Les fièvres récurrentes enfin comprises?
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Les fièvres récurrentes enfin comprises?
10e s J I R P 씰 MISES 씰 MISES AU POINT AU POINT INTERACTIVES INTERACTIVES A. BOURRILLON Chef de Pôle de Pédiatrie Aiguë et de Médecine Interne, Hôpital Robert Debré, PARIS. Les fièvres récurrentes enfin comprises? es fièvres récurrentes auto-inflammatoires ont un tableau commun caractérisé par des poussées fébriles habituellement limitées à quelques jours, des signes souvent associés et variables (digestifs, cutanés, articulaires), un syndrome inflammatoire habituellement constant au cours des accès fébriles et absent dans l’intervalle de ceux-ci. Elles sont actuellement l’objet d’une meilleure compréhension d’ordre génétique et physiopathologique laissant entrevoir des perspectives thérapeutiques nouvelles. L Population méditerranéenne Population non méditerranéenne Mutations principales MEFV 2 mutations FMF génétique FMF ? FPAPA 0 ou 1 mutation Clinique évocatrice Recherche mutation des autres fièvres périodiques FMF : colchicine On peut actuellement classer les fièvres récurrentes autoinflammatoires en deux types selon qu’elles apparaissent d’origine génétique (la Fièvre Méditerranéenne Familiale est la plus fréquente) ou non héréditaire. D’autres fièvres récurrentes héréditaires ont été mises en évidence grâce aux progrès de la biologie moléculaire, mais elles sont beaucoup plus rares : l’hyperimmunoglobulinémie IgD avec syndrome inflammatoire à transmission également autosomique récessive et, beaucoup plus exceptionnellement, des fièvres récurrentes à transmission autosomique dominante et généralement sévères : le syndrome de Muckle-Wells (urticaire familiale au froid), les TRAPS, le Cinca, le PAPA… qui ne seront pas abordées ici. Les interrogations actuelles concernant la meilleure compréhension des fièvres récurrentes sont génétiques, cliniques, physiopathologiques ou intégrées à d’éventuelles nouvelles perspectives thérapeutiques (fig. 1). Les deux fièvres récurrentes les plus fréquentes chez l’enfant sont : – génétiques : la Fièvre Méditerranéenne Familiale (FMF) (anciennement maladie périodique), – non démontrée héréditaire : le FPAPA (anciennement syndrome de Marshall). Fig. 1 : Application pour une conduite diagnostique face à des fièvres récurrentes inexpliquées. ❚❚ LA FIEVRE MEDITERRANEENNE FAMILIALE 1. – Caractéristiques cliniques La FMF, anciennement dénommée maladie périodique, est la plus fréquente des fièvres récurrentes héréditaires. Elle se transmet sur un mode autosomique récessif et est caractérisée par des épisodes récurrents de fièvre accompagnés de signes cliniques traduisant une inflammation des séreuses (péritoine, plèvre, synoviales, vaginale, testiculaire, voire péricarde). 2. – Nouvelles données cliniques Le diagnostic de FMF est suspecté sur un faisceau d’arguments cliniques non spécifiques. Les accès aigus sont l’une des caractéristiques essentielles de la maladie: au terme de prodromes non spécifiques (irritabilité, sensations de vertiges, asthénie), les accès aigus se caractérisent par une fièvre aiguë, des douleurs abdominales ou basithoraciques (manifestations les plus caractéristiques), des douleurs articulaires (arthrite aseptique) et des signes cutanés (pseudo-érysipèle siégeant notamment au niveau des chevilles). Ces manifestations cliniques sont associées à un les fièvres récurrentes enfin comprises ? syndrome inflammatoire non spécifique. Leur périodicité est variable, imprévisible, peut-être reliée au stress. Des critères “simplifiés” ont été proposés par Livneh. Ils conduisent à porter le diagnostic de FMF devant l’observation : > de critères majeurs : – péritonite généralisée, – prurit unilatéral ou péricardite, – mono-arthrite (hanche, genou, cheville), – fièvre isolée, > ou de critères mineurs: atteintes incomplètes sur un ou plusieurs sites (abdomen, poumons, articulations), douleurs des jambes induites par l’effort, sédation des signes sous colchicine. 4. – Nouvelles données physiopathologiques La pyrine/marénostrine est exprimée essentiellement au niveau des polynucléaires neutrophiles et à un moindre degré des monocytes. Elle intervient notamment dans la production de cytokines. Sa sécrétion est régulée par l’interféron gamma, l’interféron alpha et le TNF alpha. La pyrine mutée interagit mal avec certains de ces domaines, induisant la cascade d’activation de la caspase 1 à l’origine d’une production d’interleukines et de l’amplification de la réaction inflammatoire. 5. – Nouvelles perspectives thérapeutiques Le diagnostic positif de la FMF implique au moins 1 critère majeur ou 2 critères mineurs au cours de 4 à 6 épisodes de fièvres inexpliquées. Le traitement des crises reste difficile et mal codifié, nécessitant le plus souvent le recours à des anti-inflammatoires non stéroïdiens (l’Advil semblant plus efficace que le paracétamol). 3. – Nouvelles données génétiques Il a été récemment proposé la prescription de traitements corticoïdes monodoses en cas de fièvres aiguës rebelles aux AINS. Ils sont rapidement efficaces sur la durée de la fièvre, mais semblent rapprocher les épisodes aigus. La FMF concerne essentiellement les populations du pourtour méditerranéen, en particulier les populations arménienne, turque, juive séfarade et arabe au sein desquelles l’estimation de la fréquence des hétérozygotes pour une mutation du gène varie de 1/6e à 1/20e. C’est une maladie à transmission autosomique récessive liée à des mutations du gène MEFV situées sur le chromosome 16 et codant une protéine de 781 acides aminés : la pyrine également appelée marénostrine. Les 4 premières mutations, décrites en 1997, représentent plus de 80 % des mutations des sujets atteints de FMF. Depuis, plus de 70 mutations ont été identifiées. Leur imputabilité dans la maladie reste à démontrer pour certaines d’entre elles. Le traitement préventif de la survenue de la crise demeure la colchicine à la dose de 0,5 à 2 mg/jour. Son mode d’action reste encore imprécis. Elle pourrait intervenir en limitant les phénomènes d’adhérence des polynucléaires neutrophiles et des cellules endothéliales. A long terme, elle prévient le plus souvent la survenue de l’amylose. L’innocuité de la colchicine est confirmée chez les enfants. Elle n’a aucune contreindication chez la femme enceinte et n’entraîne pas de stérilité chez les garçons. Il convient de souligner que certaines variations de séquences de l’ADN sont identifiées à une fréquence élevée dans la population générale et leur présence ne signifie donc pas qu’elles sont à l’origine de la maladie. A contrario, la fréquence élevée de sujets hétérozygotes pour les mutations les plus fréquemment retrouvées chez les sujets malades dans certaines populations (juives séfarades ou arméniennes) explique la transmission “pseudo-dominante” dans certaines familles. Il convient également de souligner que chez certains enfants répondant à des critères cliniques typiques de la maladie, il n’a pas été identifié de mutations, ce qui explique l’hypothèse de l’intervention d’autres gènes impliqués. L’hypothèse du caractère rebelle des crises au traitement par la colchicine doit conduire en premier lieu à réévaluer les doses préventives prescrites ou à s’inquiéter de la régularité de l’observance. Ce n’est que dans les cas exceptionnels de résistance réelle à la colchicine que l’interféron alpha a pu être proposé. Des études sont en cours pour l’utilisation d’antagonistes spécifiques ciblant différentes protéines ou récepteurs impliqués dans la cascade inflammatoire. Ainsi, dans tous les cas, la présence de mutations génétiques doit être interprétée avec prudence et toujours confrontée aux données cliniques. La seule fièvre héréditaire périodique que nous mentionnerons parmi les autres causes habituellement plus sévères et plus rares de fièvre récurrente est le syndrome de fièvre ❚❚ FIEVRE PERIODIQUE AVEC HYPERIMMUNOGLOBULINEMIE D 씰 MISES AU POINT INTERACTIVES périodique avec hyperimmunoglobulinémie D (nouvellement appelée HIDS). Ce syndrome a son nom lié à l’élévation des IgD sériques (> 100 UI/mL) pendant et dans l’intervalle des accès. Cette valeur n’est cependant pas spécifique puisqu’elle est observée également dans certains cas de FMF ou de TRAPS. Il s’agit d’une maladie à transmission autosomique récessive à pénétrance variable liée à des mutations du gène codant la mévalonate kinase (MVK) situé sur le chromosome 12. Son déficit est à l’origine d’une accumulation d’acide mévalonique dans les urines, test biochimique de première intention du diagnostic. ❚❚ LE FPAPA Le deuxième type de fièvre périodique dont l’origine génétique n’est pas démontrée est le FPAPA (antérieurement syndrome de Marshall). Son diagnostic actuel repose sur 6 critères majeurs : – fièvres récurrentes périodiques à début précoce (12 mois5 ans) et dont la date de survenue est le plus souvent prévisible, – présence d’au moins 1 des 3 signes suivants : stomatite aphteuse ; adénopathies cervicales ; pharyngite, – syndrome inflammatoire au cours des accès, – exclusion d’une neutropénie cyclique ou d’autres syndromes récurrents, – absence de symptômes et le plus souvent de syndrome inflammatoire en dehors des accès, – développement psychomoteur et croissance normaux. Les données physiopathologiques de ce syndrome demeurent incertaines et probablement proches des mécanismes de l’inflammation évoqués à propos de la fièvre méditerranéenne familiale. L’ibuprofène est habituellement plus efficace pour traiter la fièvre que le paracétamol. En cas d’échec de l’action antipyrétique de l’anti-inflammatoire non stéroïdien lors de plusieurs crises successives, il a pu être proposé une corticothérapie monodose (0,5 à 2 mg/kg) d’efficacité immédiate, mais semblant faciliter le rapprochement des crises. Le traitement préventif de la récidive des crises implique souvent une amygdalectomie ± une adénoïdectomie dont l’efficacité a pu être évaluée aux environs de 60 %. L’évolution spontanée est favorable en plusieurs mois, voire années. ❚❚ CONCLUSION Les fièvres récurrentes constituent un groupe hétérogène de maladies auto-inflammatoires. Le diagnostic repose sur les données d’une analyse clinique rigoureuse que la génétique permet parfois de confirmer. De nombreuses inconnues persistent et l’absence de mutations mises en évidence au cours de fièvres suspectées génétiques face à un tableau clinique pourtant évocateur ne doit pas faire éliminer formellement le diagnostic. Les études physiopathologiques de ces maladies contribuent à la compréhension des phénomènes moléculaires et des interactions protéiques impliquées dans la réaction inflammatoire. Une meilleure connaissance de ces mécanismes permettra sans doute la mise au point de thérapeutiques ciblées d’indications actuellement extrêmement limitées sur les facteurs de l’inflammation. Ainsi, de nombreuses interrogations demeurent… ■ Bibliographie HETGEN V. Fièvres récurrentes. In : A. Bourrillon, Pédiatrie pour le Praticien, 5e édition, 2009, pp. 429-432. KONE PAUT I, HENTGEN V, GUILLAUME S, TOUITOU I. La fièvre de l’enfant aux temps des pyrines. Arch Pediatr, 2007 ; 14 : 652-5.