Brésil 2014 : Un pays en proie aux difficultés
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Brésil 2014 : Un pays en proie aux difficultés
Brésil 2014 : Un pays en proie aux difficultés économiques Boursorama le 12/06/2014 Les retombées positives liées à l’organisation de la Coupe du monde sur la croissance du PIB brésilien ne devraient pas excéder 0,2 point de pourcentage selon Euler Hermès. Croissance faible, inflation élevée, impact limité sur la croissance des dépenses de la Coupe du monde, le Brésil accueille le Mondial dans un climat social tendu et une conjoncture morose. Plus encore que la Coupe du monde, les marchés attendent fébrilement l’élection présidentielle d’octobre et verraient d’un bon œil le départ de Dilma Rousseff. C’est parti ! La Coupe du monde va enflammer le Brésil et le monde entier jusqu’au 13 juillet, date de la finale dans le mythique stade du Maracana de Rio de Janeiro.Pendant un mois, le monde va vivre à l’heure du football… au pays du football. Seule équipe à avoir participé à toutes les phases finales de la compétition depuis 1930 et vainqueur à cinq reprises (1958, 1962, 1970, 1994, 2002), la Seleçao est évidemment sous pression. Dans un pays où le football est une véritable religion, une victoire à domicile aurait un goût particulier et laverait l’humiliante défaite de la finale de 1950, perdue au Maracana, face à l’Uruguay. Un traumatisme national jamais digéré. Sur le plan économique, une victoire de l’équipe nationale apporterait également un surplus de croissance bienvenu dans le contexte actuel. Une étude publiée en 2006 par la banque ABN Amro estimait que le pays vainqueur d’une coupe du monde pouvait profiter d’une croissance additionnelle moyenne de 0,7% sur un an. Or, le Brésil ne devrait enregistrer qu’une croissance de 1,8% cette année et de 2,1% en 2015. Des niveaux bas pour un pays émergent, comparés aux 4-5% d’avant la crise de 2008. Une chose est sûre, un peu plus de croissance ne ferait pas de mal à un pays en proie à de fortes tensions sociales. Beaucoup de Brésiliens ont été choqués par le montant des dépenses engagées (plus de 11 milliards de dollars) par leur pays pour organiser l’évènement. Rien que 3,5 milliards de dollars ont été affectés à la construction et à la rénovation des douze stades qui accueilleront la compétition. Des dépenses qui passent mal dans un pays où le salaire moyen ne dépasse pas 700 euros (1.600 euros en France) et où le taux de pauvreté (revenu inférieur à 50% du salaire médian) atteint 28,8% (7,6% en France). Selon l’assureur-crédit Euler Hermes, les retombées positives liées à l’organisation de la coupe du monde sur la croissance du PIB ne devraient pas excéder 0,2 point de pourcentage (pp) dans le meilleur des cas : « Sur la période 2009-2013, (…) les sommes injectées dans l’économie n’ont majoré la croissance réelle de l’investissement que de 0,5-0,8 pp en moyenne par an, et celle du PIB de 0,1-0,15 pp par an seulement. ». Sur le front de l’emploi, la Coupe du monde devrait créer 700.000 emplois en 2014, en attendant les Jeux Olympiques de 2016, mais l’impact sera temporaire et limité dans un pays où la population active dépasse les 100 millions d’habitants. Source d’inquiétude, l’inflation demeure élevée au Brésil. Elle devrait ressortir à 6,3% en 2014 et 6,1% l’an prochain. L’organisation du Mondial devrait pousser les prix à la hausse à hauteur de 0,5 pp cette année selon l’étude d’Euler Hermes. Résultat, la banque centrale du Brésil (BCB) a décidé de maintenir à 11% ses taux directeurs. On est loin des 0,15% de la BCE ! « Les ventes de voitures s’approchent de leur plus bas niveau depuis cinq ans. (…) La demande de crédit à la consommation tourne également au ralenti, car des taux d’intérêt plus élevés, la confiance plus basse des consommateurs et une forte inflation nuisent à la demande des consommateurs » relève Craig Botham, économiste chez Schroders spécialisé sur les pays émergents. Au final, les économistes d’Euler Hermes soulignent que l’organisation de la Coupe du monde et des Jeux Olympiques en 2016 devraient générer plus d’inflation que de croissance. Une situation qui inquiète les marchés. Le Brésil -le B des pays BRIC (l’acronyme préféré des gérants de 2008 à 2012)- ne fait plus rêver les investisseurs ! En mars, l’agence Standard & Poor’s a dégradé la note du pays, de BBB à BBB-. « Le modèle qui a fait le succès du Brésil – des prix élevés des matières premières et une forte demande intérieure – s’épuise. L’inflation en hausse et la faiblesse de la croissance sont aussi deux problèmes auxquels doit faire face le pays » constate Daniel Isidori, gérant du fonds Threadneedle Latin America. D’autant que le pays subit une certaine incertitude politique avec la chute dans les sondages de Dilma Rousseff qui remet son mandat en jeu en octobre. « Aucune reprise économique immédiate n’est à attendre. Jusque-là, Dilma semble se servir du populisme pour gagner des voix (…) Tout ceci implique des coupes budgétaires plus sévères après les élections et motive notre dégradation de la note de la croissance pour 2015 » estime Craig Botham. Des investisseurs qui ne verraient pas d’un mauvais œil un changement de gouvernement au Brésil à l’automne. « Les marchés accueilleraient favorablement un nouveau mandat de Lula qui fut un président (de 2003 à 2011) plus pragmatique que ce qu’a montré Rousseff jusqu’à présent » avance Daniel Isidori. En attendant, le gérant ne surpondère que Petrobras, le géant de l’énergie, « la valeur la plus liquide et la plus facile à acheter pour les investisseurs internationaux ». Septième économie mondiale, le Brésil est devenu au cours des dernières années le premier exportateur de soja, de sucre, d’éthanol, de bœuf, de poulet, de tabac ou de jus d’orange. Le secteur agroalimentaire représente environ 30% du PIB, 37% des emplois et jusqu’à 40% des exportations totales selon un rapport publié par le Sénat en juin. Une « force verte » qui constitue dans ce pays grand comme 14 fois la France un véritable atout dans la mondialisation. Mais la pauvreté endémique, la corruption et l’inflation font toujours du Brésil un colosse économique aux pieds d’argile. L’organisation de la Coupe du monde cette année, avant celle des Jeux Olympiques en 2016, ne changera pas fondamentalement la donne. Julien Gautier