Numéro 20 - Reims Oreille

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( 1 Le béotien
nous le dit :
la chanson, c’est des paroles qu’on chante sur
une mélodie. Pas faux, mais sûrement un peu
primaire. En effet, les amateurs de chansons
ne sont que des hommes. Ils ont leurs goûts,
leurs parcours, leurs affinités qui peuvent les
rendre plus sensibles à l’agencement des
mots ou à celui des notes. Alors chansons à
texte ou à musique ?
Subséquemment, certains nous expliquent que notre chanson est d’abord littéraire, puisqu’elle appartient à notre histoire littéraire ; que c’est pas par hasard qu’à l’école,
c’est dans la classe de français qu’on y apprend la chanson de Roland et autres de gestes d’une époque où lire était réservé à une
élite, que le texte avait alors besoin, au minimum, d’être psalmodié pour arriver au bas
peuple ; que Ronsard, qui n’était pas le dernier des cretonniers l’avait compris. Et que, à
part les nombreuses exceptions, tous les
chanteurs « répertoriés qualité France » sont
d’abord des paroliers, ont tous des phrases
qui aiment les rimes et les césures riches et
bien faites, et que de Jean-Baptiste Leclerc à
Georges Souchon, ce sont d’abord des trouveurs de mots que la musique se contente de
mettre en valeur comme un cadre le fait pour
un tableau (de peinture).
Nonobstant, certains nous répliquent
que c’est vite oublier que la chanson est d’abord enfant de la musique puisqu’elle est née
de son histoire ; qu’elle est devenue populaire le jour où elle prit son indépendance quittant ces airs, qui, ne se sentant plus de joie,
ont commencé à polyphoner à qui mieuxmieux, cacophonie trop compliquée pour le
peuple qui n’en demandait pas tant. Et que,
de toute façon, si la musique ne sert à rien on
se demande bien pourquoi les plus grands auteurs font appel à des compositeurs pour des
textes soi-disant suffisants en eux-mêmes. (Si
je pensais que mes vers suffisent, je les dirais
sans musique. Georges B. ,qui n’est pas non
plus le dernier des cressiculteurs).
Tous ont raison bien sûr, mais tous
(tout aussi bien sûr) ont tort. Le plus beau
texte noté sur la plus belle des mélodies ne
fera pas par obligation la meilleure chanson.
Et heureusement.
Heureusement, l’expression artistique
même populaire est plus compliquée ou plus
subtile que cela, qui ferait multiplier les
exemples de « bonnes » chansons faites sur
trois notes et deux accords bâclés, mais liés à
des mots à faire pleurer ou au contraire sur
une mélodie à se rouler par terre (ou sur le
canapé selon son âge) plaquée sur trois mots
et deux onomatopées. Ce d’autant que toutes
les chansons n’ont pas la même vocation, le
même but, la même destinée : entre la chanson à écouter athéïquement et celle à entendre, celle à danser, celle à reprendre en
chœur, celle à rythmer, celle de fin de repas,
toutes ont des impératifs différents et ne correspondent pas aux mêmes besoins comme
aux mêmes attentes, selon le moment, l’endroit, les individus et le temps qu’il fait.
C’est toujours a posteriori qu’on peut
juger une chanson, la classer dans un genre
ou un autre et estimer si elle correspond à ses
prétentions (mêmes si modestes).
Et, entre nous, parfois mieux vaut une
bonne chanson vulgaire de queu-leu-leu qui
fonctionne que tous ces produits sans âmes
pour ados en formation que la plupart des
médias nous infligent et qui, pour le coup,
prouvent au moins que des paroles niaises
sur des mélodies de robinet d’eau chaude ne
feront jamais que des déchets non recyclables.
Alors paroles ou musique, au fond, on
s’en fout ! Surtout quand les paroles sont
bonnes et la musique ad hoc, comme disait la
Castafiore !
Et dans le genre pensée paradoxale :
« Les paroles sont un moyen mnémotechnique de retenir une musique. » du même GB.
J.-F. C.
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