Heureux au travail?

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Heureux au travail?
Emploi
28%
C’est la hausse
en quatre ans
du nombre
de chercheurs
français qui
travaillent
au sein
des universités
suisses.
AS | LUNDI 29 MARS 2004 | WWW.AGEFI.COM| 4
Î MON EMPLOI
LES
BRÈVES
Heureux au travail?
ŁRECHERCHE
Dans les sondages, les Suisses prétendent être heureux au travail. La réalité s’avère différente.
CETTE rubrique se veut au
cœur de la problématique du
marché de l’emploi. Pas simplement par des conseils pratiques
– on ne lit que ça depuis quelques
temps – mais beaucoup plus par
une réflexion plus fondamentale
sur le monde du travail et surtout
sur la relation que chacun entretient avec lui, en ayant pour but
des actions simples et concrètes.
Cet article explicite la problématique que nous aborderons
dans les prochains mois.
Des peurs, des attentes,
de l’insatisfaction
Heureux au travail? Les Suisses
le prétendent en grande majorité dans les sondages. D’autres
enquêtes partielles révèlent
que dans plusieurs entreprises
une très forte proportion (souvent plus de la moitié) des salariés pensent qu’ils sont capables
de faire plus que ce qu’on attend
d’eux au niveau des responsabilités confiées; qu’ils ont
souvent peur de perdre leur
emploi; qu’ils sont prêts à
envisager de faire autre chose
dans leur travail; qu’ils ne progressent pas régulièrement et
qu’ils n’entrevoient pas vraiment de possibilités de carrière
dans l’entreprise!
Ces quelques exemples montrent bien les dimensions multiples du sujet, dont l’importance croît encore suite aux
évolutions profondes qu’a subi
ces dernières années le monde
du travail. La sécurité de l’emploi telle qu’on la concevait a
pratiquement disparu. Les restructurations et licenciements
se succèdent à intervalles de
plus en plus rapprochés et entretiennent un climat d’incertitude, voire de résignation. Les
salaires des dirigeants, qui ont
pris un incroyable ascenseur
ces dernières années, sont sous
le feu de la critique.
On entend également de partout
que la pression sur les cadres et
les salariés continue d’augmenter et qu’elle provoque de plus
en plus de réactions de «ras-lebol» ou de conséquences sur la
et d’enrichissement personnel
comme but dans l’existence.
D’un autre côté, on voit poindre
des attentes et aspirations
nouvelles, notamment – mais
pas seulement – parmi ceux que
les Anglo-saxons appellent les
générations X et Y, ceux nés
après 1963 (X) ou ceux de la
génération du web. Ces aspirations vont vers plus de liberté,
d’autonomie, de responsabilité,
d’épanouissement professionnel et se traduisent souvent par
un rejet assez fort du monde
du travail actuel.
Nombreux sont aussi ceux qui
tentent ou ont tenté la voie de
l’indépendance: parfois par
RÉUSSIR SA CARRIÈRE
REVIENT DE PLUS EN PLUS
À RÉUSSIR SA VIE
santé physique ou psychique.
Pour les jeunes, mais aussi pour
les personnes en «transition»,
obtenir un emploi est souvent
devenu une obsession. Pour
d’autres, il s’agit à tout prix de
le garder. Ces événements sont
de plus en plus mis en regard
de portraits de réussites exceptionnelles, qui font envie et véhiculent l’idée de carrières rapides
réaction au monde de la grande
entreprise, parfois par manque
d’opportunités, parfois aussi et
heureusement par passion!
Avec quelles expériences? La
prise de conscience d’abord
que travailler seul ne convient
pas à chacun, mais aussi que
de gagner bien sa vie – après
avoir fait face à toutes ses charges – présuppose un carnet de
commandes bien rempli, donc
des contacts nombreux et fréquents que tout le monde n’apprécie pas forcément. Et parfois
aussi avec le sentiment d’avoir
enfin trouvé son équilibre
personnel, son bonheur!
Il s’agit de rester acteur
de son propre destin
Réussir sa carrière revient
aujourd’hui de plus en plus à
réussir sa vie. Est-ce plus difficile
qu’avant? Non, parce que les
formations acquises sont de plus
en plus pointues, continues, et
que les opportunités offertes
sont de plus en plus nombreuses. Mais en même temps oui,
exactement pour les mêmes raisons: parce que les opportunités
plus nombreuses imposent des
choix souvent difficiles et lourds
pour l’avenir, mais aussi parce
que les choses vont de plus en
plus vite et qu’il s’agit donc toujours de rester acteur de son propre destin, donc de ne jamais se
laisser dépasser par les événements. Nous nous intéresserons
chaque mois à l’une des facettes
de ces questions qui nous concernent tout au long de notre vie
professionnelle.
■
DANIEL HELD
Dr. ès Sciences Economiques,
consultant en RH et
en organisation et directeur
chez Qualintra SA, Genève.
Enseignant en gestion des RH.
Ł BANQUES
Tirer parti de ses équipes
LES BANQUES cherchent à
innover pour motiver leurs salariés. Ainsi, Morgan Stanley offre
une nouvelle façon de travailler:
des postes de banquiers d’affaires seniors dépourvus d’attributions managériales. La banque
a créé un groupe stratégique en
fusions acquisitions composé de
neuf volontaires, banquiers de
haut rang libérés du fardeau de
la gestion pour ne se concentrer
que sur les deals.
La création de ce groupe est pour
Morgan Stanley le moyen de
renforcer sa couverture clients.
C’est aussi un profond changement dans son approche de la
banque d’affaires. Ce n’est pas la
première fois qu’une banque
dégage ses cadres expérimentés
en fusions acquisitions de leurs
responsabilités managériales.
Credit Suisse First Boston avait
crée, en 2002, un conseil exécutif de 12 seniors bankers exclusivement dédié aux relations
clients. Ces nouvelles équipes
qui se consacrent aux seules
transactions traduisent bien la
croyance aux vertus de la division des tâches.
Les banques confrontées
à une nouvelle réalité
Les banquiers passaient trop
de temps à des tâches administratives et trop peu à conclure
des deals, indique-t-on chez
Morgan Stanley. De fait, les
banques sont confrontées à une
nouvelle réalité. Ces deux dernières années où il fallait réduire
la voilure, beaucoup de seniors
bankers s’étaient concentrés sur
des problèmes d’ordre interne.
Aujourd’hui, il s’agit de se remettre au service des clients. «Pour
les établissements bancaires, une
des questions clés du moment
est de savoir comment tirer le
meilleur parti de leurs équipes
et de leurs clients», souligne un
banquier chevronné en fusions
et acquisitions, qui a conservé
ses prérogatives managériales au
sein de sa banque américaine.
En déchargeant les meilleurs
pour qu’ils ne s’occupent que
de leurs clients, il semblerait
que les banques veuillent faire
d’une pierre deux coups.
Des concurrents pourraient
faire comme Morgan Stanley.
«Manager un groupe de banquiers d’investissement n’est
pas très enrichissant. Quand
vous l’avez fait durant quelques
années, vous avez hâte de passer
à autre chose», reconnaît le
patron des activités fusions
acquisitions d’une banque européenne. Mais pour un autre banquier, «la constitution de cette
équipe d’élite et la publicité qui
en a été faite présente un risque
pour Morgan Stanley. Les clients
qui n’auront pas à faire à l’un de
ces neuf banquiers pourraient
penser qu’ils ont un interlocuteur de second rang.»
Reste que chez Goldman Sachs,
les seniors bankers passent déjà
beaucoup de temps avec leurs
clients, dit un porte-parole de
l’établissement. «Tout le monde
chez Goldman Sachs a un portefeuille clients, même Hank
Paulson, notre président directeur général.»
SARAH BUTCHER
Les Français
apprécient la Suisse
Selon l’OFS, en 2002, les chercheurs français étaient 1855
à travailler dans les universités suisses, dont 134 professeurs et 215 enseignants, soit
une progression de 28% en
quatre ans (ils étaient 1447 en
1998). La plupart viennent
en Suisse romande en raison
de l’environnement francophone et pour des raisons
de proximité culturelle et
géographique. Les salaires et
les moyens plus importants
jouent aussi un rôle.
ŁMANAGEMENT
Les femmes sont
sous-représentées
Les femmes restent fortement
sous représentées aux échelons
supérieurs des entreprises.
Elles forment de 20 à 40% des
fonctions dirigeantes, selon des
études réalisées dans 60 pays.
L’amélioration est seulement
de 0,7% depuis 1996, souligne
un rapport du BIT. «Plus l’on
monte dans la hiérarchie,
moins les femmes sont nombreuses», résume le rapport. En
Suisse, seul 33% des femmes
ont un emploi qualifié, ce qui
les situent au 45e rang sur 48
pays étudiés par la BIT.
ŁTECHNOLOGIES
Délocalisations
en perspective
Quelque 25% des métiers traditionnels des technologies
de l’information des pays développés, surtout européens,
seront délocalisés dans les
marchés émergents d’ici à
2010. L’Inde restera incontestablement le pays le plus
attractif, selon le cabinet
d’études américain Gartner.
ŁTRAVAIL
Un intergroupe
parlementaire
Un nouvel intergroupe parlementaire a vu le jour sous
la Coupole fédérale. Dédié au
travail, il veut stimuler le dialogue dans ce domaine et
organisera régulièrement des
échanges d’opinions et d’informations avec les organisations nationales représentant
les salariés du secteur privé
et des services publics.
Sources: ats/afp/e.FinancialCareers
Ł RÉMUNÉRATION
Gérants obligataires: une bonne année
ALORS que le Footsie remonte
doucement mais sûrement et
que Wall Street reprend des couleurs, les investisseurs en actions
commencent à penser que le
vent tourne finalement en leur
faveur… ce qui pourrait être une
mauvaise nouvelle pour les
marchés obligataires.
Traditionnellement, quand les
marchés actions montent, les
marchés obligataires baissent.
2004 ne devrait pas déroger à la
règle, tout le monde ou presque
jugeant que les obligations
d’Etat sont surévaluées. Dans
ces conditions à quoi doivent
s’attendre les gérants obligataires cette année?
A beaucoup de travail, indiquent
la plupart des chasseurs de tête.
La complexité croissante des
marchés entraîne la naissance
de nouveaux types d’actifs, de
plus en plus nombreux, qui
doivent être gérés et ce, souvent
dans des volumes croissants.
Pour ce qui est de la rémunération des gérants en obligations,
c’est une bonne nouvelle.
Selon Chris Manfield de Odgers,
Ray & Berndtson, les bonus de
ces gérants devraient augmenter de 20% à 30% cette année par
rapport à 2003, soit autant que
pour les gérants en actions.
D’après Simon Bell, responsable
de l’asset management chez
Napier Scott, «les responsables
de gestion obligataire renforcent
continuellement leurs capacités
en termes d’offre de produits,
de recherche, et de spécialités.
Là où les produits structurés
deviennent de rigueur, le crédit,
le high-yield, la dette restructurée
et les convertibles suivent.»
Diminution des salaires
l’année dernière
En 2003, les salaires avaient
diminué de près de 5% par rapport à l’année précédente, sous
l’effet de l’effondrement des
marchés actions qui avait affecté
les résultats des gérants dans
leur ensemble.
Napier Scott évalue le salaire
moyen d’un gérant obligataire
aujourd’hui à environ 120000
euros, et à 200000 euros pour
un responsable d’équipe ou de
desk. Les bonus sont très variables, mais se situent cette année
entre 120% et 300% pour un
gérant performant.
Chez Alexander Mann, qui souligne la faible rentabilité persistante de bon nombre de sociétés de gestion, on se montre
plus prudent sur les bonus de
cette année. Les gérants en
obligations ayant un bon historique de performances sont souvent mieux payés que leurs
homologues actions.
La demande en gérants d’obligations corporate excède l’offre
indique Martin Symon au sein
de la société. Ceux qui justifient
d’un bon track-record sur ce
secteur peuvent obtenir une
prime par rapport aux gérants
d’obligations souveraines.
Il faut faire état d’un large
éventail de compétences
En dépit de l’augmentation des
bonus, peu de sociétés de gestion
d’actifs recrutent des gérants
en ce moment d’après Manfield.
Elles préfèrent mettre l’accent
sur leurs équipes commerciales
et de marketing. Les gérants à
la recherche d’un poste doivent
faire état d’un large éventail
de compétences et d’un solide
track-record.
■
JUSTIN KEAY