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Rapport bénéfice-risque des traitements anti reflux chez le prématuré.
Olivier Mouterde. Unité de gastroentérologie pédiatrique, CHU de Rouen, Université de
Sherbrooke.
Deauville 2014
De très nombreux prématurés sont traités pour un reflux gastro oesophagien, en réanimation, en
service de médecine néonatale et lors de la sortie vers le domicile. De 2 à 90 % des prématurés
sortent avec de tels traitements selon les centres selon une étude, ce qui indique une très grande
variabilité dans les décisions médicales, contrastant avec une littérature scientifique quasi
unanimement en défaveur de la majorité des indications et des traitements, pharmacologiques ou
non.
La première question est le bénéfice attendu d’un traitement anti-reflux, sous-tendant les
situations où une exploration et/ou un traitement sont envisagés. Citons les apnées, bradycardies,
désaturations, pleurs, agitation, retard de croissance, régurgitations, oesophagite.
Il est extrêmement difficile de trouver dans la littérature récente une ébauche de preuve de la
responsabilité du reflux dans ces symptômes, tant les études de corrélations entre ces
évènements et le reflux sont quasi unanimes pour récuser la responsabilité du reflux.
La deuxième question est le risque couru à prescrire ces médicaments. Le premier risque est
celui que le traitement prescrit ne soit pas efficace sur le symptôme. Le deuxième est celui d’effets
secondaires éventuels, le troisième, directement relié aux deux premiers est le risque médicolégal.
Si l’on prend comme point de départ les autorisations de mise sur le marché, pour les
médicaments, la situation est assez claire. Les IPP, la ranitidine, les prokinétiques n’ont pas
d’AMM chez le prématuré. Seule la cimétidine peut en théorie être prescrite dès la naissance, ainsi
que le Gaviscon.
Une prescription dans l’AMM ne couvre pas totalement le prescripteur, la cimétidine a gardé son
AMM mais n’est plus utilisable du fait d’un mauvais rapport bénéfice-risque.
Une prescription hors AMM est possible, et fréquente en pédiatrie. Les 3 conséquences
automatiques devraient être les suivantes :
- autorisation éclairée des parents
- mention « hors AMM » sur l’ordonnance de sortie, entrainant le non-remboursement
- mention dans le dossier du motif de non respect de l’AMM, reposant sur la littérature et les
textes de consensus.
Les avis des sociétés savantes sont donc au premier plan. Or il en ressort que les « symptômes
habituellement attribués au reflux » du prématuré ne seraient pas de bons indices de reflux
pathologique, tant dans les études cherchant une concordance temporelle entre ces évènements
et un reflux, que dans les études d’efficacité des thérapeutiques. Lorsque de telles études
montrent un effet sur le reflux ou sur le reflux acide, elles ne montrent pas d’amélioration des
symptômes qui ont provoqué exploration et/ou traitement… Les indications conseillées sont
l’oesophagite, et le reflux acide pathologique prouvé. Dans ces cas un IPP est conseillé, en
privilégiant celui ayant l’AMM le plus proche (ésoméprazole). La moitié au moins des reflux n’étant
pas acides, l’utilisation sans nuance des IPP doit être évitée.
En étudiant la littérature, les bénéfices et les risques des traitements pharmacologiques et non
pharmacologiques utilisés se résument ainsi :
- l’épaississement du lait maternel ou des préparations spécifiques n’a pas prouvé son efficacité.
Dans certaines études le reflux est même augmenté. Les risques sont liés à l’augmentation de
l’osmolarité ralentissant la vidange gastrique, la tolérance digestive (entérocolite), le risque
nutritionnel lié à la gêne à l’absorption de micronutriments.
- aucune préparation épaissie spécifique du prématuré n’est disponible. Une étude avec une
telle préparation, expérimentale, n’a pas montré d’effet favorable sur le reflux considéré comme
symptomatique.
- l’alginate de sodium a montré une certaine efficacité sur les régurgitations, la prise de poids,
les reflux acides, au prix d’un risque de constipation, de bézoard et d’hypernatrémie. L’absence
d’effet sur les apnées fait insister sur la dissociation entre les symptômes typiques de reflux
cliniques et pHmétriques, et les « symptômes extra digestifs » qui lui sont attribués.
- traitement a priori logique de toute forme de reflux, aucun prokinétique efficace et bien toléré
n’est disponible : le cisapride n’est plus disponible, le métoclopramide est contre-indiqué chez
l’enfant, la dompéridone n’a ni AMM ni efficacité prouvée et a fait l’objet d’une alerte récente sur
ses effets secondaires.
- les antisécrétoires partagent une efficacité prouvée sur le reflux acide, mais pas sur les
symptômes qui lui sont attribués, de nouveau. Ils partagent également des effets secondaires
non négligeables, plus nombreux pour la cimétidine. Les effets secondaires communs les plus
significatifs sont l’augmentation du risque d’infection et d’entérocolite. Citons un risque possible
d’ischémie cérébrale pour la ranitidine.
Finalement, ce sont des mesures non pharmacologiques qui devraient être privilégiées : modalités
et composition de l’alimentation, position après l’alimentation, diminution des stimulations, ablation
ou ascension de la sonde gastrique entre les phases d’alimentation, tétine, l’interruption des
xanthines, qui amélioreront les symptômes typiques de reflux et leurs quelques conséquences, et
… la patience qui améliorera les évènements indésirables du prématuré au fur et à mesure de sa
maturation neurologique.
En conclusion, il parait important de dissocier reflux typique (régurgitations, oesophagite) et
« évènements habituellement attribués au reflux ». Une possible sous-population restreinte
souffrant d’un reflux compliqué, acide ou non, doit être si possible identifiée et traitée. Les
« évènements habituellement attribués » au reflux, sans confirmation scientifique, ne devraient pas
donner lieu à des explorations invasives et des traitements d’efficacité non étayée et de
conséquences parfois néfastes.
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