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C’est, avec «Fanny et Alexandre», le plus beau film en couleurs de Bergman.
Un chef-d’oeuvre de perfectionnement technique, de raffinement dans la mise en scène et l’interprétation.
A la fin du XIXème siècle, Agnès se meurt d’un cancer dans le manoir familial. Ses deux soeurs, Karin et Maria, sont venues l’assister
mais seule la servante Anna parvient à l’aider. Karin, l’aînée est mariée à un homme rigide qu’elle n’aime pas, elle va même jusqu'à
se mutiler pour éviter tout rapport. Maria aussi est mariée à un homme sans im por tan ce , elle avoue elle-même être superficielle et
insouciante. Les sœurs se succèdent au chevet de la malade. Après le décès, outre les problèmes de la succession, Karin et Maria
essaient de se parler, de se connaître, difficilement. Les non-dits masquent la haine. Anna, la servante, est autorisée à prendre un
objet ayant appartenu à la défunte avant de partir. Elle choisit son journal intime.
FICHe TeCHNIqUe
RéalIsatIOn
INGMar BerGMaN
sCénaRIO
INGMar BerGMaN
pHOtOgRapHIe
SVeN NYKVIST
MusIQue
CHoPIN
(mazurka en la mineur N°4 opus 17)
J.S. BaCH
(sarabande-suite n°5 en do mineur)
MOntage
SIW LUNDGreN
DeCORs
GUNILLa HaGBerG
COstuMes
GreTa JoHaNSoN
KarIN JoHaNSoN
pRODuCtIOn
CINeMaToGraPH
SVeNSKa FILMINSTITUT
INTerPréTaTIoN
agnes
HarrIeT aNDerSSoN
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KarI SYLWaN
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INGrID THULIN
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JOaKIM
HeNNING MorITZeN
IsaK le pasteuR
aNDerS eK
CrIS eT CHUCHoTeMeNTS
VIsKnIngaR OCH ROp
SUeDe - 1972 - DUrée 1H30 - VoST
oscar 1974 de la meilleure photographie
SORTIE lE 19 AOÛT 2009
Copies neuves
Presse
Nadine Méla
Tél : 01 56 69 29 30
[email protected]
J­ ’avais tourné quelques films hésitants, mais j’avais gagné un peu d’argent. J’étais en
mauvais état après ma grandiose mise en scène ratée avec moi et Liv Ullmann dans les
deux premiers rôles et les «raukar» de Farö pour décor. Un des protagonistes s’était
enfui et je restais seul en scène. J’ai monté un assez bon spectacle du Songe, je suis
tombé amoureux de l’amourachement d’une jeune actrice, devant le mécanisme de la
répétition j’ai pris peur, je me suis retiré dans mon île et j’ai écrit, dans une longue crise
de mélancolie, le scénario d’un film qui s’appelait Cris et chuchotements.
J’ai réuni mes économies, j’ai persuadé les quatre principaux rôles d’engager leurs
cachets en tant qu’associés à la production et j’ai emprunté un demi-million à l’Institut
du Cinéma. Cela a immédiatement provoqué le ressentiment de nombreux travailleurs
du cinéma qui se sont plaints et ont accusé Bergman d’enlever le pain de la bouche de
ses pauvres collègues suédois, lui qui pouvait trouver de l’argent à l’étranger. Ce n’était
pourtant pas le cas. Après une série de demi-échecs, il n’y avait plus de financiers, ni en
Suède, ni à l’étranger. C’était parfaitement dans l’ordre. J’ai toujours apprécié la sin cérité brutale du cinéma international. On n’a pas à hésiter quant à sa cote sur le mar ché international. La mienne était à zéro. Pour la deuxième fois de ma vie, les critiques
recommencèrent à dire que ma carrière était finie. Très bizarrement, je n’étais pas affecté par cette indifférence silencieuse ou bavarde.
Nous avons tourné le film dans une joyeuse atmosphère de confiance. Le lieu du tournage était un manoir délabré près de Mariefred. Le parc était retombé à l’état sauvage
juste comme il le fallait et les belles pièces étaient dans un si mauvais état que nous pouvions les refaire selon notre désir. Nous avons vécu et travaillé pendant huit semaines
dans ce manoir.
Il m’arrive de regretter d’avoir mis un terme à mon travail cinématographique. C’est naturel et ça passe vite. Je regrette surtout
ma collaboration avec Sven Nykvist. Cela vient peut-être de ce que nous sommes tous les deux fascinés sans réserve par la problématique de la lumière. La lumière douce, dangereuse, la lumière comme dans un rêve, la lumière vivante, morte, nette, brumeuse, brûlante, violente, nue, soudaine, sombre, printanière, la lumière qui entre par la fenêtre, la lumière qui en sort, la lumière droite, oblique, sensuelle, contraignante, délimitante, vénéneuse, calmante, sereine. La lumière.
La finition de Cris et chuchotements nous a pris du temps. Les travaux du son et les expériences en laboratoire durèrent longtemps
et furent coûteux. Nous avons commencé Scènes de la vie conjugale sans attendre le résultat. Comme par jeu, surtout. Au beau
milieu du tournage, mon avocat m’a téléphoné et il m’a déclaré que dans un mois, il n’y aurait plus d’argent. J’ai vendu les droits
pour les pays nordiques à la télévision suédoise et j’ai pu faire attérir de justesse notre film qui durait six heures.
Trouver un distributeur américain pour Cris et chuchotements se révéla difficile. Mon agent, Paul Kohner, un vieil homme d’affaires très expérimenté, s’y escrimait, sans résultat. Un éminent distributeur, après avoir visionné le film, se retourna vers Kohner
et s’écria : «I will charge you for this damned screening». Finalement, une petite firme qui s’était spécialisée dans les films d’horreur et la pornographie douce eut pitié. Un des cinémas de qualité de New York avait tout à coup un trou dans sa programmation - parce qu’un film de Visconti n’avait pas été terminé à temps. Deux jours avant Noël, Cris et chuchotements fut lancé en première mondiale.
(...) L’avant-veille de Noël, Paul Kohner m’a appelé. D’une voix bizarre, il marmonnait : «It is a rave, Ingmar. It is a rave !» Je ne
savais pas ce qu’était «a rave». Il m’a fallu quelques instants pour comprendre : c’était du délire. Le succès total. Dix jours plus
tard, le film était vendu dans la plupart des pays où il existait encore des cinémas.
Ingmar Bergman Laterna magica Gallimard 1987
Une sonate en rouge majeur
Cris et chuchotements conjugue le silence (interrompu par les «signes» du temps : tic tac de la pendule, crises d’étouffement
d’Agnès, chuchotements de Karin et Maria peu à peu d’ailleurs absorbés par le silence) et l’obsédante présence de la couleur
rouge. «Depuis mon enfance je me suis toujours représenté l’intérieur de l’âme comme une membrane humide en teintes rouges.»
Le rouge n’est pas seulement le symbole de l’enfer c’est aussi la couleur accompagnatrice du rêve et du délire. Le choix délibéré
de la monochromie blanc, noir, rouge, brun sang permet au cinéaste d’aller au-delà d’une simple somptuosité plastique. Les couleurs deviennent ici autant de signes qui s’interpénètrent, se repoussent, se confondent.(...)
Cris et chuchotements est une synthèse sublime des thèmes bergmaniens. Un film de l’apaisement, un retour aux sources naturelles. L’introspection étant sans issue tout comme les prières adressées à Dieu, peut-être faut-il choisir la troisième voie : celle
de l’amour. L’amour qui serait en quelque sorte le partage avec autrui du don d’innocence.
Jean-Loup Passek Cinéma 73
«L’idée de départ était la suivante : je sentais que je devais écrire quelque chose sur ma mère, qui est morte il y a quelques années.
J’ai toujours eu avec ma mère un rapport ambivalent. Enfant, j’étais très amoureux d’elle, mais ensuite, au cours de la puberté — en
grandissant, cette forme de rapport s’est métamorphosée en quelque chose de tout à fait différent. Par la suite, j’ai quitté ma famille et
j’ai vécu en dehors d’elle pendant de nombreuses années. Les relations que j’ai entretenues avec ma mère ont toujours été très fortes,
très denses, et depuis longtemps j’ai cette idée assez vague d’écrire quelque chose de vraiment sincère et objectif à son sujet. Ensuite, il
s’est produit un phénomène très étrange : j’avais pendant plusieurs mois été persécuté par une image. Pour moi, un film commence souvent de cette façon. Cependant j’étais incapable de saisir exactement cette image qui revenait continuellement. C’était une chambre
rouge —tapissée en rouge. Les meubles étaient rouges. Les double-rideaux étaient rouges. Et dans cette pièce il y avait trois femmes
toutes de blanc vêtues qui marchaient dans une sorte d’éclairage crépusculaire. Je trouvais vraiment très curieux le fait que cette image
me revienne régulièrement à l’esprit. Et cela m’intéressait de plus en plus. C’était un fil issu de mon subconscient — et ce fil, j’ai commencé à le mettre en pelote, et c’est justement ce qui a donné cette histoire avec les quatre femmes. Ce n’est qu’ensuite — par un raisonnement postérieur au film — que j’ai compris que le film traitait au plus haut point de ma mère. Je l’ai décrite sous la forme de
quatre femmes différentes. Mais cela n’a rien à voir avec l’histoire objective sur ma mère, que je voulais faire et que je ferai peut-être
un jour.»
«Le rôle d’Anna est très spécifique. Elle représente une autre classe et elle est traitée comme telle. Elle appartient à une classe de
parias. Mais pour moi, le côté important du personnage de la domestique interprété par Kari Sylwan — c’est le fait qu’elle aime d’une
façon tout à fait naturelle. Elle apporte l’amour et la tendresse instinctivement aux autres. Elle le fait sans réfléchir, délibérément.
Elle ne réclame rien en échange. Elle aime, tout à fait dans l’esprit de l’Epître aus Corinthiens. Et pour moi, c’est cela qui est important. Ensuite, qu’elle soit méprisée, mise à l’écart, battue, qu’elle soit offensée et humiliée, c’est autre chose. C’est souvent le lot des personnes qui portent l’amour en elles. L’amour, le vrai amour peut être très très mal traité.»
entretien télévisé du 4 mars 1973 Le Cinéma selon Bergman Seghers
Dans Cris et chuchotements de Bergman, il y a une scène très forte, qui est peut-être la plus importante du
film. Deux soeurs arrivent dans la maison familiale, où leur aînée est mourante. L’attente de cette mort
fonde le point de départ du film. Se retrouvant seules toutes les deux, elles éprouvent tout à coup l’une pour
l’autre comme une très forte affinité humaine : elles parlent, et parlent... n’arrivent plus à s’arrêter... se caressent... La scène crée un climat d’une intimité déchirante, fragile et désirée. D’autant plus que, dans le film,
de tels instants sont rares et éphémères. La plupart du temps, ces deux soeurs ne s’entendent pas, ne se pardonnent rien, même devant la mort : elles débordent de haine, prêtes à souffrir et à faire souffrir. Dans les
scènes de brève intimité, plutôt qu’à des répliques, Bergman a recours à une suite pour violoncelle de Bach,
qui démultiplie l’émotion, lui insufflant encore plus de profondeur et de puissance. Cette ouverture vers le
spirituel a certainement un aspect illusoire chez Bergman, et dénature un rêve : quelque chose qui n’existe
pas et qui ne peut exister. C’est ce vers quoi tend l’esprit humain, vers l’harmonie.
Andrei Tarkovski Le Temps scellé Editions de l’Etoile/Cahiers du Cinéma
Retrouvez Cris et chuchotements sur www.acaciasfilms.com et www.tamasadiffusion.com