Voirie - autoroutes - concessions

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Voirie - autoroutes - concessions
Voirie - autoroutes - concessions
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Assemblée générale (Section des travaux publics)
- Avis n° 362 908 – 16 septembre 1999
Voirie - autoroutes - concessions - Pratique dite de l '« adossement »
Le Conseil d'Etat, saisi par le ministre de l'Equipement, des Transports et du Logement des
problèmes relatifs à l'« adossement », c'est-à-dire au procédé consistant à financer la
construction d'une nouvelle section d'autoroute non rentable par la prolongation d'une
concession existante au-delà de la durée nécessaire à l'amortissement des ouvrages et notamment
des questions de savoir :
1) si les règles applicables à l'attribution des concessions font désormais obstacle à ce que la réalisation
d'une nouvelle section d'autoroute soit confiée à une société dont l'offre prévoit que l'équilibre financier
de l'opération sera assuré par la prolongation de la durée d'une concession en cours concernant un autre
ouvrage, la passation du nouveau contrat s'accompagnant alors de la conclusion d'un avenant au contrat
en cause,
2) si, dans la perspective d'une réponse négative, la possibilité d'assurer l'équilibre financier de
l'opération par la prolongation d'une autre concession en cours doit être mentionnée dès l'avis de
publicité,
3) si, dans le cas d'une réponse affirmative à la première question, soit parce qu'une telle pratique serait
incompatible avec les exigences relatives à la passation des contrats de concession, soit parce qu'elle
serait regardée comme ne permettant par une concurrence effective pour la passation du nouveau
contrat, soit parce que la prolongation de la concession en cours ne pourrait elle-même se faire sans
mise en concurrence préalable, il est possible de proposer aux candidats un contrat liant la concession
de la nouvelle section et la reprise de la concession en cours, lorsque celle-ci aura atteint le terme
prévu, et, dans l'affirmative, s'il existe une condition liée à la proximité de ce terme ;
Est d'avis qu'il y a lieu de répondre aux questions posées dans le sens des observations suivantes :
En ce qui concerne la première question
La concession de la construction et de l'exploitation d'un tronçon d'autoroute constitue à la fois une
concession de travaux publics et une délégation de service public.
1) S'agissant, en premier lieu, des modalités de passation des concessions, la directive n° 89/440 du 18
juillet 1989, transposée en droit interne par - la loi susvisée du 3 janvier 1991 et ses textes
d'application, directive dont le contenu a été codifié par la directive n° 93-37 du 14 juin 1993, dispose
en son article 3 que : « Dans le cas où les pouvoirs adjudicateurs concluent un contrat de concession de
travaux publics, les règles de publicité définies à l'article 11 paragraphes 3, 6, 7 et 9 à 13 et à l'article 15
sont applicables à ce contrat lorsque sa valeur égale ou dépasse cinq millions d'euros. »
De son côté, la loi du 29 janvier 1993 dispose en son article 38 : « Les délégations de service public des
personnes morales de droit public sont soumises pas l'autorité délégante à une procédure de publicité
permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes... La collectivité publique dresse la liste des
candidats admis à présenter une offre... La collectivité adresse à chacun des candidats un document
définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations ainsi que, s'il y a lieu, les
conditions de tarification du service rendu aux usagers. Les offres ... présentées sont librement
négociées par l'autorité responsable de la personne publique délégante qui, au terme de ces
négociations, choisit le délégataire. »
La concession d'une nouvelle section d'autoroute est, en vertu des dispositions susrappelées tant de
l'article 38 de la loi du 29 janvier 1993 que de la directive du 14 juin 1993, soumise à des règles de
publicité préalable, faisant état des critères qui seront utilisés pour arrêter le choix du concessionnaire,
et ayant pour objet de permettre la présentation d'offres concurrentes et une égalité de traitement entre
les candidats. Si, en vue de la concession de la construction et de l'exploitation d'un tronçon d'autoroute
dont le trafic envisagé ne permet pas d'assurer la rentabilité, un candidat, déjà titulaire d'une
concession, était admis à présenter une offre dont l'équilibre financier serait assuré par la prolongation
de la durée de la concession initiale, alors que les autres candidats ne pourraient que réclamer une
subvention de la part de l'autorité concédante, l'égalité entre candidats serait rompue, et seraient
méconnues les dispositions législatives susmentionnées ainsi que l'article 3 de la directive n° 93/37
CEE du Conseil du 14 juin 1993 précité.
S'agissant, en second lieu, de la durée et du contenu de la convention de concession initiale, l'article 40
de la loi du 29 janvier 1993 dispose : « Les conventions de délégation de service public doivent être
limitées dans leur durée. Celle-ci est déterminée par la collectivité en fonction des prestations
demandées au délégataire. Lorsque les installations sont à la charge du délégataire, la convention de
délégation tient compte, pour la détermination de sa durée, de la nature et du montant de
l'investissement à réaliser, et ne peut dans ce cas dépasser la durée normale d'amortissement des
installations...
Une délégation de service ne peut être prolongée que :
a) pour des motifs d'intérêt général. La durée de la prolongation ne peut alors excéder un an ; b)
Lorsque le délégataire est contraint, pour la bonne exécution du service public ou l'extension de son
champ d'application et à la demande du délégant, de réaliser des investissements matériels non prévus
au contrat initial, de nature à modifier l'économie générale de la délégation, et qui ne pourraient être
amortis pendant la durée de la convention restant à courir que par une augmentation de prix
manifestement excessive... Les conventions de délégation de service public ne peuvent contenir des
clauses par lesquelles le délégataire prend à sa charge l'exécution de services ou de paiements étrangers
à l'objet de la délégation ... ».
Ces dispositions ne permettent pas d'allonger la durée d'une concession pour des raisons étrangères à la
durée normale d'amortissement des installations mises en œuvre. La prolongation de la durée d'une
concession dont les installations seraient amorties, à seule fin de financer la construction et
l'exploitation d'un tronçon autoroutier distinct, ne répondrait pas aux prescriptions
posées par cet article.
La pratique actuelle de l' « adossement » consistant à financer le déficit de la concession d'une section
non rentable d'autoroute par la conclusion d'un avenant portant prolongation de la durée initiale d'une
concession déjà attribuée et exploitée contrevient donc à un double titre aux dispositions précitées.
3) Il est vrai que le deuxième alinéa de l'article 40 de la loi du 29 janvier 1993 prévoit la possibilité de
prolongation de la durée d'une délégation de service public : « a) pour des motifs d'intérêt général. La
durée de la prolongation ne peut alors excéder un an , b) lorsque le délégataire est contraint, pour la
bonne exécution du service public ou l'extension de son champ géographique et à la demande du
délégant, de réaliser des investissements matériels non prévus au contrat initial, de nature à modifier
l'économie générale de la délégation et qui ne pourraient être amortis pendant la durée de la délégation
restant à courir que par une augmentation de prix manifestement excessive... ».
La première exception (a) concerne d'autres cas que celui dans lequel la prolongation est demandée
pour compenser des charges résultant de nouveaux investissements.
La seconde (b) parait mieux correspondre à la pratique de l'adossement puisqu'elle mentionne
expressément l'extension géographique de la délégation et la réalisation d'investissements matériels non
prévus au contrat initial.
Mais si ce b) couvre l'hypothèse dans laquelle ces investissements auraient pour effet de « modifier «
l'économie générale de la délégation, et si son application ne pose guère de problème lorsque l'ouvrage
concédé fait l'objet de travaux d'amélioration, il n'en va pas de même lorsque les travaux portent sur la
construction d'un ouvrage distinct de l'ouvrage prévu initialement : on se heurte alors aux obstacles
juridiques exposés au 2 ci-dessus. Par suite la prolongation de la durée de la concession pour assurer la
réalisation d'un équipement routier nouveau par la pratique de l'adossement ne peut avoir qu'un
caractère exceptionnel.
Les investissements supplémentaires non prévus au contrat devraient, à cet égard, constituer un
accessoire de l'ouvrage initial, cet aspect accessoire résultant notamment de leur dimension et de leur
coût limités en comparaison avec ceux de l'ouvrage principal, et de leur absence d'autonomie
fonctionnelle propre. Cela peut, en particulier, être envisagé si ces investissements accessoires
constituent une extension limitée de l'ouvrage existant ou prennent place entre les extrémités dudit
ouvrage sans pouvoir être regardés comme dissociables de ce dernier, et permettent d'en assurer une
exploitation rationnelle et continue. Ce n'est que dans ces conditions que la convention initiale pourrait
faîte l'objet d'un avenant prolongeant, si les autres conditions prévues par l'article 40 précité sont
remplies, la durée de la concession initiale. Dans une telle hypothèse, au demeurant, il n'y a pas
passation d'une nouvelle convention, et les règles communautaires ne trouvent pas à s'appliquer. Cette
exception aux règles de droit commun doit s'interpréter très restrictivement, par une démarche
s'inspirant de celle qui commande l'interprétation de l'article 45 bis du Code des marchés publics relatif
aux avenants.
En ce qui concerne la deuxième question
La réponse précédente rend sans objet la deuxième question.
En ce qui concerne la troisième question
1) Une fois son terme atteint et son objet rempli, et donc, par définition, après que les installations ont
été réalisées, amorties et remises au concédant, le renouvellement d'une concession ne peut revêtir que
la forme d'un affermage.
2) L'autorité compétente ne peut légalement procéder par anticipation aux mesures de publicité qui
doivent précéder la désignation d'un fermier, soumise aux dispositions précitées de la loi du 29 janvier
1993, une telle anticipation par rapport à la date de mise en œuvre de la future convention d'affermage
ayant d'une part pour effet d'écarter de la mise en concurrence les candidats dont l'intérêt à contracter
ne s'est pas encore manifesté, d'autre part d'organiser la publicité dans des conditions d'information trop
incertaines pour que soit assurée la transparence du mode de passation. Pour cette raison, la procédure
envisagée, consistant à coupler dans une même procédure de publicité et simultanément la recherche et
la désignation du concessionnaire de l'ouvrage nouveau et celles du futur fermier de l'ouvrage existant,
lorsque la concession en sera venue à son terme, ne saurait être regardée comme répondant aux
exigences de publicité et de concurrence rappelées ci-dessus.
3) A supposer enfin que les deux opérations (concession nouvelle et affermage des installations
existantes) puissent prendre place en même temps, si notamment la concession initiale vient à
expiration au moment où est envisagée la passation d'une autre concession pour un autre ouvrage, et
donc que les critiques précédentes perdent leur objet, il demeure que tout lien financier entre les deux
contrats, de concession et d'affermage, qui aurait soit pour objet soit pour effet de faire financer le
déficit de la concession nouvelle par les excédents dégagés par le fermage méconnaîtrait les
dispositions précitées des premier et quatrième alinéas de l'article 40 de la loi du 29 janvier 1993
relatives à la durée des conventions de délégation de service public et au contenu de leurs clauses.
Cette demande d'avis a été délibérée et adoptée par le Conseil d'Etat dans sa séance du 16 septembre
1999.