La dénonciation des accords collectifs
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La dénonciation des accords collectifs
La dénonciation des accords collectifs Traditionnellement, le droit du travail résulte et repose pour une grande partie sur le dialogue entre les partenaires sociaux. Confirmant cette propension, la loi du 20 août 2008 relative à la rénovation de la démocratie sociale ouvre d’une part la table des négociations à de nouveaux interlocuteurs et d’autre part laisse une plus grande liberté aux négociations d’entreprise, puisque l’accord de branche n’est plus une condition de mise en œuvre de certaines dispositions, mais devient une voie subsidiaire, à défaut d’accord d’entreprise. Après avoir été régulièrement négocié et conclu, les partenaires sociaux peuvent être amenés à vouloir ou à devoir complètement revoir les règles ainsi mises en place. À cette fin, la loi prévoit deux hypothèses, celle de la révision et celle de la dénonciation. Au regard des évènements récents secouant le paysage social dans le secteur sanitaire et médicosocial, nous vous proposons un rappel des règles et des conséquences en matière de dénonciation d’accords collectifs 1- Conditions de la dénonciation a. Accords susceptibles de faire l’objet d’une dénonciation Il peut être distingué 2 types d’accords collectifs (art. L. 2222-4 C. trav.): ceux dont la durée est limitée dans le temps, sans pouvoir toutefois excéder 5 ans, et ceux conclus pour une durée indéterminée. À titre d’exemple, la loi impose à certaines entreprises de conclure un accord collectif, sur les questions relatives à l’emploi des seniors ou à la prévention des situations de pénibilité. Ces accords ont une durée maximale de 3 ans. Selon les dispositions prévues à l’article L. 2261-9 du code du travail, seuls les accords collectifs à durée indéterminée peuvent faire l’objet d’une dénonciation. En effet, les engagements « perpétuels » étant prohibés, le code du travail réaffirme la liberté des parties à un accord de pouvoir se désengager, sous réserve de respecter les règles de procédure précisées par la loi et/ou par l’accord en cause. Ni l’employeur, ni les organisations syndicales de salariés n’ont à justifier des raisons de leur souhait de dénoncer un accord collectif de travail (Cass. Soc. 20 octobre 1993, n°89-18 949). b. Dénonciation totale/dénonciation partielle Au regard des règles prévues par le code du travail, seule la dénonciation totale d’un accord collectif semble être envisagée. La jurisprudence a en outre confirmé cette analyse en considérant les accords collectifs de travail comme constituant un tout contractuel. Ainsi, la suppression d’une disposition pourrait alors être susceptible de modifier l’équilibre général de l’accord. © réseau Uniopss-Uriopss / Site Guide de l’employeur / ‘Zoom sur’ / décembre 2012 1 La dénonciation des accords collectifs Toutefois, une dénonciation partielle d’un accord collectif de travail reste envisageable dans les 2 cas suivants : Le principe de la dénonciation partielle a été envisagé par les parties à l’accord lors de sa négociation (Cass. Soc. 3 mars 1977 n°75-13 440); CCN 51 art. 01.05.1. « La convention peut, à tout moment, être dénoncée en totalité ou en partie… » La dénonciation partielle a été envisagée. CCN 66 art. 2 « Chacune des parties contractantes se réserve le droit de la dénoncer… » La dénonciation partielle n’a pas été envisagée. Les parties à l’accord conviennent, postérieurement à la conclusion de l’accord, d’une dénonciation partielle (Cass. Soc. 16 octobre 1974 n° 73- 11 562) c. Auteurs de la dénonciation Selon les dispositions prévues par l’article L. 2261-9 du code du travail, toutes les parties signataires d’un accord collectif de travail peuvent engager une procédure de dénonciation. De même, les organisations représentatives de salariés ou d’employeurs ayant adhéré à l’accord professionnel peuvent ensuite le dénoncer. En effet, l’article L. 2261-4 du code du travail confère aux organisations adhérentes les mêmes droits qu’aux signataires des accords collectifs. Portant rénovation de la démocratie sociale, la loi du 20 août 2008 a pour effet de remettre en cause la représentativité des organisations syndicales de salariés au terme de chaque échéance électorale. De sorte qu’une organisation syndicale reconnue représentative peut négocier et signer un accord collectif et par la suite ne plus remplir les conditions d’audience suffisante à maintenir sa reconnaissance de représentativité ! Aussi, afin de prendre en compte cette hypothèse, le code du travail prévoit désormais, qu’en cas de perte de la qualité de représentative, la dénonciation de l’accord ne peut avoir d’effets que si elle émane d’une ou plusieurs organisation syndicales de salariés représentatives dans le champ d’application du texte, ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés (art. L. 2261-10 C. trav.). Pour les accords d’entreprise ou d’établissement, cette condition de majorité sera appréciée au regard des résultats au premier tour des dernières élections professionnelles dans cette entreprise ou cet établissement. Pour l’accord de branche ou interprofessionnel, cette condition de majorité sera appréciée au regard des résultats obtenus lors de la mesure de l’audience électorale, intervenant au plus tôt avant 20/08/2013. Accords conclus avec un représentant du personnel élus ou mandatés Depuis la loi du 20 août 2008, il est possible, sous certaines conditions, de conclure un accord collectif avec un représentant du personnel élu, ou avec un salarié mandaté. Cet accord ainsi conclu peut également faire l’objet d’une dénonciation suivant les modalités prévues pour sa conclusion (art. L. 2232-29 C. trav.). 2- Procédure de dénonciation © réseau Uniopss-Uriopss / Site Guide de l’employeur / ‘Zoom sur’ / décembre 2012 2 La dénonciation des accords collectifs a. L’obligation d’information et de consultation préalable Lorsque la dénonciation d’un accord collectif d’entreprise relatif à l’organisation, la gestion ou la marche générale de l’entreprise est envisagée par l’employeur, il devra préalablement informer et consulter le Comité d’Entreprise (art. L. 2323-2, L. 2323-6 C. trav.) (Cass. Soc. 5 mars 2008 n°0740 273). Le non respect de cette obligation préalable prive d’effet la dénonciation ainsi engagée. L’accord collectif irrégulièrement dénoncé demeure donc en vigueur et toute nouvelle mesure prise par l’employeur en lieu et place des dispositions conventionnelles constitue un trouble manifestement illicite. De plus l’employeur est alors passible des sanctions dues en matière de délit d’entrave. Outre cette obligation de consultation, la dénonciation d’un accord collectif obéit à certaines règles légalement prévues, à défaut de dispositions contenues dans l’accord en cause. b. Notification/ dépôt La partie à l’initiative de la dénonciation doit : notifier la dénonciation aux autres signataires ; faire un dépôt auprès de l’inspection du travail et auprès du conseil de prud’hommes dans les mêmes conditions qu’une convention ou un accord collectif (art. L. 2261-9 al3 et D. 22318 C. trav.). C’est à la date du dépôt auprès de la DIRECCTE que commence à courir le délai de préavis. c. Préavis Une fois la notification et le dépôt de la dénonciation, un préavis commence à courir. Selon les dispositions légales, ce préavis est au moins égal à 3 mois. Toutefois, l’accord en cause peut prévoir un préavis plus long (art. L. 2262-10 C. trav.). CCN 66 Art.2 « … se réserve le droit de dénoncer moyennant un préavis de 6 mois, de date à date… » 3- Les suites de la dénonciation a. Les effets immédiats de la dénonciation Les incidences de la dénonciation d’un accord collectif de travail sont fonction de l’auteur de la dénonciation. © réseau Uniopss-Uriopss / Site Guide de l’employeur / ‘Zoom sur’ / décembre 2012 3 La dénonciation des accords collectifs En effet, selon que la dénonciation émane de l’ensemble des signataires représentatives des salariés ou des employeurs ou d’une partie d’entre eux, les obligations et conséquences seront différentes : • délai de préavis de 3 mois avant l'ouverture des négociations dénonciation par la totalité d'une des •maintien maintien du texte pendant 12 mois/jusqu'à la conclusion d'un accord de parties signataires substitution L. 2261-10 •si si absence d'accord de substitution: création d'avantage individuel acquis • au terme des 12 mois, le texte n'est plus applicable par les auteurs de la dénonciation par une partie seulement des syndicats d'employeurs L. 2261-11 dénonciation par une partie seulement des syndicats de salariés dénonciation •Le texte, dans son état au jour du dépôt de la dénonciation, dénonciation ne leur reste applicable que dans les limites des 12 mois (sous réserve des incidences liées à l'extension de certaines dispositions. il convient ici de souligner que certaines conventions collectives du secteur ne sont pas étendues - CCN 51, 66, CHRS... ) • le texte continue à s'appliquer à l'ensemble des salariés comme s'il n'avait pas été dénoncé L. 2261-11 b. L’ouverture des négociations Lorsqu’un accord collectif a été dénoncé par la totalité des signataires employeurs ou des signataires salariés, une nouvelle négociation doit impérativement être engagée,, à la demande d’une des parties intéressées, dans les 3 mois qui suivent la date de la dénonciation (art. ( L. 2261-10 10). Toutes les organisations syndicales représentatives doivent être invitées à négocier l’accord de d substitution (Cass. Soc. 9 février 2000, n° 9797 22 619). c. Application provisoire du texte dénoncé Les dispositions contenues dans l’accord dénoncé continuent à recevoir application durant le temps imparti aux négociations, et ce à l’égard de l’ensemble des salariés couverts par l’accord dénoncé. L’accord continue à recevoir application jusqu’à la conclusion d’un accord de substitution et au plus pendant un délai de 12 mois suivant l’expiration du délai de préavis. © réseau Uniopss niopss-Uriopss / Site Guide de l’employeur / ‘Zoom sur’ / décembre 2012 4 La dénonciation des accords collectifs 4- L’issue des négociations La loi impose donc que des négociations soient engagées consécutivement à la dénonciation d’un accord collectif de travail. Il ne s’agit cependant que d’une simple obligation de négocier, et en aucun cas une obligation de conclure un accord. Aussi, différentes issues sont possibles suite à la dénonciation d’un accord collectif. a. En cas d’accord Constitue un accord de substitution, l’accord qui a pour objet de remplacer tout ou partie de l’accord dénoncé. Il n’est pas nécessaire que cet accord traite de l’ensemble des dispositions contenues dans l’accord dénoncé. De même, l’accord de substitution peut avoir un champ d’application plus restreint. L’accord de substitution ne peut entrer en vigueur avant la fin du délai de préavis. Il se substitue de plein droit à l’accord collectif et ce, même s’il se révélait moins favorable aux salariés. Une prime prévue par un accord d’entreprise peut ainsi être réduite de moitié par un autre accord d’entreprise en contrepartie d’un maintien de l’emploi (Cass. Soc. 19 février 1997, n° 9445286). Aucune modification de contrat ne peut être alors constaté, l’accord collectif à vocation à s’appliquer à la collectivité des salariés. Attention Toutefois, une décision de la cour de cassation semble remettre en cause le principe suivant lequel les dispositions collectives s’appliquent à la communauté des salariés sans requérir leur consentement individuel. En effet, dans une décision rendue en matière d’aménagement du temps de travail, les juges considèrent que bien qu’introduite par un accord collectif d’entreprise, la mise en place d’une modulation de travail ayant pour conséquence de modifier le cadre d’appréciation des heures supplémentaires, chaque salarié concerné devait se voir soumettre un avenant au contrat de travail (Cass. Soc. 28 septembre 2010 n° 08-43 161). Il sera donc appeler à une certaine prudence ! b. En l’absence d’accord Si aucun accord de substitution n’a pu être conclu au terme du délai de 12 mois prévu à cet effet, certains salariés pourront prétendre au maintien des avantages individuels acquis (art. L. 2261-13 C. trav.). i. La notion d’avantage individuel acquis La notion d’avantage acquis est pendant longtemps restée une notion floue. En effet, l’identification de l’avantage individuel acquis impose d’une part que soit précisé les avantages qui issus de l’accord dénoncé peuvent être considérés comme étant individuel, d’autre part, il est également nécessaire de définir les conditions devant être remplies pour considérer que cet avantage relève de l’acquis. • Un avantage individuel Suivant la doctrine, l’avantage individuel pris en compte par la Cour de cassation « est celui qui a vocation à bénéficier à chaque salarié individuellement et cela même si plusieurs salariés, voire tous ceux de l'entreprise, ou une catégorie d'entre eux, peuvent simultanément en bénéficier. Ce qui importe, c'est qu'en cas de nécessité un tel avantage puisse être invoqué par chaque salarié, isolément » (M. Despax, « Négociations, conventions et accords collectifs », 2e éd. : Dalloz 1989 n° 66 bis p. 296). © réseau Uniopss-Uriopss / Site Guide de l’employeur / ‘Zoom sur’ / décembre 2012 5 La dénonciation des accords collectifs Dans la ligne de cette définition posée par la doctrine, la Cour de cassation a considéré que la prise en compte du temps de pause dans le décompte du temps de travail effectif ne constituait pas un avantage individuel acquis au motif que cette mesure était incompatible avec l’organisation, collective, du travail dans l’établissement (Cass. Soc. 8 juin 2011, n° 09-42 807). La rémunération et la prise en compte du temps de pause dans la détermination du temps de travail n’est donc pas un avantage individuel, mais collectif et à ce titre, les salariés ayant bénéficié de ces dispositions ne peuvent continuer à s’en prévaloir une fois le délai de survie temporaire de l’accord échu. • Un avantage acquis Après certains retournements de situation, il est désormais de jurisprudence constante que doit être considéré comme acquis « l’avantage correspondant à un droit déjà ouvert et non à un droit simplement éventuel » (Cass. Soc. 19 juin 1987, n° 84-44688). Ainsi doivent être considérés comme étant ouverts, les droits pour lesquels le salarié remplit au moment de la dénonciation toutes les conditions pour en bénéficier. En résumé, peuvent être considéré comme étant un avantage individuel acquis ; l’avantage qui remplit cumulativement les conditions suivantes : - au jour de la dénonciation de l’accord collectif, procure au salarié un droit dont il bénéficie à titre personnel ; - et qui correspond à un droit déjà ouvert et non simplement éventuel. Ont ainsi été considérés par les juges comme constituant des avantages individuels acquis, les avantages suivants : - La structure de la rémunération (Cass. Soc. 1er juillet 2008 n°06-44 437) - Le niveau de rémunération (Cass. Soc. 26 novembre 1996 n°93- 44 811) Attention, si le niveau de rémunération constitue un avantage individuel acquis, les juges ont cependant souligné que le droit à la réévaluation de la rémunération suivant des règles prévues dans l’accord dénoncé n’est pas un avantage individuel acquis dont peut prétendre bénéficier un salarié (Cass. Soc. 24 novembre 1992, n°89-20 427). - Le droit à repos supplémentaire en cas de coïncidence d’un jour férié sur un jour de repos hebdomadaire du salarié (Cass. Soc. 2 juillet 2003 n°00-45 317) L’assimilation de période de suspension à du travail effectif (Cass. Soc. 13 mars 2001 n°9945 651) ii. Les bénéficiaires d’avantages individuels acquis Le principe du maintien des avantages individuels acquis ne trouve à s’appliquer qu’aux seuls salariés qui étaient déjà en poste au moment de la dénonciation de l’accord collectif de travail. Les salariés recrutés durant la période de maintien provisoire de l’accord ou pendant le délai de préavis ne peuvent se prévaloir de cette règle. iii. L’avantage individuel acquis : les conséquences La reconnaissance d’un avantage individuel acquis a pour effet de donner à cet avantage une valeur contractuelle. La remise en cause de cet avantage ne pourra intervenir qu’avec le consentement exprès des 2 parties au contrat de travail. © réseau Uniopss-Uriopss / Site Guide de l’employeur / ‘Zoom sur’ / décembre 2012 6 La dénonciation des accords collectifs L’émergence d’avantages individuels acquis en pratique soulève inévitablement un certain nombre d’interrogation : • Les avantages individuels acquis et le principe de l’égalité de traitement Par principe, la seule date d’entrée d’un salarié dans l’effectif ne peut à elle seule constituer un motif suffisant pour justifier d’une différence de traitement (cass. Soc. 11 juillet 2007 n° 06-42 128). Toutefois, selon les circonstances, la Cour de cassation permet ces différences de traitement dans la mesure où le maintien de ces avantages a pour objet de compenser un préjudice subi par les salariés du fait de la dénonciation de l’accord collectif. Tel est le cas d’un accord sur la structure des rémunérations qui compense pour les seuls salariés présents à la date de sa mise en œuvre la perte de salaire résultant de son application (cass. soc. 31 octobre 2006, n° 03-42641). © réseau Uniopss-Uriopss / Site Guide de l’employeur / ‘Zoom sur’ / décembre 2012 7