L`artichaut dans le Gharb
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L`artichaut dans le Gharb
PRODUIT La culture de l’artichaut dans le Gharb Abdelkrim Krira, CRRA de Kenitra, [email protected] Mr Abdelouahad Morchid ORMVAG Au Maroc, l’artichaut est une culture qui commence à prendre de l’importance en raison de l’intérêt commercial qu’il a récemment gagné dans les pays du nord de la méditerranée. Trente millions de capitules sont exportés depuis l’Italie vers 64 pays du monde. Les variétés à multiplication par graine est une voie qui pourra modifier la culture de l’artichaut et offre au privé la possibilité de mener un programme de multiplication à l’instar de la tomate industrielle. 68 L es principales régions de production sont le Gharb (80%) suivi de la Basse Moulouya, le Saïs et le Haouz. Les surfaces cultivées sont de l’ordre de 4130ha (2007/08), alors que les superficies potentiellement cultivables rien que dans le Gharb sont estimées à 6000ha. Une superficie qui reste bien inférieure à celles de pays producteurs comme la France (10.200ha), l’Espagne (18.600ha) et l ’ I t a l i e (50130ha). A noter que l a Agriculture du Maghreb n°48 production marocaine qui s’élève à 34.000 tonnes ne représente que 4% de la production mondiale, contre 33% pour l’Italie et 21% pour l’Espagne. Le diagnostic réalisé dans les différentes zones de production du Gharb pour déterminer les problèmes liés à la conduite technique de cette culture et à sa faible productivité a montré que cette région présente des atouts indéniable pour la culture de l’artichaut : sols adéquats, ressources importantes en eau, bonne maîtrise de la conduite par les agriculteurs et proximité des grands centres de consommation et d’exportation. Cependant, en raison du manque d’études et de recherches, cette culture demeure cultivée selon des pratiques traditionnelles et reste bien en deçà de son potentiel : - le matériel végétal localement utilisé provient de populations faiblement productives, hétérogènes et de qualité médiocre - la multiplication par bouturage est non maîtrisée et les prix des boutures sont surestimés. les techniques Décembre 2010 68 Agriculture du Maghreb n°48 culturales ne sont pas améliorées - Le rendement moyen est encore faible et très variable (13t/ha, moyenne de la campagne 2007-08)) alors que le rendement potentiel est de l’ordre de 25 t/ha. Pourtant, le Gharb pourrait devenir un lieu favorable à la production de l’artichaut avec un potentiel à moyen terme de 150.000 t, ce qui pourrait encourager l’extension des superficies, l’implantation d’unités de transformation, la création de milliers de journées de travail, etc. La situation pourra vraiment évoluer lorsque le secteur privé et les industriels s’intéresseront à un programme de multiplication de cultivars à semer à l’instar de la tomate industrielle. Cet article présente les résultats d’une étude réalisée dans le Gharb pour déterminer les rendements et leurs composantes, ainsi que les problèmes techniques liés à la conduite et à la productivité de l’artichaut. Approches et méthodes utilisées L’enquête s’est basée sur le zonage, l’entretien avec les producteurs, les associations et les agrégateurs, suivi d’un diagnostic participatif. L’enquête a porté sur la conduite technique et le coût de production de l’artichaut, les principaux critères pris en compte étant : la taille de l’exploitation et la surface consacrée à artichaut au sein de l’exploitation, le système d’irrigation, la Décembre 2010 Différentes étapes de la conduite conventionnelle de l’artichaut source d’irrigation et l’eau utilisée, les pratiques culturales, le rendement obtenu et la commercialisation (marché local, vente à la parcelle). L’enquête a ainsi été menée tout au long du cycle auprès d’un échantillon de 31 producteurs répartis dans les différentes zones de production du Gharb. Résultats L’enquête a permis de localiser 3 importants sites d’implantation de l’artichaut : Sidi slimane, Sidi abdelaziz-Khenichet et Jemaat El haouaffat à Belksiri, caractérisés par des marchés spéciaux de vente d’artichaut, une unité de vente de boutures et deux unités d’export de fond d’artichaut (kenitra, Belksiri). A noter que cette culture connaît une nette extension dans d’autres zones du Gharb notamment dans les bordures des cours d’eau. La superficie moyenne des exploitations de notre échantillon est de 7,6ha. Les superficies moyennes des trois classes retenues (<5ha, 5 à 10ha, >10ha) sont respectivement 2,28ha, 9,3 et 13,9ha. La distribution de la surface artichaut au sein des exploitations représente - 24% pour la classe < 1ha, - 56% pour la classe 1 à 2ha - 20% seulement pour la classe > 2ha La superficie moyenne est de l’ordre de 1,63ha. Cela suppose que l’artichaut est cultivé dans des petites parcelles typiques aux exploitations familiales ayant un système de culture associé à l’élevage. On distingue trois statuts juridiques : les terres melk (68,92%), les terres collectives (15,75%) et les terres de la réforme agraire (15.31%). Deux grands groupes se distinguent : - les exploitations les plus privilégiées ayant une disponibilité permanente en eau d’irrigation, sont celles qui possèdent les terres Melk irrigables et/ou à proximité des cours d’eau. Ces exploitations représentent la majorité (56%) - les exploitations sur les terres collectives ou de la réforme agraire soit ne bénéficient pas d’une disponibilité suffisante en eau, soit elles ont la difficulté de prise d’eau. Elles sont par conséquent limitées par la superficie à irriguer. Les deux groupes sont favorisés par la présence d’une main d’œuvre familiale abondante permettant l’exécution des travaux à la main. Principaux traits de la conduite technique Travaux de préparation du sol Généralement les sols du Gharb présentent un indice de battance élevé, et sont sujets à l’hydromorphie. Ils s’engorgent Agriculture du Maghreb n°48 Décembre 2010 69 L’artichaut dans le Gharb A gauche Traitement phytosanitaire dans une exploitation moderne du Gharb. A droite Artichaut produit par semence graine, conduit en goutte à goutte dans la région de Berkane. rapidement et en cas d’effet prolongé, il y’a asphyxie. Le travail du sol est difficile et demande de l’énergie. L’analyse des différents itinéraires techniques dans les exploitations visitées a montré un travail profond et un travail de reprise. Le travail profond est souvent réalisé à l’aide d’une charrue à disques suivi fréquemment de trois passages de cover crop selon l’état de la structure du sol, suivi d’un billonneur pour confectionner les sillons qui servent à orienter l’écoulement de l’eau d’irrigation. L’artichaut s’adapte bien à ces sols, mais il craint les stagnations d’eau prolongées. Matériel végétal utilisé La production repose sur un nombre restreint de populations anciennes, non identifiées et fortement hétérogènes multipliées uniquement par voie végétative. Parmi le matériel végétal rencontré, on trouve le blanc qui occupe plus de 98% des parcelles visitées, le violet, et la variété Blanca d’origine espagnole utilisée par les Domaines Agricoles. Epoque de plantation et peuplement La préparation des boutures demande de l’expérience. Les boutures préalablement préparées sont stratifiées puis couvertes par une couche de paille et fréquemment arrosées. Au stade gerFacteurs de production coût (dh) % Boutures 8060 33.86 Main d’œuvre 6245 26.23 Engrais et produits phytosanitaires 6336 26.42 Coût énergie de l’irrigation 2292 9.62 Travail du sol 868 3.83 23801 99.96 Total charges globales 70 Agriculture du Maghreb n°48 mination, elles sont transportées à la parcelle et mises verticalement dans le sol jusqu’au bout. Les meilleures boutures sont celles de 10 à 15 cm de long avec une section de 1,5 à 2cm, et présentant plusieurs oeilletons. Selon les zones, les dates de plantation s’étalent de début juillet à fin septembre : juillet 40%, août 36% et septembre 20%. A signaler que les plantations tardives de septembre sont caractérisées par le nombre de récoltes le plus faible. Les boutures sont placées sur la moitié du billon au moment de l’irrigation suivi d’une fertilisation et d’un recouvrement mécanique par billonneur au stade 4 à 5 feuilles. Théoriquement le nombre de boutures plantées varie de 10.000 à 20.000 boutures/ha, mais en réalité le nombre de boutures viables n’est que de 10.000 en moyenne. Cette variabilité est liée essentiellement au faible taux de reprise des boutures et à la variabilité de l’écartement entre les lignes qui varie de 0,8 à 1,6m, avec une moyenne de 1,1m. 60% des producteurs pratiquent des écartements compris entre 0,9 et 1,1m. L’auto-plantation est souvent pratiquée, et la majorité des producteurs renouvellent leurs cultures à partir des boutures prélevées des souches des vieilles plantations. Irrigation L’artichaut est exigeant en eau, il est caractérisé par trois périodes de végétation: - croissance et développement : période basée sur l’irrigation qui dure plus de 3 mois, - fructification : qui dure plus de 5 mois, et repose sur l’irrigation et/ou sur les pluies, - repos végétatif nécessaire à la plante pour passer de l’état herbacé à l’état ligneux sans recours à l’irrigation. Cette Décembre 2010 période dure 2 à 3 mois. L’alimentation hydrique s’appuie sur les pluies, le pompage privé (48%) et le réseau d’irrigation (44%), avec prédominance de l’irrigation à la raie. Dans certaines localités, on peut envisager le pompage privé à l’intérieur du réseau. Le nombre des irrigations par cycle cultural varie de 7 à 20 avec une dose moyenne de 8000m3/ha/cycle. Cette variabilité dépend de l’époque de plantation et de l’arrivée des pluies. Fertilisation La fertilisation est aléatoire, et 90% des producteurs n’appliquent pas la fertilisation de fond, mais préfèrent l’apporter au fur et à mesure des buttages et des irrigations. La fertilisation azotée est apportée tout le long du cycle avec 70% des apports durant les premières récoltes. Les doses moyennes de NPK utilisées sont de l’ordre de 344 U/ha pour l’azote, 136 U/ha pour P2O5 et 72 U/ha pour K2O. Les engrais composés sont le plus souvent utilisés sous formes de 14-28-14 et les engrais azoté sous forme d’ammonitrate. Mauvaises herbes, ravageurs et maladies Parmi les espèces de mauvaises herbes les plus rencontrées, on trouve les annuelles et les vivaces. Ces dernières (chiendent) constituent un vrai danger pour la culture. L’artichaut étant une culture associée à l’élevage, le désherbage chimique n’est pas pratiqué, et les producteurs préfèrent entraver le bétail près des parcelles pour leur alimentation par les mauvaises herbes et les feuilles âgées. Le nombre moyen de traitements phytosanitaires (insecticides et fongicides) contre les ravageurs et les maladies est de l’ordre de 15. Parmi les maladies fongiques fréquemment rencontrées, la pourriture des boutures, le mildiou, l’oïdium sur feuilles et tiges et le botrytis sur jeunes capitules. Les ravageurs sont également présents durant tout le cycle. Les plus redoutables sont les escargots, les noctuelles, les cassides et les asticots qui causent des dégâts considérables sur les capitules au moment de la floraison. Récoltes et commercialisation Les récoltes commencent en octobre et s’échelonnent d’une manière progressive pour décroître vers fin avril. Le nombre moyen de récoltes varie de 7 à 17 et le rendement moyen fréquent est de l’ordre de 13t/ha. Les capitules avec une portion de leur pédoncule sont ramassés dans des caisses en bois. Les circuits de vente des producions sont limités a au niveau de la parcelle et sont asurés par des i intermédiaires. Les agrégateurs sont réticents quant à la signature de contrats de producion. Pour l la vente des boutures, il y’a un fort échange de matériel végétal entre les zones de production à l’intérieur du Gharb, voir même avec des zones lointaines. Facteurs et structure du coût de production L’artichaut emploie près de 138 journées de travail à l’hectare. Le coût moyen de production s’élève à environ 23.800 dh/ha. 54,30% de la main d’œuvre est utilisée pour la récolte et la mise en place des boutures. Selon les déclarations des producteurs, malgré l’état actuel de la culture, la superficie de l’artichaut est en progression et sa rentabilité est estimée à 60.000 dirhams/ha. Les contraintes au développement De ce qui précède, il ressort que les contraintes qui limitent l’extension et le développement de l’artichaut sont d’ordre technique et commercial : Contraintes techniques Malgré l’aptitude des sols et la disponibilité en eau, le rendement moyen reste faible, pour différentes raisons : - Techniques culturales traditionnelles : le matériel végétal local utilisé à profil variétal très restreint est caractérisé par la multiplication par bouturage. Cette technique occupe trop le sol, elle est coûteuse et ne garanti pas la densité de peuplement souhaitée d’autant plus c’est une source de contamination par de nombreux ravageurs et maladies. - Mauvais contrôle des mauvaises herbes à cause de la présence de l’élevage à proximité des parcelles d’artichaut. - La technique d’irrigation pratiquée (gravitaire) et les propriétés physiques des sols du Gharb qui gênent la germination des boutures et rendent leur taux de reprise faible et le peuplement mal maîtrisé. Agriculture du Maghreb n°48 Décembre 2010 71 L’artichaut dans le Gharb Multiplication par graines. Hybride introduit d’origine canadien à multiplications par graine. Contraintes commerciales En l’absence d’une organisation professionnelle, 10% seulement des producteurs prennent l’initiative de vendre leurs récoltes dans les marchés de gros, et uniquement pour les premières récoltes estimées à 15% de la production totale. Le reste est commercialisé par des intermédiaires dans des points de vente organisés prés des agglomérations ou à la parcelle. Les agrégateurs présents dans la région sont encore réticents à l’élaboration de contrats de production et n’interviennent qu’au dernier moment. Les prix débutent à 10dh/kg et finissent à 1,5dh. Les voies d’amélioration de la filière La levée des contraintes précitées passe par des moyens agronomiques optimums et un bon encadrement technique. 72 Agriculture du Maghreb n°48 Décembre 2010 Parmi ces moyens on peut citer: - Résoudre le problème de reprise des boutures et garantir le peuplement souhaité. - Raisonner la fertilisation et la protection de la culture. - Chercher d’autres périodes de production afin d’optimiser la production et la productivité. - Maîtriser l’irrigation. - Introduire des cultivars à semer: l’artichaut se multiplie également par graine. Cette technique présente l’avantage de planter à n’importe quelle période de l’année et l’absence de transmission de maladie, de parasites et de virus. Elle permet de libérer le sol dès que la récolte n’est plus nécessaire, et un bon contrôle de la densité. On pourrait même envisager une activité de production de semence locale et créer des pépinières spécialisées pour la production de plants en motte. A l’heure actuelle, la multiplication par graine est limitée par le manque de disponibilité de semences graines sur le marché marocain. A ce propos, l’intro- duction des cultivars à semer ou de variétés industrielles pour leur adaptation à nos conditions de cultures est un choix stratégique pour développer la filière : - encourager les industriels et les exportateurs à s’intéresser à cette culture - encourager l’organisation de la filière. Artichauts de semence La révolution hybride Il existe depuis longtemps des variétés d’artichaut qui peuvent être multipliées par graines. Cependant, cette multiplication est difficile et de plus, ces variétés conservent les caractéristiques des variétés traditionnelles d’artichaut: vigueur moyenne, manque d’uniformité, etc. Apres 10 ans de recherche intensive, la société semencière Nunhems, filiale de Bayer, a développé les premières variétés d’artichaut hybrides de semences. Résultat de croisements entre lignées parentales soigneusement sélectionnées, ces variétés hybrides sont très fructifères et présentent des capitules uniformes, et de très bonne qualité commerciale, que ce soit pour le marché local ou l’exportation. Les plants sont obtenus à partir de semis, opération délicate qui doit être confiée à des pépiniéristes spécialisés, pour garantir à l’agriculteur une bonne reprise et des parcelles d’une grande uniformité. Les rendements et la qualité commerciale sont nettement plus élevés par rapport aux cultures à partir des boutures. En témoignent les essais, puis les cultures à grande échelle menées dans le Gharb depuis l’été 2010. Actuellement, la gamme de Nunhems comporte 2 hybrides verts (Symphony et Madrigal) et 2 hybrides violets (Tempo et Opera). Pour tout renseignement, contacter M. Larbi Hadria, Coordinateur Technique Nunhems au Maroc 0664-46-83-27 [email protected] Agriculture du Maghreb n°48 Décembre 2010 73