Fluctuations des prix du pétrole:

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Fluctuations des prix du pétrole:
Fluctuations des prix du pétrole:
Répercussions pour le Canada
Février 2015
Préparée par Jim Stanford, économiste, Unifor
politiques pour atténuer ces dernières.
Certaines de ces conséquences sont positives;
d’autres sont négatives. La baisse des prix du
pétrole peut être avantageuse ou
désavantageuse, selon la région dans laquelle
on habite et travaille. La présente fiche
d’information explique la chute brutale des
cours du pétrole, les répercussions de cette
dernière et les leçons que le Canada peut tirer
du ralentissement dans le secteur des
ressources pour stabiliser et diversifier
davantage son économie.
Introduction
La baisse considérable des prix du pétrole au
cours des six derniers mois plonge l’économie
canadienne dans la tourmente. Sur le marché
mondial, le prix du brut a chuté de moitié,
passant grosso modo de 100 à 50 $ US le baril
de l’été 2014 à aujourd’hui (figure 1). Pire
encore, la production de pétrole du Canada se
vend encore moins cher : nos exportations de
pétrole lourd non traité ne valent qu’environ
35 $ le baril sur le marché américain (en raison
de sa qualité inférieure et d’une offre régionale
excédentaire).
Le prix mondial du pétrole a chuté aussi
brutalement pour les nombreuses raisons
exposées ci-dessous.
Les économistes et les ministres des Finances
cherchent à comprendre l’effondrement des
prix du pétrole, à mesurer ses conséquences sur
l’économie canadienne et à examiner des
Demande : La demande mondiale des
consommateurs est plus faible que prévu, pour
1
Figure 1 Source : Recherche d’Unifor à partir des données du Department of Energy et du Bureau of Labor
Statistics des États-Unis
de bonnes comme de mauvaises raisons. Les
mesures d’économie d’énergie et d’efficience
énergétique (motivées en partie par des prix
élevés et des préoccupations
environnementales) entraînent une baisse de la
consommation. En outre, la croissance
économique décevante de nombreuses parties
du monde, dont l’Europe, le Japon, la Chine et
même le Canada, freine la demande.
nouvelles sources d’approvisionnement ont
également été trouvées dans des pays du
Moyen-Orient ravagés par la guerre, comme
l’Irak, l’Iran et la Libye. La production de pétrole
a augmenté plus rapidement en Amérique du
Nord que dans n’importe quelle autre région, ce
qui a joué un rôle déterminant dans la baisse
des cours mondiaux. La croissance très rapide
de la production intérieure a donc causé en
partie le fléchissement des prix. Il semble que
chaque boom pétrolier soit inévitablement suivi
d’une crise.
Offre : Au cours des 10 dernières années, les
prix élevés du pétrole ont favorisé l’émergence
de nouvelles sources d’approvisionnement en
pétrole. Les sources non traditionnelles de
pétrole (dont l’huile de schiste américaine, le
bitume canadien et d’autres sources à coûts
élevés) ont connu une croissance rapide. De
Géopolitique : En règle générale, les montées
précédentes des prix du pétrole étaient
associées à des guerres, à des révolutions et à
d’autres événements tragiques survenant
2
surtout au Moyen-Orient. La situation est plus
instable que jamais dans cette partie du monde.
Par contre, le marché du pétrole n’a souffert
d’aucune rupture majeure d’approvisionnement
récemment, ce qui a eu pour effet de faire
baisser les cours. D’autre part, l’OPEP, c’est-àdire le cartel des grands pays exportateurs de
pétrole, a perdu du pouvoir ces dernières
années.
prix du pétrole se situent, en moyenne, à peine
sous la barre des 50 $ US le baril. C’est
pratiquement la valeur du pétrole à l’heure
actuelle.
Tout compte fait, les prix actuels ne sont peutêtre pas « bas ». Les entreprises et les
gouvernements qui supposaient que les prix
demeureraient largement supérieurs aux
normes historiques (100 $ ou plus le baril)
prenaient leurs désirs pour des réalités.
Spéculation boursière : Sur le marché mondial
du pétrole, la plupart des acheteurs et des
vendeurs ne sont pas des producteurs ni des
consommateurs de pétrole. Ce sont plutôt des
investisseurs financiers qui achètent des actifs
énergétiques complexes et imprévisibles,
comme des contrats à terme portant sur le
pétrole et d’autres dérivés) dans l’espoir de
réaliser un profit théorique à la suite de
fluctuations rapides des prix. La spéculation, et
non les forces véritables de l’offre et de la
demande, explique la nature violente des
fluctuations des prix du pétrole, tant à la baisse
qu’à la hausse. L’influence des spéculateurs a
des effets destructeurs sur l’économie : il est
illogique que notre économie nationale tout
entière soit retenue en otage de cette manière
par les spéculateurs boursiers.
Répercussions pour le Canada
L’économie canadienne est complexe et
diversifiée, et les effets de la baisse des prix du
pétrole le seront tout autant. Certaines
industries et régions en souffriront, alors que
d’autres en profiteront.
Production de pétrole : Les bas prix n’auront
aucune incidence majeure sur la production de
pétrole au Canada, du moins pas avant
plusieurs années. Les puits de pétrole et les
sites de production de bitume existants
continueront à pomper du brut, car leurs
propriétaires ont déjà investi des capitaux
importants dans ces installations et doivent
rentrer dans leurs fonds. En réalité, la
production de pétrole canadien augmentera
pendant encore au moins deux ou trois ans, au
fur et à mesure que les nouveaux ouvrages
actuellement inachevés seront mis en service
de façon graduelle. Cette stabilité inhérente à la
production de pétrole s’observe également
dans la plupart des régions productrices du
monde. L’espoir que la baisse des prix fera
rapidement diminuer la production à coût élevé
(et, ce faisant, rétablira l’équilibre entre l’offre
et la demande) est irréaliste.
Peu importe la cause du recul actuel, la forte
volatilité des prix du pétrole ne devrait pas être
une surprise pour personne. Qui plus est, les
gouvernements et les employeurs ne peuvent
pas légitimement évoquer cette volatilité pour
justifier les sacrifices « urgents » exigés des
travailleurs ou des collectivités. La figure 1
illustre les fluctuations historiques des prix du
pétrole : ils augmentent dans un climat de
tension mondiale ou en période de forte
croissance et ils diminuent dans d’autres
circonstances. Corrigés en fonction de
l’inflation, au cours des 40 dernières années, les
3
Nouveaux investissements dans le pétrole :
L’effet le plus grave de la baisse des prix du
pétrole sur l’industrie pétrolière aura trait aux
investissements dans de nouveaux travaux
d’exploration et de forage et aux nouvelles
dépenses en capital. La production actuelle ne
diminuera pas, mais les nouvelles dépenses en
capital chuteront rapidement. D’une part, les
entreprises craignent que les investissements
ne soient pas rentables et, d’autre part, elles ne
possèdent pas les liquidités nécessaires pour
faire de nouvelles dépenses en capital. Le
ralentissement des investissements
n’entraînera pas de baisse de production avant
de nombreuses années. Entre-temps, les
activités de forage et de construction ainsi que
les services de soutien diminueront
considérablement. Les travailleurs de ces
secteurs de l’industrie pétrolière subiront des
mises à pied et souffriront d’insécurité.
Inflation : La baisse des prix de l’essence
ramènera l’inflation à près de zéro, du moins
pour un certain temps. Ce n’est pas une bonne
nouvelle. En fait, les économistes aux
quatre coins de la planète redoutent de plus en
plus la « déflation », un phénomène contraire
qui se caractérise par la stagnation ou la chute
des prix moyens. La déflation engendre des
conséquences terribles sur les dépenses,
l’endettement et la création d’emplois.
Autres industries : Certains secteurs de
l’économie canadienne seront avantagés par la
baisse des prix de l’énergie, dont les
compagnies aériennes, les autres transporteurs
et certaines industries manufacturières. Par
contre, les industries qui dépendent du secteur
de l’énergie, comme les usines de fabrication de
pipelines et d’autres équipements servant à
l’exploitation du pétrole, sentiront les effets
négatifs du ralentissement des investissements
dans le pétrole. Les effets positifs et négatifs de
ce ralentissement sur une dizaine d’industries
reviendront probablement à un « lessivage » de
l’économie canadienne dans son entier.
Prix de l’essence : Les consommateurs
profitent d’une baisse substantielle des prix de
l’essence (lesquels ont diminué du tiers environ
depuis l’été dernier). La baisse des prix de
l’essence n’est pas aussi importante,
proportionnellement, que la baisse des prix du
pétrole (en partie parce que les raffineurs de
pétrole dégagent une marge de profit
supérieure). Les prix plus abordables de
l’essence et d’autres produits pétroliers
aideront les finances des ménages (bien que la
dette des ménages ne cesse de croître au
Canada) et pourraient se traduire par une
augmentation des dépenses de consommation
pour d’autres produits et services.
Emplois : La chute des prix du pétrole
entraînera une combinaison d’effets positifs et
négatifs sur les emplois. Des emplois seront
perdus dans le secteur de l’énergie, surtout sur
les nouveaux chantiers de forage et de
construction. Jusqu’à maintenant, les membres
d’Unifor qui travaillent dans l’industrie
pétrolière ont été en grande partie épargnés
(puisqu’ils travaillent principalement dans des
installations de production), mais ils souffriront
sûrement d’insécurité au cours des prochaines
années. Entre-temps, de nouveaux emplois
seront créés dans les secteurs qui tirent
avantage de la baisse des prix de l’énergie
(comme le transport et certaines industries
manufacturières, lesquelles emploient aussi un
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grand nombre de membres d’Unifor). En
chiffres nets, la baisse des prix du pétrole n’aura
probablement aucune incidence majeure sur les
niveaux d’emploi en général (qui continueront
de pâtir de la faiblesse de la croissance
économique du Canada à long terme, de la
compression des dépenses gouvernementales
et d’autres facteurs négatifs).
pays. Les répercussions sur le budget du
gouvernement fédéral seront mineures étant
donné que celui-ci dépend peu des recettes
pétrolières. Toutefois, les conséquences sur le
budget des provinces productrices de pétrole,
dont l’Alberta, la Saskatchewan et Terre-Neuveet-Labrador, seront énormes. Comme elles
comptaient trop sur des redevances pétrolières
volatiles pour financer leurs services publics au
quotidien (comme les soins de santé et
l’éducation), ces provinces enregistreront des
déficits importants au cours des prochaines
années. Coupes dans les dépenses publiques
menacées dans les provinces productrices de
pétrole seront une des pires effets secondaires
du prix du pétrole baisse. Les habitants de ces
provinces doivent être prêts à défendre leurs
services publics contre les appels que lanceront
inévitablement les conservateurs en faveur des
compressions budgétaires et de la privatisation.
L’abolition d’emplois dans le secteur public, en
sus de la réduction des effectifs dans l’industrie
pétrolière, ne fera qu’aggraver le
ralentissement économique.
Au Canada, la production de pétrole est le
secteur de l’économie qui exige le plus
d’investissements, mais le moins de maind’œuvre. Seulement 0,5 emploi est associé à
chaque million de dollars de production
pétrolière, contre 10 emplois par million dans le
secteur du transport et le secteur
manufacturier (et encore plus dans les services
publics, l’hôtellerie et la restauration, et le
commerce de détail). Les produits et les profits
de l’industrie pétrolière accuseront
certainement une forte baisse, mais les
répercussions sur les niveaux d’emploi en
général seront beaucoup moins graves.
Produit intérieur brut (PIB) : La fluctuation des
prix du pétrole aura très peu d’influence sur le
produit économique total du Canada, appelé
« PIB réel » et corrigé en fonction de l’inflation.
Comme je l’ai déjà mentionné, certaines
industries déclineront, alors que d’autres
enregistreront une croissance. Par contre, il est
clair que la baisse des prix du pétrole, et par
conséquent des niveaux des prix, fera diminuer
la valeur nominale du PIB (mesurée en dollars).
Elle plombera donc les revenus nationaux et le
pouvoir de dépenser.
Coupes dans les dépenses
publiques menacées dans les
provinces productrices de
pétrole seront une des pires
effets secondaires du prix du
pétrole baisse.
Ces provinces devraient prendre rapidement
des mesures pour restructurer leur régime
fiscal, percevoir plus de recettes au moyen de
programmes fiscaux stables (plutôt que des
redevances imprévisibles sur les hydrocarbures)
et protéger leurs futurs budgets contre les
fluctuations des prix du pétrole.
Budgets gouvernementaux : Puisque le PIB
nominal sera inférieur, les recettes fiscales des
gouvernements diminueront. Les budgets
gouvernementaux s’en ressentiront à des
degrés divers dans les différentes provinces du
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Figure 2 Source : Recherche d’Unifor à partir de la base de données CANSIM de Statistique Canada
Dollar canadien : La baisse du dollar canadien
est le principal avantage économique de la
chute des prix du pétrole au Canada. Depuis
10 ans, la valeur du dollar canadien était
beaucoup trop élevée sur les marchés
internationaux, surtout parce que les
spéculateurs en sont venus à associer notre
devise au prix mondial du pétrole. À cause de
cette surévaluation, tous nos autres produits
(les marchandises fabriquées, les services, le
tourisme, etc.) paraissaient trop onéreux aux
acheteurs étrangers. Ces secteurs ont d’ailleurs
connu un ralentissement brutal. Le dollar
canadien est maintenant revenu à un niveau
raisonnable et, espère-t-on, demeurera plus
stable au cours des prochaines années. La
valeur actuelle du dollar canadien ne ramènera
pas les 500 000 emplois perdus dans le secteur
manufacturier depuis 2004, mais elle nous
aidera à défendre ceux qui restent.
Commerce extérieur : Le boom pétrolier (tant
qu’il a duré) a involontairement causé du tort à
la performance commerciale globale du
Canada. Les exportations de pétrole et d’autres
sources d’énergie ont affiché une croissance
rapide. En même temps, toutes nos autres
exportations (marchandises fabriquées, services
et tourisme) ont fortement décru, en partie à
cause de la surévaluation du dollar. La balance
commerciale du Canada penchait de
deux côtés : l’excédent en énergie était énorme,
mais tous les autres secteurs affichaient un
déficit encore plus important (figure 2). Même
quand les prix du pétrole étaient élevés, les
recettes énergétiques n’étaient pas suffisantes
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pour compenser les déficits colossaux liés aux
biens et aux services non énergétiques. Par
conséquent, le Canada a commencé à accuser
un grave déficit des paiements internationaux
en 2008. Sous l’effet de la baisse des prix du
pétrole, le déficit du Canada se creusera
davantage, jusqu’à ce que nous redéveloppions
d’autres industries exportatrices pour combler
l’écart.
L’offre mondiale de pétrole ne s’adapte que
très graduellement à une baisse des prix; entretemps, les installations continueront d’être
exploitées. La demande mondiale de pétrole
n’est pas non plus très sensible aux bas prix. À
l’instar de la faiblesse de l’économie mondiale,
les gains constants en efficience limiteront la
demande. Par conséquent, il est probable que
les prix du pétrole demeurent faibles pendant
encore quelques années. En effet, certains
experts en matière d’énergie ont indiqué que le
niveau actuel des prix était la « nouvelle
norme ».
Environnement : La baisse des prix du pétrole
entraînera des effets positifs et négatifs sur
l’environnement, comme sur l’économie dans
son ensemble. En ralentissant le rythme effréné
des investissements dans les nouveaux projets
de production de bitume, la baisse des prix du
pétrole contribuera à réduire les émissions de
gaz à effet de serre du Canada. (L’industrie du
bitume, qui a contribué le plus, et de loin, à la
croissance des émissions au Canada au cours
des 10 dernières années, annule les réductions
d’émissions réalisées dans d’autres secteurs.)
Par contre, la baisse des prix n’encouragera pas
les consommateurs à utiliser moins d’énergie,
ce qui aggravera la pollution. Compte tenu de la
chute des prix du pétrole, le Canada devrait
enfin mettre en œuvre un plan crédible de lutte
aux changements climatiques afin de prévenir
une montée en flèche des émissions dans le
futur (indépendamment des prix du pétrole).
Pour cette raison, il ne sert pas à grand-chose
de rêver que les prix du pétrole atteignent de
nouveau des sommets. Les péripéties récentes,
comme l’incertitude et les bouleversements
actuels, devraient nous inciter à repenser toute
notre stratégie nationale à l’égard de l’industrie
de l’énergie. Au lieu de surfer d’une petite
vague à l’autre, toujours suivie de périodes
difficiles et de bouleversements, nous devrions
trouver un meilleur moyen de gérer les
fluctuations du pétrole sur le marché mondial
et de promouvoir une prospérité plus stable et
durable.
Mesures que devrait prendre le
Canada
Et puis après?
Il est du devoir du gouvernement de gérer
l’économie dans l’intérêt de la population
canadienne et de la protéger contre les
fluctuations des forces du marché. Les
gouvernements ne sont pas impuissants devant
les forces mondiales. Ils peuvent prendre des
mesures proactives et constructives pour
s’adapter à la baisse des prix du pétrole,
protéger nos emplois et nos services et
repositionner l’économie nationale de façon à
ce qu’elle soit moins vulnérable aux cycles
Personne ne connaît la tendance que prendront
les prix du pétrole, mais tout le monde sait
qu’ils continueront à subir des fluctuations. Les
prix des ressources naturelles ont toujours été
volatiles. Voilà pourquoi chaque pays devrait
prendre garde de miser une trop grande partie
de son avenir économique sur cette industrie
imprévisible.
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Figure 3 Source : Recherche d’Unifor à partir de la base de données CANSIM de Statistique Canada;
moyenne mobile de 12 mois
d’expansion et de ralentissement. Voici
quelques-unes des principales priorités :
la plupart des Canadiens qui en ont besoin ne
peuvent plus s’y accrocher.
Réparer le filet de sécurité : La baisse des prix
du pétrole provoquera une croissance de
l’emploi, mais aussi des pertes d’emplois. Les
pertes seront plus concentrées dans des
industries et des régions en particulier (et
seront donc plus pénibles). L’assurance-emploi
et les mesures d’adaptation, comme le
recyclage professionnel et l’aide à la
réinstallation, visent à aider les Canadiens
déplacés par suite de mutations économiques.
Notre filet de sécurité a été tellement
endommagé d’une façon scandaleuse par des
années de compressions et de restrictions que
La figure 3 montre la proportion de chômeurs
canadiens qui étaient admissibles à des
prestations régulières d’assurance-emploi. Elle
a diminué considérablement depuis 2010 (au
moment où Ottawa a resserré les critères
d’admissibilité au programme). À cause de
leurs emplois précaires, de leurs heures
irrégulières et des règles hyper strictes du
régime, moins de 40 p. 100 des chômeurs
canadiens ont droit à l’assurance-emploi. C’est
totalement inacceptable dans un marché du
travail dominé par les turbulences et
l’incertitude. Le gouvernement devrait
améliorer l’accès aux prestations d’assurance-
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emploi et investir davantage dans les
programmes de recyclage professionnel et
d’adaptation.
argument en faveur de la valeur ajoutée, de la
valorisation, du raffinage et des investissements
pétrochimiques au Canada.
Ajouter de la valeur aux ressources
canadiennes : Plus nous acheminons du pétrole
brut vers les États-Unis (en particulier le bitume
non traité et le pétrole lourd), plus les prix
chutent. Cette stratégie manque de vision et va
à l’encontre du but recherché. La construction
d’autres pipelines pour exporter encore plus de
pétrole brut (vers les États-Unis ou ailleurs) ne
fera qu’empirer la situation. Lorsque les prix du
pétrole chutent, les entreprises qui valorisent et
raffinent le pétrole dégagent des marges de
profit supérieures (car les prix de l’essence ne
diminuent jamais autant que les prix du pétrole
brut). La baisse des prix constitue donc un
La figure 4 illustre les tendances divergentes
que suit l’extraction du pétrole et du gaz au
Canada par rapport au traitement et au
raffinage du pétrole. Depuis que la bulle
pétrolière mondiale a commencé à gonfler
en 2002, la production réelle du secteur de
l’extraction de pétrole brut a augmenté de
25 p. 100 et continuera probablement de
croître au cours des prochaines années, malgré
la baisse des prix. Paradoxalement, la
production réelle du secteur du raffinage au
Canada a diminué pendant cette période (en
raison d’une faible capacité et des fermetures
de raffineries). Nous exportons de plus en plus
Figure 4 Source : Recherche d’Unifor à partir de la base de données CANSIM de Statistique Canada
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de ressources brutes, mais nous les valorisons
moins. Le moment est bien choisi pour
renverser cette tendance négative. Accroître
les investissements dans la valorisation, les
raffineries et les industries pétrochimiques
devrait être une priorité pour s’assurer que les
ressources canadiennes procurent le maximum
d’emplois et de revenus à la population.
Aucune planification rationnelle n’a été
effectuée pour gérer le rythme de la croissance
au cours des années précédentes. S’est donc
forgée une mentalité de « ruée vers l’or » qui
s’est traduite par de l’inflation, des
dépassements de coûts, une infrastructure
inadéquate au point de vue de l’économie et du
logement dans les régions-ressources et
d’autres effets secondaires négatifs. Une
stratégie de développement énergétique plus
planifiée, graduelle et prudente accroîtrait les
retombées, réduirait les coûts et nous
protégerait davantage contre les cycles
d’expansion et de ralentissement. Les
approbations de projet, les autorisations
environnementales et les systèmes
d’échelonnement des projets contribueraient à
un développement plus harmonieux. La
« pause » actuelle est le moment indiqué pour
mettre en place ces mesures dans l’industrie.
Encourager l’investissement : La baisse
marquée des nouveaux investissements des
entreprises dans le domaine de l’énergie est le
principal risque que poseront les prix du pétrole
pour l’économie nationale. Le gouvernement
doit activement stimuler d’autres formes de
dépenses en capital pour atténuer cette future
baisse. Par exemple, il doit prendre plus de
mesures efficaces pour encourager les
nouveaux investissements commerciaux (dans
les industries manufacturières, le transport, les
services, etc.). La stratégie actuelle, qui réduit
l’impôt des sociétés sans conditions, ne porte
pas ses fruits : les entreprises conservent leur
excédent de liquidités au lieu de les réinvestir.
Un meilleur moyen de favoriser l’investissement
consiste à établir un lien entre les avantages
fiscaux et les nouvelles dépenses
d’investissement à l’aide de mesures comme les
crédits d’impôt à l’investissement et une
politique manufacturière nationale. Des
investissements publics majeurs dans les
infrastructures (comme le transport en
commun, les logements et les services publics)
peuvent également combler le vide laissé par le
ralentissement des investissements dans le
pétrole.
Politique de lutte aux changements
climatiques : En refusant de prendre des
mesures constructives pour remplir les
obligations du Canada à l’égard des
changements climatiques, le gouvernement
fédéral a aussi nui à l’industrie pétrolière.
L’incertitude suscitée par l’absence d’une
politique sur le climat crée clairement un flou
pour les plans d’investissement en matière
d’énergie à long terme du Canada. La chute des
prix du pétrole offre une occasion en or de
dissiper cette incertitude. Le gouvernement
devrait fixer un prix pour le carbone (puisque
l’incidence sur la demande des consommateurs
et la demande globale sera modérée aux prix
actuels de l’énergie) ainsi que des cibles fermes
pour les émissions de gaz à effet de serre. Il est
faux de penser que la lutte aux changements
climatiques équivaut à « sonner le glas de
l’industrie pétrolière ». En réalité, un plan clair
et ferme apportera à l’industrie la certitude
Stabiliser le rythme des projets de mise en
valeur du pétrole : La chute des prix du pétrole
se fera plus durement sentir dans les provinces
productrices de pétrole, en partie à cause de la
surchauffe du boom pétrolier qui l’a précédée.
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dont elle a besoin pour procéder à de futurs
investissements de manière prudente et
responsable. Les recettes provenant des
mesures de lutte aux changements climatiques
devraient être consacrées à la promotion des
investissements publics et privés dans la
réduction de la pollution, le transport en
commun et d’autres priorités.
Cette année, le secteur des matières premières
a cruellement rappelé aux Canadiens que ce qui
monte doit redescendre. Les ressources
joueront toujours un rôle crucial dans notre
économie. Toutefois, nous devons gérer nos
abondantes ressources avec précaution pour
pouvoir en tirer la valeur la plus durable. En
même temps, nous devons activement
encourager d’autres secteurs importants,
comme les industries manufacturières, les
services à forte valeur ajoutée, le tourisme et le
transport. Le gouvernement fédéral met
manifestement tous ses œufs dans le même
panier : l’extraction et l’exportation de pétrole
brut. Le moment est venu de définir une
trajectoire économique plus équilibrée,
diversifiée et stable pour les Canadiens.
Diversification de l’économie : Depuis 2002, il
est évident que la structure économique
nationale du Canada a subi un recul qualitatif.
Pendant des décennies, nous avons tenté
d’échapper à notre statut historique de
fournisseur de matières premières nontransformées au reste du monde. Nous avions
développé un éventail d’industries de pointe et
à valeur ajoutée en ce qui concerne la
fabrication, les services et les technologies. Une
fois que le boom des matières premières s’est
véritablement enclenché, tout le progrès
accompli a été ruiné, car les gouvernements et
les entreprises ont cru au mythe que seule
l’extraction de ressources brutes pouvait
garantir l’avenir économique du Canada.
Depuis, la performance du Canada par rapport à
des indicateurs cruciaux comme la croissance
de la productivité, les dépenses en recherche et
développement et les exportations est l’une des
pires du monde industrialisé.
Conclusion
Certains observateurs paniquent pratiquement
devant la baisse marquée des prix du pétrole,
car ils craignent que l’économie entière du
Canada déraille. Cette réaction repose sur
l’hypothèse erronée que l’industrie pétrolière
est l’élément clé du bien-être économique du
Canada dans son ensemble. Cela n’a jamais été
le cas.
Dans les faits, le pétrole et le gaz naturel
contribuent à un grand nombre d’emplois de
qualité dans plusieurs régions du Canada, mais
le PIB et l’emploi reposent aussi sur beaucoup
d’autres industries au Canada. La chute des prix
aura de graves répercussions dans certains
secteurs (surtout sur les nouveaux projets de
forage et d’investissements pétroliers). Elle
procurera néanmoins des avantages à d’autres
secteurs. Elle aura un effet net modeste sur le
PIB et l’emploi dans leur ensemble. Et personne
ne devrait être étonné que les prix du pétrole
Au lieu de surfer d’une petite
vague à l’autre, toujours suivie
de périodes difficiles et de
bouleversements, nous devrions
trouver un meilleur moyen de
gérer les fluctuations du pétrole
sur le marché mondial et de
promouvoir une prospérité plus
stable et durable.
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ne se soient pas maintenus au niveau des 100 $
le baril.
par la chute des prix (notamment en réparant
notre système déficient d’assurance-emploi). Il
devrait utiliser le ralentissement actuel pour
élaborer de nouvelles stratégies visant à gérer
les projets énergétiques, à stimuler la
valorisation des ressources au Canada, et à
réglementer les conséquences
environnementales de la production de pétrole.
Et il devrait retenir la leçon évidente que le
moteur économique du Canada devrait tourner
sur tous ses cylindres, pas seulement un.
Au lieu de paniquer et de nous croiser
collectivement les doigts en attendant un autre
boom, nous devrions profiter de l’occasion pour
repenser la façon dont nous gérons nos
abondantes ressources, notre économie et
notre filet de sécurité sociale. Le gouvernement
doit tout d’abord prendre rapidement des
mesures pour protéger ceux qui seront touchés
lmc/sepb343
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