Troubles peptiques. (1re partie): Maladie de reflux

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Troubles peptiques. (1re partie): Maladie de reflux
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Forum Med Suisse No 41 8 octobre 2003
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Troubles peptiques (1re partie):
Maladie de reflux
Rémy Meier, Michael Steuerwald
Introduction
Physiopathologie
Les troubles dus à l’acide englobent la maladie
de reflux et la maladie ulcéreuse. Alors que,
dans la première, le reflux du contenu gastrique
acide est la composante essentielle de la pathogenèse, l’Helicobacter pylori (H.p.) et les antiinflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont
impliqués dans la maladie ulcéreuse, en plus de
l’acide.
Au cours de ces dernières années, la maladie
de reflux a augmenté et les ulcérations peptiques ont diminué. La cause de cette augmentation de la maladie de reflux n’est pas parfaitement claire. Le mode de vie, les habitudes
alimentaires et l’obésité peuvent jouer un rôle.
D’un côté, les ulcères ont diminué avec la régression de l’infection à Helicobacter et son
traitement, et de l’autre, ils ont augmenté en
même temps que la consommation d’AINS, surtout chez les vieillards. Le but de cet aperçu est
de résumer la prise en charge de la maladie de
reflux (dans cette 1re partie) et de la maladie
ulcéreuse (voir 2e partie, Forum Med Suisse no
42) en l’état actuel des connaissances.
Plusieurs mécanismes sont en cause dans la
maladie de reflux, mais c’est la fonction du
sphincter œsophagien distal qui a la plus
grande importance. L’efficacité de la barrière
antireflux dépend de la pression œsophagienne
au repos et de la longueur du sphincter œsophagien distal, de même que de sa localisation
anatomique [2]. Une hernie hiatale favorise la
maladie de reflux.
Le suc gastrique peut refluer dans l’œsophage
lorsqu’il y a des relaxations spontanées du
sphincter œsophagien distal, indépendantes de
la déglutition, ou lorsque la pression sphinctérienne est diminuée [2]. Les repas gras, l’alcool
et certains médicaments peuvent également
favoriser une relaxation du sphincter œsophagien distal. Une motricité perturbée de l’œsophage tubulaire, primitive ou secondaire joue
également un rôle dans la pathogenèse de la
maladie de reflux, en faisant que le reflux
stagne plus longtemps dans l’œsophage. La
maladie de reflux est également favorisée par
une capacité de nettoyage et de neutralisation
diminuée du reflux acide, résultant d’une diminution de la sécrétion de salive ou de bicarbonate [2, 7].
Il est bien connu que les symptômes de reflux
sont dus au contact de l’acide et de la pepsine
avec la muqueuse œsophagienne. La fréquence
de ces symptômes est en corrélation directe
avec la persistance d’un pH <4. La gravité de
l’œsophagite est directement proportionnelle à
la durée du contact avec l’acide [8, 9].
Maladie de reflux
Correspondance:
Dr Rémy Meier
Div. de Gastro-entérologie,
Hépatologie et Nutrition clinique
Service universitaire de Médecine
Hôpital cantonal Liestal
CH-4410 Liestal
[email protected]
La maladie de reflux est une pathologie gastrointestinale fréquente. Dans le monde occidental, plus de 40% des adultes présentent au
moins une fois par mois un pyrosis et 10% env.
ont des symptômes de reflux une fois par semaine. Bien que le reflux soit fréquent, la prévalence de l’œsophagite peptique n’est que de
quelque 5%. La maladie de reflux se rencontre
à tout âge, mais elle augmente chez les vieillards, et elle touche plus volontiers l’homme
que la femme [1, 2]. Les patients ayant une
maladie de reflux souffrent souvent terriblement de leurs problèmes. Leur qualité de vie
est amputée, que ce soit avec ou sans œsophagite [3–5]. La maladie de reflux a également
des conséquences économiques. Consultations
fréquentes, examens onéreux et traitement
médicamenteux, sans oublier les absences au
travail, tout cela coûte cher [6].
Clinique
Les symptômes typiques sont le pyrosis (brûlure rétrosternale) et les renvois acides. Ces
problèmes ne signent toutefois pas une œsophagite. Une œsophagite n’est prouvée par
endoscopie que chez moins de la moitié des
patients présentant ces symptômes typiques
[10]. Cette entité est également appelée
«NERD» (non-erosive reflux disease). L’absence de symptômes n’exclut pas une œsophagite. En plus des symptômes de reflux typiques,
il peut également y en avoir des atypiques, dont
douleurs thoraciques type angor, catarrhe,
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laryngite postérieure, asthme nocturne non
allergique, ou pneumonies récidivantes sur
broncho-aspiration.
La présence de symptômes d’alarme tels que
dysphagie, odynophagie ou vomissements sanglants est le reflet d’une complication de la
maladie de reflux, ou d’une autre étiologie de
base (par ex. varices œsophagiennes, tumeur).
La maladie de reflux peut provoquer des œsophagites érosives ou ulcéreuses, pouvant parfois provoquer des hémorragies, ou rarement
des sténoses peptiques.
Un autre problème est la transformation de
l’épithélium pavimenteux en épithélium cylindrique spécialisé, dit de Barrett [2]. L’œsophage
de Barrett est associé à un risque de carcinome.
L’incidence du carcinome de Barrett (adénocarcinome) a augmenté au cours de ces 30 dernières années, surtout chez les hommes de
race blanche [11, 12]. L’incidence du carcinome
de Barrett a toutefois été surestimée par le
passé. De nouvelles données montrent qu’après
confirmation histologique d’un œsophage de
Barrett, cette incidence est d’environ 0,5% pour
le reste de l’existence [13]. L’incidence cumulée
de ce carcinome est significativement plus
élevée si la dysplasie est marquée que si elle est
discrète [14]. L’importance de l’Helicobacter
pylori dans la maladie de reflux est controversée. Labenz et collaborateurs ont montré en
1997 une augmentation significative de la maladie de reflux après éradication de l’H.p. [15].
Deux études récentes ont examiné l’incidence
de la récidive d’un reflux après traitement de
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l’H.p. L’une a trouvé une incidence significativement plus élevée de reflux dans le groupe
H.p. positif que dans le groupe H.p. négatif [16].
Et l’autre, sur un collectif plus nombreux, n’a
pas pu démontrer de différence en ce qui
concerne le status Helicobacter pylori [17].
Aujourd’hui, après preuve de la présence
d’H.p., un traitement d’éradication est généralement entrepris, ce qui présente probablement
plus d’avantages que d’inconvénients pour le
patient.
Diagnostic
Avec une anamnèse typique, chez des patients
jeunes sans symptômes d’alarme, il n’est pas
nécessaire de pousser les examens dans un
premier temps. Un traitement empirique peut
sans autre être mis en route. Chez les patients
jeunes sans symptômes d’alarme, le traitement
d’épreuve par un inhibiteur de la pompe à protons (IPP) s’est avéré utile. La disparition des
symptômes a une valeur prédictive élevée [18].
Si les symptômes sont atypiques, si le diagnostic n’est pas certain, s’il n’y a pas de réponse à
un traitement d’épreuve ou s’il y a des symptômes d’alarme, d’autres examens sont certainement indiqués. Ces examens ne viseront
pas qu’à confirmer la maladie de reflux, mais
aussi à déterminer la gravité de la maladie, et
à exclure d’autres pathologies possibles, telles
qu’une maladie ulcéreuse ou biliaire.
L’endoscopie est actuellement la première
Tableau 1. Classification des lésions muqueuses d’une œsophagite de reflux.
Classification de Savary-Miller
Classification de Los Angeles
Stade
Lésions endoscopiques
Stade
I
Erosions isolées,
non confluentes
A
Une ou plusieurs lésions
muqueuses, pas plus de 5 mm,
sans extension jusqu’au prochain
repli muqueux
II
Erosions longitudinales,
confluentes, ne prenant
pas toute la circonférence
B
Une ou plusieurs lésions
muqueuses de plus de 5 mm,
sans extension jusqu’au prochain
repli muqueux
III
Erosions longitudinales,
confluentes, prenant
toute la circonférence
C
Une ou plusieurs lésions
muqueuses s’étendant en continu
au-delà d’un ou plusieurs
replis muqueux, mais prenant
moins de 75% de la circonférence
IVa
Une ou plusieurs ulcérations
œsophagiennes au niveau
de la zone de transition,
pouvant s’accompagner de
strictures ou de métaplasies
D
Lésions muqueuses prenant au
moins 75% de la circonférence
IVb
Strictures mais sans
érosion ni ulcération
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étape. Elle permet de poser rapidement le diagnostic et de préciser la gravité des lésions de
la muqueuse. La classification du reflux selon
Savary-Miller et celle de Los Angeles sont présentées au tableau 1. L’endoscopie permet en
outre de diagnostiquer des complications (par
ex. strictures, œsophage de Barrett) ou d’autres
pathologies (par ex. diverticule, tumeurs).
Les biopsies ne sont pas très utiles dans le
diagnostic de la maladie de reflux. Mais elles
peuvent confirmer le diagnostic d’œsophage
de Barrett et préciser le degré de dysplasie.
La confirmation standard d’un reflux pathologique est la pH-métrie ambulatoire sur 24 h.
Un reflux gastro-œsophagien est défini par la
chute du pH intra-œsophagien à <4 pendant
une durée définie sur 24 heures [19].
La manométrie œsophagienne ne joue qu’un
rôle secondaire dans le diagnostic de la maladie de reflux, car sa sensibilité dans cette
pathologie n’est pas assez élevée. Mais cet
examen est important pour localiser le sphincter œsophagien distal. Ce n’est que si une
opération antireflux est prévue que la manométrie a son importance, pour prouver ou exclure des perturbations de la motilité œsophagienne.
Traitement
Le but premier du traitement de la maladie de
reflux est de faire disparaître les symptômes, et
de celui de l’œsophagite de reflux de faire cicatriser les lésions épithéliales et de prévenir les
complications.
Il n’y a actuellement aucun traitement curatif de
la maladie de reflux, sauf peut-être l’opération
antireflux. Cette maladie ne peut être que
contrôlée. La maladie de reflux est caractérisée
par des récidives à répétition et impose souvent
un traitement à très long terme. Il vaut généralement la peine de recommander certaines
modifications du mode de vie, malgré le fait
qu’il n’a jamais été possible d’en prouver l’incontestable utilité [10]. La perte de poids souvent préconisée a certainement tout son sens,
car elle corrige les problèmes généraux de l’obésité. Dans la maladie de reflux, les données sur
l’obésité et la perte de poids sont très controversées [20]. Il est utile de renoncer aux repas
copieux et trop riches en graisses, et de ne pas
se coucher peu après un repas, le soir surtout.
Pour empêcher mécaniquement le reflux, une
surélévation du tronc pour dormir peut être
utile. Les conseils diététiques visent à encourager à renoncer à la menthe, au chocolat, aux
repas trop gras, aux jus d’agrumes, au café et à
l’alcool, qui tous peuvent diminuer la pression
du sphincter [21, 22]. Plusieurs médicaments
peuvent également avoir des répercussions
négatives sur la fonction du sphincter, dont les
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antagonistes du calcium, les anticholinergiques,
le diazépam ou les théophyllines.
Traitements médicamenteux
Il a été clairement démontré que l’atténuation
des symptômes et la guérison de l’œsophagite
dépendent en premier lieu de l’importance de
l’inhibition acide.
Les antiacides sont peu efficaces, et ils ont mal
été étudiés [23]. Cela est également vrai pour
l’association alginates et antiacides. Peu d’études sur de petits collectifs ont montré un
meilleur effet que le placebo sur le pyrosis [24,
25].
L’efficacité des antagonistes H2 à faibles doses
a été examinée dans des études contrôlées.
Elles ont montré que ce traitement pouvait
améliorer à court terme le pyrosis, significativement par rapport au placebo [26, 27]. La
neutralisation (par antiacides) ou l’inhibition
(par antagonistes H2 à faibles doses) de l’acide
sont efficaces à 60–70% contre le pyrosis. Mais
la différence est minime. Les deux sont significativement plus efficaces que le placebo. Les
antiacides agissent rapidement, mais très peu
de temps, les antagonistes H2 plus lentement,
mais plus longtemps.
Les IPP sont le traitement le plus efficace, et
aussi le plus cher. Ils sont également très sûrs,
même administrés pendant plus de 11 ans [28].
La guérison et le délai avant la guérison d’une
œsophagite dépendent du temps d’exposition à
un pH gastrique >4. Les IPP peuvent guérir plus
de 90% des maladies de reflux. Les doses standard des différents IPP ont des taux de rémission et de guérison comparables [29–39]. Pour
la guérison d’une œsophagite érosive, l’oméprazole (40 mg/jour) a été meilleur que l’oméprazole (20 mg/jour) ou le lansoprazole (30
mg/jour), en l’espace de 8 semaines, dans
quelques études comparatives. Mais les résultats n’ont pas été constants dans toutes ces
études. Un avantage de l’ésoméprazole sur
l’oméprazole et le lansoprazole n’a été démontré que dans l’œsophagite grave (classification
LA C et D) [32]. Le choix d’un IPP dépend
actuellement surtout de son prix et de son profil d’interaction.
Traitement chirurgical
La chirurgie antireflux a des chances de succès
de 85–90% entre les mains de chirurgiens
expérimentés. Mais après une telle intervention, certains patients auront de nouveau besoin d’un traitement antiacide [40–43]. Actuellement, c’est la technique laparoscopique qui a
la préférence. Le plus important dans la décision opératoire est la sélection des patients.
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Une correction chirurgicale visant à empêcher
le reflux peut être envisagée en cas de complications extra-œsophagiennes du reflux non
maîtrisables, après échec d’un traitement médicamenteux reconnu, d’hémorragies récidivantes ou graves d’érosions ou d’ulcérations,
et si le patient désire vraiment un traitement
non médicamenteux, en en connaissant les
risques et complications. Des complications
sont à prévoir dans quelque 5–10% des cas [42].
La mortalité se situe entre 0,1 et 0,3%. Il n’y a
actuellement aucune preuve que l’opération
soit meilleure que le traitement par IPP à long
terme [44].
Il faut en outre savoir que l’opération antireflux
n’a aucun effet sur l’épithélium de Barrett, et
ne modifie en rien le risque d’adénocarcinome
[45]. Cela vaut d’ailleurs également pour le
traitement par IPP.
Figure 1.
Examens sans endoscopie dans
un premier temps [47–49].
Stratégies thérapeutiques
dans la maladie de reflux
Le traitement est fonction de la gravité des
symptômes, de l’âge et de l’état général du
patient.
La décision la plus difficile est celle du moment
de l’endoscopie [46].
Chez les adultes jeunes sans symptômes
d’alarme, tels que dysphagie, anémie ou perte
de poids, il est possible dans un premier temps
de renoncer à l’endoscopie et de prescrire un
traitement d’épreuve par un IPP pendant 4 semaines, si le patient se plaint de symptômes
graves depuis quelque temps déjà. Chez un
patient présentant des symptômes légers, intermittents seulement, il est possible d’essayer
les antiacides ou un antagoniste H2. Selon l’évolution, il est possible de suivre l’algorithme
de la fig. 1 [47–49].
Chez un patient de plus de 45 ans, ou ayant
des symptômes d’alarme, il faut préciser le
* Esoméprazole (40 mg), lansoprazole (30 mg), oméprazole (20 mg), pantoprazole (40 mg),
rabéprazole (20 mg) [par ordre alphabétique]
Symptômes
de reflux
Symptômes violents,
fréquents ou prolongés
(plus de 4 semaines)
Evaluation
médicale
Symptômes
d'alarme
ou
violents
Symptômes
intermittents et modérés
(moins de 4 semaines)
Persistance
des symptômes
Aucun symptôme
d'alarme
ni violent
Antiacides
Antagonistes H2
(4 semaines)
Traitement par IPP
(dose standard*)
(4 semaines)
Aucun symptôme
Persistance
des symptômes
Aucun symptôme
Traitement par IPP
(dose standard
2 x par jour)
Examens
gastro-entérologiques
et endoscopie
Persistance
des symptômes
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Expectative et/ou
traitement
à la demande
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Figure 2.
Examens avec endoscopie dans
un premier temps (50].
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Symptômes d'alarme ou
réfractaires au traitement
Stade LA C ou D
Stade LA A ou B
Endoscopie
IPP dose standard*
(8-12 semaines)
Persistances
des symptômes
IPP dose standard 8 semaines,
puis comme patient sans
endoscopie de la fig. 1
IPP dose
standard 2x/jour
(8–12 semaines)
Aucun symptôme
Aucun symptôme
Persistances
des symptômes
IPP double
de la dose standard
2 x / jour
(4–8 semaines)
Traitement à long terme
Adaptation de la dose en
fonction des symptômes
(discuter de l'opération
selon la situation)
Persistance
des symptômes
Patient réfractaire
Nouvelle évaluation
(év. opération)
* Esoméprazole (40 mg), lansoprazole (30 mg), oméprazole (20 mg), pantoprazole (40 mg),
rabéprazole (20 mg) [par ordre alphabétique]
Figure 3.
Prise en charge de l’œsophage
de Barrett.
Adapté d’après Spechler
et collaborateurs [54]
Pas de dsyplasie
Surveillance endoscopique
tous les 3 ans
Dysplasie
Confirmation du diagnostic
par 2 pathologistes
Dysplasie peu marquée
Surveillance endoscopique
tous les 6 à 12 mois
Dysplasie très marquée
Risque opératoire
faible
Risque opératoire
élevé
Aucune progression
Opération ou
surveillance intensive
Contrôle endoscopique
tous les 12 mois
diagnostic par endoscopie avant tout traitement. Elle permettra de déterminer la gravité
de l’œsophagite de reflux, et d’exclure une
complication, un œsophage de Barrett ou une
tumeur maligne. La prise en charge des patients à endoscoper est présentée à la fig. 2 [50].
Les patients résistant à un traitement par IPP
Essai de traitement
endoscopique
(protocole d'études)
sont rares. Il faut alors vérifier l’efficacité de
la suppression acide et du traitement par une
pH-métrie gastrique sur 24 h.
Les complications de la maladie de reflux telles
que strictures et sténoses sont dilatées par
endoscopie, tout en poursuivant le traitement
par IPP. S’il y a un œsophage de Barrett, en
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raison du risque de cancer, une surveillance endoscopique et histologique est recommandée.
L’intervalle entre ces endoscopies n’est pas
clairement établi, mais il est proposé à une
année [13]. Les étapes diagnostiques de l’œsophage de Barrett sont présentées à la fig. 3.
Les techniques endoscopiques de traitement
de l’œsophage de Barrett en sont encore à leur
stade expérimental. De tels traitements ne
doivent être effectués que dans des études
contrôlées. Les résultats publiés ne justifient
actuellement pas un traitement ouvert.
Comme les résultats de l’éradication d’Helicobacter pylori sont contradictoires, nous sommes d’avis qu’il faut l’éradiquer chez les patients pour lesquels Helicobacter pylori a été
recherché et confirmé positif.
Quintessence
Les symptômes typiques du reflux sont pyrosis et renvois acides, mais
une œsophagite n’est découverte à l’endoscopie que chez moins de 50%
des patients.
Si un patient jeune a des symptômes typiques, mais aucun symptôme
d’alarme (dysphagie, odynophagie ou vomissement de sang), il est possible
de renoncer à tout examen dans un premier temps, et d’essayer un traitement empirique par un inhibiteur de la pompe à protons (IPP). En cas
d’échec, ou en présence de symptômes d’alarme, la première étape
diagnostique est l’endoscopie.
Une pH-métrie peut être utile en présence de symptômes atypiques ou de
toux chronique inexpliquée.
Le but premier du traitement de la maladie de reflux est la disparition des
symptômes, et de celui de l’œsophagite la guérison des lésions épithéliales.
Les IPP sont actuellement le traitement de choix (tous sont à peu près
aussi efficaces). Comme la maladie de reflux est chronique, un traitement
à long terme est souvent nécessaire, soit par un IPP soit par un antagoniste
H2, soit enfin à la demande par un IPP. La fundoplicature est également
une option thérapeutique chez des patients jeunes et sélectionnés.
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Traitement à long terme
Du fait que la guérison d’une œsophagite de
reflux n’a aucune influence sur l’évolution naturelle de cette maladie, la probabilité de récidive est élevée. C’est pour cette raison qu’un
traitement à long terme par un IPP ou un antagoniste H2 est nécessaire dans de nombreux
cas.
Si les intervalles entre les récidives sont prolongés, ou si les récidives sont rares, un traitement intermittent (à la demande) par un IPP a
fait ses preuves [37, 51, 52], mais uniquement
pour traiter l’épisode actuel.
Si les symptômes réapparaissent peu de temps
seulement après l’arrêt des médicaments, ou
s’il s’agit d’emblée d’une forme grave, il faut
envisager un traitement à long terme par un
IPP [10, 38, 39]. Avec le temps, il est possible
de tenter de diminuer la dose, ou éventuellement de passer à un antagoniste H2 (step-down
management). Il a été démontré que ce principe
step-down est efficace chez de nombreux patients, et qu’il diminue les coûts dans détériorer la qualité de vie [53].
Le traitement médicamenteux à long terme est
la meilleure option thérapeutique chez les personnes âgées, surtout si le risque opératoire est
grand. Chez les patients plus jeunes, la décision
d’un traitement médicamenteux à long terme
peut être difficile, surtout s’ils ont de fréquentes
récidives. L’opération pourrait alors être une
alternative plus avantageuse au traitement par
IPP. Mais comme les données sont encore insuffisantes, il n’est pas possible d’émettre une
recommandation universellement valable, ce
qui fait que la suite de la prise en charge dépend bien plus de points de vues pragmatiques,
dont notamment le désir du patient [10, 41, 44].
(Traduction Dr Georges-André Berger)
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