Carcassonne. Les aides-soignantes dénoncent l`enfer des

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Carcassonne. Les aides-soignantes dénoncent l`enfer des
Carcassonne. Les aides-soignantes dénoncent
l'enfer des maisons de retraite
Société. Le témoignage poignant de cinq aides soignantes
relance le dossier de la maltraitance des personnes âgées.
Un témoignage. Un de plus. Celui de cinq aides soignantes carcassonnaises qui décrivent et
dénoncent des faits de maltraitance de personnes âgés pensionnaires de maisons de retraite
médicalisées. Elles racontent l'insupportable, l'inacceptable au quotidien : des couches
souillées que l'on ne change pas pour faire des économies, des petits vieux aux corps
tuméfiés à force de tomber de lits où ils sentent de plus en plus abandonnés.
Les faits sont sordides. Révoltants. Malheureusement pas exceptionnels. La maltraitance
toucherait 700 000 à 800 000 personnes âgées en France. C'est beaucoup. Et les aides
soignantes audoises ne sont pas les premières à vouloir briser le silence. Dans un livre
retentissant - On achève bien nos vieux » (Oh éditions) - Jean Charles Escribano, racontait de
l'intérieur le chemin de croix de personnels débordés, souvent épuisés avec leur bonne
volonté pour seule arme : pas toujours suffisant pour affronter les problèmes du grand âge, la
sénilité souvent, la démence parfois. Et cela ne va pas s'arranger. Aujourd'hui 800 000
personnes ont besoin d'aides ou de soins au quotidien. Elles seront un million en 2 020 et 1,3
million en 2 040. Entre solidarités familiales et implication des pouvoirs publics, comment
répondre au défi du vieillissement ? Et à quel prix ? Actuellement le coût mensuel moyen
d'une pension en maison de retraite tourne autour de 1 800 € à 2000€ par mois. Trop cher
pour nombre de retraités qui ne peuvent pas compter sur le soutien financier de leurs
enfants. Humiliation, abandon, exclusion : c'est aussi ces questions dérangeantes que posent
les aides soignantes carcassonnaises.
[QFORUM] Vous, avez été le témoin de faits de maltraitance. Racontez-nous.
« Le jour, c'est la course, la nuit c'est l'enfer ! »
Des petits vieux qui meurent seuls sans accompagnement, abandonnés à leur sort et qui
baignent jusqu'à leur dernier souffle dans leurs excréments… Elles sont cinq aides-soignantes,
âgées de 25 à 53 ans, qui ont été licenciées ou ont démissionné de maisons de retraite
médicalisées du Carcassonnais et qui veulent briser le silence. Ces femmes ont voulu raconter
anonymement (elles sont actuellement à la recherche d'un emploi) sur ces situations
incroyables, inimaginables qu'elles ont vécues.
« Partout il y a des glissements de tâches, lance Claire, c'est-à-dire, qu'une aide médicopsychologique, qui accompagne et prend en charge psychologiquement des résidents se voit
confier des travaux d'aide-soignante. Qu'une aide-soignante est obligée de faire, le ménage,
la blanchisserie… et on ne peut pas refuser ce serait alors très mal vu et puis il y a toujours
au-dessus de nos têtes, la possibilité d'un licenciement », poursuit la jeune femme.
Viviane est plus directe : « On travaille comme des bourrins et on est corvéable à merci. C'est
impossible de faire correctement son travail, de s'occuper convenablement des personnes
âgées ». « Quand tout va bien nous avons entre quinze à dix-huit résidents pour deux voire
un poste et demi », expliquent à leur tour Jeanne et Sophie. Toutes sont unanimes, le jour
c'est la course, la nuit c'est souvent l'enfer. Dès six heures, les aides soignantes se précipitent
dans les chambres des résidents : il faut les lever, les laver, leur donner leurs médicaments,
les habiller, les descendre éventuellement pour le petit-déjeuner… à 11 h 30, tout le monde
doit être prêt pour le déjeuner. « Selon les personnes âgées il faut entre dix minutes à 2
heures pour les préparer tout dépend de leur degré d'invalidité », confie Sophie.
Pendant le repas les aides soignantes nettoient et rangent les chambres. Puis c'est l'heure de
la sieste avec de nouveau des toilettes, des changes à refaire encore et toujours courir. «
Lorsque le linge est souillé nous ne devons enlever les couches que lorsqu'elles ont atteint un
seuil de saturation pas avant. C'est la consigne », affirme Claire.
« Parfois certains résidents passent plusieurs heures affalés dans des fauteuils roulants »,
reprend une autre. Dans certaines maisons de retraite médicalisées, il y a les oubliés et les
prioritaires. « Cette dernière catégorie représente les résidents qui reçoivent régulièrement de
la visite de leur famille. » Les aides-soignantes redoutent la nuit. En sous-effectif, deux aides
soignantes pour quatre-vingts résidents parfois, sans personnel infirmier ou médical, elles
doivent alors faire face à toutes les situations. « Sur la grille de présence, il y a parfois de
faux noms ajoutés en cas de contrôle. Mais il n'y a jamais de contrôle », affirme Viviane.
« Lorsqu'il y a une urgence, la nuit, on fait le 15. Mais on triche sur l'âge du résident sinon le
médecin tarde à venir », souligne Sophie. La jeune femme est soudain submergée par
l'émotion. « Il faut qu'ils voient » dit-elle. Elle sort de son sac des photographies. « Voilà le
repas, d'une personne âgée malade sous un régime sévère ». La photographie représente,
une tranche de jambon et quelques chips. « Là, il s'agit d'un résident qui n'a plus que
quelques heures à vivre ».
L'homme à moitié dévêtu, les jambes sur les barreaux du lit, une couche remplie
d'excréments semble déjà parti dans l'autre monde. Une autre photographie montre un
résident le visage tuméfié, méconnaissable ; « Il est tombé du lit à plusieurs reprises. Ces
petits vieux paient en moyenne plus de 2000 € par mois, vous vous rendez compte ». Les
aides soignantes baissent la tête. « C'est de la maltraitance induite à cause de nos conditions
de travail », souffle l'une d'elles…
« Moi, si je devais rentrer dans ce genre d'établissement, c'est simple, je prends une
cartouche d'insuline pour tout de suite en finir », conclut Claire.
«Prêt à faire le ménage»
Pascal Champvert, président de l'Association des directeurs au service des personnes âgées
(AD-PA)
Quel commentaire vous inspirent les faits de maltraitance rapportés à Carcassonne ?
On sait qu'il y a 4 ou 5 % des établissements qui relèvent de la fermeture pure et simple.
Nous avons demandé des commissions départementales de transparence et nous sommes
prêts à faire le ménage. Mais l'immense majorité des établissements souffre d'un manque de
moyens chroniques et les pouvoirs publics ont une lourde responsabilité.
Un établissement qui laisse ses pensionnaires dans des couches souillées, ce n'est pas un
manque de moyens, c'est une faute…
C'est inacceptable en effet. Mais j'ai déjà entendu des autorités de tutelle demander des
économies sur ce type de produits. Alors qui est le maltraitant ? Le conseil général, la DDASS,
l'État ?
A-t-on avancé depuis les 15 000 morts de la canicule de 2003 ?
On est passé de 4 à 4,5 postes pour 10 personnes âgées. Autrement dit on a fait 10 % du
chemin et à ce rythme-là il nous faudrait 70 ans pour rattraper nos voisins allemands qui sont
à 8 postes pour 10 pensionnaires. Il faut absolument que les ratios de personnels pour
s'occuper de personnes âgées soient obligatoires comme c'est le cas pour la petite enfance.
Albi: une Maison de l'Amitié exemplaire
La Maison de l'Amitié, à Albi, dans le centre-ville, 35 ans d'existence, combine foyerlogements (21 lits) centre d'accueil de jour (15 malades Alzheimer) et EPHAD (25 lits pour
personnes âgées dépendantes avec un projet d'extension à 50 lits l'an prochain).
Cette structure est en tous points exemplaire. Il s'agit d'un établissement à visage humain où
tout est réuni, moyens, personnel , infrastructures, accueil, activités pour rendre les fins de
vie de nos anciens les moins difficiles possible.
Et pour un prix TTC de journée autour de 50€, tout à fait dans la moyenne. En citant Albi en
exemple, le reportage de France 3 dimanche soir, rediffusé encore ce matin à 3h, a montré
que les distorsions entre les maisons de retraite en France pouvaient être aussi grandes que
le jour et la nuit...«C'est aussi une volonté de notre part et des pouvoirs publics, dont l'aide
importante du conseil général » commente Nicole Camboulive, la directrice depuis 27 ans:
«Tout notre personnel est formé à une démarche humaine; chez nous on ne soigne pas, on
prend soin; Notre ligne de conduite est de stimuler au maximum les personnes âgées pour
faire reculer la dépendance».Une originalité parmi d'autres; les T1 bis et T2 sont meublés par
les résidents eux mêmes. Ils se sentent ainsi plus chez eux que dans une maison de retraite
classique...
À SAVOIR
Ce que dit la loi. L'article 434.3 du code de pénal oblige à révéler la maltraitance envers les
personnes qui ne sont pas en mesure de se protéger en raison de leur âge. Si les faits ne sont
pas dénoncés, le témoin risque trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende.
Téléphone. Numéro vert national de lutte contre la maltraitance : 0800 020 528

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