323 CHRONIQUE DE LA FISCALITE DES MENAGES Les nouvelles

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323 CHRONIQUE DE LA FISCALITE DES MENAGES Les nouvelles
CHRONIQUE DE LA FISCALITE DES MENAGES
Les nouvelles dispositions fiscales relatives aux donations
entre ascendants et descendants et entre époux1
Aïda KTATA∗
Assistante à la Faculté
de Droit de Sfax
La transmission du patrimoine pose de plus en plus de
questions tant d’un point de vue pratique que d’un point de vue
juridique et fiscal. Plusieurs questions hantent l’esprit des donateurs
surtout à quel moment faut il penser à transmettre son patrimoine et
quel serait le coût fiscal d’une quelconque transmission?
C’est dans ce cadre là que s’inscrivent les nouvelles
dispositions relatives à la donation entre ascendants et descendants et
entre époux. En effet, alors que l’enregistrement des mutations à titre
gratuit, qu’elles soient entre vifs ou par décès de biens meubles ou
immeubles donne lieu en principe au paiement d’un droit
proportionnel qui varie en fonction du degré de parenté,
l’enregistrement de certaines donations « intrafamiliales » donne lieu
désormais au paiement d’un droit fixe.
Ainsi, s’il était habituel de constater la défaveur du législateur
pour l’acte désintéressé suspect d’abord sur le plan psychologique,
suspect surtout dans un système sociopolitique reposant sur l’échange
1
∗
Loi n°2006-69 du 28 octobre 2006, relative à l’exonération des donations entre
ascendants et descendants et entre époux du droit d’enregistrement proportionnel. JORT, n° 88 du 3 novembre 2006.
E-mail : [email protected].
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Chronique de la fiscalité des ménages
intéressé2, il apparaît clairement que cette méfiance traditionnelle et
naturelle est écartée au profit de la volonté de la conservation des
biens dans le cadre de la même famille et d’assurer la transmission
intergénérationnelle. La principale source de l’hostilité pour les
libéralités résidait dans la crainte qu’elles ne compromettent l’intérêt
de la famille3. Or s’il est vrai que les contraintes financières de l’Etat
semblent avoir détourné l’attention des pouvoirs publics d’élaborer
une véritable politique fiscale de la famille4, à travers la dernière
intervention législative, la famille, «cellule de base de nos sociétés 5»
se trouve au centre des préoccupations des décideurs politiques6. En
effet, réserver un régime fiscal propre pour les donations à destination
familiale avait pour objectif entre autres une consolidation des
rapports familiaux7.
Il est vrai que le code du statut personnel n’a pas réservé un
régime particulier aux donations à destination familiale. Par contre,
les auteurs du code civil français ont de leur part « manifesté leur
attachement à la sécurité et à la continuité de la famille française en
édictant des dérogations de faveur propres à multiplier les libéralités
à destination familiale» 8 . Ce n’est qu’en vertu de la dernière
modification que le droit fiscal tunisien a réservé un régime particulier
privilégié aux donations à destination familiale9. En effet,
2
3
4
5
6
7
8
9
J. J. DUPEYROUX, Contribution à la théorie générale de l’acte à titre gratuit,
LGDJ, Paris, 1955, p.7.
R. CASSIN, Les libéralités à destination familiales en France, études de droit
civil à la mémoire de Henri CAPITANT, 1977, librairie Edouard Duchemin,
Paris, p115.
N. BACCOUCHE, Droit fiscal général, 2008, p330, n° 431.
M. BOUVIER et M. CH. ESCLASSAN, Editorial, RFFP, n°14, 1986, p.1.
D’ailleurs, le conseil constitutionnel a affirmé dans son avis n° 31-2006 que « le
fait d’accorder des facilités fiscales concernant la mutation de la propriété par
la voie de donation entre ascendants et descendants et entre époux s’insère
dans le cadre de la protection de la famille qui fait partie des objectifs
consacrés par le préambule de la constitution », JORT, n°88, du 3 novembre
2006, p.3875.
Débats de la chambre des députés, JORT, 18 juillet 2006, p.879.
‫ﺗﻬﺪف ﻣﻘﺘﻀﻴﺎت ﻧﺺ اﻟﻤﺸﺮوع إﻟﻰ ﻣﺰﻳﺪ ﺗﻤﺘﻴﻦ اﻟﺮواﺑﻂ اﻷﺳﺮﻳﺔ وﺧﺎﺻﺔ ﺑﻴﻦ اﻷﺳﻼف واﻷﻋﻘﺎب وﺑﻴﻦ‬
.‫اﻷزواج وﺗﻴﺴﻴﺮ إﻧﺘﻘﺎل اﻷﻣﻼك ﻓﻴﻤﺎ ﺑﻴﻨﻬﻢ ﻋﻦ ﻃﺮﻳﻖ اﻟﻬﺒﺔ‬
R. CASSIN, article précité, p116.
Il est vrai qu’à travers l’article 38 bis du CDET une certaine particularité est
réservée à la renonciation à l’héritage des ascendants au profit des descendants.
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Chronique de la fiscalité des ménages
l’allongement de la durée de vie et les difficultés d’insertion
professionnelle des jeunes générations expliquent pour une grande
part la tendance vers l’encouragement des transmissions anticipées de
patrimoines. « Il est évident qu’hériter à 60 ou 70 ans sera un non
sens économique que sociétal »10. Certains ont même considéré
que « la richesse d’un pays se mesure non seulement à l’aune de
capitalisation de ses avoirs, mais également à la vitesse de rotation de
sa monnaie » 11. En effet, l’âge des détenteurs du patrimoine
influence significativement son mode de gestion»12.
Une parenté certaine existe entre les donations et les
successions. D’ailleurs, par définition les donations constituent un
moyen de préparer sa succession dans la mesure où elles consistent à
donner ou à partager, de son vivant tout ou partie de son patrimoine.
Réserver un statut fiscal particulier pour les donations ne revient-il pas
à contredire la logique successorale? Logiquement, on doit s’attendre
à ce que « les parents effrayés par le taux des droits de succession,
affrontent les risques de la donation qui fut souvent génératrice de
procès entre leurs enfants et surmontent la répugnance de tout être
humain à se dépouiller complètement de la propriété de leurs biens de
leur vivant »13. Désormais, étant donné que les donations sont
soumises à un régime fiscal plus favorable que les successions, il faut
10
11
12
13
Seulement il s’agit là d’une application de l’adage « non bis in idem » et non
d’une véritable faveur pour les donations intrafamiliales. En effet, étant un droit
réaliste, le droit fiscal ne tire pas les conséquences d’une opération qui n’a pas
de conséquences en fait. L’ascendant ne va pas bénéficier de l’héritage mais va
le transmettre par donation au descendant. D’ailleurs, le bénéficiaire à savoir le
descendant se substituera à l’ascendant pour le paiement des droits de
succession.
G. HUBLOT, De l’opportunité d’une réforme ou d’une suppression de la
fiscalité successorale, DF, supplément au n°25, 2007, p.20, n°4.
Il s’agit d’une conception d’Alain Euzéby exposée par, G. HUBLOT, De
l’opportunité d’une réforme ou d’une suppression de la fiscalité successorale,
DF, supplément au n°25, 2007, p.20, n°4.
H. LEHERISSEL et M. CAPELLE, Droits de succession : réforme ou
suppression, DF, supplément au n°25, 2007, p.16, n°2.
R. CASSIN, Les libéralités à destination familiales en France, article précité,
p.132.
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Chronique de la fiscalité des ménages
s’attendre à ce que les héritages ne seront plus transférés en bloc mais
de manière fractionnée anticipée par voie de donation14.
Sur le plan fiscal, l’enregistrement de la donation donne lieu
sauf exonération15 au versement des droits de mutation à titre gratuit
Dont le taux est identique à celui des droits de succession et varie
donc selon le degré de parenté entre donateur et donataire. L’impôt sur
les mutations à titre gratuit est généralement décrit comme « un impôt
intimement lié à la notion de famille qui favorise les transmissions en
ligne directe alors qu’il frappe lourdement les transmissions en ligne
collatérale ou entre non parents »16.
Le législateur tunisien, et contrairement à son homologue
français17 ne consacre pas un texte général qui impose
l’enregistrement des donations18. Toutefois, il va sans dire que cette
obligation est consacrée en droit fiscal tunisien. L’enregistrement des
actes sous seing privé et des actes notariés emportant donation de
biens meubles19 et immeubles est obligatoire20. L’enregistrement est
également obligatoire, ce qui montre l’autonomie du droit fiscal21, sur
les donations verbalement convenues des biens énoncés à l’article 6
14
15
16
17
18
19
20
21
A. STEICHEN, Faut-il enterrer les impôts de succession, DF, supplément au
n°25, 2007, p.14, n°66.
Il s’agit du cas de renonciation à l’héritage prévu par l’article 38 bis du CDET.
R. CLAUSARD, Patrimoine familial et impôt, RFFP, n°14, 1986, p.120.
L’article 750 ter du CGI.
Aussi bien pour les successions que pour les testaments, l’article 4 et l’article 7
du CDET prévoient le caractère obligatoire de la formalité de l’enregistrement.
L’article 3 n°4 du CDET impose l’enregistrement des donations de biens
meubles.
En effet, en vertu de l’article 3 n°3 du CDET, les actes sous seing privé portant
donation d’immeubles ou de fond de commerce sont obligatoirement soumis à
la formalité de l’enregistrement dans un délai de 60 jours à compter de leur
date. De même, en vertu de l’article 2 n°2 du CDET, les actes notariés touchant
à la situation juridique des immeubles et des fonds de commerce sont
obligatoirement soumis à la formalité de l’enregistrement dans un délai de 30
jours à compter de leur date.
L’inobservation des formalités nécessaires à la validité des donations n’a pas de
conséquences sur l’exigibilité de l’impôt. Cependant, la nullité judiciaire de la
donation ouvre droit à la restitution dans les conditions prévues par l’article 74
du CDET. En effet,«le droit fiscal, en matière d’enregistrement ne se soucie
pas de la validité des conventions juridiques », LOUIS MARTIN, les donations
en droit fiscal, JCP, éd N, n°48, Doctrine, 1990, p.436, n°17.
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Chronique de la fiscalité des ménages
du CDET22. En effet, cet article ne distinguant pas entre les mutations
gratuites et onéreuses, il y a lieu de conclure que quoi qu’il en soit de
leur éventuelle nullité23, les donations de tels biens résultant de
conventions simplement verbales doivent faire l’objet de déclaration
pour la perception des droits de mutation à titre gratuit.
Le tableau ci après exposera le champ de la formalité
d’enregistrement des donations.
La formalité de l’enregistrement des donations
Donation de biens
meubles
Acte sous seing privé
Acte notarié
Convention verbale
Donation de biens
immeubles ou d’un
fonds de commerce
Enregistrement
obligatoire
Enregistrement
obligatoire
Article 3n°4CDET
Article 3 n°3 CDET
Enregistrement
obligatoire
Enregistrement
obligatoire
Article 2 n°1 CDET
Article 2 n°2 CDET
Hors champ d’application
de la formalité de
l’enregistrement
Enregistrement
obligatoire
Article 6 n°1 CDET
En vertu des dispositions de la loi n° 2006-69 du 28 octobre
2006, la fiscalité de l’enregistrement des donations entre ascendants et
descendants et entre époux a fait l’objet, encore une fois24, d’une
22
23
24
Il s’agit des immeubles et des fonds de commerce.
En vertu de l’article 204 du code de statut personnel, l’acte authentique est une
condition de validité des donations d’immeubles.
L’enregistrement des donations entre ascendants et descendants et entre époux
avait déjà fait l’objet d’une modification en vertu de l’article 8 de la loi n°98-73
du 4 août 1998. Auparavant, l’enregistrement des donations entre ascendants et
descendants et entre époux donnait lieu au paiement des droits d’enregistrement
aux taux de 5% au même titre que l’enregistrement des donations entre frères et
sœurs. En vertu de la loi du 4 août 1998 précitée, le législateur, tout en
distinguant entre la donation entre ascendants et descendants et entre époux et la
donation entre frères et sœurs, avait soumis les premières à un taux plus réduit
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Chronique de la fiscalité des ménages
modification. Les mutations à titre gratuit intrafamiliales bénéficient
désormais d’un traitement fiscal de faveur. Cependant, s’il est vrai que
les donations d’immeubles entre ascendants et descendants et entre
époux sont à compter de la loi n° 2006-69 du 28 octobre 2006
soumises à un régime de quasi transparence fiscale25, cette dernière est
aussi tôt remise en cause en cas de cession ultérieure d’un immeuble
ayant déjà bénéficié de l’enregistrement au droit fixe. En effet, tiraillé
entre la volonté d’encourager les transmissions intrafamiliales et le
rajeunissement dans la gestion des richesses d’un côté et les
contraintes budgétaires de plus en plus aigues d’un autre côté, le
législateur tunisien n’était il pas amené à compenser au niveau de
l’assiette de l’impôt sur la plus-value le manque à gagner résultant
d’une imposition provisoirement réduite de certaines donations?
Les contraintes budgétaires difficiles auxquelles est confronté
le budget tunisien, ont poussé les pouvoirs publics à limiter d’un côté
le champ du régime fiscal de faveur applicable aux donations (I) et à
prévoir un palliatif au manque à gagner à travers l’imposition de la
plus value immobilière (II).
I - L’ETENDUE DES NOUVELLES DISPOSITIONS
Dans un contexte national caractérisé par la faiblesse des
recettes fiscales, il est clair que la volonté des pouvoirs publics tend
vers la limitation, sinon la précision du champ d’application de cette
réforme. En effet, trois critères différents permettent d’appréhender
l’étendue de l’application des nouvelles dispositions.
D’un point de vue personnel, le régime fiscal de faveur ne
concerne que les mutations à titre gratuit intrafamiliales. Ceci pose la
25
de 2,5%. Cette réduction était introduite afin d’encourager les membres d’une
même famille à préserver l’unité du patrimoine familial. Voir dans ce sens les
débats parlementaires relatifs à la loi du 4 août 1998, JORT, 29 juillet 1998,
n°41, p. 12.
‫ واﻋﺘﺒﺎرا ﻟﻠﻄﺒﻴﻌﺔ اﻟﺨﺎﺻﺔ ﻟﻬﺬﻩ اﻹﺣﺎﻻت اﻟﺘﻲ ﺗﺘﻢ ﺑﺪون ﻣﻘﺎﺑﻞ ودﻋﻤﺎ ﻟﺮواﺑﻂ اﻷﺳﺮة وﻟﺘﻔﺎدي ﺗﺜﻘﻴﻞ‬...
‫آﺎهﻞ اﻷﺑﻨﺎء أو اﻵﺑﺎء أواﻷزواج ﺑﺎﻵداءات وﺣﺜﻬﻢ ﻋﻠﻰ اﻹﺑﻘﺎء ﻋﻠﻰ وﺣﺪة اﻹﺳﺘﻐﻼﻻت اﻹﻗﺘﺼﺎدﻳﺔ وﺗﻼﻓﻲ‬
.‫اﻟﺘﻔﺮﻳﻂ ﻓﻴﻬﺎ‬
A. YAICH, La loi de finances 2007 et les lois relatives à la réduction de
certaines impositions, RCF, n°75, 2007, p. 27.
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Chronique de la fiscalité des ménages
question de la détermination du cercle familial à prendre en
considération. Les nouvelles dispositions ne concernent que les
donations entre ascendants, descendants et entre époux. Il s’agit alors
d’un privilège conditionné par la qualité du donateur et du donataire.
Cette précision implique trois séries de conséquences.
Il est à préciser d’une part que certains considèrent que les
notions « ascendants » et « descendants » ne signifient respectivement
que les enfants ou les parents. Cependant, cette opinion est discutable
du moment que les termes de la loi, étant généraux, ils doivent être
pris dans leur généralité d’autant plus que dans sa signification
étymologique26, la notion de « descendant » couvre l’enfant, petit
enfant et même le neveu. D’ailleurs, même si on admet, en matière
d’enregistrement, une interprétation stricte des notions « ascendants »
et « descendants » quels seraient alors les droits d’enregistrement
applicables en matière de donation et de succession entre petits fils et
grands parents27 ? De même, il parait que l’administration fiscale
avait adopté une acception large des notions ascendants et descendants
et ce à l’occasion de l’application de l’article 38bis du CDET relatif à
l’exonération de la renonciation à l’héritage des ascendants au profit
des descendants28. Ainsi, l’enregistrement au droit fixe prévu par
l’article 23 n°18 nouveau du CDET couvre aussi bien les donations
entre parents et fils que les donations entre grands parents et petits fils
en général.
26
27
28
Selon le dictionnaire Robert, le descendant est une personne qui est issue d’un
ancêtre.
Le tarif des droits d’enregistrement des donations et successions prévu par
l’article 20 n°16 du CDET varie selon le degré de parenté. En effet, il est de
2,5% pour les transmissions entre ascendants et descendants et entre époux, de
5% pour les transmissions entre frères et sœurs, de 25% entre oncles ou tantes,
neveux et nièces, grands oncles et grandes tantes et petits neveux ou petites
nièces et entre cousins, de 35% entre parents au delà du quatrième degré et entre
personnes non parentes.
Dans une prise de position 2420 du 2 novembre 2000, la DGELF a précisé que
la renonciation à l’héritage consentie par une grand-mère au profit de ses petits
fils est exonérée du droit d’enregistrement sur les donations. Le droit
d’enregistrement de l’héritage est dû par le bénéficiaire de la renonciation.
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Chronique de la fiscalité des ménages
D’autre part, alors que le droit français, à travers l’article 790
G du CGI accorde une exonération des droits de mutation à titre
gratuit des dons de sommes d’argent dans la limite de 30 milles euros
consentis sous certaines conditions au profit de ses neveux et nièces en
l’absence de descendance, le législateur tunisien réserve l’application
des nouvelles mesures en matière d’enregistrement des donations aux
hypothèses de descendance directe.
Il est à signaler enfin que, contrairement au législateur français
qui a souvent conditionné le bénéfice d’une certaine exonération en
matière d’enregistrement des donations par un âge déterminé, le
législateur tunisien, plus réaliste d’ailleurs29, prévoit l’application de
cette nouvelle mesure nonobstant l’âge de la personne concernée.
Ainsi, il apparaît à ce niveau que la législation tunisienne est plus
tolérante en matière d’enregistrement des donations intrafamiliales.
D’un point de vue matériel, trois éléments permettent de
préciser l’étendue de ces nouvelles dispositions.
D’une part, ces dispositions ne s’appliquent qu’aux donations.
En effet, alors que le premier tiret de l’article 20 n°16 du CDET
s’applique pour toutes les mutations à titre gratuit de biens meubles et
immeubles entre ascendants et descendants et entre époux, l’article 23
n°18 ter nouveau du CDET ne concerne que les donations. Ainsi, les
transmissions par décès entre ascendants et descendants et entre époux
restent soumises au taux proportionnel de 2,5%. En réalité, la volonté
du législateur réside dans l’encouragement à la transmission du
patrimoine personnel non pas après le décès, soit par la voie
testamentaire ou la voie successorale mais au contraire durant la vie
29
L’article 790 G nouveau du CGI instaure une exonération dans la limite de 30
milles euros des dons des sommes d’argent consentis sous certaines conditions
au profit de ses enfants, petits enfants, arrières petits enfants ou ses neveux et
nièces en l’absence de descendance. L’application de ce dispositif est
conditionnée par un certain âge du donateur et du donataire. En effet, pour
bénéficier de cette exonération, il faut que le donateur soit âgé au maximum de
64 ans et que le bénéficiaire soit âgé au moins de 18 ans le jour de la donation.
L’hypothèse d’un don qui peut profiter de ladite exonération, au profit d’un
petit enfant et encore moins au profit d’un arrière petit enfant est, humainement,
difficile à réaliser. Voir dans ce sens l’instruction administrative n°101 du 24
août 2007.
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Chronique de la fiscalité des ménages
humaine et ce par la voie de donation. D’ailleurs, l’encouragement
à la transmission anticipée est nécessaire au dynamisme économique
du pays.
D’autre part, l’exonération concerne aussi bien les biens
meubles ou immeubles. En dépit de l’utilisation d’une formule
générique à travers les dispositions de l’article 23 n°18 celle de
« biens », l’article 20 n° 16 du CDET, le précédant cadre juridique de
la matière traite expressément des mutations à titre gratuit de biens
meubles et immeubles. D’ailleurs, l’administration fiscale dans la note
commune n° 23-2007 a précisé que cette mesure couvre les donations
de biens quelle que soit leur nature. Les conseillers, saisis du projet de
la loi tel qu’adopté par la chambre des députés, avaient cru bon de
préciser que cette mesure de faveur concerne les donations de biens, y
compris les donations de nue propriété ou d’usufruit de bien
immeuble. Cependant, malgré la validité douteuse de cette précision
sur le plan civil30, sur le plan fiscal, cette précision est de nature à
empêcher toute interprétation restrictive des nouvelles dispositions par
l’administration fiscale.
Enfin, à travers la loi du 28 novembre 2006, trois prélèvements
se trouvent modifiés en matière de fiscalité de l’enregistrement des
donations d’immeubles. Désormais, les donations entre ascendants et
descendants et entre époux sont enregistrées au droit fixe de 15 dinars
par acte aux termes de l’article 23 n°18 ter du CDET. De même, en
cas de donation entre ascendants et descendants et entre époux de bien
immeuble, la dite donation ne donne pas lieu à l’application du droit
30
Dans un article de presse paru le 6 mai 2007, il a été avancé que la dernière
réforme avait apporté une nouvelle catégorie juridique celle de la donation
d’usufruit ou de nue propriété. En effet, le législateur ne distinguait pas
auparavant, dans le cadre du code de statut personnel, entre la donation
d’usufruit et la donation de nue propriété mais traite indifféremment de la
donation de propriété. D’ailleurs, le démembrement du droit de propriété n’est
valable et possible que pour les ventes. En effet, parmi les conditions de validité
de la donation, la remise de l’objet donné et ce aux termes de l’article 201 du
code de statut personnel. Comment prévoir une quelconque remise en matière
de donation de nue propriété d’immeuble ? (La donation de nue propriété
signifie à priori que le donateur donne un immeuble que le donataire ne peut en
profiter qu’après la mort du donateur).
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Chronique de la fiscalité des ménages
proportionnel d’inscription foncière31 s’il s’agit d’un immeuble
immatriculé ou à l’application du droit proportionnel de partage des
immeubles non immatriculés32 et soumise en toute hypothèse à un
droit fixe de cent dinars.
Aussi, aux termes de l’article 20 n° 10 du CDET, les mutations
de propriété de biens immeubles qui ne font pas mention de la
justification du paiement des droits d’enregistrement afférents à la
dernière mutation sont soumis à un droit complémentaire de 3%.
D’ailleurs, dans le cadre de l’encouragement aux transmissions
intrafamiliales, l’article 5 de la loi du 28 octobre 2006 modifiant
l’article 20 n° 10 du CDET a limité l’application du droit
complémentaire fixé à 3% aux actes notariés et sous seing privé
relatifs aux mutations à titre onéreux de biens immeubles. Désormais,
toutes les donations d’immeubles sont devenues, nonobstant le degré
de parenté entre le donateur et le donataire hors champ d’application
du droit complémentaire dû pour défaut d’origine de propriété. Ainsi,
une personne ne serait elle pas tenté au lieu de procéder à une vente
soumise au taux de 5% d’un immeuble à un frère ou à une sœur de
procéder à une donation fictive soumise aussi au droit de 5% afin
d’échapper au paiement du droit supplémentaire pour défaut d’origine
de propriété.
Le tableau ci-après dressé exposera les droits dus en cas
d’enregistrement des donations d’immeubles entre ascendants et
descendants et entre époux.
31
32
Il s’agit du droit de la propriété foncière prévu par la loi n°80-88 du 31
décembre 1980 telle que modifiée par les textes ultérieurs.
Il s’agit du droit de mutation et de partage des immeubles non immatriculés tel
que prévu par la loi n°2002-101 du 17 décembre 2002 portant loi de finances
pour l’année 2003.
332
Chronique de la fiscalité des ménages
Les droits dus en cas d’enregistrement des donations d’immeubles
entre ascendants et descendants et entre époux
Avant l’entrée en
vigueur de la loi du 28
octobre 2006
Après l’entrée en
vigueur de la loi du 28
octobre 2006
Droit d’enregistrement.
20 n° 16 CDET
2,5%33 applicable pour
toute donation
d’immeubles
Droit complémentaire
pour défaut d’origine de
propriété 20 n°10 CDET
3%applicable en cas de
défaut de mention de
l’origine de propriété
N’est plus exigible34
Droit de la conservation
de la propriété foncière
1% applicable pour les
immeubles immatriculés
100 dinars
Droit de mutation et de
partage sur les immeubles
non immatriculés
1% applicable pour les
immeubles non
immatriculés
100 dinars
15dinars
D’un point de vue temporel, l’administration fiscale a
distingué35 en l’absence de disposition légale spéciale en matière
d’application dans le temps des nouvelles dispositions, entre les
dispositions relatives au droit d’inscription foncière, qui s’appliquent
immédiatement pour les donations présentées à la formalité de
l’enregistrement à compter du 10 novembre 2006 et ce nonobstant la
33
34
35
En vertu de l’article 39 du CDET, pour la liquidation et le paiement des droits
dus sur les donations, la valeur des immeubles quelle que soit leur nature est
déterminée d’après la valeur vénale réelle des biens à la date de la transmission
et sans déduction des charges et ce d’après la déclaration estimative des parties.
Le droit complémentaire n’est plus exigible pour toutes les donations peu
importe le degré de parenté entre le donateur et le donataire.
La loi n°2006-69 n’a pas prévu une date particulière pour son application. Ainsi,
l’administration fiscale dans la note commune n°23-2007 a considéré que la dite
loi s’applique à partir de la date du 10 novembre 2006 comme suit :
- Aux actes de donations rédigés à partir du 10 novembre 2006 pour :
* Le droit d’enregistrement
* Le droit dû pour défaut d’origine de propriété
* Le droit de mutation et de partage des immeubles non immatriculés
- Aux actes de donations présentés à la formalité de l’enregistrement à partir du
10 novembre 2006 pour le droit d’inscription foncière.
333
Chronique de la fiscalité des ménages
date de leur conclusion, et entre les dispositions relatives aux autres
prélèvements36 qui ne s’appliquent que pour les donations rédigées à
partir du 10 novembre 2006. L’application immédiate du droit
d’inscription foncière de 100 dinars au lieu du droit proportionnel de
1% pour les donations d’immeubles entre ascendants et descendants et
entre époux n’est-elle pas révélatrice que la dernière réforme visait
certes la préservation du patrimoine familial dans le cadre de la même
famille, mais aussi la régulation de la situation de la propriété foncière
de certains titres fonciers gelés ?
II – LES IMPLICATIONS EN MATIERE DE PLUS-VALUE
En vertu de l’article 4 de la loi du 28 octobre 2006 précitée, il
est ajouté un sous paragraphe à l’article 28 du CIR. En effet, en cas de
cession ultérieure des biens acquis par donation, l’imposition de la
plus-value résultant le cas échéant de cette cession est déterminée sur
la base de la valeur à la date de leur possession par le donateur. Il
s’agit là d’une nouvelle mesure en matière d’imposition de la plusvalue immobilière qui a touché non seulement le principe de
l’imposition de la plus-value en cas de donation mais aussi le régime
de détermination de la plus-value en cas de cession ultérieure du bien
acquis par donation.
Concernant le principe même de l’imposition de la plusvalue immobilière, l’article 27 paragraphe III du CIR pose un
principe d’imposition de la plus-value immobilière réalisée par les
particuliers. Le fait générateur de l’imposition de cette plus-value est
rattaché à l’existence d’une opération de « cession »37. D’ailleurs, le
législateur parle clairement d’une plus value de cession. Par cession
on doit entendre toute « …transmission entre vifs, du cédant au
cessionnaire, d’un droit réel ou personnel, à titre onéreux ou
gratuit »38. Ainsi, contrairement au droit français qui traite de cession
onéreuse, en droit fiscal tunisien, la donation, qui constitue une
opération de cession à titre gratuit, est soumise à l’impôt dû au titre de
36
37
38
Il s’agit du droit d’enregistrement, du droit dû pour défaut de mention d’origine
de propriété et du droit de mutation et de partage des immeubles non
immatriculés.
M. KOSSENTINI, La plus-value en droit fiscal tunisien, thèse pour le doctorat
en droit, FDS, 2006, p.113.
G. CORNU, Vocabulaire juridique, op. cit., p. 125.
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Chronique de la fiscalité des ménages
la plus-value immobilière. Il est à signaler cependant que
« l’imposition de la plus-value découlant de l’opération de donation
revient en effet à imposer une plus-value non effectivement réalisée
par le contribuable cédant à titre gratuit. Elle apparaît ainsi comme
un prélèvement sur le capital accumulé par le donateur et ne constitue
en fin de compte qu’une augmentation déguisée des droits
d’enregistrement perçus sur l’opération de donation» 39.
Ce principe d’imposition de la plus-value immobilière connaît
plusieurs exceptions. En effet, la plus-value de cession de bien
immeuble faite au conjoint, aux ascendants et descendants est
exonérée de l’impôt sur la plus-value immobilière40. Ainsi,
conformément à l’article 27 du CIR, la donation d’immeuble qui
constitue une cession à titre gratuit, faite au conjoint, aux ascendants
et descendants est exonérée de l’impôt sur la plus-value immobilière41.
Concernant la détermination de la plus-value imposable en
cas de cession ultérieure du bien acquis par donation, avec l’entrée
en vigueur de la loi du 28 octobre 2006 précitée, l’enregistrement des
donations entre ascendants et descendants et entre époux donne lieu au
paiement du droit fixe de 15 dinars par acte ou lieu du droit
proportionnel de 2,5%. Ayant pour objectif la préservation du
patrimoine dans le cadre de la même famille, cet avantage se trouve
neutralisé en cas de cession ultérieure du bien acquis par donation.
En effet, « pour les cessions de biens acquis par donation entre
ascendants et descendants et entre époux, le prix de revient est
déterminé sur la base de leur valeur à la date de leur possession par
39
40
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M. KOSSENTINI, « La plus-value en droit fiscal tunisien », thèse précitée,
p.117.
Cette exonération s’explique par le fait que « si la cession faite au conjoint,
ascendants, descendants n’est pas gratuite elle est faite moyennant un prix
dérisoire en deçà de la valeur vénale du bien cédé ». Voir M. KOSSENTINI,
La plus-value en droit fiscal tunisien, thèse précitée, p.174.
En réalité, l’article 27 du CIR prévoit deux hypothèses d’exonération de la plus
value immobilière. Il s’agit de la cession faite au conjoint, ascendant,
descendant, au bénéficiaire du droit de priorité d’achat à l’intérieur des
périmètres de réserve foncières ou dans le cadre d’une expropriation pour cause
d’utilité publique et de la cession d’un seul local à usage d’habitation dans la
limite d’une superficie globale ne dépassant pas 1000 mètre carré.
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Chronique de la fiscalité des ménages
le donateur. La durée de détention est calculée dans ce cas à compter
de la date de possession par le donateur » 42.
Ainsi, l’avantage récemment accordé au niveau du tarif des
droits d’enregistrement se trouve compensé au niveau de l’assiette de
l’impôt sur la plus-value immobilière en cas de cession ultérieure. En
effet, le prix de revient concernant les opérations de cession des
immeubles acquis par donation entre ascendants et descendants et
entre époux est calculé sur la base de leur valeur à la date de leur
possession par le donateur. Ainsi, ne s’agit il pas plutôt d’un report de
l’imposition de la plus value plutôt qu’une réelle exonération de
l’impôt sur la plus value de la donation entre ascendants et
descendants et entre époux ? Si cette mesure se trouve financièrement
justifiée, il n’en demeure pas moins qu’elle est socialement
contestable. En effet, le législateur aurait dû saisir cette occasion pour
harmoniser et réformer une fois pour tout le régime des donations. En
effet, dans la majorité des législations fiscales comparées43, les
cessions à titre gratuit sont purement et simplement exclues du champ
d’application de l’impôt dû au titre de la plus-value. Pourquoi n’a-t-on
pas saisi cette réforme pour généraliser « l’exclusion de l’opération de
donation du champ d’application de l’impôt dû au titre de la plusvalue immobilière tout en différant le paiement de l’impôt dû sur cette
opération en cas de cession ultérieure 44? » D’ailleurs, pourquoi ne
pas s’inspirer du droit anglais qui exonère sous certaines conditions
toute donation à une personne physique45?
Soustraire les donations intrafamiliales du champ d’application
du droit d’enregistrement proportionnel n’est il pas de nature à heurter
le principe d’imposition selon les facultés contributives ? De son côté,
42
43
44
45
L’article 28 infine du CIR.
Il s’agit à titre d’exemple du droit français et du droit belge. Voir dans ce sens,
M. KOSSENTINI, La plus-value en droit fiscal tunisien, thèse précitée, p.116.
D’ailleurs, le législateur tunisien par la loi du 28 octobre 2006 précitée a essayé
de répondre partiellement aux revendications d’un chercheur qui a proposé de
s’aligner sur la législation américaine non pas uniquement en matière de
donation entre ascendants et descendants et entre époux. Voir dans ce sens,
M. KOSSENTINI, La plus-value en droit fiscal tunisien, thèse précitée.
H. LEHERISSEL et M. CAPELLE, Droits de succession : réforme ou
suppression, DF, supplément au n°25, 2007, p.18, n°12.
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Chronique de la fiscalité des ménages
étant saisi à deux reprises46, le conseil constitutionnel a considéré que
le régime des donations ne porte pas atteinte au principe de l’équité.
Pour l’instant, l’enregistrement au droit fixe au lieu du droit
proportionnel des donations intrafamiliales est de nature à décongeler
la situation foncière d’un nombre considérable de titres fonciers et à
infliger un nouveau souffle dans la vie économique.
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Avis du conseil constitutionnel n° 31-2006 et 53-2006 relatif au projet de la loi
relative à l’exonération des donations entre ascendants et descendants et entre
époux du droit d’enregistrement proportionnel.
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