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Introduction Dans ce travail, il sera question de comment la terre est ce qu’elle est aujourd’hui, un amas de formes parfois simples, parfois complexes. Nous traiterons de l’ensemble des facteurs naturels qui modifie l’aspect de la planète ainsi qu’un point important qui sera dédié à l’impact de l’homme dans le milieu dans lequel il vit. Nous verrons comment ces modifications du paysage sont une incroyable source d’inspiration pour les artistes du monde entier, moi-même en faisant partie. Durant ce travail je vous montrerai en quoi les différents points abordés dans ce mémoire, agissent comme des orbites autour de ma pratique. Nous traverserons donc différents mouvements artistiques et leur appartenance à un certain contexte sociale, et voir comment ces mouvements ont questionné leur époque. Des liens seront tissés entre discipline scientifique et discipline artistique tout au long de ce travail. Il sera aussi question du lien étroit tissé, par les land artistes et les photographes, durant les années soixante, entre art et l’industrie. Nous suivrons des artistes comme Robert Smithson qui toutes leurs vies travailleront sur des thèmes à question territoriales. Nous traverserons le Land Art et ensuite la photographie et nous décrirons les liens qui existent entre ces deux pratiques émergentes de la deuxième moitié du XXème siècle et la société de l’époque. La ligne directrice de ce travail suivra de près l’évolution du Land art à travers la deuxième moitié du XXème siècle et le rapport de ses acteurs à la société. Ce mémoire est important pour moi car il me permet de fixer ma pratique artistique dans un contexte, trouvant ainsi plusieurs contemporains de diverse manière différentes. En découvrant et assimilant ce qu’il s’est passé avant moi dans le monde artistique, cela me permet de donner des suites inattendues à mon projet actuel, et ainsi, le rentrer dans une pratique cohérente. Anthropocene : L’homme et l’industrie Anthropocène est un terme qui désigne la période géologique où l’homme a eu un impact global significatif sur l’environnement. Cette époque géologique commencerait à la fin XVIIIème siècle avec le début de la révolution industrielle. Dés lors l’être humain est devenu une force géologique importante et a été capable d’influencer considérablement l’écosystème. Notre capacité à modifier le paysage est exponentielle tant les améliorations techniques sont en constante évolution. De tout temps, l’homme n’a cesser d’inventer ; D’outils préhistorique ayant pour rôle la survie de son possesseur jusqu’aux dernières avancées en dates. On considère dans l’évolution de notre espèce, que le primate est devenu homme lorsqu’il a découvert qu’il pouvait augmenter ses capacités à travers des éléments extérieurs. Il commencera par utiliser une pierre pour se défendre, jusqu’à élaborer des outils perfectionnés. Si nous prenons pour exemple, l’acte de creuser un trou dans le sol, il y a trois cents ans, l’outil le plus développer était une pelle ou une pioche. A l’heure actuelle, le plus grand trou ayant été causé par l’homme sur terre est un cratère résultant d’un test atomique. Il s’agit du cratère de Sedan (fig 2.1), et il a un diamètre de 400m et une profondeur de 100m. On estime que l’explosion a déplacé 11 000 000 T de terre instantanément. Je pourrais cité bon nombre d’exemple de travaux humains colossaux, comme la construction de barrage ou encore souligner le grand nombre de mine souterraines à travers le monde, mais l’idée de mon exemple cidessus, est de démontrer le lien entre vitesse et masse déplacé, et l’idée du déplacement suite à une explosion, marche parfaitement. Nombreuses de ces évolutions techniques sont apparues avec la montée de l’industrie dans le XVIIIème siècle. Elles bénéficieront, entre autres, des différentes améliorations liés aux transports et à la transmission du savoir. La frénésie du progrès est sans limite et ces années en sont symbolique tant le nombre d’invention et d’améliorations voient le jour. Les améliorations techniques et le savoir qui y est lié parcourent le monde et ne cesse d’être appliqué puis à leur tout améliorer et ensuite retransmis. Figure 2.1 Zone d’essai nucléaire du Nevada aux Etats-Unis. On apperçoit plusieurs cratères dont celui de Sedan, étant le plus large des cratères présents. Bruno Latour, sociologue et anthropologue, souligne que les innovations sont généralement le résultat du travail collectif d’agents hétérogènes, de choses et de gens de toutes sortes. « Chaque fois qu’un objet devient indiscutable, il se répand ailleurs ». Ces améliorations seront au service de la mobilité qui verra l’industrie du transport devenir un des facteurs les plus importants en ce qui concerne les modifications paysagères, les chemins de fers, puis les routes, sont des symboles de la modernité et influenceront considérablement le paysage. « The buildings or road is now the most powerful force for the destruction or creation of landscape that we have » Lorsqu’on parle de route, il est important de souligner aussi les voies navigables et plus particulièrement les canaux. Les canaux sont des courts d’eaux artificiels crées par l’homme pour diverse raison, qu’elles soient en vue d’irrigation, de transport ou juste de manière à régulé l’eau. Il s’agira littéralement de creuser la terre de manière significative pour faire se rejoindre des voies navigables. Construire ainsi de toutes pièces une rivière est une démarche tout à fait prométhéenne qui place l’homme à l’égal d’un dieu créateur . Dans les plus significatifs, le canal de Suez, qui, long de presque 200km, lie l’Europe à l’Asie sans devoir contourner l’Afrique. Symbole physique d’un désir de vitesse qui s’empare de la fin du XIXème siècle. Ce canal aura pour effet d’isoler l’Afrique de l’Asie, c’est la première coupure géologique aussi importante conçue par l’homme. La construction du Canal du Panama fera de même en séparant les deux Amériques. L’homme se lance dans une conquête de la ligne droite. L’échelle mentale du monde se réduit petit à petit à travers la praticabilité des routes et de la vitesse des moyens de transports. Les distances à parcourir semble plus courte et la volonté de voyager, au près du peuple, est grandissante. « Les lignes sont partout. Où qu’ils aillent et quoi qu’ils fassent, les hommes font des lignes, en marchant, en parlant, ou en faisant des gestes. » Photographie et mobilité vont tout deux promouvoir de nouvelles conquêtes du territoire, Timothy O’Sullivan en sera l’acteur symbolique durant les Great Surveys. Il partira à la conquête de l’Ouest avec pour but de ramener des informations territoriales. Il ramènera des images de paysages grandioses qui symboliseront la destinée des américains d’aller vers l’ouest, étant elle-même grandiose. Outre le transport, les améliorations techniques permettront une extraction rapide des matières premières issues de notre sol, ce qui creusera des trous béants partout dans le paysage. Les carrières jouent aussi un rôle clés dans la formation (ou déformation) du paysage. Il ne faut pas oublier que lorsqu’on extrait de la matière première du sol, tous les matériaux extraits ne sont pas utilisables, une grande partie appelée les stériles seront rejetés et placés dans des zones de dépôts. Ces zones de dépôts pouvant atteindre des centaines de mettre. Dans le paysage wallon, en Belgique, ces zones de dépôts appelées aussi terril, sont partout dans le paysage. Les années 1960, 1970 et 1980 marquent le recul de l’industrie lourde. Le déplacement de l’industrie lourde vers les pays en voies de développement fera exploser le nombre de terrain laissé en friche en Europe et aux EtatsUnis. « Post-industrial society is the coming of consciousness of industrial society, the result of industrial society is turning on itself, searching for its own strengths and weakness and elaborating itself internally » Les zones dévastées par l’extraction montrent le besoin toujours grandissant de matière première en vue de construction de biens de consommations et de constructions. Ces zones dévastées ainsi que les terrains laissés en friche, seront une source d’inspiration importante pour les artistes. Ils attribuent à ces terrains une beauté étrange presque symbolique. « Meanwhile, the visual presentation of this motif acquires the form of a significant absence : it is an absent structure and a negative landscape. The environment formed by such places turns up in its reverse, negative appearance, meaning that it appears in a paradoxical way as a location created by non-existing places » Ce que met en avant Natalia Zlydneva, c’est l’absence. Là où il avait des terres, des cultures ou même des habitations, il ne reste qu’un trou qui s’approfondi de plus en plus. C’est assez difficile de repérer les mines ou les carrières, les mines étant sous terres, et les trous étant souvent camoufler par des arbres. L’échelle humaine ne permet pas, instantanément, de se rendre compte de l’immensité de la matière manquante. Parfois l’industrie minière peut même causer le déplacement d’une ville de plusieurs kilomètre. C’est le cas de Kiruna (fig 2.2), une ville de Suède qui entame des travaux ayant pour but de déplacer la ville de cinq kilomètres vers le nord, risquant sinon un effondrement de celle ci. Cette décision a été le fruit d’une collaboration entre la ville et la société minière. Le société ne pouvant se résigner à arrêter l’exploitation et la ville étant trop dépendante des revenus de celle ci. Les zones dévastées étant le résultat de cette société de consommation grandissante, certains artistes comme Robert Smithson y ont vu une inspiration et un symbole. Smithson propose le concept d’entropie, qui selon ses écrits repris par Jack Flam dans Collected writings of Robert Smithson se définit comme l’évolution à l’envers : Figure 2.2 Photo de la ville de Kiruna où l’on apperçoit d’une part la ville de Kiruna (18 554 habitants) et de l’autre l’exploitation minière. « In a rather roundabout way, many of the artists have provided a visible analog for the second law of thermodynamics, which extrapolates the range of entropy by telling us energy is more easily lost than obtained, and that in the ultimate future the whole universe will burn out and be transformed into an all-incompassing sameness » J’aurai l’occasion de revenir sur Smithson dans le prochain chapitre pour creuser plus profondément dans ses recherches et pour vous montrer en quoi il est un artistes décisif en vue de mes réalisations personnelles. En attendant de voir le monde plonger dans le chaos suite à l’entropie, il est important de souligner quelques faits contemporains. Aujourd’hui, au XXIème siècle, le gout est à la démesure. Les projets architecturaux et territoriaux prennent des ampleurs pharaoniques. Nous assistons notamment à une course qui à pour but d’élire le plus haut gratte ciel du monde. Actuellement c’est la tour Burj Khalifa (fig 2.3) à Dubaï qui détient le record avec 828m mais sera dépassé par la Kingdom Tower (fig2.3) en Arabie Saoudite qui sera la première à dépassé le kilomètre (1007m). Dubaï n’en est pas à ses débuts avec les projets de grande ampleur. Le pays a été jusqu’à augmenter son nombre de plages en créant des iles artificielles. De grandes pompes aspirant le sable marin précis (350 000 000m3) pour le faire émerger dans certains points. Ce qui aurait pris des millénaires à la nature est bouclé en quelques semaines par l’homme. Cependant, entropie naturelle faisant toujours son effet, une partie des îles artificielles crées voulant symboliser la carte du monde est en train de couler. Les marées et le vent faisant s’affaisser les iles, les rendant ainsi, presque inexploitables. Une digue avait cependant été construite pour contrer l’effet des vagues (32 000 000T de pierre). L’homme intervient à tous les niveaux sur son habitat naturel et tente de contrôler toutes les variantes de l’équation. Parfois ça marche et parfois il arrive que des erreurs d’ingénieries provoquent des désastres écologiques. Un des exemples tirés, encore une fois, des écrits de Robert Smithson dans Entropy made visible, parle de la création de Salton Sea, un des plus grands lacs de Californie. Voulant empêché une région d’être inondée par les crues de la rivière Colorado, il en innonda une autre. Il dit : « So that here we have an example of a kind of domino effect where one mistake begets anoter mistaken, yet these mistakes are all curiously exciting to me on a certain kind of level, i don’t feel them depressing » En 1755 déjà, Jean Jacques Rousseau, philosophe français souligne dans le discours sur les origines et les fondements de l’inégalité entre les hommes, le pouvoir de l’homme sur le paysage. « When we consider, on one hand, man’s colossal achievements… so many forces exploited, chasms filled over, mountains pulverized, rocks broken up, rivers made naviagable, land cleared, lakes carved out, swamplands drained, enormous building erected on land… ; and when, on the other hand, we search with a little meditation for the real advantages that have accrued from all this for the happiness of the human race, we cannot fail to be struck by the stunning disproportion between these things or fail to deplore man’s blindness. » Cette citation clot le premier chapitre ayant pour but de plonger le lecteur dans un contexte historique et sociale. Ce contexte, maintenant introduit, me permet de commencer le chapitre dédié à l’art et plus spécifiquement au land art. Figure 2.3 Classement des plus grandes tours mondiales, on apperçoit en deuxième position la Burj Khalifa et en première position, bien que pas encore construite, la Kingdom Tower Land art Le land art est une tendance de l’art contemporain qui vise à un retour aux matériaux issus de la nature. Il se définira de lui-même comme principal art du paysage. Un de ces principaux acteurs est Robert Smithson, artiste américain qui contribuera largement à la popularité du mouvement. Je choisis volontairement de mettre Smithson en avant par rapport au mouvement land art car c’est celui qui reflète le plus mes recherches actuelles. Nous verrons dans la suite de ce chapitre qu’il est très proche des carrières et des mines, ce qui m’intéresse actuellement. Il existe beaucoup d’artiste se réclamant de ce mouvement, mais je choisirai de me rapprocher de ceux qui ont un rapport avec la pierre, travaillant moi même sur les minéraux. Smithson développe un intérêt pour les lieux dits entropiques (soumis à une évolution à l’envers - tendant vers le chaos - ) qu’il visite souvent. Le déplacement est une des caractéristiques du Land art, on observera les artistes sortir des villes (du centre) pour aller vers le désert (la périphérie) avec cette odeur de conquête de l’ouest datant des années précédentes. Le désert à beaucoup de similarité avec les zones post-industrielles. Les matériaux sont disponibles et les lieux sont inoccupés. Il est dès lors objet d’une grande attention chez les artistes qui y verront un lieu propice à la réalisation d’œuvres de grande envergure set à moindre cout. Il publie un texte en 1967: « A Tour of the monument of Passaic, New Jersey» décrivant une promenade dans la banlieue du New Jersey, il rapporte un témoignage imagé (fig 3.1) où il place volontairement des objets entropique, voués à disparaître, en monument. Il souligne le caractère oublié de ces objets abandonnés, comme pour leur donner une seconde vie à travers son objectif. Smithson à travers ce texte, nous invite à nous rendre sur place, et c’est ce qu’on constatera tout le long du Land art, cette invitation aux voyages pour connaître l’œuvre. Il écrit d’ailleurs une annonce qui ne sera pas publié : « Que pouvez-vous trouver à Passaic que vous ne pouvez trouver à Paris, Londres ou Rome ? Découvrez-le par vous même. Découvrez (si vous l’osez) l’époustouflante rivière Passaic et les monuments éternels sur ses berges enchantées. Conduisez une voiture de location jusqu’au pays oublié du temps. À quelques minutes seulement de New York City. Robert Smithson vous guidera à travers cette série légendaire de sites… et n’oubliez pas votre appareil photo. Des cartes spéciales sont proposées à chaque tour. Pour plus d’informations, visitez la Dwan Gallery, 29 West 57th Street. » Pour prouver ses théories sur l’entropie, il s’appuie sur The sand-box monumen qui représente le dernier monument de sa série photographique. Il cite : «I should now like to prove the irreversibility of eternity by using an experiment for proving entropy. Picture in your mind’s eye the sand box divided in half with black sand on one side and white sand on the other. We take a child and have him run hundreds of times clockwise in the box until the sand gets mixed and begins to turn grey; after that we have him run anticlockwise, but the result will not be the restoration of the original division but a greater degree of greyness and an increase of entropy .» C’est d’après cette promenade dans Passaic que Smithson développera ses Nonsites (fig 3.2) qui représenteront un ensemble de carte, de photographie et de prélèvement de matériaux sur le terrain. On trouve dans les nonsites de Smithson un intérêt pour la stratification qui permet de creuser le passé. Le déplacement de matériaux brut d’un espace à un autre fait rentrer en relation le prélèvement avec la zone où il a été prélevé. Un non site étant un prélèvement du site agrémenté d’informations. Il y a une opération de marquage effectué sur le site. Cette opération de site marquée permet d’identifier les différentes œuvres de Land art et leur location. Dans une application autre que l’art, nous pourrions observer ce phénomène avec l’obélisque égyptienne transférée à Paris. L’obélisque est marquée culturellement et est indissociable du site où elle a été prélevée si elle veut être interprétées correctement. Je parlais de l’intérêt du désert dans l’introduction, lieu devenu symbolique pour les land artistes tant les possibilités sont grandes et les espaces disponibles. En 1969, Michael Heizer, réalise Double negative (fig 3.3) qui résulte d’une excavation de 244 800 tonnes de roches. Le titre double negative met en avant l’absence de la pierre, ce qui est dès lors mis en valeur, est ce qui a été déplacé. Cette tranchée n’a aucune fonction. Il s’agit à son tour d’une œuvre marquée. J’aimerai d’ailleurs revenir sur une citation de Natalia Zlydneva du premier Figure 3.1 Image rapporté par Smithson dans “a tour of the monument of Passaic” où il rapporte une iconographie voué à la disparition dans des lieux entropiques. chapitre qui me semble prendre tout son sens ici. « Meanwhile, the visual presentation of this motif acquires the form of a significant absence : it is an absent structure and a negative landscape. The environment formed by such places turns up in its reverse, negative appearance, meaning that it appears in a paradoxical way as a location created by non-existing places » . On peut sentir dans ces lieux vidées de leur matière comme une présence fantomatique définie par l’absence. Pour Michael Heizer, le land art s’exprime en déplacement de masse, en volume, en matière, en espace et c’est pour cela que pour chacune de ces pièces, la masse de terre déplacée est soigneusement indiquée. Une importance masse de terre est aussi déplacée pour réaliser la première œuvre monumentale de Robert Smithson en 1970 appelée Spiral Jetty (fig3.4). Elle est réalisée dans le désert du Great Salt Lake qui représente pour Smithson un lieu entropique au même titre que c’est nonlieux. Elle sera engloutie deux ans après à cause d’une montée des eaux dans le lac. Ironie peut-être de voir son œuvre disparaître et être soumise aux forces de la nature sans son contrôle, confirmant sa théorie sur le chaos. Figure 3.2 Exemple de Nonsite (aussi appelé an indoor earthwork) que Smithson à commencé à réaliser à partir de 1968. Il s’agit d’un relevé topographique accompagné d’un carte indiquant l’endroit où a été prélevé la matière. Il jouera tout au long de sa vie avec le language et particulièrement avec cette notion de site et de nonsite Figure 3.3 Double Negative (1969 - 1970) de Michael Heizer situé dans le Nevada aux Etats-Unis. Les dimensions sont 15x450x10m et consiste en un déplacement de rhyolite et de grès. Figure 3.4 Spiral Jetty (1970) de Robert Smithson situé près de Salt Lake City dans l’Utah aux EtatsUnis. L’installation fait 457m de long sur 4,5m de large. L’existence aux yeux du monde de cet œuvre ne se fait qu’à travers les documents fournis par Smithson, lui-même, bien conscient de la difficulté d’accès de son œuvre. Il voit la nécessité de lui donner une seconde vie à travers d’autre média tels que la vidéo, la photographie mais aussi des diagrammes et des dessins. Cette manière de documenter les sites marqués sera caractéristique du Land art et la photographie jouera un rôle documentaire décisif. Elle devient le véhicule par lequel l’œuvre d’art sera visité. Smithson est dés lors un pionnier dans la réutilisation des territoires postindustrielles. Dans le début du land art, les œuvres étaient financés par des particuliers du milieu de l’art, avec la conscience que le land art ne sera qu’une révolution mineure dans le domaine de l’art, les financements se font de plus en plus rare et Smithson doit trouver de nouvelle façon de produire ces œuvres. Avec son interêt pour les mines et les carrières, il décide de contacter directement les entreprises privées qui s’occupe de ces sites pour leur proposer une réhabilitation territoriale. Cette idée lui vient après le succès de Broken Circle/Spiral Hill (fig 3.5) qui est une œuvre réalisée pour l’évenement Sonsbeek 71, exposition dirigée par Lucy Lippard. Il travaillera dans une carrière des Pays-Bas se sera une révolution pour lui, voulant s’éloigner du monde centralisé de l’art vers quelque chose de plus social. L’œuvre provoque un engouement terrible chez les habitants qui décide de classer le site, dès lors, l’idée de land reclamation apparaît. Il esquisse un projet appelé Tailing Pond qui servira à donner forme aux rejets de stériles de la carrière, œuvre par conséquent toujours changeante. La réhabilitation de carrière aujourd’hui est considérée comme acte négentropique, à l’inverse de l’entropie, qui permet de casser le désordre grandissant en donnant au territoire un rôle définit. (ex : noyer une carrière et en faire un site de plongée) Il désire transporter le land art, qui pour lui atteint ses limites, dans un art de réhabilitation du territoire pour une amélioration des paysages. Ce qui sera aux débuts, assez controversés par les écologiques, qui remettent en question les motivations de Smithson. Les écologistes dénoncent le fait que Smithson n’a jamais prêter attention aux conséquences de ces œuvres sur l’environnement. Pour n’en cité que quelques une, Concrete pour (déversement de béton dans une vallée), Asphalt Rundown (fig 3.6) (déversement d’asphalte) ou encore Glue pour (déversement de colle). Smithson souligne que l’extraction de matière première ouvre les portes sur un aspect récréatif du paysage, les étangs et les terrils formés par l’extraction apportent des changements topographiques agréables. Par exemple, en Allemagne, le Mont Kaolino (dune artificielle, résidu d’une Figure 3.5 Figure 3.6 exploitation minière) offre une station de ski active depuis 1956. Avec les land reclamation, il se voit comme un médiateur entre les écologistes et l’industrie. Il cite : « Our ecological awarness indicates that industrial production can no longer remain blind to the visual landscape. The artist, ecologist, and industrialist must develop in relation to each other, rather than continue to work and to produce in isolation. The visual values of the landscape have been traditionally the domain of those concerned with the arts. Yet, art, ecology, and industry as they exist today are for the most abstracted from the physical realities of specific landscapes or sites. How we view the world has been in the past conditionned by painting and writing. Today, movies, photography and television condition our perceptions and social behaviour. The ecologist tends to see the landscape in terms of the past, while most industrialists don’t see anything at all. The artist must come out of the isolation of galleries and museums and provide a concrete consciousness for the present as it really exists, and not simply present abstractions or utopias. The artist must accept and enter into all of the real problems that confront the ecologist and industrialist. ». Ce rôle de médiateur lui permettrait d’ouvrir les portes des sites qu’il convoite et le valoriserait socialement dans ses recherches artistiques territoriales. Le land reclamation se définit plus par un besoin économique, qu’un réel intérêt envers l’écologie. Smithson ne pourra pas donner suite à ses recherches car il meurt d’un accident d’hélicoptère en 1973 lorsqu’il photographiait une de ses œuvres. Robert Morris, amis de Smithson et artiste minimaliste donnera suite à sa volonté concernant une application plus sociale de l’art. Il réalise en 1979, Earthwork at Johnson pit n°30 (fig 3.7) introduisant par la même occasion son œuvre dans le domaine de l’art public. Figure 3.7 Michael Heizer, continue de travailler sur ces déplacements de matière. En 1981, il début la réalisation de Effigy Tumuli qu’il finira deux ans plus tard. Cette œuvre est présentée par l’Illinois comme une attraction touristique symbolisant la plus grande sculpture terrestre. Elle consiste en un déplacement de 460 000m3 de terre et de 6 000 tonnes de pierre formant cinq figures animalières. Permettant la régénération du sol à travers ses structures, il ne se réclame pas du land reclamation. En 2014, comme ses contemporains, Olafur Eliasson se lance dans le déplacement de 180 tonnes de pierres volcaniques, mais cette fois, il ne s’agit pas de les déplacer sur un autre site extérieur, mais bien de le faire rentrer dans une galerie d’art. River bed (fig 3.8) est une installation constituée de pierres volcaniques entre lesquelles il reproduit l’écoulement d’une rivière. Il apporte le paysage à l’intérieur de la galerie, un peu comme la peinture le faisait à l’époque, alors que les land artist insistaient sur le besoin de faire sortir l’art des musées. Il intègre physiquement le paysage dans la galerie. Il n’est plus question de représentation comme pour la peinture où la photographie. Le spectateur est indissociable du paysage et fait partie de l’œuvre. Même riverbed est toujours une installation artificielle, il en sort quelque chose de naturelle. « Art and nature are two opposing concepts, but the intelligent artist can blur that line. » Eliasson souligne l’importance de l’eau dans l’installation, elle symbolise ce qui donne de la vie, ce qui donne du mouvement dans un paysage, qui sans elle, semblerait mort. On peut y relier les recherches de DeVinci que je définirai plus loin. Entre autre, le déplacement des spectateurs dans l’œuvre est intéressant car certaines ouvertures de portes sont trop petites pour les traverser debout, ce qui fait ressortir encore plus l’emprunte du spectateur dans le paysage. D’autres artistes que Eliasson opèrent ce transfert de la nature vers l’espace muséal. Cependant, leurs motivations sont différentes. Par exemple Lara Almarcegui, durant la biennale de Venise, a introduit des montagnes de matériaux nécessaires à la construction de building environnant. Un intérêt plus architectural que naturel. Figure 3.8 River bed (2014) réalisé par Olafur Eliasson au Musée d’Art Moderne de Louisianne à Humlbaek. L’installation consiste en un déplacement de roche volcanique Islandaise vers l’intérieur du musée en vue d’y créer un lit de rivière. Per Kristian Nygard, pour la réalisation de not red but green, rempli une galerie de gazon artificiel. Les motivations du Nygard sont poétiques et visent à la confusion du spectateur, ce qui le coupe également d’un rapport à la nature cohérent. Un des premiers artistes à s’être intéressé de manière concrète à la terre était Leonardo DeVinci qui à travers de nombreux carnets d’études, recherchait sans cesse à comprendre les mécanismes de la vie. Il met en avant la dynamique nécessaire à la vie. La terre ne peut vivre de façon statique, de même que le corps humain. Il y a dans le monde et l’homme un rythme analogue soumis à des périodicités différentes. Il comprend que la vie prolifère dans le mouvement. Il étudie d’ailleurs les tourbillons, le vol des oiseaux et se rend compte dans ces recherches anatomiques que les valves du cœur, permettant l’afflux de sang, se comporte comme une rivière. Il élabore une théorie analogique et propose une relation entre le corps humain et la planète terre. « (…) car l’homme est composé de terre, eau, air et feu, de même le corps de la terre (…) Si l’homme a les os, support et armature de la chair, le monde a les rochers comme supports de la terre. (…) Si l’homme porte le lac du sang où le poumon se gonfle et dégonfle dans la respiration, le corps de la terre a son océan qui, lui, croit et décroit toutes les six heures en une respiration cosmique. (…) Si les veines partent de ce lac de sang, en se ramifiant dans le corps humain, de même l’océan remplit le corps de la terre d’une infinité de veines d’eau. » Leonard DeVinci était un avant-garde sans pareil. Il avait le don d’observation qui lui a permis notamment, d’être un des premiers artistes à interpréter la stratification (fig3.9) du sol bien avant que cela soit découvert et ensuite l’étudier. Il est considéré comme un des pères de la géologie grâce à ses différents dessins de rocher qui dépassent la simple représentation artistique. Il souligne l’importance de considérer la terre comme une entité vivante qui se définit par le mouvement continu soumis à des périodicités précises et continues. Les phénomènes naturels ont permis à la terre d’être ce qu’elle est aujourd’hui, les volcans, les plaques tectoniques, les changements climatiques, ont eu un impact considérable sur la formation de notre planète. Je ne détaillerai pas les différentes étapes de la création de la terre ni comment ces différentes forces ont agis et agissent encore à l’heure actuelle. Il glisse ses idées scientifiques révolutionnaire en stratifiant la roche qui compose le Baptème du Christ (1475) de Andrea Del Verrochio (fig 3.10). Il sera un des premiers à dire que la terre est bien plus ancienne que ce que l’Eglise et particulièrement la Genèse, ne le prétend. Tous ses écrits et ses recherches sont gardés secrets dans des livres (spécialement dans le Code Leicester) car l’éréthisme était punissable de mort à l’époque. Figure 3.9 Les dessins de Leornado DaVinci (1452-1519) ont été retrouvés dans des carnets de recherche. Ses recherches étaient avant-gardistes, ce qui pouvaient être très dangereux à l’époque. Figure 3.10 Le Baptème du Christ est un tableau peint par Andrea Del Verrocchio entre 1472 et 1475. Il mesure 177x151 cm et est conservé au Musée des Offices de Florence. Leonard DeVinci à peint l’ange tout a gauche ainsi qu’un radoucissement général du corps du christ. Il aurait introduit à travers les roches, sa connaissance de la stratification. Art as a direct experience La dématérialisation de l’art avancée par les land artists, trouvera suite dans une série d’installation de land artist comme Nancy Holt ou encore James Turrel qui commenceront par utiliser leurs installations comme invitation à vivre une expérience. J’écarte ces deux artistes du mouvement land art bien qu’ils y soient en général assimilés car ce ne sont pas les caractéristiques territoriales qui m’intéresse. Ils me permettent de jouer un rôle transitoire entre les land artists et les walking artist que nous découvrirons plus loin. En plus de ce rôle transitoire, il possède dans leurs œuvres, des caractéristiques photographiques qui me permettent de sortir la photographie du domaine de l’image et lui donné un volume intéressant à travers des installations. Nancy Holt (1938-2014) est une artiste Américaine, ayant étudié la photographie mais étant connue du grand public pour ses sculptures et son appartenance au land art. Elle est la femme de Robert Smithson. A travers ces œuvres, View through a sand dune (fig 4.1) on observe clairement son éducation photographique. Les installations constituent des invitations à regarder à travers un mécanisme. Ces sculptures agissent comme des cadres qui permettent de délimiter et séquencer le paysage. Ses œuvres sont des invitations à expérimenter un dispositif mis en place, l’expérience est vécue directement et est relative à chacun. Les Sun tunnels (fig 4.2) sont directement relié au paysage et invite les spectateurs à conscientiser leur appartenance au Cosmos. Cette installation est une invitation à la contemplation lumineuse, caractéristique indissociable du médium photographique. L’expérience est directement vécue par le spectateur à travers le dispositif mis en place par l’artiste. L’art s’éloigne de l’objet au bénéfice de l’expérience vécue. « My desire is to set up a sitation to which i take you and let you see. It becomes your experience » On retrouve cet intérêt pour la contemplation dans Roden Crater (fig 4.3) de James Turrel. Il explique que son installation est entièrement dédiée à l’observation de la lumière à l’œil nu. Intégré dans le mouvement land art pour sa réappropriation du cratère d’un volcan. Il ironisera en se définissant comme un sky artist, son travail étant entièrement dédié au ciel. Figure 4.1 View Through Sand Dune réalisé en 1972 par Nancy Holt est une oeuvre de land art. C’est une des premières oeuvres majeures de l’artiste. L’ouverture mesure 140x56cm. Figure 4.2 Les Sun Tunnels de Nancy holt ont été réalisé en 1976 dans l’Utah aux Etats-Unis. L’œuvre consiste en quatre buses de béton de 18 pieds de long (5,4 m) et de 9 pieds de diamètre (2,75 m). Les buses sont orientées en fonction des solstices. Elles sont disposées au centre d’une étendue aride et désolée, elles peuvent être perçues de loin, entre 1,5 à 2,5 km. Figure 4.3 Le Roden Crater est un volcan éteint, situé dans l’Arizona, aux États-Unis. Depuis la fin des années 1970, il est le site d’une œuvre monumentale de land art par l’artiste américain James Turrell. Il jouer le rôle d’observatoire pour les événements célestes. « I’m not a Earth artist, i’m totally involve in the sky » Roden Crater est une sert à contempler le temps céleste et géologique. C’est un ensemble de salle et de tunnel, à l’intérieur d’un volcan endormi, symbolisant pour l’artiste, un œil géant terrestre, ouvert sur le ciel. Le cratère qu’utilise James Turrel pour son installation me fait penser à la théorie des analogies et correspondances qui¬ consite à comparer les microcosmes et les macrocosmes. La forme d’un cratère de volcan réfère de façon formelle à l’orbite d’un oeil. La métaphore/symbolique qui s’en dégage est très puissante. Dans les Burried Poems de Holt, on observe son intérêt, caractéristique du land art, pour le déplacement. Elle invite certaines personnes à chercher des poèmes enterrer à différents lieux montrer sur une carte. On retrouve l’intérêt de Smithson pour les cartes géographiques présentes dans ses nonsites. Nous verrons que les cartes, que ce soit à travers Holt, Smithson et les deux prochains artistes cités, sont indispensable à ce mouvement dédié au territoire. Le déplacement mis en œuvre par les artistes land art trouvera son apogée à travers deux artistes, souvent associer à tord au mouvement land art, qui déterminent la marche comme pratique artistique à part entière. Il s’agit d’Hamish Fulton et Richard Long. Ils utilisent leurs corps et leur manière de marcher comme outil de production artistique. « A new art which was also a new way of walking: walking as art. » Richarg Long réalise des œuvres comme a line made by walking en 1967 (fig 4.4) où l’on aperçoit une ligne étant marqué par les multiples passages de l’artiste en marchant. « Making art should be as easy as sweaping the floor » signalait Hamish Fulton. Long met en avant le processus par rapport à l’objet fini. Le concept est donc primordial et lui sert pour éloigner l’aspect commercial de l’art. «A walk has a life on its own and does not need to be materialised into an artwork » Figure 4.4 a Line Made by Walking est une oeuvre de Richard Long réalisée en 1967. C’est l’accumulation des différents passages de l’artiste sur une même ligne. Hamish Fulton, comme ses frères conceptualistes, prône une dématérialisation de l’art, loin des lois du marché régit par l’argent et invite à une pleine contemplation des paysages offerts par la marche. Il cherche une connexion véritable et sans intermédiaire avec la nature. Richard Long accuse le land art américain d’être de l’art capitaliste même si le land art à permis à l’art de sortir des instituions muséales, il y a toujours trop d’argent mis en jeu. « I never identified myself as a land artist. To me, this was a term coined by American curators or critics to define an American movement which, for me as an English artist in the sixties, i saw as American working in their own backyards, using their deserts to make monumental work, and only in America. They needed a lot of money to make art as they had to buy land, or hire bulldozers, soi t was about ownership, real estate, machinery, American attitudes » Hamish Fulton quand à lui : « I feel the three artists you mention (Smithson, Heizer, De Maria) use the landscape without any respect for it. I see their art as a continuation of Manifest Destiny the so-called « heroic conquering » of nature » Pour ses deux artistes, l’expérience du paysage ne peut être vécue que directement et sans intermédiaire. Le rapport homme à son entourage ne peut être concluant que lorsque la volonté de matérialiser le paysage est absente. Dans le texte de Hamish Fulton walk into the nature, il introduit son propos de la manière suivant : « L’implication physique de la marche crée une réceptivité au paysage. Je marche sur la terre pour m’introduire dans la nature » . Quelques lignes plus loin, il met en avant le fait que les humains sont toujours séparés de l’extérieur lorsqu’ils voyagent, que ce soit par les vitres des voitures ou les par celles des avions. Cette protection opère comme une séparation physique entre l’homme et son environnement. Pour Long, tout doit être mesuré à l’échelle humaine, dans un entretien avec Richard Cork, il dit : « Il faut que je fasse les choses moi-même, parce que mon travail, ce sont mes propres pas, c’est seulement ce que je peux faire : (…) les pierres que je redresse sur le flanc de la montagne, ce sont les pierres que je peux physiquement manipuler moi-même à cet endroit. (…) Mon travail est un portrait de moi-même dans le monde, mon propre voyage personnel à travers lui, et les matériaux que je trouve le long du chemin. » On observe cette prise de position face au moyen mis en œuvre par les lands artist pour réaliser leurs œuvres gigantesque. Smithson et Heizer n’aurait jamais su réaliser leurs oeuvre à la seule force de leurs bras, de nombreuse machines et outils perfectionnés ont été utilisés pour leur mise en place, ce qui pour Long symbolise un détachement physique de l’artiste envers son œuvre. A travers la performance, le corps devient le nouveau médium artistique. Long et Fulton utilise eux aussi leur corps dans leur art, ce qui donne à leur marche un aspect performatif évident. Dans a line made by walking, le corps de Long est directement impliqué et utilisé dans l’usure du territoire, le corps sert de marqueur physique. En ce qui concerne Fulton, dans Brain, Heart, Lungs il se réfère à une marche qu’il a fait en haute altitude et du manque d’oxygène ressenti lors de cette marche. Son corps est mis à l’épreuve à travers son art, et cette souffrance trouvera suite dans la performance des années 70 et 80. Le besoin de recentrer l’art vers une spiritualité plus personnel, plus humaine est grandissant à travers les années 70 et 80. Cette prolongation de l’expérience du corps leur permettra un dépassement complet du Land art qui atteint ses limites.