La dépression, une pathologie hautement récidivante ? Dr J.M. Bonnin

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La dépression, une pathologie hautement récidivante ? Dr J.M. Bonnin
La dépression, une pathologie
hautement récidivante ?
Dr J.M. Bonnin
PSYCHIATRE
CLINIQUE ANOUSTE (Bordeaux)
Thérapeute Comportemental et Cognitif
Enseignant à l’IRCCADE
La dépression
• Un des principaux problèmes de santé mentale à
l’origine de nombreux suicides et d’un coût important de
santé publique
• Elle est un dysfonctionnement à la fois psychologique et
neurobiologique ; ce dysfonctionnement a un haut
potentiel de rechute, et de récidive .
• Il existe donc un enjeu majeur dans le traitement de la
dépression, qui sera au delà de l’objectif curatif précoce :
celui de la prévention de la récidive
Epidémiologie
• Affection fréquente : 4,5 % de la population
• Morbidité de 10 % chaque année à partir de 18 ans
(NIMH)
• 2 femmes pour un homme
• 2 pics de fréquence à 25 ans et 55 ans
• Forte comorbidité: 60 % avec T. anxieux,40% avec T.
de la personnalité
Une cause majeure d’invalidité
dans le monde
Rang
2000 (1)
2020 (estimation) (5)
1
Infections respiratoires basses
1
Cardiopathie ischémique
2
Affections périnatales
2
Troubles dépressifs
3
VIH/SIDA
3
Accidents de la route
4
Troubles dépressifs
4
Maladies cérébro-vasculaires
5
Maladies diarrhéiques
5
Maladie pulmonaire
obstructive chronique
1. World Health Report 2001. Mental Health : New Understanding, New Hope. Geneva, World Health Organization, 2001.
5. Lopez AD, Murray CC. The global burden of disease, 1990-2020. Nat Med 1998 ; 4 (11) : 1241-3.
Une rémission complète difficile
à atteindre
•
Rémission complète
= disparition des symptômes
et retour à un fonctionnement normal
•
Seul 1 patient dépressif sur 3 est en rémission complète,
d’une manière générale, après 8 semaines de traitement antidépresseur
bien conduit
– 1/3 en rémission complète
– 1/3 en rémission partielle
– 1/3 ne répondent pas au traitement
4. Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Bon usage des médicaments antidépresseurs dans le traitement des troubles dépressifs et des troubles anxieux de
l’adulte. Recommandations. Octobre 2006
Risque de récidives dépressives (1)
90%
100%
80%
70%
50%
60%
40%
20%
0%
Aprè s un 1e r é pis ode
Aprè s un 2è me é pisode
Aprè s un 3è me é pis ode
(1) Depression in Primary Care. Volume 1. Detection and Diagnosis, Clinical Practice Guideline.AHCPR, 1993
Pourquoi atteindre la rémission complète ?
Pour diminuer le risque de rechute
L’impact de la rémission partielle est majeure : la
présence de symptômes résiduels est un facteur
prédictif de rechute plus important que le nombre
d’épisodes antérieurs.
La rechute vers un EDM est 3 fois plus rapide si
présence de symptômes résiduels.
Profil évolutif
• Récidive après rémission ≥
8 semaines (RDC)
 Haut risque dans les 3 1ers mois
• Durée des intervalles
libres
 1ère récidive: 150 semaines
 12 semaines: 24%
 3ème récidive: 77 semaines
 1 an: 40%
 5ème récidive: 57 semaines
 3 ans: 70%
Keller et al. (1982, 1984, 1992)
Lavori et al. (1993)
Solomon et al. (2000)
Alliance thérapeutique : le mode
relationnel du sujet dépressif
•
Le cercle vicieux de l’impuissance apprise.
•
La triple péjoration de soi, du monde et de l’avenir.
•
Croyances qui favorisent la résistance et la rechute:
Peur d’être dépendant, d’être abandonné, d’être rejeté, d’être
contrôlé, de l’indulgence excessive
Le patient déprimé sélectionne un environnement relationnel autour
de lui qui confirme ses pensées négatives et ses schémas de
fonctionnement
La répétition des scénarios de
vie (Cottraux 2001)
Un scénario de vie est une situation piège dans laquelle une
personne se débat sans pouvoir en sortir et qui se répète à de
nombreuses reprises tout au long de la vie
Les personnes qui sont captives d’un scénario de vie font sans
cesse la même chose en espérant que les résultats vont être
différents
L’individu est à son insu entraîné dans une spirale
descendante d’insuccès
Principaux scénarios de vie
– Domaine professionnel
• L’incapacité à rebondir après un échec professionnel
• L’incapacité à se dégager d’une situation pénible
– Vie sentimentale et sexuelle
• La recherche incessante de la réussite sentimentale sans cesse déçue
• Le rejet des partenaires qui s’effectue d’une manière répétitive et
stéréotypée.
– Les traumatismes
• Les traumatismes psychologiques répétés
• Les traumatismes physiques à répétition
– Les conduites impulsives et à risque
• La violence et l’agressivité répétée
• La prise impulsive ou régulière de drogues ou d’alcool
• Les accidents de voiture à répétition
En conclusion : l’EDM est
insuffisamment pris en charge
•
En France, plus de la moitié des patients déprimés :
– n’ont pas accès aux soins
– ne font pas l’objet d’un diagnostic de trouble dépressif
•
Seuls 25 % des patients présentant un EDM diagnostiqué sont
traités par antidépresseur
•
Nécessité de prévenir la rechute et la récidive
– A cause du poids de la récidive elle-même
– Pour lutter contre l’accélaration des récidives
– A cause de la tendance à l’autonomisation de la maladie
Patients dépressifs avec symptômes résiduels :
plus à risque de rechute
Taux de rechute dépressive
en fonction de la présence de symptômes résiduels
(21)
80 %
60 %
76 %
Avec symptômes
résiduels
40 %
25 %
20 %
0%
Sans symptômes
résiduels
p < 0,001
Etude prospective longitudinale de 15 mois d’une cohorte de 64 patients adultes hospitalisés ou non
présentant une dépression unipolaire selon les critères RDC (Resarch Diagnostic Criteria).
Symptômes résiduels : score HAMD-17 compris entre 8 et 18.
Rémission : absence des critères RDC de dépression durant au moins 2 mois.
Rechute : critères RDC de dépression durant au moins 1 mois.
3 fois plus de rechutes
en cas de symptômes dépressifs résiduels
21. Paykel ES et al. Residual symptoms after partial remission : an important outcome in depression. Psychol Med 1995;25(6):1171-80.