.
0317 UVD 13 F 2935 IN - Mai 2013
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Voici, par exemple, le mécanisme d’une réaction de type Th1. Une cellule dendritique
au contact d’un pathogène sécrète la cytokine IL-12, qui induit la différenciation d’un
lymphocyte T CD4 naïf en Th1, dont la propriété principale est la production d’IFN-g.
Cette cytokine est un puissant activateur des macrophages, qui deviennent ainsi
agressifs, libérant des dérivés de l’oxygène et de l’azote ainsi que du TNF-α et du
TNF-ß. Sous l’effet des ces deux cytokines, des granulomes se forment par exemple
en cas de tuberculose ou de maladie de Crohn. Dorénavant, il sera question surtout
du TNF-α, qui est la cible principale des thérapies anti-TNF.
Le TNF-α peut rester intégré dans la membrane de la cellule productrice ou être
libéré sous une forme soluble par une protéase particulière appelée TACE pour TNFConverting Enzyme.
Le TNF-α, déclencheur de l’inflammation
La première fonction du TNF est de favoriser le recrutement des leucocytes. En effet, il
agit sur les cellules endothéliales et leur fait exprimer des molécules d’adhérence qui
permettront la diapédèse des leucocytes, par ailleurs attirés par des chimiokines,
libérées également par les cellules agressées. Une propriété remarquable du TNF est
sa libération très précoce après l’agression. Il est détectable dans le sang 30 min après
un stress. Contrairement à d’autres cytokines inflammatoires, une partie du TNF-α est
préformée, en réserve dans des granules, comme on le voit ici dans des mastocytes.
Les effets du TNF-α diffèrent en fonction des protéines
adaptatrices
La signalisation intracellulaire fait appel à ce que l’on appelle des protéines
adaptatrices ; elles agissent à la manière d’un adaptateur électrique. En voici deux
exemples. Il s’agit des protéines FADD et TRAF, qui scellent le sort de la cellule
concernée. Si FADD intervient, la liaison du TNF aboutit à l’apoptose ou mort
programmée de la cellule, alors que si la protéine adaptatrice est TRAF, le TNF
déclenche une cascade de kinases, c’est-à-dire des enzymes qui couplent un ion
phosphate à certains résidus tyrosine de protéines. Les signaux intracellulaires en
question aboutissent à l’activation de NFkB, un facteur de transcription qui joue un
rôle crucial dans les réactions inflammatoire. Libéré de son inhibiteur, appelé I-kB, il
peut migrer dans le noyau, où il déclenche l’expression des gènes de cytokines
inflammatoires mais aussi, de protéines anti-apoptotiques. Comme il est bien établi
que l’inflammation d’un tissu prédispose au cancer, un mécanisme possible serait
précisément cette activité anti-apoptotique du TNF, empêchant la mort de cellules en
voie de cancérisation.
Le TNF-α, "chef d'orchestre" de l'inflammation
Première cytokine libérée en cas d’agression, le TNF- orchestre en quelque sorte
tout le processus inflammatoire. Il active les cellules, endothéliales, les lymphocytes
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B et T ainsi que des macrophages, qui vont à leur tour contribuer à l’inflammation.
Pratiquement, tous les tissus finiront par être touchés : le foie, les adipocytes, les
fibroblastes, les muscles, les os et l’hypothalamus. Les conséquences seront la
cachexie, d’où le nom ancien de cachectine donné au TNF, la décompensation
cardiorespiratoire, la fièvre et même un choc cardiovasculaire. En fait, plusieurs de
ces effets passent par des cytokines qui prennent le relais, comme l’IL-1,
principalement responsable de la fièvre, et l’IL-6, qui fait produire par le foie les
protéines dites de phase aiguë.
Le ligand de RANK (RANKL) et décalcification [5]
À titre d’exemple de ces cytokines relais, je citerai le ligand de RANK, une protéine
faisant partie de la famille du TNF. Si l’on incube des monocytes en culture avec
deux cytokines, le M-CSF (monocyte-colony stimulating factor) et le ligand de
RANK, les monocytes se transforment progressivement en ostéoclastes, que l’on voit
ici en train de s’attaquer à l’os. Le ligand de RANK peut être produit par des
lymphocytes T, mais aussi par des ostéoblastes. RANK agit donc comme récepteur
transformant les monocytes en ostéoclastes. Une molécule proche de RANK est
l’ostéoprotégérine. Comme elle est soluble, elle entre en compétition avec RANK et
empêche ainsi la formation des ostéoclastes. Des antagonistes du système RANKligand de RANK sont proposés comme traitement de l’ostéoporose.
Conclusion
En conclusion, le TNF-α est au sommet de la cascade inflammatoire et c’est
probablement ce qui explique la grande efficacité thérapeutique de ses inhibiteurs.
Nous avons vu qu’il agissait surtout sur les endothéliums en permettant l’afflux des
leucocytes dans le foyer inflammatoire. Son activité est amplifiée par l’intermédiaire
d’autres cytokines inflammatoires, comme le ligand de RANK, responsable de la
décalcification osseuse, comme l’IL-1, cause principale de la fièvre, et qui contribue
aussi à l’activation des lymphocytes, tout comme l’IL-6, qui est l’agent le plus
impliqué dans la production hépatique des protéines de phase aiguë.
Références bibliographiques
[1] Schon M & Boehncke W. N Engl J Med 2005 ;352 :1899
[2] Lloyd J OLD et al. Proc Natl Acad Sci USA 72, 3666 (1975)
[3] Lejeune FJ et al. Cancer Immun. 2006 ;6 :6
[4] Aggarwal BB, Gupta SC, Kim JH.Blood. 2012 ;119 : 651.
[5] V. Kindler et D. Suvà, Genève
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