The War that Ended Peace - Revue militaire canadienne

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The War that Ended Peace - Revue militaire canadienne
CRITIQUES DE LIVRES
The War that
Ended Peace:
The Road to 1914
Théophile Delcassé, ministre français
des Affaires étrangères, qui a été le principal instigateur de l’entente cordiale
entre ces deux pays. Le fameux plan
Schlieffen est introduit par un portrait
biographique de Schlieffen, suivi d’une
analyse approfondie de l’homme qui a
mis en œuvre le plan modifié en 1914,
von Moltke le jeune.
par Margaret MacMillan
Toronto: Penguin, 2013
739 pages, 24 $ (couverture souple)
ISBN 978-0-8129-8066-0
Critique de John Keess
D
ans le successeur
spirituel de son succès
de 2003, Paris 1919,
The War that Ended
Peace, Margaret
MacMillan décrit les personnages,
les événements et les forces qui
ont mené au déclenchement de la
Première Guerre mondiale en août
1914. Dans un style fluide et facile à
lire, MacMillan retrace la montée des
tensions internationales à l’origine
du conflit en suivant un certain nombre d’acteurs clés, comme le kaiser
Wilhelm II d’Allemagne, Edward
Grey, le ministre britannique des
Affaires étrangères et Jean Jaurès, le
chef du parti socialiste français, dans
un exposé général des développements sociaux, économiques,
politiques et technologiques du début du XXe siècle. Bien que
son ouvrage soit principalement descriptif, l’auteure indique très
tôt qu’elle fait porter le blâme du conflit à l’Allemagne, à l’État
Autriche-Hongrie et à la Russie. Elle est surtout intéressée par la
manière dont la matière inflammable s’est accumulée plutôt que
par l’identité du responsable du déclenchement de l’incendie.
MacMillan commence par un aperçu général de l’Europe en
1900, d’abord avec une description de l’Exposition universelle de
Paris du tournant du siècle. Que voici un point de départ surprenant,
mais approprié. Elle présente les expositions nationales rivales en
parallèle aux thèmes génériques de l’optimisme, de la confiance et
du positivisme qui les guidaient. Par ailleurs, la nature paisible et
progressive des rivalités exposées à Paris fournit une toile de fond
intéressante pour la levée des tensions des dix années subséquentes.
Elle consacre ensuite les trois chapitres suivants à la description des
politiques complexes, indissociables et évolutives de deux grandes puissances mondiales : une Grande-Bretagne ascendante et une Allemagne
montante. Avec peut-être une touche d’anglocentrisme, MacMillan
choisit de décrire ces puissances dans chacune leur chapitre, alors que
la France, la Russie et l’État Autriche-Hongrie sont traités dans les
chapitres subséquents, généralement dans le cadre d’une description
des grandes alliances émergentes.
Alors que le récit se précise quant au thème et aux détails,
MacMillan utilise des portraits biographiques pour former l’essence
de sa description des situations. La course à l’armement naval entre la
Grande-Bretagne et l’Allemagne, par exemple, est mise en contexte
par une analyse détaillée des chefs mécaniciens de la marine océanique
de l’Allemagne, le kaiser Wilhelm II et l’amiral Tirpitz. L’alliance de
plus en plus forte entre la France et les États-Unis est décrite partiellement lorsque l’auteure se penche sur les politiques et les priorités de
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Bien que l’approche axée sur les
biographies compte certaines lacunes,
elle rend la lecture fascinante au fur et
à mesure que le livre offre des descriptions plus spécifiques des événements,
nommément, les crises du Maroc de
1905-1906 et de 1911, et la première
et la deuxième guerres des Balkans.
En introduisant certains acteurs clés et
le contexte dans lequel ils ont évolué,
MacMillan rend les événements complexes plus représentatifs et l’histoire
plus engageante que ne le serait une
simple chronologie des événements.
Ceci dit, elle va parfois un peu trop
loin en tentant de comprendre le lecteur
moderne et de conserver son intérêt :
elle établit des parallèles entre les événements historiques et récents, elle suggère souvent des comparaisons qui
ne sont pas vraiment parallèles ni justifiées. Par exemple, elle indique
que la bellicosité de Wilhelm II est reliée à son désir de se distinguer
de son père relativement passif. Elle relie par la suite cette affirmation
à la décision de George W. Bush d’envahir l’Irak en 2003, en partant
du principe qu’il avait déclenché sa propre guerre parce qu’il méprisait
l’incapacité de son père à achever la tâche dans la guerre du Golfe de
1991. Outre ces deux présomptions difficiles à vérifier, les exemples
« tendancieux » causent davantage de problèmes qu’ils n’en résolvent
par l’explication au lecteur moderne des subtilités sous-jacentes aux
politiques des puissances européennes du début du XXe siècle.
Dans l’ensemble, le livre est un récit détaillé et facile à lire de la
montée des événements vers la Grande Guerre. MacMillan offre un
récit représentatif et intéressant, axé sur les décisions humaines. Elle
tient fermement à sa thèse selon laquelle le conflit n’était pas inévitable, mais qu’il a été provoqué par des actions d’acteurs distincts et
autonomes qui ont précipité la crise ou n’ont pas réussi à stopper les
événements qui dépassaient les actions humaines. Bien qu’il s’agisse
ici d’un compte rendu rafraîchissant par rapport aux méthodes historiographiques actuelles qui cherchent à attribuer le déclenchement du
conflit à des forces impossibles à gérer, l’humanité même des personnages et les efforts de MacMillan à les rendre représentatifs mènent à
des parallèles théoriques douteux. Il s’agit par contre d’une excellente
introduction à une littérature abondante et sans cesse croissante traitant
du déclenchement de la Première Guerre mondiale, mais la lecture peut
être très plaisante pour le lecteur qui connaît bien le sujet.
Le capitaine John Keess obtient son baccalauréat ès arts en
études militaires et stratégiques du Collège militaire royal (CMR) du
Canada en 2009, et sa maîtrise en histoire de l’Université du NouveauBrunswick en 2011. Il est actuellement affecté auprès du 3e Bataillon
du Royal Canadian Regiment, et il habite à Petawawa, en Ontario.
Revue militaire canadienne • Vol. 15, N o. 3, été 2015