dossier pedagodique trainspotting.indd

Transcription

dossier pedagodique trainspotting.indd
Trainspotting,
ça vous dit quelque chose ?
- Le film de Danny Boyle, sorti en 1993, qui a fait connaître Ewan McGregor au grand public?
- Oui mais c’est avant tout un roman écrit par Irvine Welsch, puis adapté pour le théâtre, qui
a ensuite été traduit en français et adapté par Wajdi Mouawad.
- Ah ! Connais pas !
- C’est l’histoire de quatre gars et d’une fille. Mark Renton, au chômage comme la plupart
des jeunes écossais de sa génération, traîne avec ses copains d’enfance, tous paumés et
accros à toutes sortes de drogues. Il y a Sick Boy, un cinéphile tombeur de filles, Begbie, un
dangereux désaxé cherchant toujours la bagarre, Tommy, un adepte de la musculation, et
Alison, la copine de Sick Boy, qui tente de concilier sa dépendance avec son rôle de mère.
Pour tromper l’ennui, ils volent, arnaquent et se piquent à l’héroïne, tous sauf Tommy,qui vit
une autre forme de dépendance.
- Pourquoi vouloir monter cette pièce maintenant alors que l’adaptation de Danny Boyle est
dans toutes les têtes?
- Pour mettre en scène des gens que le commun des mortels ne veut pas voir parce qu’ils
nous forcent à se poser des questions sur le fonctionnement de notre société. Les personnages de Trainspotting passent leur temps à fuir les responsabilités: ils ne travaillent pas,
touchent les allocations du bien-être social qu’ils dépensent en drogue et alcool car la
réalité de la vie ne les intéresse pas. Au-delà de la question sur la définition identitaire, omniprésente dans la pièce, la question de la dépendance sous n’importe quelle forme mérite
d’être posée.
Auteur du Roman
Irvine Welsh
« Je n’appartiens pas tant à la classe moyenne qu’à la bourgeoisie. Je suis un gentleman
du plaisir. J’écris. Je m’installe à ma fenêtre et je regarde mon jardin. J’aime les livres. J’aime
l’épaisseur et la complexité de Jane Austen et de George Eliot. J’écoute de la musique, je
voyage. Je peux aller à n’importe quel festival du cinéma dès que j’en ai envie. »
— Irvine Welsh.
Malgré cette déclaration, Irvine Welsh est issu d’une famille modeste : sa mère est femme
de ménage ; son père docker, puis marchand de tapis, meurt alors que Welsh a 25 ans. La
famille habite d’abord dans le quartier de Leith, où il est né. En 1962, elle déménage dans le
centre d’Édimbourg.
Welsh fait ses études secondaires à l’école d’Ainslie Park2 ; il quitte le système scolaire à
l’âge de 16 ans et obtient un diplôme d’électricien3.
En 1978, après avoir vécu de différents « petits boulots », il quitte Édimbourg pour Londres
où il essaie de s’intégrer à la scène punk. Il devient guitariste et chanteur dans des groupes
comme The Pubic Lice (« Les Morpions ») et Stairway 13 (en référence à l’accident tragique
dans la tribune du stade d’Ibrox). En même temps, il travaille pour la mairie de Londres et
étudie l’informatique. Il est « accroc à l’héroïne de 1981 à 1983 », période durant laquelle il a
écrit ce qui lui servira de base pour Trainspotting4.
Vers le milieu des années 1980, à la faveur du boom causé par l’embourgeoisement du
nord de Londres, il devient agent immobilier. Il revient ensuite à Édimbourg où il travaille au
Département du logement de la municipalité. Ces expériences lui serviront d’outils dans sa
réflexion sociale.
Il reprend ses études, obtient un MBA (Master of Business Administration) à l’université Heriot-Watt et publie une thèse sur l’égalité des chances entre hommes et femmes dans le
monde du travail5.
Welsh s’engage également dans la musique en tant que DJ, producteur et tourneur.
Comme beaucoup de ses personnages, il soutient avec conviction l’équipe de football des
Hibs, une des deux d’Édimbourg (le Hibernian Football Club, dont les partisans sont principalement catholiques, le club ayant été fondé par des Irlandais)6.
Il est marié depuis juillet 2005 à une Américaine, Beth Quinn, rencontrée lors d’un cours
d’écriture créative à Chicago. Welsh se décrit lui-même comme « monogame » : « c’est
triste à entendre, mais c’est bien ce que je suis »7. Il vit aujourd’hui en Floride, retourne souvent en Écosse et voyage régulièrement à travers le monde pour ses travaux en littérature,
en musique et au cinéma.
Adaptation
Wajdi Mouawad
Né en 1968, l’auteur, metteur en scène et comédien Wajdi Mouawad a passé son enfance
au Liban, son adolescence en France et ses années de jeune adulte au Québec avant de
vivre en France aujourd’hui.
C’est là qu’il fait ses études et obtient en 1991 le diplôme en interprétation de l’École nationale de théâtre du Canada à Montréal. Il codirige aussitôt avec la comédienne Isabelle
Leblanc sa première compagnie, Théâtre Ô Parleur.
En 2005, il crée les compagnies de création Abé Carré Cé Carré avec Emmanuel Schwartz
au Québec et Au Carré de l’Hypoténuse en France.
Parallèlement, il prend en 2000 la direction artistique du Théâtre de Quat’Sous à Montréal
pour quatre saisons. Associé avec sa compagnie française à l’Espace Malraux, scène nationale de Chambéry et de la Savoie, de 2008 à 2010, il est en 2009 l’artiste associé de la
63ème édition du Festival d’Avignon, où il propose le quatuor Le Sang des Promesses. Il est
directeur artistique du Théâtre français du Centre national des Arts d’Ottawa de 2007 à
2012. En septembre 2011, il devient artiste associé au Grand T - Nantes.
Comédien de formation, il interprète des rôles dans sept de ses propres spectacles, mais
aussi sous la direction d’autres artistes comme Brigitte Haentjens dans Caligula d’Albert
Camus 1993, Dominic Champagne dans Cabaret Neiges noires 1992 ou Daniel Roussel dans
Les Chaises d’Eugène Ionesco 1992. Plus récemment, il interprète Stepan Fedorov dans la
pièce Les Justes de Camus mise en scène par Stanislas Nordey.
Son parcours lui donne à explorer aussi d’autres univers : Al Malja 1991 et L’Exil de son frère
Naji Mouawad, Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline, Macbeth de Shakespeare 1992, Tu ne violeras pas de Edna Mazia 1995, Trainspotting de Irvine Welsh 1998,
Œdipe Roi de Sophocle 1998, Disco Pigs de Enda Walsh 1999, Les Troyennes d’Euripide 1999,
Lulu le chant souterrain de Frank Wedekind 2000, Reading Hebron de Jason Sherman 2000,
Le Mouton et la baleine de Ahmed Ghazali 2001, Six personnages en quête d’auteur de
Pirandello 2001, Manuscrit retrouvé à Saragosse opéra de Alexis Nouss 2001, Ma mère chien
de Louise Bombardier 2005 et Les trois Sœurs de Tchekhov 2002 encore en tournée récemment.
Il se consacre aujourd’hui à porter au plateau les sept tragédies de Sophocle : après le premier opus Des femmes composé des Trachiniennes, d’Antigone et d’Electre en 2011, viendront les créations Des héros et Des mourants puis l’intégrale en 2015.
Martin Bowman
Martin Bowman, d’origine écossaise, est né à Montréal. Avec William Findlay, il co-traduit
dix pièces québécoises en écossais dont Les Belles-soeurs de Michel Tremblay. Avec Wajdi
Mouawad, il co-traduit tout d’abord Trainspotting, puis Disco Pigs de Enda Walsh. Il est
présentement professeur d’anglais au Collège Champlain à St-Lambert.
Que veut dire Trainspotting ?
En Angleterre, les « trainspotters » sont ces maniaques un peu allumés qui se tiennent sur les
quais de gare et notent scrupuleusement sur un calepin les numéros des trains qui passent.
La nuit, ils comparent leurs notes avec celles des jours précédents et appellent d’autres
« trainspotters » afin de tenter de reconstituer le mouvement des trains. Par extension, trainspotting peut désigner toute personne au comportement obsessionnel. En matière d’héroïne,
Trainspotting fait allusion aux différents points —comme autant de gares sur une ligne de chemin de fer— provoqués sur les bras des junkies par les piqûres des seringues.
Le roman d’Irvine Welsh a provoqué un changement et a annoncé un nouveau « genre »,
non seulement dans la littérature écossaise, mais aussi dans la littérature en général. Welsh
possède une verve bien à lui, une langue proprement welshienne qui ose jouer avec le bien
écrire et défier les langues véhiculaires telles que l’anglais. C’est un roman écrit tout d’abord
en vernaculaire urbain écossais, spécifiquement celui d’Édimbourg. On y remarque un bouleversement, une rupture avec la koïnè. Welsh de plein gré n’écrit pas toujours dans un anglais «
standard ». Il voulait justement exprimer l’oralité des gens, écrire leur parole telle qu’il l’entend
dans les rues. Il s’agit d’une oeuvre polyphonique où les personnages s’expriment avec leur
propre accent, leur propre sociolecte, que même certains Anglais ne peuvent comprendre.
On retrouve d’ailleurs un glossaire à la fin du roman qui permet de mieux comprendre certains
mots typiquement écossais. Alors, devant ce style proprement welshien, on ne peut ignorer le
problème que peut poser une traduction.
Le Texte
Trainspotting nous est présenté sous forme de narration, c’est Mark Renton qui est au centre de ce
récit. Il raconte tout du début la fin et nous passons du moment présent à l’anecdote en passant
par le souvenir pour voir comment ce dernier c’est débrouiller pour se sortir de ce mode de vie qui
semble le rattraper.
L’une des principales caractéristiques de la pièce est l’emploi des injures, qui non seulement font
partie du langage urbain d’Édimbourg, le langage des classes prolétaires, mais expriment aussi la
violence, l’oralité et la brutalité des personnages, particulièrement chez Begbie. Il n’y a pas une
phrase où il ne jure pas. La difficulté des injures est qu’elles portent à elles seules toute la charge
affective et brutale qui traverse tout le texte. Nous constatons qu’il y a une prolifération de jurons
dans l’original qui sont exprimés par fuckin (fuck, fucking), cunt et bastard. Les sacres sont caractéristiques du joual et proviennent du jargon de l’Église catholique romaine. Bowman soutient
dans ses commentaires qu’un des faits importants dans le cas de l’emploi des sacres est que les
personnages de Welsh sont catholiques romains : « The repeated swear words of Begbie’s speech
are in current use as the ordinary expletive language of Montreal street French. The translators did
not adapt them to particular use in this play because the characters were Catholic ». L’emploi de
sacres illustre le caractère catholique des personnages. Les traducteurs Mouawad et Bowman ont
donc employé par moments des doubles sacres pour mieux rendre le style langagier de Begbie,
mais aussi pour amplifier la violence de son langage. Par exemple, au lieu de seulement traduire
cunt par plotte, ils ajoutent câliss, criss ou hostie. Le religieux prend une telle importance que
nombre de dérivés ont été formés à partir de blasphèmes : « estie », « hostie », « décrisser ». Par le
nombre de sacres plus élevé dans la version québécoise, le joual semble avoir un vocabulaire plus
riche que le français international et la langue d’Édimbourg. De ce fait, le joual reflète sensiblement mieux la langue écossaise tout en restant fidèle à sa propre nature.
Le Collectif Fix
Nous sommes des jeunes artistes de Québec. Nous voulons produire un théâtre réactif, en
fonction de ce qui nous passionne, nous émeut, frustre, nous met en colère ou nous interroge. Faisant partie d’une génération où les tendances et les influences se modifient à un
rythme effréné, nous voulons un théâtre qui rock, un théâtre de qualité et criard, au diapason de cette effervescence constante.
Par-dessus tout, nous désirons renouveler l’image et le mandat du théâtre et le réinsérer au
cœur de la Cité. Travailler au plus près de l’actualité de la ville, se questionner sur ce qui
se passe autour de nous et qu’on ne voit pas forcément. Informer, confronter, questionner
dans la rencontre de plusieures disciplines artistiques qui transforment notre vision réaliste des
choses, une sorte de mise à distance tantôt brute, tantôt poétique.
A long terme, le collectif FIX souhaiterait former une compagnie ayant le mandat de faire
découvrir des textes de culture anglophone à Québec. TRADUIRE, ADAPTER, METTRE EN SCENE des textes qui ne sont pas de notre culture mais qui présentent des problématiques semblables quant à la définition identitaire d’un peuple et sa langue (le rapport entre l’Écosse et
l’Angleterre ressemble en de nombreux points à celui du Québec face au Canada).
Il s’agira aussi de parcourir d’un œil neuf des traductions déjà produites car, pour reprendre
les mots de Peter Brook, « on doit régulièrement revenir sur les adaptations. Comme les mises
en scène, elles sont toujours un peu marquées par leurs époques.»
Les membres du Collectif FIX se sont rassemblés autour d’une constatation commune: dans
la Capitale nationale, le théâtre de culture anglophone est rarement traduit et adapté. En
contribuant à notre projet, vous nous donnerez des ailes pour poser les premières briques de
notre projet à long terme.
Piste de réflexion
En plus, cette pièce met en lumière un sujet brûlant à Québec: l’ouverture d’un centre d’injection supervisé. Nous avons pris contact avec un organisme communautaire dont le mandat est de faire valoir les droits des utilisateurs de drogues, Point de Repères, dans notre recherche dramaturgique, pour que les comédiens puissent s’imprégner de cette réalité. Nous
avons établis un dialogue avec eux pour mettre en perspective les propos évoqués dans la
pièce et leur combat au quotidien.
Thèmes
Assuétudes / enfance, adolescence, famille / identité,
altérité, racisme / vie en société et conditions socio-économiques
/ violence / adaptation littéraire théâtrale / drogue / abandon.
Activités pédagogiques
Analyse sémantique et thématique du texte.
Comment la poésie est-elle construite? Quelles figures de style sont-elles utilisées (comparaisons, métaphores, allitérations, assonances, amplifications, anaphores, antiphrases, antithèses, hyperboles, etc.)? Comment cela influence-t-il le récit, la psychologie des personnages?
- Pourquoi Renton, Spud et Sick Boy se droguent-ils ?
- Pourquoi Begbie ne se drogue t-il pas ? En est-il meilleur pour autant ?
- Qu’avez-vous ressenti lors de la mort de Dawna ?
- À votre avis, à quoi « sert » la drogue ? Qui s’enrichit grâce à elle ?
- Pourquoi Tommy commence-t-il à se droguer ? Pourquoi estil contaminé par le sida (et pas
Renton qui se drogue depuis plus longtemps) ?
Analyse d’adaptation.
Quelle sont les différences entre le roman, la pièce et le film?
Qu’est-ce qui a été coupé? Et pourquoi selon vous?
Quelles sont les différences entre les personnages du film et les personnages de la pièce?

Documents pareils

job_7 Trainspotting

job_7 Trainspotting d’un voyage à l’issue imprécise, comme leur vie. C’est d’ailleurs ce qui les rassemble, ce vide de l’existence, leur manque de repères, l’impression que rien n’est pour eux dans la société. Visible...

Plus en détail