Une « américanisation » de la police française
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Une « américanisation » de la police française
Une « américanisation » de la police française ? Peut-on parler d’une « américanisation » de la police française ? Cette problématique est à l’origine des travaux de recherche d’Emmanuel Didier et de son équipe qui étudient l’importation de techniques policières américaines en France et ses effets, notamment de COMPSTAT(« COMPuterized STATistics »), un nouvel outil de lutte contre la criminalité. Un nouvel outil de lutte contre la criminalité à New-York Au printemps 2001, une délégation de policiers de la Préfecture de police de Paris parmi les plus hauts gradés s’est envolée pour New York suite à ce que certains auteurs n’hésitaient pas à nommer un « miracle ». Les New-yorkais avaient drastiquement réduit le taux de criminalité de leur ville : déplorable au début des années 1990 puisqu’il comptait parmi les pires des Etats-Unis, ce taux avait chuté de plus de 57 % entre 1993 et 2000. Or, selon de nombreux informateurs, cet exceptionnel succès était imputable à un nouvel outil appelé COMPSTAT, tout d’abord présenté comme un simple outil de saisie statistique des crimes observés. Grâce à de nouvelles catégories de décompte et, innovation importante, à un recours massif à l’analyse cartographique de la délinquance, il permettait enfin de produire une mesure globale et vraie de la délinquance. Les policiers new-yorkais semblaient prouver qu’une fois le crime bien connu, il devenait possible de bien lutter contre lui. COMPSTAT ou la redéfinition du management de la police new-yorkaise Pendant leurs observations, il apparut aux français que cet outil statistique n’avait pas seulement permis d’améliorer les comptes du crime : il permettait également de contrôler beaucoup plus étroitement les policiers. A intervalle de temps régulier, chacun des commissaires des quartiers de New York était convoqué, non plus devant ses supérieurs, mais devant le maire lui-même et devait rendre compte de ses résultats. S’il pouvait montrer qu’il était parvenu à faire baisser le crime dans sa juridiction, il recevait des félicitations ; dans le cas contraire il était sévèrement réprimandé. COMPSTAT était donc aussi un nouveau mode de management de la police et une nouvelle répartition de la responsabilité dans la police (car le Commissaire se trouvait seul responsable devant son édile). Ces deux aspects – décompte et management – étaient indissolublement imbriqués : les nouvelles responsabilités du Commissaire impliquaient par exemple que les chiffres portent sur une zone géographique et une période de temps définis de façon à ce qu’il en soit effectivement et fonctionnellement responsable. L’imbrication était telle qu’il apparaissait aux policiers parisiens - contre les idées pré-établies avec lesquelles ils étaient arrivés - que c’était bien un outil statistique qui avait redéfini le management de la police new-yorkaise, c’est-à-dire la police elle-même. L’importation de COMPSTAT en France Les commissaires de la Préfecture de police de Paris doivent aujourd’hui utiliser de nouvelles catégories statistiques, manier la cartographie et se soumettre à des séances « d’évaluation ». Comme aux Etats-Unis, ces statistiques ont eu en France des effets remarquables. Le fait que COMPSTAT ait été implanté à la Préfecture de police de Paris laisse penser que sa carrière en France est loin d’être achevée, car cette institution est très souvent donnée comme initiatrice des mouvements de fond concernant les réformes de la Police nationale. Il ne serait pas surprenant que cette dernière s’inspire de la Préfecture et utilise à sa façon cet outil, ce qui provoquerait encore d’autres transformations organisationnelles. L’action de COMPSTAT sur la police française et, au-delà, de toutes les polices européennes, n’a pas fini d’être circonscrite. Ce nouvel outil repose la question du rapport entre la criminalité elle-même et sa représentation chiffrée, celle de la sécurité de l’espace public mais aussi la question de l’organisation d’une institution comme la Préfecture de police de Paris ou celle des qualifications d’un bon policier, problématiques qui structurent les recherches d’Emmanuel Didier et de son équipe. Contact : Emmanuel Didier CNRS - CESDIP Tél : 01 34 52 17 26 Mél : [email protected]