interview bresil - La France au Brésil

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interview bresil - La France au Brésil
INTERVIEW BRESIL
1. Des spécialistes comme Nouriel Roubini et Ian Bremmer affirment qu’il
ne faut plus parler aujourd’hui du G-20 mais du G-Zéro: sans l'urgence de
la crise, les différences de valeurs et les divergences politiques et
économiques au sein des membres du G-20 sont en train de bloquer toute
action commune; le consensus sur des thèmes comme la régulation
financière, la coordination de politiques macro-économiques ou même la
lutte contre le réchauffement climatique est devenu impossible. Comment
évaluez-vous ce "vide" dans la gouvernance globale?
Le monde du XXIème siècle a besoin d’institutions adaptées, c’est pourquoi
nous avons soutenu la réforme récente des institutions financières
internationales dont l’un des résultats est que les quatre membres des Brics –
dont le Brésil-figurent maintenant parmi les 10 premiers actionnaires du FMI.
Nous sommes désormais dans un G20 de construction, nous travaillons sur un
temps plus long. Il faut donc des réformes structurelles afin de faire du G20 une
institution.
Notre travail exige un dialogue permanent entre des pays hétérogènes en termes
de niveau de développement, de perception du monde et d’aspirations. Sont
également associés d’autres partenaires qui ont un rôle à jouer dans la
construction de l’avenir de la planète : Organisation des Nations unies (ONU),
organisations régionales mais également société civile avec les partenaires
sociaux, les entreprises, les organisations non gouvernementales...
2. Le Brésil – tout comme les Etats-Unis - est totalement contre la
proposition française d’adopter, au sein du G-20, des mesures visant à un
contrôle sur les prix des matières premières agricoles. Le conflit, sur ce
point, est-il inévitable?
Nous n’avons jamais proposé un quelconque contrôle des prix ! Ce ne serait pas
réaliste. Nous ne sommes pas contre le marché, nous sommes contre le marché
sans règles. La volatilité des prix des matières premières agricoles est une
catastrophe pour les consommateurs quand les prix s’envolent, pour les
agriculteurs quand ils sont trop bas. Et même quand les prix sont hauts, ce sont
souvent les spéculateurs et non les producteurs qui en bénéficient.
C’est pourquoi, dans le cadre des travaux du G20, nous réfléchissons à quatre
types d’actions : la régulation des marchés financiers de matières premières,
l’amélioration de la transparence sur les marchés physiques, le renforcement de
notre dispositif de sécurité alimentaire et la mise au service des pays les plus
pauvres de nouveaux instruments financiers d’assurance pour se protéger des
hausses de prix ou des événements affectant les récoltes.
3. Avec Lula, la décision en faveur du Rafale français, au détriment du F-18
américain et du Gripen suédois, était presque prise. Avec Dilma, cela ne
semble pas être le cas. Comment voyez-vous cette compétition et la position
du gouvernement brésilien?
La présidente Dilma Rousseff vient de prendre ses fonctions. Il est normal
qu’elle prenne le temps nécessaire à sa décision. Nous avons bâti une relation de
confiance avec nos partenaires brésiliens. Nous savons être patients et nous
avons confiance en nos atouts.
Le Brésil a besoin de renouveler sa flotte d’avions de combats et souhaite
acquérir la connaissance lui permettant, à moyen terme, de pouvoir lui-même
construire ses propres avions de manière totalement autonome.
Cette perspective, nous sommes les seuls à la lui proposer à 100%. Le rafale,
tous les experts le disent, est excellent. Il est polyvalent. Il a largement fait ses
preuves en opérations. Et pour avoir volé dessus moi-même je vous le
confirme !
Nous nous sommes engagés à transférer l’ensemble des technologies de l’avion
permettant au Brésil d’acquérir la capacité de développement d’un avion de
chasse de dernière génération, ce qu’aucun de nos concurrents ne fait. Par
ailleurs, les Forces aériennes brésiliennes connaissent bien les avions français
puisqu’elles disposent déjà du Mirage 2000.
4. Le président Sarkozy soutient la candidature brésilienne à un siège de
membre permanent au Conseil de Sécurité. Selon la France, qui doit
composer le Conseil et comment le pouvoir de veto doit-il être distribué ?
Oui, le Brésil doit devenir un membre permanent du Conseil de sécurité !
L’engagement du Président Sarkozy sur ce dossier est total. Au dernier sommet
de l’Union africaine, il a mis au défi l’assemblée générale de l’ONU d’avancer
concrètement cette année. Je crois que c’est le même message que M. Patriota a
porté après une récente réunion du G4 à New York.
Depuis des années, nous soutenons la candidature du Brésil, comme celles de
l’Allemagne, l’Inde et le Japon ainsi qu’une présence de l’Afrique. Je ne pense
pas qu’un membre permanent du Conseil ait autant et aussi clairement soutenu
ces candidatures. La France veut que le Conseil puisse demain remplir sa
mission : maintenir la paix et la sécurité internationales. Et comment le pourraitil s’il ne représente pas le monde tel qu’il est ? S’il ne donne pas toute sa place
aux puissances d’aujourd’hui et de demain?
Par ailleurs, pour surmonter les blocages de l’assemblée générale,
nous travaillons avec nos partenaires britanniques à un projet de réforme
intérimaire. Il s’agit d’instaurer une nouvelle catégorie de sièges avec un mandat
plus long que celui des membres actuellement élus. A la fin de cette période
intérimaire, ces nouveaux sièges deviendraient permanents. Nous espérons que
ce projet nous permettra d’avancer concrètement.
5. La France a toujours entretenu d’excellentes relations avec Ben Ali et
Moubarak; une partie des armes utilisée contre les manifestations
démocratiques, par exemple, était d'origine française. Est-ce que vous
regrettez d’avoir donné ce soutien?
Aucun matériel de maintien de l’ordre n’a été fourni aux autorités tunisiennes
durant la « révolution du jasmin ».
Plus largement, il me paraît essentiel de rappeler les principes de notre politique
étrangère, qui consistent à ne pas vouloir décider à la place des peuples, mais à
les soutenir et à les encourager. Comment peut-on dire que la France n’a pas
aidé les défenseurs des droits de l’Homme tunisiens, alors qu’elle a accueilli et
protégé la quasi-totalité de l’opposition démocratique tunisienne, ce qui nous a
d’ailleurs été régulièrement reproché par les autorités tunisiennes d’alors ?
J’ai moi-même publiquement déploré les violences et condamné l’usage
disproportionné de la force dans la répression des manifestations. Et je n’ai pas
attendu le départ de M. Ben Ali pour le faire.
Où que ce soit, les peuples doivent pouvoir manifester pour leurs droits, leurs
idées et leurs aspirations à davantage de libertés et de démocratie en toute
sécurité. C’est le message que notre pays a exprimé lors des évènements en
Tunisie et en Égypte en condamnant la répression et les violences.
6. La démocratie dans le monde arabe est-elle inévitable - et désirable?
S’il y a une constante dans la politique de la France, c’est sa volonté de parler à
tous les peuples du monde et de nouer avec eux des liens fraternels.
L'avènement de la démocratie est essentiel, dans le monde arabe comme partout
ailleurs. Il est naturellement souhaitable que ces transitions se fassent
rapidement et sans violence. Nous soutenons les attentes légitimes des peuples
arabes à la démocratie et au respect des droits de l’Homme tout en affirmant
qu’il appartient à ces peuples eux-mêmes d’en définir les voies et les moyens
7. Il semble que le Brésil veut changer sa position à propos de la défense des
droits de l'Homme dans le monde, et le cas iranien est emblématique. Dilma
a critiqué la condamnation de Sakineh et même l’attitude du Brésil lors
d’une résolution à l'ONU, le gouvernement de Lula, se refusant d’utiliser le
verbe "condamner" contre des pays comme Iran, Cuba et Corée du Nord.
Comment la France voit-elle ce changement?
Nous sommes heureux que d'autres voix notamment celle de votre présidente
Dilma Rousseff se joignent à celle de la France et de nos partenaires européens
pour appeler l'Iran au respect des droits de l’homme, à la libération de tous les
prisonniers injustement détenus et à l’arrêt des exécutions capitales qui se
multiplient de façon inquiétante. La France ne cesse d'affirmer son opposition
constante à la peine de mort, partout dans le monde et en toutes circonstances.