L`occasion d`accéder à une clientèle qui recherche la sécurité et

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L`occasion d`accéder à une clientèle qui recherche la sécurité et
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15. INDICES |
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Septembre 2012 | Gestion indépendante
L’occasion d’accéder à une clientèle
qui recherche la sécurité et le prestige
Les gérants indépendants
possèdent un avantage
structurel important du fait
de leur taille et de l’esprit
entrepreneurial qui anime
la plupart de leurs dirigeants.
OLIVIER COLLOMBIN
Associé Lombard Odier Capital Partners
Lombard Odier & Cie
P
as une semaine ne se passe sans
qu’on m’interroge au sujet de la
viabilité des gérants de fortune indépendants suisses (GFI). Le plus
souvent, la question est posée de
manière orientée, comme si leur
disparition du paysage financier était programmée. Comme si FINMA et banquiers s’étaient
entendus pour rendre la tâche des GFI encore
plus ardue qu’elle ne l’est déjà. A cela je réponds
que les excellentes PME de gestion de ce pays
vont continuer de gagner des parts de marché
tout en faisant évoluer leur modèle, parfois de
manière radicale.
LA PERSPECTIVE
D’ÉTABLISSEMENT
DE STANDARDS
PROFESSIONNELS
CLAIRS DOIT ÊTRE
PERÇUE COMME
UNE CHANCE
DE RENFORCER
LA CRÉDIBILITÉ
DES GÉRANTS
INDÉPENDANTS.
EST-CE UN DÉNI de la réalité? Suis-je aveuglé
par une profession que nous servons depuis de
nombreuses années et dont j’occulterais les faiblesses pour me convaincre que la croissance est
encore devant nous? Je ne peux l’exclure. Mais
voyons plutôt pourquoi je reste résolument optimiste quant à leur avenir à moyen terme.
Premièrement, et cela dépasse largement le cadre
de nos frontières helvétiques, notre monde est
entré dans une ère nouvelle grâce à l’effet conjugé d’internet et des réseaux sociaux. Le XXe siècle
fut celui de la verticalité, de la concentration des
tâches et du pouvoir. Le siècle des mécanismes
hiérarchiques clairement établis. Ce fut le prix à
payer pour gagner en productivité et réaliser des
économies d’échelle.
Et à chaque crise correspondait une vague de fusions destinées à accélérer la consolidation sectorielle prônée par la plupart des consultants.
Pertinente pendant de nombreuses décennies car
sans alternatives, cette méthode à donné naissance à d’immenses paquebots, solides en apparence. Nombre de groupes industriels et bancaires,
voire d’États, autrefois respectés pour leur taille
et leur puissance financière, se sont transformés
en géants aux pieds d’argiles susceptibles d’en entraîner d’autres dans leur chute.
LE XXIe SIÈCLE au contraire favorisera les systèmes horizontaux, décentralisés et dé-hiérarchisés au sein desquels de micros-acteurs ou talents
individuels accéderons à leurs interlocuteurs ou
clients sans intermédiaires. Des systèmes plus
résilients, moins vulnérables, plus adaptatifs. La
meilleure démonstration de ce phénomène nous
est fournie par deux entrepreneurs diplômés de
Standford, Ori Brafman et Rod A. Beckstrom
qui ont publié en 2006 «The Starfish and the
Spider, the unstoppable power of leaderless organizations». Ils décrivent parfaitement, à l’aide
d’exemples concrets, la puissance grandissante
des organismes décentralisés, à l’instar de l’étoile de mer. En effet, contrairement à l’araignée
dont l’ensemble des fonctions vitales se trouvent
concentrées, l’étoile de mer ne possède pas de système nerveux central. Elle est de ce fait beaucoup
moins vulnérable. Si vous la sectionnez, soit la
partie coupée repousse soit cela donne naissance
à deux étoiles.
Par conséquent, si l’on adhère à cette analyse,
les gérants indépendants possèdent un avantage
structurel important du fait de leur taille, de leur
fonctionnement en architecture ouverte et de
l’esprit entrepreneurial qui anime la plupart de
leurs dirigeants.
Deuxièmement, si l’autorégulation fut pertinente pour permettre aux «pionniers» d’éclore et de
faire leurs preuves en traversant toutes les crises
depuis le krach de 1987, l’absence de statut juridique clair est aujourd’hui devenu un handicap
commercial non négligeable. C’est dire à quel
point l’obtention d’un accès aux marchés pour
les GFI suisses est aléatoire si l’on ne considère
que l’écart entre les exigences requises en Europe et celles qui prévalent en Suisse.
Par conséquent, la perspective de l’établissement
par la FINMA de standards professionnels clairs
doit être perçue comme une chance de renforcer la crédibilité des gérants indépendants, non
seulement à l’égard de leurs clients actuels et
futurs mais également vis-à-vis des États dans
lesquels les gérants souhaitent un jour pouvoir
opérer librement.
AU CHAPITRE des menaces enfin, n’oublions
pas la stratégie de conformité fiscale à laquelle
la Suisse a désormais «décidé» de s’astreindre
avec son cortège d’effets collatéraux pour les
acteurs bancaires comme pour les intermédiaires financiers. Il ne fait aucun doute que dans un
premier temps, les actifs gérés par les uns et les
autres vont se contracter.
Soit. Mais l’un de nos talents n’est-il pas notre
faculté d’adaptation? Ce défi n’est-il pas une formidable occasion pour les professionnels que
nous sommes, indépendants ou non, d’ouvrir de
nouvelles portes, sur de nouveaux marchés afin
d’accéder à une clientèle en quête de sécurité, de
fiabilité, voire de prestige, plus que de secret bancaire. Quant à notre clientèle historique, gérer de
manière efficiente avec des outils de reporting
adaptés deviendra le minimum requis pour la
servir efficacement.
La Suisse, sous pression, jalousée, bousculée voire meurtrie, reste une «marque» de qualité sur
laquelle nous pouvons nous adosser et élaborer
une stratégie de croissance ambitieuse qui portera ses fruits plus tôt qu’on ne le pense. „
Le profil des indépendants sur la place suisse
Ils gèrent entre 11% et 18%
des avoirs placés en Suisse.
Et dirigent pour la très grande
majorité des micro-entreprises
de moins de cinq personnes.
Portrait des gérants indépendants.
SÉBATIEN RUCHE
L’Agefi
L
a place financière suisse assure la
gestion de plus du quart de la fortune privée globale. Précisément
27% de part de marché, soit 5600
milliards de francs, auxquels s’ajoutent plus de 2800 milliards d’avoirs
institutionnels, estime l’Association suisse des
banquiers (ASB). La part des gérants de fortune
indépendants oscille entre 11% et 18% de ces
montants, selon les études considérées.
Lorsqu’on évalue l’importance des gérants indépendants, l’élément clé demeure la façon dont
les données ont été obtenues. Les sondages tendent à donner une image un brin optimiste du
secteur. Ils débouchent sur des parts de marché pouvant atteindre 16% ou 18%. La masse
sous gestion moyenne atteindrait 130 millions
de francs et plus de la moitié des 2200 à 3600
sociétés de gestion indépendantes gérerait plus de
DEUX SOCIÉTÉS
DE GESTION
INDÉPENDANTE
SUR TROIS
ONT MOINS
DE CENT CLIENTS.
500 millions. Les chiffres audités décrivent une
réalité un peu différente. Pour marquer ses 25
ans, l’Association Suisse des Gérants de Fortune
(ASG) a compilé les données issues des audits de
ses membres, au titre de l’exercice 2009. L’étude
dévoilée en mai dernier montre que les indépendants sont actifs au sein de structures plus petites
et qu’ils gèrent probablement moins d’actifs que
ce que l’on croyait.
Seuls 7,4% des membres de l’ASG emploient
plus de dix collaborateurs – associés et actionnaires y compris. La taille moyenne reste légèrement inférieure à cinq employés, avec une
valeur médiane de trois collaborateurs. Les gérants indépendants dirigent donc essentiellement
– à 98% ! – des micro-entreprises. Au niveau des
actifs, 10% seulement des structures gèrent plus
de 500 millions de francs. Environ 80% des son-
dés affichent jusqu’à 250 millions d’actifs sous
gestion, avec une valeur médiane de 85 millions.
Plus d’un tiers d’entre eux gèrent moins de 50
millions. Deux sociétés de gestion indépendante
sur trois ont moins de cent clients.
Les membres de l’ASG reflètent-ils fidèlement
l’ensemble du secteur? On peut le penser, même
si la plus importante association professionnelle
attire plutôt les grandes structures. Son étude
illustre aussi le défi démographique qui attend
le secteur, après le pic de création d’entreprises
observé entre 1996 et 2000. Des structures dont
les dirigeants approchent maintenant de l’âge de
la retraite et qui doivent trouver des solutions
pérennes pour leur clientèle. „
Source: «Le guide 2012 des gérants indépendants»
© european investor relations SA
Encore des nouveaux venus
L’intérêt pour la gestion indépendante ne se dément pas en Suisse romande. Les trois Organismes d’Autorégulation (OAR) présents à Genève font état d’une progression du nombre de leurs membres. L’ASG a
accueilli 77 nouveaux adhérents en 2011 (+8%), pour approcher le millier de membres, tous des professionnels de la finance. L’OAR-G a vécu une année historique, avec 56 nouveaux membres, pour atteindre 435
adhérents fin 2011. Une trentaine de demandes d’affiliation a été reçue depuis janvier, dont douze ont déjà
été traitées. Les nouveaux venus viennent autant de Suisse romande – souvent hors de Genève – que du
reste de l’Europe. Les candidats anglophones ont d’ailleurs constitué près de 40% des demandes d’affiliation reçues par l’ARIF l’an dernier (stable à 189 membres gérants indépendants). Au point de susciter la
prudence: «Nous refusons les structures boîtes aux lettres, dont les dirigeants restent à l’étranger, explique
Norberto Birchler (lire également p. 6). Il s’agit souvent de ce que nous considérons être des réfugiés MiFID,
qui désirent obtenir le label suisse».