Gestion des âges : de quoi parle-t-on ?

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Gestion des âges : de quoi parle-t-on ?
Gestion des âges : de quoi parle-t-on ?
Annie JOLIVET
« La gestion des âges de la vie :
une approche GRH tranverse »
Xième rencontre professionnelle de l’Ecole de la GRH
Metz, 21 novembre 2012
Evolution de la pyramide des âges : Fonction publique hospitalière
Source : CNRACL. Traitement DGAFP, département des études et des statistiques.
Champ : agents titulaires de la FPT affiliés à la CNRACL au 31 décembre de l'année, avec une durée
hebdomadaire de travail au moins égale à 28 heures. Un agent est affilié dès lors qu'il cotise ou a cotisé à la
CNRACL jusqu'à sa radiation des cadres.
Rapport annuel sur l’état de la fonction publique, 2012
Evolution de la pyramide des âges : Fonction publique territoriale
Source : CNRACL. Traitement DGAFP, département des études et des statistiques.
Champ : agents titulaires de la FPT affiliés à la CNRACL au 31 décembre de l'année, avec une durée
hebdomadaire de travail au moins égale à 28 heures. Un agent est affilié dès lors qu'il cotise ou a cotisé à la
CNRACL jusqu'à sa radiation des cadres.
Rapport annuel sur l’état de la fonction publique, 2012
Evolution de la pyramide des âges : Fonction publique d’Etat
Sources : FGE, SIASP, Insee. Traitement DGAFP, département des études et des
statistiques.
Champ : agents titulaires civils des ministères au 31 décembre de l'année.
 Renoncer à utiliser l’âge moyen !
Rapport annuel sur l’état de la fonction publique, 2012
L’allongement de la durée d’activité
Retraite plus tardive :
- paramètres : relèvement âge minimum du taux plein 62 ans,
accroissement de la durée d’assurance pour le taux plein
- au-delà de l’âge du taux plein : cumul, retraite progressive, surcote
- aller jusqu’à l’âge d’annulation de la décote (67)
- possibilités individuelles de départs anticipés (décote, carrières
longues…)
 relèvement de l’âge effectif de sortie et plus d’incertitude sur l’âge
de départ à la retraite
Entrée plus précoce ? développement d’autres formes de passage à la vie
active (alternance ou combinaison emploi formation) ?
Quelques chiffres pour les fonctions territoriale et hospitalière
(FPT et FPH)
+ 15 mois
En 2010, parmi les fonctionnaires territoriaux nouvellement retraités
•21 % sont concernés par le dispositif de surcote,
•5% par le dispositif de décote.
•6,9% par un départ carrières longues
Rapport sur les pensions de retraites de la fonction publique, 2012
Enjeux
 maintenir voire développer les « capacités » tout au long de la vie
•
la formation  modalités d’apprentissage différentes selon l’âge et
l’expérience
•
l’évolution des postes et la mobilité (y compris en fin de carrière), la
possibilité d’une progression même tardive (contenu du travail,
rémunération)
•
la prévention des inaptitudes et des problèmes de santé  pas
seulement en fin de carrière
•
et une réflexion sur les conditions et l’organisation du travail
 offrir/maintenir des marges de manœuvre, sens du travail et
possibilité d’apprendre dans son travail.
gestion des âges (de tous les âges) # gestion par les âges
Age et vieillissement
 Déclin des capacités physiques, des capacités cognitives ?
• augmentation avec l’âge des différences entre individus
 certains travailleurs âgés plus « performants » que leurs cadets
• déclins variables selon les individus (intensité, modalités, moment)
• accroissement de la probabilité d’une diminution des capacités
fonctionnelles avec l’avance en âge, mais
- évolutions souvent modérées aux âges d’activité professionnelle
- pas de déclin généralisé de l’ensemble des capacités avec l’âge
- des compensations (solliciter plus les habiletés tactiles lorsque l’acuité
visuelle est moins parfaite)
Pas de relation univoque et systématique entre avance en âge et
diminution des capacités productives.
Vieillissement, travail et expérience
•
Impact du travail sur les transformations des capacités avec l’âge :
développement et/ou usure professionnelle, physique mais aussi cognitive)
 contribue à différencier les individus
 révélateur : vieillissement par rapport au travail
•
compensation par l’expérience (du travail mais aussi de soi-même) du
déclin des capacités sensorielles, cognitives ou physiques
 régulation de l’activité de travail, mise en œuvre de stratégies
•
avec l’expérience, les travailleurs tendent à se fixer des objectifs pas
forcément pris en compte : préservation de soi, sécurité des installations,
anticipation sur les incidents, fidélisation de la clientèle, mutualisation des
connaissances et des savoir-faire, …
 Pas de relation univoque et systématique entre avance en âge et
diminution des capacités productives. Evolution de la productivité avec
l’âge relative, variable et conditionnelle.
 Senior : pas de seuil a priori.
L’expérience : des stratégies de montage différentes
En seconde
Op 45 ans
100
80
60
40
20
0
20 Cycles
Source : Corinne Gaudart
Les relations entre vieillissement, travail et expérience
Formation : évolution avec l’âge des processus cognitifs
En situation d’apprentissage, informations et procédures nouvelles
 recours limité à des automatismes, aux connaissances professionnelles
Or, avec l’âge :
•ralentissement des mécanismes élémentaires de traitement de l’information
•altération du processus de mémorisation (mémoire à court terme et mémoire
de travail)
MAIS des différences importantes entre individus (plus qu’entre jeunes)
 difficultés
•à apprendre quand utilisation de matériel abstrait, non familier, sans lien avec
la pratique professionnelle
•à mémoriser sans support
•à générer des images visuelles à partir d’informations verbales
•et besoin de resituer le savoir nouveau sur ce qui a été appris avant
Les facteurs psychologiques
Peur d’apprendre, avec différentes facettes
 entrave avant même que la formation commence
•peur de ne pas arriver à apprendre
•peur de perdre leurs repères, la maîtrise des outils antérieurs
•peur de perdre les acquis de l’expérience
•peur de se fragiliser dans le groupe, de perdre la face
•Peur d’être moins performants qu’avant
Modification du rapport à l’apprentissage
Début de formation : rapport des seniors à la formation différent de celui des
jeunes
- peur d’engager des actions dont ils ne sont pas sûrs
- préoccupation sur l’utilisation concrète des nouveaux outils
- besoin de consolider ce qui a été vu avant de poursuivre
- besoin de prendre des notes
Difficultés accentuées si :
- peu d’opportunités de faire évoluer les compétences avant
- perte de l’habitude d’apprendre et de manipuler du matériel formel
- rythme et durée de la formation contraints
- combinaison âge et manque d’expérience dans un domaine
- méthodes de formation créent des difficultés supplémentaires
MAIS au final apprentissage le plus souvent équivalent à celui des plus jeunes,
avec un temps d’appropriation plus long.
Vécu du travail et santé des enseignants en fin de carrière
Diversité des métiers des enseignants selon le niveau (maternelle  lycée)
Existence de formes de pénibilité invisibles :
 physique (debout souvent, piétinement, théâtraliser son activité)
 charge mentale (surveillance du groupe, de chaque élève, évaluation,
construire réaction en temps réel)
 charge psychique (remise en cause par l’institution, par les parents)
 faire évoluer idée que métier compatible avec la vie familiale.
Triple expérience avec l’âge :
- évolution de ses compétences,
- évolution du métier (réformes très rapides, place du métier,…)
- expérience de soi (en particulier le coût ressenti du travail s’accroît)
Aménagements :
- allègement du temps de travail  pas seule réponse possible
- récréer/créer des lieux de discussion collective sur le travail
- détection des situations de dégradation
! Stratégies de coping actif/passif
Source : Cau Bareille
Représentations, préjugés, stéréotypes (1)
Des différences de traitement des salariés âgés
Rosen et Jerdee, 1977 (2 questionnaires, 7 situations, 1 570 répondants
abonnés à la Harvard Business Review)
1er exemple : Comportement inadéquat face aux demandes des clients
Pas ou peu de difficulté à changer son comportement :
46% des répondants s’il s’agit d’un jeune;
16% des répondants s’il s’agit d’un âgé.
Action recommandée :
discussion : 66% si jeune, 38% si âgé
une autre personne reçoit les clients : jeune 22 %, âgé 52%
2ème exemple : Séminaire de formation pris en charge par l’entreprise
Motivation du salarié :
s’adapter à la technologie : 90% pour le jeune, 76% pour l’âgé
Envoyer la personne en formation :
jeune : 74% des réponses ; âgé : 53%
Des comportements d’auto-sélection de la part des salariés
Entreprise du BTP : la transmission « organisée »
• Des centres de formation (avec l’AFPA)
• Accueil direct sur les chantiers (en apprentissage)
MAIS échoue à fidéliser les nouveaux
Constats :
• diversité de statuts des nouveaux
• un apprentissage opportuniste
• pour les nouveaux : des conditions d’apprentissage et de travail difficiles
 « faire ses preuves », se prendre en charge,
• pour les anciens : un essoufflement à transmettre
Un facteur essentiel : les conditions de travail, et notamment, l’effectif des
équipes composées de novices sur les chantiers
 opportunités d’apprendre plus grande quand novice surnuméraire
 pb maintien performance avec transmission
CHU : la transmission « discrétionnaire »
Plusieurs évolutions dans le service :
•activité : chirurgie orthopédique  Soins de Suite et de Réadaptation
•diminution des effectifs (2 IDE et 2 AS par vacation pour 30 patients)
•les patients ont changé : poly-pathologies liées à la vieillesse
•les missions ont changé : ré-autonomisation, accompagnement en fin de vie
du fait de la surcharge des unités de long séjour.
Personnel désorienté :
•des changements qui n’ont pas été discutés
•une absence de formation
•un sentiment de surcharge
•participer à la ré-autonomisation des patients, c’est les faire participer aux
soins en tenant compte de leur rythme, c’est pouvoir leur apporter des soins
de confort  mais il n’y a pas le temps.
•conflits entre anciennes et nouvelles  éviction des plus anciens.
•un personnel avec peu d’ancienneté
Elève AS
CHU : la transmission « discrétionnaire »
Une élève AS, présente dans le service depuis 4 semaines, passe son
examen le lendemain  l’AS ancienne a proposé un examen blanc
Le jour J : 4 AS présentes (!)  la nouvelle AS souhaite se joindre à
l’encadrement  encadrement à 2 : un apport différent et des discussions
entre les AS
mais des patients « compliqués »  des régulations collectives pour
dégager du temps au binôme d’encadrement
Activité « d’encadrement » (de l’élève AS)
•insérée dans l’activité quotidienne  une tâche supplémentaire
•peu formalisée et organisation laissée à la discrétion du personnel
•peut s’anticiper, mais reste toujours soumise aux aléas : effectifs, patients
 soutien du collectif et effectif suffisant nécessaires
•un contexte favorable, mais fragile et invisible (4 AS et régulation)
+ un moment de débat sur les pratiques professionnelles au sein du collectif
Transmission des compétences
•
•
•
•
Un processus présent tout au long des parcours professionnels
Qui dépasse le cadre des dispositifs formels de formation et de statuts
Une activité co-construite
La transmission, comme ensemble d’échanges de travailleurs
d’anciennetés différentes dans le métier, à propos de leurs pratiques
professionnelles au cours de l’activité de travail
 La transmission comme activité nodale : Elle permet de tisser le métier
Elle est potentiellement conflictuelle « Qu’est-ce que je transmets de
mon travail ? »
• Plusieurs caractéristiques :
-
c’est une nouvelle activité qui s’ajoute à l’activité principale
elle est située
elle peut être formelle ou informelle
elle s’inscrit dans une dimension collective
elle n’est pas unidirectionnelle
Conflit intergénérationnel : un établissement hospitalier (1)
Contexte
Fort turn-over parmi les remplaçantes  trouver sans cesse de nouvelles
recrues. Or marché local ne fournit pas assez de jeunes diplômées dans le
domaine de la santé  recrutement par défaut : diversification des profils
Les soignantes parlent de moins en moins d’anciennes et de débutantes : désormais
titulaires /remplaçantes






Evolution de la population des résidents  intensification du travail des
soignantes
En 2002, réduction du temps de travail sans augmentation proportionnelle
du personnel
Regroupement de services  augmentation de la superficie des services
 notamment augmentation des déplacements
Arrêts de travail en hausse à partir de 2007
Groupes de travail pour accréditation
hausse des heures de remplacement
Conflit intergénérationnel : un établissement hospitalier (2)
Constats
•difficulté à encadrer les nouvelles recrues
•des débutantes mises en poste le jour même
•formation au métier don contraint et dans la hâte
• impression des soignantes de faire mal leur métier et de confier les
résidents à des inconnues dont elles n’ont pas pu apprécier les compétences ou
les potentialités  repassent derrière
•épuisement à former des personnes qui ne restent pas  découragement
•Et flux incessant de remplaçantes perturbe l’organisation du travail et
contribue à une mauvaise ambiance
•Les remplaçantes ont l’impression d’être malmenées par les soignantes
 cassure du lien intergénérationnel
Vente-Mat
dans la plus grande agence étudiée, double constat :
- insuffisante transmission des savoirs entre anciens et jeunes
- mauvaises relations entre générations
Or séparation physique très nette entre les vendeurs du comptoir (tous moins
de 30 ans) et l’équipe faisant les devis (localisée dans des bureaux éloignés du
comptoir, et composée de plus de 45 ans)
 pb de transmission d’information, et préjugés réciproques
Décision : casser les cloisons et rapprocher la cellule devis en mettant les
postes de travail juste derrière le comptoir
 les vendeurs du comptoir communiquent beaucoup plus avec les anciens car
ils ont juste à se retourner pour demander un conseil ou un renseignement. Les
préjugés semblent progressivement se dissiper
Points de vigilance pour la FPT ? (1)
Profils de rémunération
 recrutement de personnes ayant une carrière hors fonction publique
avant : « anciens » (ailleurs) nouveaux (entrants)
 évolution des profils par âge (contrainte budgétaire)  équité jeunes /
plus anciens
Transmission des compétences et organisation du travail
 restructuration des activités et sens du travail (changement
d’orientation, de missions, voire disparition totale de certaines activités)
ex : maintien des compétences « de contrôle » (relation principal-agent)
dans le cas d’une externalisation
 dévalorisation des savoirs des anciens
 intégration des nouveaux entrants
Points de vigilance pour la FPT ? (2)
Evolution professionnelle, anticipation des carrières
 Formation : modalités de formation tenant compte de l’âge et de
l’expérience, retour de formation…
 Mobilité : différents parcours (horizontaux/verticaux, au sein des 3 FP,
hors FP), entretiens « mi carrière » (différentes modalités)
 Santé au travail
 Conditions de travail et organisation du travail
 Comportements de départ en retraite en évolution
 Tenir compte des spécificités des fonctions publiques : les réflexions
issues des pratiques du secteur privé ne sont pas forcément adaptées…
Points de vigilance pour la FPT ? (3)
Des mesures spécifiques ?
 évolution des comportements à intégrer dans la réflexion recompositions
familiales, parentalité tardive, grand parentalité active, montée des générations
de femmes plus actives
 décalage âge apparent et âge ressenti, âge ressenti susceptible de
changer
 un seuil d’âge ? réfléchir sur des seuils d’âge souples, sur la possibilité de
réversibilité (passage à temps partiel, mobilité externe,…)
 rémunération, mobilité, progression : des attentes diversifiées, qui
peuvent évoluer
 quid de l’interdiction/éviction de certains emplois ? emplois dangereux,
travail de nuit
des mesures spécifiques peuvent heurter une logique de diversité, voire
faire obstacle à une démarche préventive (report des contraintes)
 fonctions spécifiques (tutorat, coaching) ?

Points de vigilance pour la FPT ? (4)
Articulation avec les activités non rémunérées
la prise en charge des parents dépendants
-triple, voire quadruple journée pour les femmes (surtout) qui travaillent
-activité différente de la prise en charge des enfants : généralement pas
d’arbitrage entre cette aide et la poursuite d’une activité professionnelle
 comment faciliter la conciliation entre leur emploi et ces activités ?
la capacité à rester en emploi peut passer par le développement d’activités
associatives  temps partiel
une possibilité de mobilité : mise à disposition auprès d’associations
 en fin de carrière, après la retraite ? en cours de carrière ?