Fluctuations des prix du pétrole:
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Fluctuations des prix du pétrole:
Fluctuations des prix du pétrole: Répercussions pour le Canada Février 2015 Préparée par Jim Stanford, économiste, Unifor politiques pour atténuer ces dernières. Certaines de ces conséquences sont positives; d’autres sont négatives. La baisse des prix du pétrole peut être avantageuse ou désavantageuse, selon la région dans laquelle on habite et travaille. La présente fiche d’information explique la chute brutale des cours du pétrole, les répercussions de cette dernière et les leçons que le Canada peut tirer du ralentissement dans le secteur des ressources pour stabiliser et diversifier davantage son économie. Introduction La baisse considérable des prix du pétrole au cours des six derniers mois plonge l’économie canadienne dans la tourmente. Sur le marché mondial, le prix du brut a chuté de moitié, passant grosso modo de 100 à 50 $ US le baril de l’été 2014 à aujourd’hui (figure 1). Pire encore, la production de pétrole du Canada se vend encore moins cher : nos exportations de pétrole lourd non traité ne valent qu’environ 35 $ le baril sur le marché américain (en raison de sa qualité inférieure et d’une offre régionale excédentaire). Le prix mondial du pétrole a chuté aussi brutalement pour les nombreuses raisons exposées ci-dessous. Les économistes et les ministres des Finances cherchent à comprendre l’effondrement des prix du pétrole, à mesurer ses conséquences sur l’économie canadienne et à examiner des Demande : La demande mondiale des consommateurs est plus faible que prévu, pour 1 Figure 1 Source : Recherche d’Unifor à partir des données du Department of Energy et du Bureau of Labor Statistics des États-Unis de bonnes comme de mauvaises raisons. Les mesures d’économie d’énergie et d’efficience énergétique (motivées en partie par des prix élevés et des préoccupations environnementales) entraînent une baisse de la consommation. En outre, la croissance économique décevante de nombreuses parties du monde, dont l’Europe, le Japon, la Chine et même le Canada, freine la demande. nouvelles sources d’approvisionnement ont également été trouvées dans des pays du Moyen-Orient ravagés par la guerre, comme l’Irak, l’Iran et la Libye. La production de pétrole a augmenté plus rapidement en Amérique du Nord que dans n’importe quelle autre région, ce qui a joué un rôle déterminant dans la baisse des cours mondiaux. La croissance très rapide de la production intérieure a donc causé en partie le fléchissement des prix. Il semble que chaque boom pétrolier soit inévitablement suivi d’une crise. Offre : Au cours des 10 dernières années, les prix élevés du pétrole ont favorisé l’émergence de nouvelles sources d’approvisionnement en pétrole. Les sources non traditionnelles de pétrole (dont l’huile de schiste américaine, le bitume canadien et d’autres sources à coûts élevés) ont connu une croissance rapide. De Géopolitique : En règle générale, les montées précédentes des prix du pétrole étaient associées à des guerres, à des révolutions et à d’autres événements tragiques survenant 2 surtout au Moyen-Orient. La situation est plus instable que jamais dans cette partie du monde. Par contre, le marché du pétrole n’a souffert d’aucune rupture majeure d’approvisionnement récemment, ce qui a eu pour effet de faire baisser les cours. D’autre part, l’OPEP, c’est-àdire le cartel des grands pays exportateurs de pétrole, a perdu du pouvoir ces dernières années. prix du pétrole se situent, en moyenne, à peine sous la barre des 50 $ US le baril. C’est pratiquement la valeur du pétrole à l’heure actuelle. Tout compte fait, les prix actuels ne sont peutêtre pas « bas ». Les entreprises et les gouvernements qui supposaient que les prix demeureraient largement supérieurs aux normes historiques (100 $ ou plus le baril) prenaient leurs désirs pour des réalités. Spéculation boursière : Sur le marché mondial du pétrole, la plupart des acheteurs et des vendeurs ne sont pas des producteurs ni des consommateurs de pétrole. Ce sont plutôt des investisseurs financiers qui achètent des actifs énergétiques complexes et imprévisibles, comme des contrats à terme portant sur le pétrole et d’autres dérivés) dans l’espoir de réaliser un profit théorique à la suite de fluctuations rapides des prix. La spéculation, et non les forces véritables de l’offre et de la demande, explique la nature violente des fluctuations des prix du pétrole, tant à la baisse qu’à la hausse. L’influence des spéculateurs a des effets destructeurs sur l’économie : il est illogique que notre économie nationale tout entière soit retenue en otage de cette manière par les spéculateurs boursiers. Répercussions pour le Canada L’économie canadienne est complexe et diversifiée, et les effets de la baisse des prix du pétrole le seront tout autant. Certaines industries et régions en souffriront, alors que d’autres en profiteront. Production de pétrole : Les bas prix n’auront aucune incidence majeure sur la production de pétrole au Canada, du moins pas avant plusieurs années. Les puits de pétrole et les sites de production de bitume existants continueront à pomper du brut, car leurs propriétaires ont déjà investi des capitaux importants dans ces installations et doivent rentrer dans leurs fonds. En réalité, la production de pétrole canadien augmentera pendant encore au moins deux ou trois ans, au fur et à mesure que les nouveaux ouvrages actuellement inachevés seront mis en service de façon graduelle. Cette stabilité inhérente à la production de pétrole s’observe également dans la plupart des régions productrices du monde. L’espoir que la baisse des prix fera rapidement diminuer la production à coût élevé (et, ce faisant, rétablira l’équilibre entre l’offre et la demande) est irréaliste. Peu importe la cause du recul actuel, la forte volatilité des prix du pétrole ne devrait pas être une surprise pour personne. Qui plus est, les gouvernements et les employeurs ne peuvent pas légitimement évoquer cette volatilité pour justifier les sacrifices « urgents » exigés des travailleurs ou des collectivités. La figure 1 illustre les fluctuations historiques des prix du pétrole : ils augmentent dans un climat de tension mondiale ou en période de forte croissance et ils diminuent dans d’autres circonstances. Corrigés en fonction de l’inflation, au cours des 40 dernières années, les 3 Nouveaux investissements dans le pétrole : L’effet le plus grave de la baisse des prix du pétrole sur l’industrie pétrolière aura trait aux investissements dans de nouveaux travaux d’exploration et de forage et aux nouvelles dépenses en capital. La production actuelle ne diminuera pas, mais les nouvelles dépenses en capital chuteront rapidement. D’une part, les entreprises craignent que les investissements ne soient pas rentables et, d’autre part, elles ne possèdent pas les liquidités nécessaires pour faire de nouvelles dépenses en capital. Le ralentissement des investissements n’entraînera pas de baisse de production avant de nombreuses années. Entre-temps, les activités de forage et de construction ainsi que les services de soutien diminueront considérablement. Les travailleurs de ces secteurs de l’industrie pétrolière subiront des mises à pied et souffriront d’insécurité. Inflation : La baisse des prix de l’essence ramènera l’inflation à près de zéro, du moins pour un certain temps. Ce n’est pas une bonne nouvelle. En fait, les économistes aux quatre coins de la planète redoutent de plus en plus la « déflation », un phénomène contraire qui se caractérise par la stagnation ou la chute des prix moyens. La déflation engendre des conséquences terribles sur les dépenses, l’endettement et la création d’emplois. Autres industries : Certains secteurs de l’économie canadienne seront avantagés par la baisse des prix de l’énergie, dont les compagnies aériennes, les autres transporteurs et certaines industries manufacturières. Par contre, les industries qui dépendent du secteur de l’énergie, comme les usines de fabrication de pipelines et d’autres équipements servant à l’exploitation du pétrole, sentiront les effets négatifs du ralentissement des investissements dans le pétrole. Les effets positifs et négatifs de ce ralentissement sur une dizaine d’industries reviendront probablement à un « lessivage » de l’économie canadienne dans son entier. Prix de l’essence : Les consommateurs profitent d’une baisse substantielle des prix de l’essence (lesquels ont diminué du tiers environ depuis l’été dernier). La baisse des prix de l’essence n’est pas aussi importante, proportionnellement, que la baisse des prix du pétrole (en partie parce que les raffineurs de pétrole dégagent une marge de profit supérieure). Les prix plus abordables de l’essence et d’autres produits pétroliers aideront les finances des ménages (bien que la dette des ménages ne cesse de croître au Canada) et pourraient se traduire par une augmentation des dépenses de consommation pour d’autres produits et services. Emplois : La chute des prix du pétrole entraînera une combinaison d’effets positifs et négatifs sur les emplois. Des emplois seront perdus dans le secteur de l’énergie, surtout sur les nouveaux chantiers de forage et de construction. Jusqu’à maintenant, les membres d’Unifor qui travaillent dans l’industrie pétrolière ont été en grande partie épargnés (puisqu’ils travaillent principalement dans des installations de production), mais ils souffriront sûrement d’insécurité au cours des prochaines années. Entre-temps, de nouveaux emplois seront créés dans les secteurs qui tirent avantage de la baisse des prix de l’énergie (comme le transport et certaines industries manufacturières, lesquelles emploient aussi un 4 grand nombre de membres d’Unifor). En chiffres nets, la baisse des prix du pétrole n’aura probablement aucune incidence majeure sur les niveaux d’emploi en général (qui continueront de pâtir de la faiblesse de la croissance économique du Canada à long terme, de la compression des dépenses gouvernementales et d’autres facteurs négatifs). pays. Les répercussions sur le budget du gouvernement fédéral seront mineures étant donné que celui-ci dépend peu des recettes pétrolières. Toutefois, les conséquences sur le budget des provinces productrices de pétrole, dont l’Alberta, la Saskatchewan et Terre-Neuveet-Labrador, seront énormes. Comme elles comptaient trop sur des redevances pétrolières volatiles pour financer leurs services publics au quotidien (comme les soins de santé et l’éducation), ces provinces enregistreront des déficits importants au cours des prochaines années. Coupes dans les dépenses publiques menacées dans les provinces productrices de pétrole seront une des pires effets secondaires du prix du pétrole baisse. Les habitants de ces provinces doivent être prêts à défendre leurs services publics contre les appels que lanceront inévitablement les conservateurs en faveur des compressions budgétaires et de la privatisation. L’abolition d’emplois dans le secteur public, en sus de la réduction des effectifs dans l’industrie pétrolière, ne fera qu’aggraver le ralentissement économique. Au Canada, la production de pétrole est le secteur de l’économie qui exige le plus d’investissements, mais le moins de maind’œuvre. Seulement 0,5 emploi est associé à chaque million de dollars de production pétrolière, contre 10 emplois par million dans le secteur du transport et le secteur manufacturier (et encore plus dans les services publics, l’hôtellerie et la restauration, et le commerce de détail). Les produits et les profits de l’industrie pétrolière accuseront certainement une forte baisse, mais les répercussions sur les niveaux d’emploi en général seront beaucoup moins graves. Produit intérieur brut (PIB) : La fluctuation des prix du pétrole aura très peu d’influence sur le produit économique total du Canada, appelé « PIB réel » et corrigé en fonction de l’inflation. Comme je l’ai déjà mentionné, certaines industries déclineront, alors que d’autres enregistreront une croissance. Par contre, il est clair que la baisse des prix du pétrole, et par conséquent des niveaux des prix, fera diminuer la valeur nominale du PIB (mesurée en dollars). Elle plombera donc les revenus nationaux et le pouvoir de dépenser. Coupes dans les dépenses publiques menacées dans les provinces productrices de pétrole seront une des pires effets secondaires du prix du pétrole baisse. Ces provinces devraient prendre rapidement des mesures pour restructurer leur régime fiscal, percevoir plus de recettes au moyen de programmes fiscaux stables (plutôt que des redevances imprévisibles sur les hydrocarbures) et protéger leurs futurs budgets contre les fluctuations des prix du pétrole. Budgets gouvernementaux : Puisque le PIB nominal sera inférieur, les recettes fiscales des gouvernements diminueront. Les budgets gouvernementaux s’en ressentiront à des degrés divers dans les différentes provinces du 5 Figure 2 Source : Recherche d’Unifor à partir de la base de données CANSIM de Statistique Canada Dollar canadien : La baisse du dollar canadien est le principal avantage économique de la chute des prix du pétrole au Canada. Depuis 10 ans, la valeur du dollar canadien était beaucoup trop élevée sur les marchés internationaux, surtout parce que les spéculateurs en sont venus à associer notre devise au prix mondial du pétrole. À cause de cette surévaluation, tous nos autres produits (les marchandises fabriquées, les services, le tourisme, etc.) paraissaient trop onéreux aux acheteurs étrangers. Ces secteurs ont d’ailleurs connu un ralentissement brutal. Le dollar canadien est maintenant revenu à un niveau raisonnable et, espère-t-on, demeurera plus stable au cours des prochaines années. La valeur actuelle du dollar canadien ne ramènera pas les 500 000 emplois perdus dans le secteur manufacturier depuis 2004, mais elle nous aidera à défendre ceux qui restent. Commerce extérieur : Le boom pétrolier (tant qu’il a duré) a involontairement causé du tort à la performance commerciale globale du Canada. Les exportations de pétrole et d’autres sources d’énergie ont affiché une croissance rapide. En même temps, toutes nos autres exportations (marchandises fabriquées, services et tourisme) ont fortement décru, en partie à cause de la surévaluation du dollar. La balance commerciale du Canada penchait de deux côtés : l’excédent en énergie était énorme, mais tous les autres secteurs affichaient un déficit encore plus important (figure 2). Même quand les prix du pétrole étaient élevés, les recettes énergétiques n’étaient pas suffisantes 6 pour compenser les déficits colossaux liés aux biens et aux services non énergétiques. Par conséquent, le Canada a commencé à accuser un grave déficit des paiements internationaux en 2008. Sous l’effet de la baisse des prix du pétrole, le déficit du Canada se creusera davantage, jusqu’à ce que nous redéveloppions d’autres industries exportatrices pour combler l’écart. L’offre mondiale de pétrole ne s’adapte que très graduellement à une baisse des prix; entretemps, les installations continueront d’être exploitées. La demande mondiale de pétrole n’est pas non plus très sensible aux bas prix. À l’instar de la faiblesse de l’économie mondiale, les gains constants en efficience limiteront la demande. Par conséquent, il est probable que les prix du pétrole demeurent faibles pendant encore quelques années. En effet, certains experts en matière d’énergie ont indiqué que le niveau actuel des prix était la « nouvelle norme ». Environnement : La baisse des prix du pétrole entraînera des effets positifs et négatifs sur l’environnement, comme sur l’économie dans son ensemble. En ralentissant le rythme effréné des investissements dans les nouveaux projets de production de bitume, la baisse des prix du pétrole contribuera à réduire les émissions de gaz à effet de serre du Canada. (L’industrie du bitume, qui a contribué le plus, et de loin, à la croissance des émissions au Canada au cours des 10 dernières années, annule les réductions d’émissions réalisées dans d’autres secteurs.) Par contre, la baisse des prix n’encouragera pas les consommateurs à utiliser moins d’énergie, ce qui aggravera la pollution. Compte tenu de la chute des prix du pétrole, le Canada devrait enfin mettre en œuvre un plan crédible de lutte aux changements climatiques afin de prévenir une montée en flèche des émissions dans le futur (indépendamment des prix du pétrole). Pour cette raison, il ne sert pas à grand-chose de rêver que les prix du pétrole atteignent de nouveau des sommets. Les péripéties récentes, comme l’incertitude et les bouleversements actuels, devraient nous inciter à repenser toute notre stratégie nationale à l’égard de l’industrie de l’énergie. Au lieu de surfer d’une petite vague à l’autre, toujours suivie de périodes difficiles et de bouleversements, nous devrions trouver un meilleur moyen de gérer les fluctuations du pétrole sur le marché mondial et de promouvoir une prospérité plus stable et durable. Mesures que devrait prendre le Canada Et puis après? Il est du devoir du gouvernement de gérer l’économie dans l’intérêt de la population canadienne et de la protéger contre les fluctuations des forces du marché. Les gouvernements ne sont pas impuissants devant les forces mondiales. Ils peuvent prendre des mesures proactives et constructives pour s’adapter à la baisse des prix du pétrole, protéger nos emplois et nos services et repositionner l’économie nationale de façon à ce qu’elle soit moins vulnérable aux cycles Personne ne connaît la tendance que prendront les prix du pétrole, mais tout le monde sait qu’ils continueront à subir des fluctuations. Les prix des ressources naturelles ont toujours été volatiles. Voilà pourquoi chaque pays devrait prendre garde de miser une trop grande partie de son avenir économique sur cette industrie imprévisible. 7 Figure 3 Source : Recherche d’Unifor à partir de la base de données CANSIM de Statistique Canada; moyenne mobile de 12 mois d’expansion et de ralentissement. Voici quelques-unes des principales priorités : la plupart des Canadiens qui en ont besoin ne peuvent plus s’y accrocher. Réparer le filet de sécurité : La baisse des prix du pétrole provoquera une croissance de l’emploi, mais aussi des pertes d’emplois. Les pertes seront plus concentrées dans des industries et des régions en particulier (et seront donc plus pénibles). L’assurance-emploi et les mesures d’adaptation, comme le recyclage professionnel et l’aide à la réinstallation, visent à aider les Canadiens déplacés par suite de mutations économiques. Notre filet de sécurité a été tellement endommagé d’une façon scandaleuse par des années de compressions et de restrictions que La figure 3 montre la proportion de chômeurs canadiens qui étaient admissibles à des prestations régulières d’assurance-emploi. Elle a diminué considérablement depuis 2010 (au moment où Ottawa a resserré les critères d’admissibilité au programme). À cause de leurs emplois précaires, de leurs heures irrégulières et des règles hyper strictes du régime, moins de 40 p. 100 des chômeurs canadiens ont droit à l’assurance-emploi. C’est totalement inacceptable dans un marché du travail dominé par les turbulences et l’incertitude. Le gouvernement devrait améliorer l’accès aux prestations d’assurance- 8 emploi et investir davantage dans les programmes de recyclage professionnel et d’adaptation. argument en faveur de la valeur ajoutée, de la valorisation, du raffinage et des investissements pétrochimiques au Canada. Ajouter de la valeur aux ressources canadiennes : Plus nous acheminons du pétrole brut vers les États-Unis (en particulier le bitume non traité et le pétrole lourd), plus les prix chutent. Cette stratégie manque de vision et va à l’encontre du but recherché. La construction d’autres pipelines pour exporter encore plus de pétrole brut (vers les États-Unis ou ailleurs) ne fera qu’empirer la situation. Lorsque les prix du pétrole chutent, les entreprises qui valorisent et raffinent le pétrole dégagent des marges de profit supérieures (car les prix de l’essence ne diminuent jamais autant que les prix du pétrole brut). La baisse des prix constitue donc un La figure 4 illustre les tendances divergentes que suit l’extraction du pétrole et du gaz au Canada par rapport au traitement et au raffinage du pétrole. Depuis que la bulle pétrolière mondiale a commencé à gonfler en 2002, la production réelle du secteur de l’extraction de pétrole brut a augmenté de 25 p. 100 et continuera probablement de croître au cours des prochaines années, malgré la baisse des prix. Paradoxalement, la production réelle du secteur du raffinage au Canada a diminué pendant cette période (en raison d’une faible capacité et des fermetures de raffineries). Nous exportons de plus en plus Figure 4 Source : Recherche d’Unifor à partir de la base de données CANSIM de Statistique Canada 9 de ressources brutes, mais nous les valorisons moins. Le moment est bien choisi pour renverser cette tendance négative. Accroître les investissements dans la valorisation, les raffineries et les industries pétrochimiques devrait être une priorité pour s’assurer que les ressources canadiennes procurent le maximum d’emplois et de revenus à la population. Aucune planification rationnelle n’a été effectuée pour gérer le rythme de la croissance au cours des années précédentes. S’est donc forgée une mentalité de « ruée vers l’or » qui s’est traduite par de l’inflation, des dépassements de coûts, une infrastructure inadéquate au point de vue de l’économie et du logement dans les régions-ressources et d’autres effets secondaires négatifs. Une stratégie de développement énergétique plus planifiée, graduelle et prudente accroîtrait les retombées, réduirait les coûts et nous protégerait davantage contre les cycles d’expansion et de ralentissement. Les approbations de projet, les autorisations environnementales et les systèmes d’échelonnement des projets contribueraient à un développement plus harmonieux. La « pause » actuelle est le moment indiqué pour mettre en place ces mesures dans l’industrie. Encourager l’investissement : La baisse marquée des nouveaux investissements des entreprises dans le domaine de l’énergie est le principal risque que poseront les prix du pétrole pour l’économie nationale. Le gouvernement doit activement stimuler d’autres formes de dépenses en capital pour atténuer cette future baisse. Par exemple, il doit prendre plus de mesures efficaces pour encourager les nouveaux investissements commerciaux (dans les industries manufacturières, le transport, les services, etc.). La stratégie actuelle, qui réduit l’impôt des sociétés sans conditions, ne porte pas ses fruits : les entreprises conservent leur excédent de liquidités au lieu de les réinvestir. Un meilleur moyen de favoriser l’investissement consiste à établir un lien entre les avantages fiscaux et les nouvelles dépenses d’investissement à l’aide de mesures comme les crédits d’impôt à l’investissement et une politique manufacturière nationale. Des investissements publics majeurs dans les infrastructures (comme le transport en commun, les logements et les services publics) peuvent également combler le vide laissé par le ralentissement des investissements dans le pétrole. Politique de lutte aux changements climatiques : En refusant de prendre des mesures constructives pour remplir les obligations du Canada à l’égard des changements climatiques, le gouvernement fédéral a aussi nui à l’industrie pétrolière. L’incertitude suscitée par l’absence d’une politique sur le climat crée clairement un flou pour les plans d’investissement en matière d’énergie à long terme du Canada. La chute des prix du pétrole offre une occasion en or de dissiper cette incertitude. Le gouvernement devrait fixer un prix pour le carbone (puisque l’incidence sur la demande des consommateurs et la demande globale sera modérée aux prix actuels de l’énergie) ainsi que des cibles fermes pour les émissions de gaz à effet de serre. Il est faux de penser que la lutte aux changements climatiques équivaut à « sonner le glas de l’industrie pétrolière ». En réalité, un plan clair et ferme apportera à l’industrie la certitude Stabiliser le rythme des projets de mise en valeur du pétrole : La chute des prix du pétrole se fera plus durement sentir dans les provinces productrices de pétrole, en partie à cause de la surchauffe du boom pétrolier qui l’a précédée. 10 dont elle a besoin pour procéder à de futurs investissements de manière prudente et responsable. Les recettes provenant des mesures de lutte aux changements climatiques devraient être consacrées à la promotion des investissements publics et privés dans la réduction de la pollution, le transport en commun et d’autres priorités. Cette année, le secteur des matières premières a cruellement rappelé aux Canadiens que ce qui monte doit redescendre. Les ressources joueront toujours un rôle crucial dans notre économie. Toutefois, nous devons gérer nos abondantes ressources avec précaution pour pouvoir en tirer la valeur la plus durable. En même temps, nous devons activement encourager d’autres secteurs importants, comme les industries manufacturières, les services à forte valeur ajoutée, le tourisme et le transport. Le gouvernement fédéral met manifestement tous ses œufs dans le même panier : l’extraction et l’exportation de pétrole brut. Le moment est venu de définir une trajectoire économique plus équilibrée, diversifiée et stable pour les Canadiens. Diversification de l’économie : Depuis 2002, il est évident que la structure économique nationale du Canada a subi un recul qualitatif. Pendant des décennies, nous avons tenté d’échapper à notre statut historique de fournisseur de matières premières nontransformées au reste du monde. Nous avions développé un éventail d’industries de pointe et à valeur ajoutée en ce qui concerne la fabrication, les services et les technologies. Une fois que le boom des matières premières s’est véritablement enclenché, tout le progrès accompli a été ruiné, car les gouvernements et les entreprises ont cru au mythe que seule l’extraction de ressources brutes pouvait garantir l’avenir économique du Canada. Depuis, la performance du Canada par rapport à des indicateurs cruciaux comme la croissance de la productivité, les dépenses en recherche et développement et les exportations est l’une des pires du monde industrialisé. Conclusion Certains observateurs paniquent pratiquement devant la baisse marquée des prix du pétrole, car ils craignent que l’économie entière du Canada déraille. Cette réaction repose sur l’hypothèse erronée que l’industrie pétrolière est l’élément clé du bien-être économique du Canada dans son ensemble. Cela n’a jamais été le cas. Dans les faits, le pétrole et le gaz naturel contribuent à un grand nombre d’emplois de qualité dans plusieurs régions du Canada, mais le PIB et l’emploi reposent aussi sur beaucoup d’autres industries au Canada. La chute des prix aura de graves répercussions dans certains secteurs (surtout sur les nouveaux projets de forage et d’investissements pétroliers). Elle procurera néanmoins des avantages à d’autres secteurs. Elle aura un effet net modeste sur le PIB et l’emploi dans leur ensemble. Et personne ne devrait être étonné que les prix du pétrole Au lieu de surfer d’une petite vague à l’autre, toujours suivie de périodes difficiles et de bouleversements, nous devrions trouver un meilleur moyen de gérer les fluctuations du pétrole sur le marché mondial et de promouvoir une prospérité plus stable et durable. 11 ne se soient pas maintenus au niveau des 100 $ le baril. par la chute des prix (notamment en réparant notre système déficient d’assurance-emploi). Il devrait utiliser le ralentissement actuel pour élaborer de nouvelles stratégies visant à gérer les projets énergétiques, à stimuler la valorisation des ressources au Canada, et à réglementer les conséquences environnementales de la production de pétrole. Et il devrait retenir la leçon évidente que le moteur économique du Canada devrait tourner sur tous ses cylindres, pas seulement un. Au lieu de paniquer et de nous croiser collectivement les doigts en attendant un autre boom, nous devrions profiter de l’occasion pour repenser la façon dont nous gérons nos abondantes ressources, notre économie et notre filet de sécurité sociale. Le gouvernement doit tout d’abord prendre rapidement des mesures pour protéger ceux qui seront touchés lmc/sepb343 12