Mise en page 1 - Références en santé au travail

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Mise en page 1 - Références en santé au travail
© S. Boulet
Question
Médecin du travail en
charge de la surveillance
de salariés d’une unité de
préparation de chimiothérapies, je souhaiterais savoir à qui je peux m’adresser
pour réaliser des frottis de surface
afin d’apprécier une éventuelle contamination dans les locaux de préparation et d’administration des chimiothérapies.
Réponse
Les professionnels de santé manipulant des chimiothérapies anticancéreuses (ou cytotoxiques) sont exposés tant par voies inhalatoire que digestive (défaut
d’hygiène) ou cutanée (en cas de contamination des
mains, visage, avant-bras...).
L’exposition professionnelle peut être évaluée par la
métrologie des atmosphères et la biométrologie mais
également par la réalisation de frottis de surface (ou
prélèvements surfaciques) ; ces derniers permettent de
détecter une contamination par des produits chimiques et notamment les cytotoxiques [1, 2].
Le frottis de surface est un outil particulièrement didactique en indiquant tous types de sources d’exposition. Il n’est pas limité à l’environnement du poste de
travail (enceinte de manipulation : plan de travail, parois, sas de stérilisation, manchettes d’isolateurs ; environnement immédiat : poche de préparations de
cytotoxiques, paillasses, bacs de stockage, combinés
téléphoniques, sols, étagères de stockage) ; il peut également concerner l’individu (mains, visage, gants…),
qu’il soit directement impliqué dans la préparation et
l’administration de cytotoxiques (comme les pharmaciens, infirmières…), mais également exposé lors de la
toilette ou lors du contact avec les urines ou les draps
souillés du patient traité (aide-soignante, personnels de
nettoyage…). Bien que non totalement standardisée,
cette technique de prélèvement est relativement simple dans sa mise en œuvre.
Les frottis de surface ont permis de montrer à travers plusieurs études que, malgré l’utilisation d’équipements de protection collective (isolateurs…) et la mise
en place de mesures de prévention, la contamination
des locaux de préparation et des zones d’administrations des cytotoxiques était réelle. De plus, les frottis,
par la mise en évidence de la pollution surfacique, peuvent être utilisés dans un but de formation du personnel ; ils ont d’ailleurs montré leur efficacité [2, 3].
Une étude récente a permis d’objectiver l’efficacité
des contrôles de contaminations environnementaux
pour évaluer et améliorer les procédures de manipulation des médicaments cytotoxiques et a montré la nécessité pour les établissements de santé d’instaurer ce
type de contrôles en routine ; elle a révélé également
que ces frottis de surface sont à eux seuls insuffisants
et doivent être accompagnés d’un suivi, d’une information et d’une évaluation régulière des personnels en
charge de la préparation et de la manipulation des cytotoxiques [4].
Afin de permettre aux établissements de santé
d’évaluer et de modifier les procédures de manipulation des chimiothérapies anticancéreuses, d’améliorer
la qualité des pratiques et d’optimiser la gestion des
risques liés aux médicaments cytotoxiques, ONCORA
(réseau régional de cancérologie dont la mission est
d’harmoniser et d’améliorer la qualité des pratiques
mais également de soutenir les démarches d’assurance
qualité et de gestion des risques) a créé avec le
concours de l’Agence régionale de l’hospitalisation
Rhône-Alpes (ARHRA) un laboratoire de contrôle à
vocation inter-établissements, spécialisé dans la mesure
de la contamination de l’environnement hospitalier par
les médicaments cytotoxiques. L’activité de ce laboratoire est centrée sur la réalisation de frottis de surface
lors de la manipulation de cytostatiques et, depuis
2007, propose ses prestations en routine à l’ensemble
des établissements de santé sur le territoire national
souhaitant optimiser la gestion des risques liés aux chimiothérapies anticancéreuses. Il s’agit du premier laboratoire français de ce type.
Le marqueur de contamination retenu par le laboratoire est le 5-fluorouracile (5-FU) en raison des quantités importantes consommées par l’ensemble des
établissements concernés par la cancérologie.
Le laboratoire conseille que les prélèvements de
surface soient réalisés selon la procédure suivante :
chaque prélèvement de surface est réalisé par un
opérateur muni de gants neufs à usage unique à
l’aide de deux papiers filtres (le 1er imprégné d’eau, le
2e non imbibé pour récupérer les résidus aqueux) ;
lorsque cela est possible, les surfaces de zone de prélèvement sont calibrées avec des cadres à usage
unique de 10 cm de côté ; les supports de prélèvement sont alors conservés dans un flacon en matière
plastique à - 20 °C jusqu'à leur analyse. Pour les faces
externes de gants et des suremballages de préparation de 5-FU, les prélèvements sont faits par immersion : pour les gants, le manipulateur frictionne ses
mains gantées dans un plateau en matière plastique
à usage unique contenant un solvant ; pour les préparations de 5-FU, un frottement et retournement du
conditionnement primaire dans un solvant placé dans
un plateau en matière plastique à usage unique ; le
solvant de récupération est transféré dans un flacon
en matière plastique et conservé à - 20 °C jusqu'à son
analyse. Les analyses de 5-FU sont réalisées par
HPLC UV (limite de détection : 0,5 ng/cm2 et limite
de quantification : 1,5 ng/cm2) [4]. Signalons que
plusieurs paramètres interfèrent dans l’analyse et le
résultat des prélèvements de surface, notamment le
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type de tissus, la température, l’humidité, le type de
surface, la pression lors du prélèvement…
Les prestations proposées par le laboratoire ONCORA interviennent à différents niveaux :
l auprès des médecins du travail, pharmaciens… qui
réaliseront les frottis pour les aider à la mise en œuvre
des prélèvements (en définissant les zones à prélever
comme l’intérieur des postes de sécurité microbiologique, la paillasse de réception et d’ouverture de préparation de chimiothérapie…) et en transmettant des kits
d’aide aux prélèvements (matériels ; supports visuels
spécifiques des différentes situations de prélèvement),
l au moment de l’analyse des échantillons,
l et également lors du rendu des résultats avec la
transmission d’un compte-rendu écrit comportant l’ensemble des résultats d’analyses.
Pour toute information complémentaire, vous pouvez consulter le site internet du laboratoire : http://oncoranet.lyon.fnclcc.fr/laboratoire/
Des laboratoires européens (néerlandais, allemands,
belges…) sont également susceptibles en routine de
réaliser des frottis de surface pour plusieurs cytotoxiques : cyclophosphamide, ifosfamide, 5-FU, méthotrexate, docétaxel, doxorubicine, irinotécan, sels de
platine… [5, 6]. D’autres équipes ont récemment publiés des résultats d’études de terrain dans lesquelles les
frottis de surface étaient utilisés pour apprécier les
contaminations de l’environnement par les cytostatiques en milieu de soins [7 à 10].
À noter que la limite de détection de la méthode
d’analyse (chromatographie gazeuse couplée à la spectrométrie de masse GC MS/MS) utilisée pour le dosage du 5-FU par certains auteurs est de l’ordre du
pg/cm2, soit 1 000 fois plus sensible que la méthode en
HPLC UV [5].
En pratique, il est clair que le choix du cytotoxique à
évaluer devrait être davantage influencé par la consommation annuelle et la fréquence d’utilisation du cytotoxique afin d’accroître les chances de détection et ce
bien que plusieurs autres facteurs puissent influencer les
risques de contamination (volatilité du produit, qualité
et résistance de la surface, nature des manipulations requises et du contenant final pour administration…).
La réalisation de ces frottis de surface de cytostatiques revêt un intérêt particulier pour mieux appréhender les risques de contamination en particulier pour
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les infirmières à domicile et les personnels en contact
avec les urines ou les draps souillés, activités plus rarement étudiées.
Pillière F., département Études et assistance
médicales
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