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Cours du mercredi 26 novembre 2014
3) Portia
Durée : 6’18 / Tonalité principale : la
Composé et arrangé par Marcus MILLER
Enregistré le 13 février 1986 à Los Angeles.
Musiciens :
Miles DAVIS: trompette
Marcus MILLER : saxophone soprano, guitare basse, guitare
synthétiseurs et batterie
Paulinho Da COSTA : percussions
Adam HOLZMAM : programmation synthétiseurs
-> Comme le titre l'indique, on retrouve dans cette pièce un climat espagnol.
Portia est le nom de l’héroïne du Marchand de Venise de William Shakespeare, nom que
Miller trouvait beau et adapté au morceau qu’il avait composé, qui constitue un des sommets
de cet album.
Depuis les années 1950, Miles a été influencé par le son de la musique
espagnole.
Ecoutes : extraits de l'album Sketches of Spain (1960)
Sketches of Spain est un album signé Miles Davis, enregistré en novembre 1959
ainsi qu'en mars 1960 et sorti en juillet 1960. Les arrangements et certaines
compositions sont écrites par Gil Evans. Le sujet et les compositions sont inspirés de
la musique traditionnelle espagnole.
Sketches of Spain est considéré comme un des albums les plus accessibles de Miles
Davis. Le fait que peu de place soit faite aux improvisations fit dire que Sketches of
Spain ne peut être assimilé au jazz. Miles Davis rétorqua "It's music, and I like it".
Titres de cet album
Ecoutes : Concierto de Aranjuez
version Miles Davis
https://www.youtube.com/watch?v=lvcU_v8ruGE
et l'original
https://www.youtube.com/watch?v=x4QrJc3VQDo
a) Timbres
- habillage sonore sobre et peu évolutif. Format classique du quintette :
trompette bouchée, saxophone soprano, guitare basse, batterie (boîte à
rythmes) , synthétiseurs
- synthétiseurs font surtout les harmonies. La sonorité utilisée est une sonorité
"vocale" avec une légère attaque de piano électrique en doublure.
- quelques effets sonores synthétiques à partir de 2'45 mais très sporadiques
- batterie électronique = jeu statique sans les cymbales excepté celles du hithat (Charleston) + quelques adjonctions de percussions à son exotique
(congas, maracas...) jouées par P. DA COSTA.
- la guitare basse reste discrète (elle donne les appuis fondamentaux mais joue
aussi parfois en doublure de la mélodie ). Quelques slaps parfois.
b) Organisation interne
- Présence d'un long thème en 3 parties (A, B, C) entrecoupé par 2 parties de
solos (trompette et saxophone)
-> Quand le thème est repris par le saxophone, il est traité différemment de la
1ère fois, on peut dire qu'il est varié comme dans un plan thème et
variations classique.
-> On remarque que le saxophone tient un rôle aussi important que la
trompette dans cette pièce. Ici, Marcus MILLER et Miles DAVIS jouent "d'
égal à égal".
c) Rythmes
- tempo binaire de ballade à 4/4. Tempo lent (noire = 72)
- forte accentuation du 4ème temps à la batterie (after beat) + décomposition
du temps en double croches = ostinato rythmique tout au long du morceau
- Beaucoup de valeurs longues aux parties mélodiques
- la basse joue en complémentarité avec la batterie (slaps ou figures
mélodiques)
d) Mélodie /harmonie
Comme dans les autres pièces, le thème comprend des valeurs longues en fin
de phrases et l'intervalle de quarte y est très présent (il y est aussi dans
l'accompagnement par ex. au synthé mesure 4). L'ambitus est large (ambitus =
distance de la note la plus grave à la note la plus aiguë du thème). Les 3 parties
du thème (A, B, C) débutent toutes par le même motif rythmique -noire ,
triolet, noire pointée) et un intervalle de 4te.
Dans la coda, le nouveau thème qui a un caractère légèrement oriental utilise aussi
l' intervalle de quarte.
Tout au long de la pièce, on remarque l'omniprésence de deux accords qui nous
installent dans un climat particulier .
Pourquoi cette pièce sonne-t- elle espagnole ?
- les instrumentistes utilisent beaucoup de mouvements tournoyants, notamment le
saxophone dans la 2nde reprise du thème
- sur les solos de Miles DAVIS, installation d'un ostinato rythmique aux
synthétiseurs (= riffs synthé) qui peuvent faire penser à une rythmique de danse
espagnole
- Les harmonies du morceau sont basées sur le mode de mi (mode phrygien) sur la.
proche du mode andalou. Le mode andalou est un mode de mi avec une tierce
mobile (donc, on joue sur le sol et le sol#)
avec un do ou un do# (en particulier dans l'accompagnement)
- On retrouve souvent l'alternance d'un accord de La majeur (donc avec un do#)
suivi d'un accord de sol mineur
Ce jeu sur la tierce (majeure/ mineure) est tout à fait caractéristique de la musique
espagnole.
On entend très clairement ce mode phrygien dans le solo de Miles (Solo1) à 2'24 à
travers une gamme ascendante, tout comme l'alternance do#/do bécarre (mesure 7,
8) (voir relevé ci-dessous) .
Portia est une superbe ballade tout à fait représentative de ce que l'on appelle le
smooth jazz.
Deux vidéos live intéressantes :
https://www.youtube.com/watch?v=h_x47XbUcmg
https://www.youtube.com/watch?v=1vALF7BkM-k#t=20
Le suivi de partition :
https://www.youtube.com/watch?v=KFCG9WjzAAw#t=16
Conclusion générale :
Pour terminer, je reprendrai un extrait de la conclusion de Vincent COTRO, maître
de conférence de l'université Rabelais de TOURS et spécialiste du jazz..
"Tutu n'est ni le chef d'oeuvre de Miles DAVIS, ni son testament musical, c'est un
incroyable et passionnant objet musical".... /... "Cet album reste fascinant par son
mode de fabrication, ses textures orchestrales, ses mélodies accrocheuses, ses
rythmiques s'élevant parfois au dessus de la froideur mécanique des machines,
enfin par la joie enfantine qu'il dégage souvent, celle de la découverte et du
malaxage des sons."