Mots_de_la_crise_Le_Monde_aout_2011

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Mots_de_la_crise_Le_Monde_aout_2011
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l’œil du monde Economie
0123
Vendredi 12 août 2011
La crise financière
Lesmotsdelacrise
Moins de trois ans après la tempête boursière de l’automne 2008,
la planète finance est de nouveau plongée dans la tourmente. Quels sont
les ferments de ce nouvel accès de tension sur les Bourses mondiales?
Qu’est-ce qui affole les opérateurs des marchés? Réponse en dix définitions
Clément Lacombe avec Alain Faujas
Dette
souveraine
DETTE PUBLIQUE DE LA FRANCE, en % du PIB
100
A Au commencement était la dette publique. « En pratique, dès qu’il y a eu des sociétés, il y a eu des dettes »,
explique l’historien Gérard Béaur, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).
A l’œuvre dès l’Antiquité grecque, l’emprunt d’argent par les autorités publiques s’est accéléré au Moyen Age
avec les cités italiennes. Pour mener leurs guerres et payer leurs mercenaires, Venise et surtout Florence
empruntent des fonds à des banquiers ou des marchands italiens et créent des titres de dette transmissibles.
Les banquiers italiens s’internationalisant, les titres de dette se diffusent aussi à l’étranger. En France, le système a été importé au XIIIe siècle par Saint Louis. Encore une fois pour mener des campagnes militaires. «Au lendemain des guerres de Louis XIV, la dette de la France s’élevait à 3 milliards de livres pour 70 millions de rentrée
fiscale annuelle », explique M. Béaur.
C’est au lendemain de la seconde guerre mondiale que les emprunts publics ne serviront non plus à financer
les guerres mais l’Etat-providence ou des plans de relance économique, comme après la crise financière de
2008. Aujourd’hui, la dette publique des Etats-Unis s’élève à 100 % du produit intérieur brut (PIB), soit
15 154 milliards de dollars (environ 10 500 milliards d’euros). Celle de la France à 84,5 % du PIB à la fin du premier trimestre, à 1 646,1 milliards d’euros, contre 22 % il y a vingt ans. La faute à l’absence d’un seul exercice
budgétaire à l’équilibre depuis 1975. Comme la plupart des autres Etats ou nombre d’entreprises, la France
doit donc lever des fonds sur le marché des capitaux en émettant des obligations, des titres de créances aussi
appelés bons du Trésor. Elle s’engage par ce biais à rembourser sa dette à une date donnée tout en versant chaque année des intérêts à ses créanciers : des banques, assureurs, fonds, banques centrales étrangères… En
mars, 65,2 % de la dette négociable de l’Etat français était détenue par des non-résidents en France. p
80
Droite
Gauche
35,2
40
20,7
20
0
1980
1990
Singapour
94
France
NOTATION FINANCIÈRE DES ÉTATS SELON STANDARD & POOR’S
88
Canada
84
Royaume-Uni
83
Allemagne
80
Autriche
70
Pays-Bas
66
Norvège
54
Suisse
53
Finlande
51
Danemark
46
Suède
37
AAA AA+ AA
AA— A+
Qualité
très bonne
A
A— BBB+ BBB BBB— BB+ BB
Qualité moyenne
supérieure
BB— B+
B
24
Luxembourg
Très spéculatif
B— CCC+ CCC CCC— CC
Hautement
spéculatif
Défaut
C
Hongkong
18
5
Guernesey
non disponible
Ile de Man
non disponible
D
Défaut
engagé
SOURCE : STANDARD & POOR’S, LE MONDE
2011
SOURCE : FMI
Australie
Spéculatif
2000
d’endettement public (en % du PIB, estimation 2011)
A A l’origine de ces institutions, un krach, déjà. La panique bancaire de 1907 ayant poussé son entreprise de
« diagnostic crédit » à la faillite, l’Américain John Moody crée, en 1909, la notation de la dette. Dès la seconde
moitié du XIXe siècle, des analystes évaluent les risques pris par les créanciers et indiquent quelle est la probabilité pour que l’entreprise ne rembourse pas ses dettes. Plus le risque est élevé, plus le créancier prête de l’argent à
un taux élevé. John Moody, lui, a l’idée d’attribuer – comme à l’école – une note résumant en un coup d’œil le risque pris par les créanciers. La société Poor, l’ancêtre de Standard & Poor’s (S & P), suit en 1916 et Fitch en 1924.
D’abord centrées sur les entreprises, les agences notent les Etats à partir de 1918. Aujourd’hui, S & P, la plus
influente, note 126 Etats. «Environ 15 % de leurs revenus proviennent de la notation d’émetteurs publics », explique Norbert Gaillard, auteur du livre Les Agences de notation (La Découverte, 2010). C’est l’Etat qui rémunère le
travail d’une agence la plupart du temps, la notation étant censée faire œuvre de transparence, «pour une somme variant entre quelques dizaines de milliers de dollars par an à quelques centaines de milliers de dollars ».
Les américaines Standard & Poor’s, Moody’s et la franco-américaine Fitch contrôlent la quasi-totalité du marché. Elles sont souvent accusées, pêle-mêle, d’avoir un pouvoir démesuré, de profiter d’un oligopole, de cultiver
un biais négatif sur l’Europe, d’avoir fait preuve par le passé d’une totale cécité en attribuant la meilleure note
possible à des produits dérivés vérolés (subprimes...)… Surtout, leurs contempteurs estiment qu’elles accélèrent,
en inquiétant les marchés, la réalisation de leurs prédictions. Pour se défendre, les agences rappellent qu’elles
n’émettent qu’un avis. Au final, ce sont les investisseurs qui achètent ou vendent les obligations…p
Bonne qualité
57,3
60
LES 18 DETTES SOUVERAINES NOTÉES AAA
PAR STANDARD & POOR’S, avec le taux
Agence
de notation
Sécurité
maximale
87,6
Majorité
au pouvoir :
Liechtenstein non disponible
SOURCES : STANDARD & POOR’S, FMI
«Spread»
A Cet indicateur – dont la traduction serait « écart» – est scruté de près à l’Elysée. Car il indique la différence de taux d’intérêt entre un emprunt et une
autre obligation jugée totalement sûre. Le « spread » révèle donc la prime qu’exigent les investisseurs pour acheter un titre plus risqué qu’un autre.
Lors d’une émission de dette, en fonction de la demande, les Etats – comme les entreprises– servent des taux d’intérêt plus ou moins élevés pour leurs
obligations. Celles-ci peuvent ensuite changer de mains sur le marché dit « secondaire », celui de la revente, le risque étant transféré à un autre investisseur. Chaque obligation possède un prix d’émission, qui correspond à la somme apportée par le prêteur à l’emprunteur. Mais ce prix peut par la suite baisser ou augmenter sur le marché secondaire, en fonction de l’offre et de la demande. Le taux de rendement réel, c’est-à-dire l’intérêt perçu par
rapport au prix payé par le détenteur de l’obligation, évolue alors invariablement en sens inverse. Prenons l’exemple grec. Fin 2009, à cause de la
découverte du maquillage massif des comptes publics grecs, les investisseurs se sont mis à brader leurs obligations, devenues d’un coup bien moins
sûres. Problème : peu se pressaient pour en acheter. La « valeur de marché » des emprunts grecs s’est alors effondrée. Automatiquement, le rendement de ces obligations s’est envolé, car le prix payé pour acquérir cet emprunt était très faible par rapport aux intérêts versés chaque année… Et, comme ces rendements servent de base pour les émissions à venir, la Grèce s’est bien vite trouvée dans une posture intenable. La naissance de l’euro avait
permis de créer une zone de convergence où tous les pays levaient des fonds à des taux assez proches. Mais, avec la crise grecque, les marchés se remirent à trier la bonne de la mauvaise dette. Voilà pourquoi le « spread» entre les rendements des obligations allemandes, les plus sûres de la zone euro,
et ceux des autres pays sont scrutés avec attention. Car il s’agit du meilleur révélateur de la défiance des marchés à l’égard d’un Etat. p
AAA
A Voici le sésame délivré par une agence de
notation, l’équivalent d’un 20 sur 20. L’assurance totale que l’emprunteur remboursera ses dettes. Et qui permet à celui-ci de lever des fonds
sans avoir à verser des intérêts trop élevés. « Le
garder est la priorité absolue de la France », résume un ministre. Dès 1909, John Moody adopte
une grille de notation par lettre. De Aaa pour la
meilleure possible à D pour la pire. « Le système
de notation par lettres et non par chiffres permet
de ne pas avoir une approche totalement linéaire
du risque », explique M. Gaillard.
Même si elles sont assez semblables, chacune
des trois principales agences possède sa propre
grille. Chez Standard & Poor’s (S&P), la notation
compte ainsi vingt-deux « crans » : le AAA représente la sécurité la plus totale, tandis que les
trois notes suivantes (AA+, AA et AA–) confèrent
à l’emprunt une qualité très bonne. En deçà de
BBB–, l’équivalent d’un 10 sur 20, l’investissement est dit « spéculatif ». Dans le jargon des salles de marchés, on parle alors de junk bonds
(« obligations pourries »).
Après la dégradation de la dette américaine, passée de AAA à AA+, dix-huit émetteurs de dette
souveraine conservent la meilleure note possible délivrée par S&P. Dont six à l’intérieur de la
zone euro : l’Allemagne, la France, les Pays-Bas,
l’Autriche, la Finlande et le Luxembourg. Par le
passé, des pays s’étant vu retirer leur AAA par
S&P ont pu le récupérer ensuite : le Canada, le
Danemark, la Finlande, la Suède, l’Australie…
Mais cela peut prendre du temps : le Danemark a
dû patienter vingt ans, entre 1981 et 2001… p
RENDEMENT DES EMPRUNTS GRECS ET ALLEMANDS À 10 ANS,
en %
15
Rendement
des emprunts :
grecs
allemands
10
5
«Spread»
0
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
SOURCE : BLOOMBERG
l’œil du monde
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La crise financière
PART DES PAYS EN DÉFAUT,
40
Défaut
en pourcentage du revenu mondial
30
A En termes plus brutaux, il s’agit tout simplement d’une faillite : le moment où un pays devient insolvable,
ne peut plus servir les intérêts de sa dette et/ou rembourser les emprunts arrivant à échéance. Un « événement de crédit », dans le jargon des financiers, devenu rarissime durant les années 2000. Mais presque la norme sur une période bien plus longue… « Une faillite d’Etat est finalement assez banale », rappelait ainsi, dans
Le Monde du 23 juillet, l’ancien chef économiste du Fonds monétaire international, Kenneth Rogoff. Avec sa
consœur Carmen Reinhart, ils ont recensé pas moins de 320 défauts souverains depuis 1800. Depuis son indépendance, en 1829, la Grèce a ainsi passé la moitié de son temps en situation de défaut… Tous les pays ne sont
cependant pas égaux : malgré une dette publique culminant aujourd’hui à plus de 200 % de son PIB, le Japon
reste très loin d’une faillite, les investisseurs de l’Archipel se ruant toujours sur les emprunts émis par l’Etat ;
le Mexique, lui, a fait faillite en 1982 avec un ratio de « seulement » 47 %.
Le défaut peut être parfois unilatéral, quand l’Etat prend ses bailleurs de fonds au dépourvu. Mais, la plupart
du temps, il se négocie avec les créanciers : certains parlent alors de « restructuration » de la dette. Celle-ci
peut être « dure », quand les créanciers perdent une partie de l’argent prêté, ou « douce », quand la dette est
« rééchelonnée », c’est-à-dire que les remboursements sont étalés dans le temps et/ou quand les taux d’intérêt sont réduits. Mais une telle issue peut obérer l’avenir : après un défaut, les investisseurs prêteront à nouveau difficilement de l’argent. Ou alors à des taux très élevés. Voilà pourquoi les dirigeants européens ont si
longtemps rejeté toute idée d’un défaut de la Grèce… p
20
10
0
1800
1814
1828
1842
1856
1870
1884
1898
1912
1926
1940
CDS
1,74
Mercredi 10 août,
acheter un CDS pour se
protéger d’une faillite de la
France coûtait en moyenne 1,7447
point de pourcentage : en clair, une
banque détenant 100 millions d’euros
d’emprunts d’Etat français va verser
chaque année 1,7447 million d’euros à
l’investisseur avec lequel elle aura
contracté un CDS. En échange, ce
dernier lui assure de récupérer toute
sa mise si jamais la France faisait
défaut.
1,6
1,4
1,2
A La scène se passe en juin 1994 au Boca Raton, un hôtel de Floride planté le long d’une plage privée. Entre bières et piscine, de jeunes salariés de
la banque JPMorgan réfléchissent à la création de produits financiers
inédits. Et jettent les bases d’un instrument révolutionnaire, selon le
récit formulé par Gillian Tett, une des plumes du Financial Times, dans
son livre L’Or des fous (Le Jardin des livres, 322 p., 22,90 euros). Le credit
default swap (CDS), littéralement « permutation de l’impayé », est né.
Ce produit financier permet au détenteur d’un emprunt de se protéger
contre un éventuel défaut de son débiteur. En contractant un CDS
auprès d’un autre investisseur, il souscrit une sorte d’assurance qui lui
permet de récupérer l’intégralité de la somme prêtée si jamais tout ou
partie de la dette n’était pas remboursée. Mercredi 10 août, contracter
un CDS pour se protéger d’une faillite de la France coûtait 1,74 % de la
somme prêtée, contre 8,59 % pour le Portugal…
Un marché opaque fréquemment dénoncé. D’abord parce que «ce sont
des contrats faits non pas par des assureurs mais par des acteurs du shadow banking, le secteur financier non régulé, qui ne prennent pas de provisions à la hauteur des engagements pris, estime l’économiste Paul Jorion.
Il s’agit aussi d’une pseudo-assurance, car il est possible d’en acheter sans
avoir d’emprunt à protéger: cela revient à s’assurer sur la voiture du voisin ». Le CDS devient alors un élément de spéculation et crée un «sentiment d’insécurité». «En voyant l’évolution des CDS, un détenteur d’obligation peut croire que les autres ont des informations que lui n’a pas. » Et
accélérer ainsi la défiance des marchés à l’égard d’un emprunteur. p
1,0
0,8
0,6
2010
2011
SOURCE : BLOOMBERG
«Double
dip»
CROISSANCE DU PIB AMÉRICAIN,
3,9
en pourcentage, en rythme annuel 3,8
1,7
3,8
2,5
1,3
2,3
0,4
—0,7
—6,7
—8,9
2008 2009
2010
2011
SOURCE : GOUVERNEMENT AMÉRICAIN
en pourcentage
€
€ €
CDS SUR LA DETTE FRANÇAISE,
A Depuis le mois de juin est revenue au premier rang des
préoccupations des experts et des gouvernements la crainte d’un « double dip » mondial. Cette expression anglo-saxonne peut être traduite par
« double creux » ou encore « reprise en W ». Elle désigne une première chute du produit intérieur brut (PIB), suivie d’une reprise de la croissance,
qui replonge avant de redémarrer normalement.
Le dernier exemple de « double dip » caractérisé aux Etats-Unis est celui que le National Bureau of Economic Research (NBER), seule institution américaine habilitée à le constater, a recensé au début des années 1980. De janvier à juillet 1980, l’économie américaine était tombée en récession, son
PIB sombrant de 8 % en rythme annuel d’avril à juin. La renaissance fut rapide et, dès le premier trimestre 1981, la croissance affichait + 8,4 % en
rythme annuel. L’inflation ayant profité de cette reprise, le président de la Réserve fédérale (Fed) de l’époque, Paul Volcker, augmenta alors les
taux… et l’économie américaine retomba en récession à – 6 % de juillet 1981 à novembre 1982, avant de se rétablir durablement jusqu’à la fin de la
décennie. C’est un peu le même schéma qui s’est appliqué, mais sur une plus longue période, lors de la Grande Dépression des années 1930 : une
très forte récession de 1929 à 1933, puis une reprise de 1933 à 1937 et une nouvelle rechute de 1937 à 1939.
La crainte actuelle d’un retour de récession est alimentée par le constat que les Etats industrialisés très endettés n’ont plus les moyens de soutenir
une économie flageolante et peu créatrice d’emplois, alors que les pays émergents qui ont tiré la croissance mondiale depuis 2009 doivent mettre
un terme à leurs politiques de soutien budgétaire en raison de la reprise de l’inflation que celles-ci ont provoquée. p
DÉTENTEURS DE LA DETTE
AMÉRICAINE, en milliards de dollars
Fed
1 600
Am
ér
3 600
ins
ica
Eta
14 300
milliards
ricain
mé
ta
«Quantitative
easing»
1954
1968
1982
1996
2010
SOURCE : CETTE FOIS, C’EST DIFFÉRENT DE CARMEN M. REINHART ET KENNETH S. ROGOFF
4 600
Pa
A Avec le risque du « double dip» revient la demande d’un « quantitative easing » de la part de la Réserve fédéde dollars
rale américaine (Fed). Cette technique peu orthodoxe consiste à faire sortir une banque centrale de son rôle
ét
ra n
monétaire traditionnel pour contrer la menace d’une récession. Traditionnellement, la banque centrale ne
gers
joue que sur les taux : quand l’inflation progresse, elle les augmente, mais quand la conjoncture est trop molle,
4
500
elle les baisse. Dans certains cas (Japon au début des années 1990, zone euro ou Etats-Unis aujourd’hui), cet outil
est inopérant. En ayant abaissé ses taux à leur plancher (0 % à 0,25 %), la Fed ne peut plus stimuler la demande et
l’investissement qui se languissent. Elle est donc tentée de se tourner pour la troisième fois vers des mesures
« non conventionnelles » antirécession. Celles-ci consistent pour la banque centrale à acheter à des institutions SOURCE : BUREAU OF THE PUBLIC DEBT
privées ou au Trésor des actifs à long terme, y compris douteux, afin d’injecter des liquidités dont elle espère qu’elles serviront à faire crédit aux
ménages et aux entreprises. En 2008, la Fed avait racheté pour 1 100 milliards de dollars d’actifs (près de 800 millions d’euros). Elle a récidivé, en
2010, pour 600 milliards à l’occasion du « QE2 ». Voilà pourquoi la Fed est aujourd’hui l’un des principaux détenteurs de bons du Trésor américain.
Ben Bernanke, le président actuel de la Fed, se trouve face à un dilemme. Il serait tenté de se porter au secours de l’économie américaine. Il a étudié
en détail la crise de 1929 et ne redoute rien tant que la perspective d’une « trappe à liquidités » et la déflation. En 2002, il a gagné le surnom de « Ben
l’hélicoptère » pour avoir fait sienne la thèse de Milton Friedman selon laquelle les autorités monétaires doivent donner de l’argent aux entreprises
et aux consommateurs, y compris en arrosant la foule de billets de banque du haut d’un hélicoptère… D’un autre côté, le « quantitative easing » est
extrêmement critiqué par les pays émergents, car l’argent ainsi injecté prend souvent le chemin des économies en croissance forte, où il est mieux
rémunéré. Son afflux y provoque inflation, hausse des taux et de la devise nationale, désorganisant l’économie. La Chine et le Brésil avaient protesté contre le « QE2 » fin 2010. Pour l’instant, M. Bernanke a choisi de s’abstenir de « QE3 ». p
€
€ € €
440
€
milliards d’euros
pour aider des Etats
de la zone euro
FESF
A Il est né dans la douleur, dans la nuit du 9 au 10 mai 2010, au terme
d’une interminable réunion des ministres des finances de la zone euro.
Face à la menace – déjà – d’une contagion de la crise grecque à tous les
pays de l’union monétaire, ces derniers créent un nouvel instrument :
le Fonds européen de stabilité financière (FESF). A l’origine de l’euro, le
principe de non-assistance financière à Etat en difficulté avait été scellé
dans les traités. Ce principe explose le 2 mai 2010, lorsque les autres
Etats membres volent au secours de la Grèce, en lui prêtant 110 milliards d’euros aux côtés du Fonds monétaire international (FMI). Une
semaine plus tard, le FESF est créé afin d’intervenir plus rapidement si
jamais cette situation devait se répéter. Celui-ci est autorisé à lever jusqu’à 440 milliards d’euros sur les marchés, pour ensuite prêter de l’argent à un taux raisonnable à un Etat en difficulté. Cumulé aux 60 milliards d’euros de la Commission et aux 250 milliards du FMI, le FESF permet à l’Europe de se doter d’une enveloppe de 750 milliards d’euros en
cas de coup dur. Depuis, l’Irlande (85 milliards) et le Portugal (78 milliards) ont bénéficié de cette aide.
Mais cela n’a pas suffi à ramener le calme. Le FESF devant s’éteindre en
2013, il a alors été décidé de créer après cette date un instrument d’aide
permanent, le « Mécanisme européen de stabilité ». Le 21 juillet, les
chefs d’Etat et de gouvernement ont aussi accru les pouvoirs du FESF :
celui-ci pourra à l’avenir acheter directement des emprunts d’Etat en
difficulté sur le marché secondaire, afin de faire baisser les rendements
de ces obligations. Problème, les Parlements ne ratifieront pas cet
accord avant l’automne… Pour tenter d’enrayer la panique des marchés,
la Banque centrale européenne (BCE) a donc dû se résoudre, début août,
à relancer son programme d’achats d’obligations, au risque de dégrader
un peu plus son bilan : d’abord des emprunts portugais et irlandais ;
ensuite – une première – des titres italiens et espagnols. Reste une interrogation : si jamais l’Espagne ou l’Italie était amenée à demander de
l’aide, la dotation de 440 milliards d’euros du FESF s’avérerait bien trop
faible. D’où un débat intense pour étendre sa taille. Mais certains pays, à
commencer par l’Allemagne, estiment avoir déjà beaucoup donné… p
Krach
ys
A Ce mot d’origine allemande revient inlassablement à chaque crise
financière. Sans qu’il fasse référence à autre chose qu’une baisse brutale
des marchés d’action. « Il n’y a pas de vraie définition. Chaque économiste
a ses propres critères pour parler de krach : certains estiment qu’il s’agit
d’une baisse d’au moins 10 % lors d’une seule séance ; d’autres se baseront
sur plusieurs séances…», note Jean-Marc Daniel, professeur d’économie à
l’ESCP-Europe. Lors de la crise bancaire de 1907 aux Etats-Unis, ce mot va
être pour la première fois utilisé à grande échelle pour qualifier la chute
généralisée des actions.
CAPITALISATION BOURSIÈRE
Avant d’être définitiveMONDIALE,
ment consacré par la crise
en milliards de dollars
de 1929. Cette année-là, le
24 octobre, l’indice Dow
Jones de la Bourse de New
York s’effondre de 22 % en
54 934
début de séance, avant de
finir sur une baisse limitée
de 2,1 %. Un répit de courte
47 757
durée : les 28 et 29 octobre,
le Dow Jones perd 13 % et
12%. Et c’est encore en octobre, mais en 1987 cette fois,
que l’indice new-yorkais va
connaître son plus grand
krach: – 22,6 % le 19 octobre. A Paris, les chutes ont
été plus modérées : la plus
forte baisse de l’indice
CAC40, créé en le 31 décembre 1987, a eu lieu le 6 octobre 2008, avec un plon22 juillet
9 août
geon de « seulement » –
SOURCE : BLOOMBERG
9,04 %. p