Juin 1943 XXXX

Transcription

Juin 1943 XXXX
Juin 1943
13 – Le Front Russe
XXXX
1er juin
2 juin
3 juin
4 juin
5 juin
Bataille du Détroit d’Irbe 1 – « La bataille navale qui s’est déroulée dans la nuit du 6
au 7 juin 1943 entre la péninsule de Courlande et le prolongement de l’île de
Saaremaa dénommé péninsule de Sörve est sans doute plus connue sous son surnom
de “Savo de la Baltique”. Il est vrai que l’affrontement a de nombreux points
communs avec la première bataille de Savo (dans la nuit du 8 au 9 août 1942), et
d’abord celui de se dérouler principalement dans un détroit, de nuit, entre deux forces
de croiseurs et de destroyers, dont l’une tentait de protéger une force de
débarquement. Bien entendu, les historiens ont aussi été frappés par le caractère
déséquilibré des résultats. » (V.I. Achkasov et N.B. Pavlovitch, Sovetskoe VoiennoMorskoe Iskusstvode [L’Art de la Guerre Navale Soviétique] – t.1, La Grande Guerre
Patriotique en Baltique, Presses du Ministère de la Défense, Moscou, 1973)
06h00 – Le contre-amiral Youri F. Rall appareille de Leningrad à la tête d’une force
puissante – trois croiseurs lourds, les Maksim Gorky (navire amiral), Kirov et
Petropavlovsk 2, et dix destroyers modernes, six de type 7 ou 7-U, les Silnyi, Skoryi,
Slavnyi, Storojevoy, Smertlivyi et Spokoinyi, et quatre de type 30, les Odaryonnyi,
Otverjdyonnyj, Surovoj et Svirepoj.
L’amiral Tributs a chargé Y.F. Rall et son escadre d’assurer la couverture d’une
“force de débarquement et d’appui” commandée par le capitaine de première classe
Feldman.
13h00 – L’escadre Feldman appareille de Tallinn, où elle a été concentrée
progressivement les semaines précédentes. Ces navires sont conduits par le vieux
cuirassé Oktjabrskaja Revolucija 3, escorté par cinq destroyers anciens, les Engel’s,
Kalinin, Karl Marx, Lenine et Volodarskij (classe Novik), six destroyers d’escorte ou
garde-côtes, les Yastreb, Oriol, Korchun, Zorkij, Bditel’nyj (classe Yastreb) et Tsyklon
(classe Uragan), cinq grands escorteurs ASM, les BO-101, 103, 105, 106 et 107, et six
patrouilleurs ASM, les MO-200, 202, 204, 207, 501 et 502, plus une dizaine de
1
Irbe est le nom letton du détroit. Son nom estonien est détroit de Kura.
Si les deux premiers sont de la classe Kirov, le Petropavlovsk n’est autre que l’ancien Lützow (classe
Hipper), vendu par le IIIe Reich à l’URSS du temps du Pacte Germano-Soviétique. Le nom Lützow
avait aussitôt été réutilisé par les Allemands pour rebaptiser le “cuirassé de poche” Deutschland.
3
De classe Gangut – en fait, il s’agit du Gangut lui-même, qui a été rebaptisé.
2
caboteurs naguère civils. Cette force a embarqué à Leningrad la 6e BMS (brigade de
fusiliers marins), de la 4e Division de Fusiliers Marins. La 6e BMS est principalement
constituée de membres des Jeunesses Communistes (Komsomol) et son moral est très
élevé. Les destroyers de classe Novik ont embarqué 450 hommes chacun, les gardecôtes 250 hommes chacun, les escorteurs ASM de type BO 120 hommes chacun, soit
en tout plus de quatre mille hommes – sans armes plus lourdes que des mortiers de 82
mm cependant. Chacun des dix caboteurs emporte un char amphibie T-40 de 6 tonnes
et quelques dizaines d’hommes.
Les quinze petites G-5 des 4e et 5e Divisions de vedettes lance-torpilles ont reçu pour
mission de reconnaître respectivement les approches ouest du détroit d’Irbe et la côte
est de la Courlande. Dix petits dragueurs, les T-212, T-213, T-214, T-216, T-217, T219, T-220, T-221, T-223 et T-226 (classe Tral), sont chargés d’éviter toute mauvaise
surprise aux deux escadres dans ces parages souvent minés et notamment de déminer,
si besoin, les approches des plages choisies pour le débarquement.
………
« Le mois de juin 1943 devait être marqué par une grande victoire de l’Armée Rouge
sur les forces occupant la Lettonie – c’était du moins l’intention de la Stavka.
L’offensive devait franchir la Daugava, enlever Riga, à l’embouchure du fleuve, et
pénétrer en Lituanie, vers le sud-ouest, tout en s’emparant de toute la péninsule de
Courlande, au nord-ouest.
Ce mouvement devait être facilité par une opération hardie : le débarquement de la 4e
Division de Fusiliers Marins sur la côte est de la Courlande, à égale distance entre
Mérsrag, au sud, et Kolka, à la pointe nord de la péninsule. On espérait ainsi
déstabiliser le front allemand. Le plan prévoyait de jeter sur les plages une brigade
renforcée – la 6e BMS – dès le premier jour de l’offensive, grâce à une escadre venant
de Leningrad, avec escale à Tallinn. Les deux ou trois jours suivants, les 3e et 4e BMS
(d’excellentes unités formées à l’Académie militaire de Leningrad), renforcées par
trois compagnies de T-34, seraient transférées de Saaremaa, où elles avaient été
prépositionnées, par des bâtiments légers faisant la navette. Manquant d’armement
lourd, ces troupes seraient appuyées par les canons du vieil Oktjabrskaja Revolucija et
de cinq destroyers, tandis qu’une escadre constituée autour des croiseurs Kirov,
Maksim Gorky et Petropavlovsk patrouillerait entre Saaremaa et la pointe de la
Courlande. Le détroit d’Irbe n’est large que de 27 km.
L’aviation de la Flotte de Baltique (les VVS-VMF de Baltique) avait déployé sur
Saaremaa et Hiiumaa, ainsi qu’à Tallinn, la plus grande partie de ses forces. Une
division de bombardement, mine et torpillage (MTAD) devait assurer l’appui aérien
des troupes débarquées, avec un régiment de bombardement en piqué (30 Pe-2) et
deux régiments d’assaut (60 Il-2). Un régiment de torpillage (30 DB-3F/Il-4) était
prévu pour faire face à une éventuelle réaction navale allemande. La couverture
aérienne devait être assurée par une division de chasse dotée de deux régiments de
Yak-9 (60 appareils) et deux de La-5 (60 appareils), basés sur Saaremaa et Hiiumaa.
Un régiment de MiG-5 (30 chasseurs à long rayon d’action) devait venir compléter
chacune de ces divisions, mais seuls une dizaine d’appareils étaient disponibles début
juin. Enfin, un régiment de reconnaissance côtière (30 hydravions MBR-1) et un
régiment mixte de reconnaissance (10 Pe-2R et 10 MiG-3UD-R) devaient éclairer les
mouvements de la flotte.
Par ailleurs, plusieurs divisions de sous-marins avaient été chargées de surveiller les
ports ennemis. C’est ainsi que les S-16, S-20 et S-21, de la 3e Division (Liepaja,
repliée sur Tallinn), et les Schch-407, Schch-408 et Schch-410, de la 7e Division
(Tallinn) avaient été envoyés devant Memel. Les M-90, M-968 et M-102, de la 8e
Division (Hango) et les M-201, M-202 et M-203, de la 9e Division (Cronstadt),
montaient la garde devant Gotenhafen. » (V.I. Achkasov et N.B. Pavlovitch, op. cit.)
………
Comme trop souvent, ce plan fait peu de cas des possibilités d’action de l’ennemi.
La Kriegsmarine a reçu du Führer l’ordre de « nettoyer la Baltique » des grandes
unités soviétiques, pour permettre aux grandes unités allemandes de rejoindre le
Tirpitz en Norvège. Bien entendu, la chose n’est pas facile tant que les Rouges restent
blottis à Leningrad… Mais elles finiront bien par en sortir, se dit-on à Berlin. Il faudra
alors en profiter pour frapper ! C’est pourquoi le vice-amiral Oskar Kummetz s’est
installé à Gotenhafen avec les deux Panzerschiffe, Admiral Scheer et Lützow, le
croiseur lourd neuf Seydlitz (classe Hipper) et deux flottilles de destroyers : la 3e (Z-6
Theodor-Riedel, Z-23, Z-26) et la 7e (Z-32, Z-33, Z-37). Le croiseur léger Nürnberg a
même été rapproché davantage de l’ennemi, puisqu’il est basé à Memel avec les 1ère et
7e Flottilles de Torpilleurs (T-7, T-8, T-10 et T-20, T-21). Deux U-Boots, l’U-34 (un
type VIIA) et l’U-259 (un type VIIC), ont été chargés de surveiller l’éventuelle sortie
du Golfe de Finlande de la Flotte Rouge basée à Leningrad.
Pour complaire aux désirs du Chef, le Reichsmarschall Göring lui-même a daigné
faire un geste ! Le 1er Groupe du 2e Sturzkampfgeschwader Immelmann (1.StG II), a
reçu des bombes perforantes de 500 et 1 000 kg destinées à percer le blindage des
grands bâtiments soviétiques, au cas où les marins seraient incapables de les éliminer.
Ce groupe, fort d’une vingtaine de Ju 87D Stuka commandés par le Hauptmann
Steentz, est basé à l’ouest de Riga.
………
Le plan soviétique connaît un premier accroc quelques heures après l’appareillage des
navires commandés par Y.F. Rall, sans que celui-ci en soit conscient. La force de
débarquement et d’appui est repérée par l’U-259, qui reconnaît sans trop de mal
l’Oktjabrskaja Revolucija, mais, gêné par les hydravions en patrouille, ne parvient ni
à se mettre en bonne position pour attaquer, ni à identifier les autres bâtiments de
l’escadre. Le commandant du sous-marin, le Kapitänleutnant Klaus Köpke, finit par
s’écarter pour envoyer un bref message : un cuirassé et son escorte – au moins une
quinzaine de bâtiments légers – ont appareillé de Tallinn et se sont engagés entre
Hiiumaa et la côte estonienne, vers le Golfe de Riga.
A Gotenhafen comme à Berlin – où le message a été retransmis en toute hâte – les
Allemands décident immédiatement de réagir. Mais que faire ? Si le « cuirassé classe
Gangut » signalé par l’U-259 est en route vers Riga pour bombarder la ville,
transformée en forteresse par la Wehrmacht, il sera difficile d’aller le chercher au
fond de ce golfe dont les Soviétiques contrôlent toute la rive est et toutes les îles qui le
délimitent au nord. Néanmoins, on ne peut pas rester sans rien faire. Le Nürnberg et
son escorte sont chargés d’aller tâter le terrain du côté du détroit d’Irbe dans la nuit du
5 au 6 ; s’il ne repère rien de particulier, il pourra toujours mouiller une centaine de
mines entre Saaremaa et la Courlande. Dans le même temps, l’escadre commandée
par le vice-amiral Kummetz appareille de Gotenhafen, afin d’être prête à toute
éventualité (et de pouvoir répondre au Führer que la Kriegsmarine ne reste pas
inactive).
Les deux forces appareillent respectivement vers 17h00 et 18h00. Elles n’échappent
pas à la vigilance des sous-marins soviétiques de garde devant les deux ports, même si
une forte activité ASM (hydravions et patrouilleurs légers) ainsi que la vitesse des
deux escadres empêchent ceux-ci de tenter une interception. Le S-21 signale la sortie
du Nürnberg, cap au nord, et le M-202 celle d’une « force importante, avec deux
croiseurs lourds et un léger et au moins trois destroyers ». Mais il indique aussi,
correctement d’ailleurs, que cette force se dirige vers l’est-nord-est (c’est à dire vers
Memel)…
Mais un autre officier, l’Oberleutnant zur See Karl-Heinz Hagenau, décide lui aussi
de réagir au message de l’U-259. Hagenau commande l’U-34, qui patrouille plus au
nord, entre Hiiumaa et la côte finlandaise. Ce “vieux” sous-marin est opérationnel
depuis 1936 – il a participé à la guerre d’Espagne, pendant laquelle il a coulé le sousmarin espagnol C-3 ! De septembre 1939 à octobre 1940, il s’est constitué un
palmarès impressionnant : 19 cargos et 2 escorteurs coulés, deux cargos capturés.
Mais depuis fin 1940, il a été relégué à l’entraînement (dans la 24e Flottille, tout de
même, celle qui forme les futurs commandants !). Dernièrement, pour soulager les
sous-marins de la 23e Flottille 4, il a reçu pour mission de surveiller l’entrée du golfe
de Finlande, en guise d’entraînement pour les élèves qui se trouvent à bord. Hagenau,
Croix de Fer, ayant déjà une certaine expérience de sous-marinier, mais dont c’est le
premier commandement, est persuadé que si l’un des deux U-Boots a une chance
d’inscrire un cuirassé à son tableau de chasse, c’est son U-34. Quoi que le cuirassé
aille faire dans le golfe de Riga, il ne va pas s’y éterniser – il rentrera sous peu à sa
base, sans doute par le même chemin, le long de la côte estonienne, et là, Hagenau se
fait fort de le couler ! A condition, bien sûr, de ne pas rester à patrouiller au large de la
Finlande. Après tout, ses ordres ne spécifiaient pas qu’il devait y rester ancré… De
toutes façons, il n’est plus très loin de la fin de sa patrouille : ses réserves de carburant
s’épuisent ; il devrait dans quelques jours être relayé par l’U-407 (un type VIIC de la
23e Flottille, comme l’U-259).
Et c’est ainsi que l’U-34 perd toute chance d’apercevoir l’escadre des croiseurs
soviétiques, qui va déboucher du Golfe de Finlande quelques heures plus tard et
contourner par le nord et l’ouest Hiiumaa et Saaremaa.
………
22h50 – Le Nürnberg, précédé par la 1ère Flottille de Torpilleurs et suivi par la 7e
Flottille, approche du détroit d’Irbe, marchant à 25 nœuds au cap 45. Lancés en
éclaireurs, les S-Boots de la 2e Flottille ont bien aperçu des vedettes G-5 (celles de la
4e Division), mais après quelques échanges de tirs, les petites vedettes soviétiques ont
(sagement) décroché.
Au même moment, l’escadre de Rall, qui a contourné Saaremaa par le nord, se dirige
vers le détroit au cap 160, à 22 nœuds.
Ce qui suit est une bataille de rencontre typique – une escarmouche, plutôt – qui
s’explique par le fait que le Kapitän zur See Ernst von Studnuitz, qui commande le
Nürnberg et son groupe, a prévu, tout comme le contre-amiral Y.F. Rall, d’arriver à la
nuit faite dans les eaux resserrées du détroit.
Les torpilleurs de la 1ère Flottille aperçoivent les destroyers Skoryi, Smertlivyi et
Spokoinyi, qui naviguent en avant et à tribord des croiseurs soviétiques, mais les
veilleurs russes repèrent les navires allemands presque au même moment – peut-être
grâce à l’entraînement au combat de nuit suivi depuis plusieurs mois avec l’aide de
conseillers de la Royal Navy, peut-être aussi parce que le message du S-21 laissait
supposer qu’une force ennemie pouvait se diriger vers le détroit. Les destroyers
ouvrent le feu, mais sans courir sus à leurs adversaires, au contraire. En effet, Rall
espère que les « petits bâtiments ennemis » qui viennent d’être repérés vont
4
La 23e Flottille d’U-Boots, créée fin 1942, est une flottille de combat destinée à lutter contre la
marine soviétique en Baltique. L’aggravation des pertes dans l’Atlantique empêchant l’U-Bootwaffe
d’y engager un nombre suffisant de submersibles, des sous-marins anciens appartenant à des flottilles
d’entraînement sont parfois utilisés pour la soutenir, d’autant plus que les capacités ASM des forces
soviétiques sont considérées comme médiocres.
s’approcher de ses croiseurs… C’est d’ailleurs ce qui arrive !
Quelques minutes plus tard, le radar FuMO 25 du Nürnberg (qui n’a été mis en
marche qu’au moment où les torpilleurs ont signalé un contact 5) repère le gros de
l’escadre soviétique. Au même moment, le Skoryi aperçoit les superstructures du
croiseur allemand (en revanche, les radars des croiseurs, des modèles déjà dépassés
fournis par les Britanniques à la Flotte du Drapeau Rouge à la fin de 1942, n’ont rien
repéré). Très rapidement, le combat se transforme en une course-poursuite. Sous le
feu des trois croiseurs soviétiques, le Nürnberg tourne casaque, ouvrant le feu de ses
deux tourelles de 152 mm arrière (disposition justement prévue en cas de mauvaise
rencontre !). Les T-7, T-8 et T-10 lancent une demi-salve de torpilles d’intimidation et
suivent leur chef de file en déployant un épais rideau de fumée.
23h30 – L’escarmouche est terminée. Après avoir évolué pour éviter les torpilles
allemandes, dont le lancement avait été observé, l’escadre soviétique n’a pas
poursuivi le croiseur ennemi. Elle s’est contentée d’une victime expiatoire : le
malheureux T-10, stoppé net par deux obus de 180 (sans doute tirés par le Kirov) alors
qu’il tendait un rideau de fumée. Il est achevé au canon par les destroyers soviétiques.
Tout en diffusant fébrilement la grande nouvelle – toute la flotte soviétique de
Baltique est sortie ! – le Nürnberg se replie vers Memel. Au bout d’une heure environ,
comme il devient évident qu’on ne le poursuit pas pour le moment, le KzS von
Studnuitz ordonne de mouiller les 120 mines qu’il transporte pour couvrir les
approches de Ventspils, au cas où les Rouges auraient pour mission de bombarder
cette ville, conquise – non sans mal – par la Wehrmacht l’année précédente… Mais
toute l’affaire n’a été qu’un lever de rideau.
6 juin
Bataille du Détroit d’Irbe – Au lever du jour, comme prévu, la flotte de
débarquement soviétique se présente devant les plages de la côte est de la Courlande.
Les destroyers de classe Novik sont les premiers à débarquer les hommes de la 6e
Brigade, afin de pouvoir ensuite soutenir ces troupes par leurs tirs. Puis ce sont les
destroyers d’escorte et les escorteurs ASM de classe BO, tandis que les chars
amphibies T-40 sont mis à l’eau.
Sur la côte, la résistance est faible : la plupart des troupes allemandes occupant le
secteur ont été dirigées vers l’est de la Lettonie pour arrêter l’avance soviétique.
Grâce à la couverture aérienne assurée par les Yak-9 et les La-5, la Luftwaffe est
tenue en respect tandis que les Il-2 harcèlent les quelques défenseurs repérés.
A la mi-journée, les destroyers d’escorte, les escorteurs ASM de classe BO et les
caboteurs se regroupent pour se diriger vers Saaremaa, où ils doivent commencer à
embarquer les troupes de la 3e Brigade d’Infanterie de Marine.
Dans la soirée, le commandement soviétique, ravi, constate que tout se déroule
comme prévu : une brigade d’infanterie de marine a été débarquée sans subir de pertes
notables. Dès le lendemain, elle recevra en renfort la moitié d’une autre brigade et une
compagnie de T-34… si tout se déroule selon les plans bien sûr. La nuit tombe, mais
la flotte veille dans le détroit d’Irbe pour s’opposer à toute réaction navale allemande.
Les hydravions de reconnaissance n’ont rien repéré, et pour cause : l’escadre de
Kummetz, dès réception du premier message du Nürnberg annonçant la présence de
plusieurs grands bâtiments soviétiques, a mis le cap au nord-nord-ouest. Filant à 25
nœuds, elle s’est glissée le long de la rive ouest de l’île suédoise de Gotland, violant
5
Von Studnuitz respecte ainsi les consignes de la Kriegsmarine pour échapper aux détecteurs de radar.
les eaux territoriales suédoises, avant de se rabattre vers l’est à 20 nœuds. Pendant ce
temps, les hydravions soviétiques ont concentré leurs recherches plus au sud. Les
Suédois, eux, ont repéré les croiseurs allemands – ils protesteront d’ailleurs le
lendemain à Berlin. Le passage des croiseurs sera même signalé à Moscou, par des
voies détournées, mais bien trop tard…
………
22h15 – L’escadre soviétique “peigne” à 18 nœuds les eaux du détroit d’Irbe. Les
destroyers Storojevoy, Slavnyi et Spokoinyi ont quelques nautiques d’avance sur le
groupe principal. Les trois croiseurs en ligne de file – Gorky, Kirov, Petropavlovsk –
sont précédés par les autres destroyers type 7/7U, Skoryi, Smertlivyi et Silnyi, et suivis
par les type-30, Surovoj, Otverjdyonnyj, Odaryonnyi et Svirepoj.
L’escadre allemande, également disposée en ligne de file, est emmenée par les
destroyers de la 7e Flottille – Z-32, Z-33, Z-37 – suivis par le Seydlitz (qui porte la
marque de Kummetz), le Lützow et l’Admiral Scheer, la 3e Flottille de Destroyers
fermant la marche – Z-6 Theodor-Riedel, Z-23, Z-26.
Par la suite, les historiens discuteront des responsabilités : les radars d’origine
britannique installés sur les croiseurs soviétiques étaient-ils si dépassés ou les
opérateurs si inexpérimentés ? Quoi qu’il en soit, à 22h18, ils n’ont rien détecté quand
Kummetz est averti que ses détecteurs de radar ont repéré plusieurs émissions. Se
doutant, grâce au rapport du Nürnberg, que c’est l’ennemi qu’il recherche, il fait
mettre en route ses propres radars quelques instants, le temps de repérer la flotte
soviétique – dix bâtiments marchant à 18-20 nœuds au cap 195, par bâbord avant. Les
trois premiers destroyers passent inaperçus, sans doute parce que les radars allemands
sont très vite coupés.
L’amiral allemand fait monter à 25 nœuds et prendre le cap 185, pour se rapprocher
progressivement de l’ennemi tout en remontant sa formation. La nuit est belle, le
temps peu nuageux, mais la lune est à peine visible (elle était nouvelle le 2).
22h34 – Les Soviétiques sont prêts à une confrontation – c’est d’ailleurs pour cela que
Rall a fait précéder le gros de sa force par trois destroyers. Mais les Allemands
arrivent sur eux de l’ouest-nord-ouest, alors qu’ils les attendent du sud. Un veilleur du
Kirov signale enfin des lames d’étraves sur tribord… Hélas, il est beaucoup trop tard.
22h36 – Dès que les veilleurs de ses navires ont repéré leurs adversaires, Kummetz
donne l’ordre d’ouvrir le feu. A cinq mille mètres, malgré l’obscurité, les canonniers
allemands démontrent la qualité de leur entraînement… et des optiques de leurs
télémètres. Les croiseurs soviétiques sont tous les trois touchés avant d’avoir pu régler
leur tir.
Le plus malheureux est sûrement le Petropavlovsk. D’abord, après sa deuxième salve,
il encaisse un obus du Scheer, qui allume un violent incendie près de sa cheminée.
Puis, à sa troisième salve, le canon gauche de la tourelle A se fend ! La faute à une
faiblesse de l’acier que les constructeurs allemands avaient détectée, mais
soigneusement camouflée. A la sixième salve, le même accident frappe le canon
gauche de la tourelle C. A ce moment, le croiseur a reçu deux autres obus de 280 et sa
vitesse est tombée à 15 nœuds. Avec seulement deux tourelles de 203 intactes (les
deux autres tirent encore, mais d’un seul canon, et leur pointage est incertain), le
navire n’est bientôt plus qu’une cible d’exercice pour le Panzerschiff.
Devant l’ex-Lützow, le Kirov fait de son mieux contre l’actuel Lützow (et exDeutschland). Il parvient à toucher son adversaire de plusieurs obus de 180, mais
ceux-ci ne font que des dommages superficiels – du moins le suppose-t-on à ce
moment : ils n’ont pas percé le blindage du “croiseur cuirassé”, mais ils ont détruit
plusieurs pièces anti-aériennes et le poste de commandement de la DCA. Si les obus
de 280 qui frappent le croiseur soviétique ne sont pas plus nombreux, ils font
beaucoup plus de dégâts.
Le Soviétique qui s’en tire le mieux est le Maksim Gorky, en tête de file. L’échange
avec le Seydlitz semble même tourner à son avantage quand un obus de 180 frappe
l’Allemand tout près de la passerelle. Kummetz est touché, le commandant du
croiseur est tué et dans le chaos qui s’ensuit, le Seydlitz quitte la ligne de bataille – il
paraît mal en point, alors qu’il n’a été que légèrement atteint.
Pendant ce temps, les destroyers ne restent pas inactifs. Les quatre bâtiments en queue
de la formation soviétique prennent l’offensive pour couvrir le Petropavlovsk en
perdition, mais l’Admiral Scheer reporte son tir sur eux et, soutenu par les canons des
destroyers de la 3e Flottille, mitraille les assaillants. L’Odaryonnyi est gravement
atteint ; il coulera en fin de nuit. L’Otverjdyonnyj est plus légèrement endommagé, il
s’en sortira. Mais les Surovoj et Svirepoj s’obstinent et lancent leurs torpilles d’assez
près – hélas, ce n’est pas le Scheer qui est touché, mais le Z-26 ! Foudroyé, ce dernier
coule en quelques instants.
A l’avant, les Skoryi, Smertlivyi et Silnyi ont eux aussi attaqué, mais ils se sont fait
contrecharger par les destroyers de la 7e Flottille. Touché par une pluie d’obus de
15 cm, le Silnyi flambe et les deux autres se replient.
A ce moment, une violente explosion illumine brièvement le champ de bataille – c’est
le Kirov. On suppose qu’un obus de 280 a percé son blindage et a atteint une soute à
munitions (celle de la tourelle B, selon les observations de l’épave effectuées près
d’un demi-siècle plus tard). Le croiseur sombre en moins de cinq minutes. Cet
événement spectaculaire semble ajouter encore à la férocité de la lutte.
Au sud-ouest de la bataille, les Slavnyi, Storojevoy et Spokoinyi ont fait demi-tour et
ont marché au canon, après quelques minutes d’hésitation passées à se demander où
était l’ennemi, et de quel type de bâtiments il s’agissait. Le premier navire qu’ils
aperçoivent ressemble beaucoup au Petropavlovsk – et pour cause, c’est son jumeau,
le Seydlitz. Incertains, les Soviétiques retiennent leurs torpilles. Tant mieux : voici le
Lützow, incontestablement germanique.
Le Panzerschiff a changé de cible : le Kirov éliminé, il a reporté son tir sur le Maksim
Gorky et obtenu plusieurs coups au but. C’est alors que surgit le Spokoinyi, qui a pris
un peu d’avance sur ses équipiers. L’artillerie secondaire du Lützow se déchaîne et
châtie durement l’insolent, réduit en quelques instants à l’état d’épave en flammes –
mais les Slavnyi et Storojevoy en profitent pour ajuster leur lancer. Quelques minutes
plus tard, alors que, racontera un officier du Suvoroj, le lieutenant Fedor Isakievitch
Halkine, « la bataille ne ressemblait plus à rien d’autre qu’à un massacre à la
baïonnette au fond d’une tranchée », deux torpilles frappent le Lützow à l’arrière et
une troisième explose dans son sillage.
Etrangement, la bataille s’apaise soudain. « Ce fut comme un baisser de rideau,
décrira le lieutenant Halkine. Soudain, tous les acteurs sont rentrés en coulisses. »
Tous ceux qui étaient encore debout, en tout cas !
Le Maksim Gorky s’éloigne vers le nord-nord-ouest, rejoint peu à peu par les sept
destroyers soviétiques survivants. Youri F. Rall, qui a été blessé, tente ainsi d’attirer
l’ennemi à l’écart des transports qui doivent transporter les renforts d’infanterie de
Saaremaa en Courlande.
Peine inutile : sur le Seydlitz, Kummetz, blessé lui aussi, fait ses comptes. Il n’a perdu
qu’un destroyer, mais si son croiseur lourd n’est que légèrement touché, le Lützow est
en grand danger. Sa survie n’est pas menacée dans l’immédiat, mais hélices et
gouvernail sont très gravement endommagés. Il est fort peu probable qu’il puisse
rentrer au port par ses propres moyens. Heureusement, la flotte de croiseurs russes est
anéantie (le Petropavlovsk est achevé à la torpille par le Z-6 et Kummetz semble avoir
considéré, au vu des flammes qui le ravageaient, que le Gorky était perdu). De plus, il
a coulé trois grands destroyers ennemis en échange d’un seul des siens. Ce n’est pas
un vieux dreadnought qui permettra aux Rouges de contrôler la Baltique. Bref, les
ordres du Führer ont été obéis. Le Seydlitz et l’Admiral Scheer vont pouvoir partir
pour la Norvège. Pourquoi mettre ce beau succès en danger en allant chasser quelques
transports de troupes dans les eaux minées du Golfe de Riga ? Laissant les Z-6 et Z-23
tenter de remorquer le Panzerschiff jusqu’à l’arrivée de remorqueurs professionnels,
Kummetz met le cap à l’ouest avec le Seydlitz, l’Admiral Scheer et les trois autres
destroyers.
7 juin
Bataille du Détroit d’Irbe – Alertés par une série de messages de plus en plus
fragmentaires et catastrophiques venant de l’escadre d’Y.F. Rall, Feldman a décidé,
après un moment d’incertitude, de mettre le cap sur le détroit avec l’Oktjabrskaja
Revolucija et ses dix petits compagnons. Mais peu après minuit, le BO-101 lance une
alerte au sous-marin : il a aperçu le kiosque d’un U-Boot en surface, lequel s’est
empressé de plonger, non sans lui décocher une torpille, que l’escorteur a évité de
justesse.
Suivent de longs moments pendant lesquels le cuirassé zigzague de son mieux tandis
que les bâtiments légers qui l’entourent s’agitent frénétiquement. Enfin, le BO-107
signale qu’il a un contact sonar de bonne qualité. Le BO-107 a en effet bénéficié de la
générosité des Britanniques, qui lui ont offert un équipement asdic relativement
récent… et ont appris aux opérateurs à s’en servir efficacement. Guidés avec précision
par le BO-107, les BO-103 et 106 réussissent à envoyer par le fond l’U-259 au bout de
trois quarts d’heure de chasse.
Soulagé, mais redoutant la présence d’autres submersibles, Feldman s’apprête à
reprendre la route du détroit, quand un message urgent arrive de Leningrad : ordre
formel à l’Oktjabrskaja Revolucija d’éviter toute confrontation avec la flotte de
surface ennemie, sinon pour protéger les transports de troupes. La destruction du
Marat a laissé des traces !
La rage au cœur, Feldman se résigne à faire des ronds dans l’eau en attendant le lever
du soleil.
………
Quand l’aube vient, Feldman doit constater que les Allemands n’ont pas cherché à
couler la flottille de transport ni son vieux cuirassé. Ils se sont apparemment
évaporés ! Sans chercher à résoudre cette énigme, il prend position à proximité de la
côte de Courlande. La 6e Brigade de Fusiliers Marins ne tarde pas à avoir besoin de
ses services. En effet, la nuit a permis aux Allemands de rameuter des forces
suffisantes pour rejeter les Soviétiques à la mer, ou du moins pour essayer. Grâce à
une liaison radio avec le PC de la 6e BMS, au déploiement d’équipes d’observateurs
sur le front et à l’activité de deux hydravions de réglage de tir, les douze pièces de
305 mm du cuirassé, aidées par ses pièces de 120 mm 6, pilonnent les positions
allemandes, gênent ou interdisent les mouvement de troupes et déchaînent un orage
d’acier sur toute attaque.
Mais sur la passerelle de l’Oktjabrskaja Revolucija, le capitaine de 1ère classe
6
Pas plus de huit à la fois : l’artillerie secondaire du cuirassé étant en casemate, seule la moitié de ses
seize pièces sont battantes en même temps.
Feldman est soucieux. Seuls six La-5 orbitent au dessus du navire pour assurer sa
protection contre une attaque de la Luftwaffe. Bien que les quatre Régiments de
Chasse des VVS-VMF de Baltique alignent environ cent vingt appareils (ce qui
permet de maintenir en vol une quarantaine de chasseurs en même temps), c’est tout
ce qui a pu être consacré à la protection du cuirassé ! Le problème est qu’en plus de la
couverture de l’Oktjabrskaja Revolucija, la chasse soviétique doit s’assurer la maîtrise
du ciel au dessus de la presqu’île, escorter les Il-2 qui appuient les attaques des
fusiliers marins, protéger les bateaux qui amènent renforts et ravitaillement de
Saaremaa et Hiiumaa… et ce n’est pas tout. A ces missions évidemment prévues par
les concepteurs du plan est venue s’ajouter l’escorte des bombardiers et des avions
torpilleurs qui vont tenter de venger les navires de la Flotte du Drapeau Rouge coulés
dans la nuit, mission devenue prioritaire.
………
C’est qu’au matin, les premiers avions de reconnaissance soviétiques ont rapporté une
nouvelle un peu consolante après la catastrophe nocturne. Un grand croiseur fasciste
est en panne à l’ouest du détroit d’Irbe ! Malgré leur manque d’entraînement, les
trente Il-4 de la MTAD ont été armés de torpilles et les trente Pe-2 de bombes
perforantes. Ils seront accompagnés par les dix MiG-5 disponibles, chargés d’assaillir
les escorteurs, et couverts par une vingtaine de Yak-9 et de La-5.
Une cible de grande taille immobile ou presque, on n’a pas le droit de la rater !
Camarades, il faut venger les camarades de la Flotte qui ont héroïquement donné leur
vie cette nuit pour sauver la Mère Patrie !… Les équipages des avions d’assaut qui
décollent vers le détroit d’Irbe sont peu entraînés à l’attaque d’une cible navale,
certes, mais ils sont décidés à tout donner, y compris leur vie ! Et puis, c’est vrai, une
cible de grande taille immobile, même pour des aviateurs peu entraînés…
………
Leur agressivité serait sans doute encore accrue s’ils savaient ce qui vient de se
produire entre Hiiumaa et la côte estonienne. Les survivants de la bataille de la nuit
précédente ont longé la côte nord de Saaremaa et sont passés entre cette île et
Hiiumaa. Rall a ordonné à quatre des destroyers de retourner au sud de Saaremaa pour
couvrir les navires qui transportent les troupes entre cette île et la tête de pont de
Courlande.
Le Maksim Gorky ne peut donner plus de 15 nœuds et manœuvre difficilement – il ne
zigzague donc pas et, malgré les trois destroyers qui l’accompagnent, fait une bonne
cible pour l’U-34, qui va pouvoir se consoler de ne pas voir arriver le cuirassé signalé
l’avant-veille. L’Oberleutnant z. See Hagenau fait lancer une salve de quatre torpilles,
dont trois touchent ! Le naufrage du Gorky parachève la défaite soviétique de la veille
– vexation supplémentaire, l’U-34, pourchassé jusqu’à la nuit par l’escorte, est assez
sérieusement endommagé par plusieurs grenadages, mais parvient à s’échapper…
………
Sur l’Oktjabrskaja Revolucija, Feldman est de plus en plus inquiet. Certes, le
dreadnought peut compter sur une abondante artillerie antiaérienne : quatre pièces de
76,2 mm, quatorze pièces de 37 mm, dix mitrailleuses de 13 mm et quatre-vingt neuf
de 7,62 mm. On peut y ajouter la DCA des cinq destroyers de classe Novik (10 x 45
mm, 10 x 37 mm et 10 x 13 mm), celle des cinq escorteurs ASM de classe BO (10 x
37 mm et 20 x 12,7 mm) ainsi que celle des six petits dragueurs restés avec le cuirassé
(6 x 45 mm et 6 x 37 mm). Mais si elle fait nombre, cette artillerie n’est pas adaptée à
la menace aérienne moderne.
………
Ces inquiétudes ne sont pas celles des troupiers allemands qui s’opposent aux fusiliers
marins soviétiques. Pour les landsers, l’intervention du cuirassé représente une
menace mortelle. Certes, les obus de 120 mm ne les impressionnent pas plus que ça
car la plupart sont des vétérans qui ont déjà subi des tirs de barrage de 122 mm de
l’artillerie soviétique administrés par des dizaines de pièces. Mais l’impact des obus
de 305 mm est non seulement plus destructeur mais encore plus effrayant : il n’y a pas
de survivants là où ils tombent. Deux ou trois vétérans de la Campagne de France se
croient revenus trois années en arrière, le 18 juin 1940, quand, au sud de Carentan, le
Courbet avait salué à sa manière la progression de la Division Fantôme vers
Cherbourg. Comme le cuirassé français à l’époque, l’Oktjabrskaja Revolucija tire
lentement, trois obus à la fois.
Des plaintes – des appels à l’aide plutôt – remontent des unités combattantes
allemandes vers le commandement. Elles suscitent d’abord de l’incrédulité, car les
états-majors chargés de la défense de la presqu’île croyaient que la Flotte Rouge
n’était plus un danger – à Berlin, la Kriegsmarine n’avait pas tardé à claironner
l’élimination des croiseurs soviétiques. Mais il faut déchanter. La Luftwaffe est alors
sollicitée pour museler l’importun cuirassé.
………
Pour achever le Lützow, le commandement des VVS-VMF estime que les torpilles
sont l’arme la plus efficace. Pour offrir aux Il-4 la cible la plus facile à atteindre, les
Pe-2 attaqueront d’abord les destroyers qui s’efforcent de remorquer le Panzerschiff
(en effet, les remorqueurs demandés à Memel ne sont pas encore arrivés).
Bombardiers et torpilleurs devront attaquer « sans se soucier de l’éventuelle
opposition de la chasse fasciste, et moins encore de la DCA » disent les ordres.
Par bonheur, la chasse allemande se compose, au moment où arrive le raid soviétique,
d’une douzaine de Bf 110. Il est vrai que les Bf 109 sont engagés sur le front terrestre,
que le détroit d’Irbe est loin de leurs bases et (peut-être surtout) que la demande d’une
couverture de chasse a mis longtemps à cheminer de l’état-major de la Kriegsmarine à
celui de la Luftwaffe…
Les Yak-9 et les La-5 chassent sans trop de mal les bimoteurs allemands et les Pe-2
piquent sur les destroyers qui ahanent en tirant les remorques. Le Z-6 Theodor-Riedel
est secoué par plusieurs near-miss et rompt sa remorque. Du coup, le Z-23 en fait
autant.
Quand les Il-4 se présentent, par groupes de trois, la cible est parfaite et la Flak
relativement réduite – la DCA du Lützow a été très endommagée la nuit précédente
par les obus du Kirov. Malgré leur inexpérience, les équipages soviétiques vont
obtenir là le plus grand succès de l’histoire des VVS-VMF. Sur trente torpilles, cinq
vont au but. On n’ose imaginer combien de torpilles des avions japonais auraient mis
au but dans les mêmes conditions, mais ces cinq là suffiront – d’autant plus qu’elles
sont toutes à bâbord : leur cible immobilisée, les Il-4 ont tous pu attaquer du même
côté.
A 11h18, le Lützow chavire et sombre.
………
Curieusement, un autre drame aéronaval se joue à peu près au même moment, de
l’autre côté de la péninsule de Courlande.
Le Hauptmann Steentz conduit dix-huit Stukas du 1./StG 2, couverts par dix Bf 109 F.
Vers 11h15, les appareils allemands arrivent sur zone. Les chasseurs soviétiques en
couverture – à ce moment, six Yak-9 – tentent de s’opposer aux attaquants, mais les
Bf 109 de l’escorte les repoussent, en abattant trois en échange d’un des leurs. Les
Stukas vont pouvoir attaquer en deux vagues, la première menée par Steentz en
personne, la seconde sera conduite par le déjà fameux Hans-Ulrich Rudel (promu
Hauptmann deux mois plus tôt).
A l’approche des appareils ennemis, le commandant Feldman met le cap au nord-est
pour s’éloigner de la côte et manœuvrer, car ses seuls moyens de défense sont à
présent sa DCA et les manœuvres évasives. Ne disposant pas à bord d’un officier de
contrôle de la chasse comme sur les grands navires des marines occidentales, il ne
peut appeler à l’aide d’autres chasseurs. L’Oktjabrskaja Revlolucija commence une
série de lacets pour dérégler la visée des pilotes des Stukas.
La première bombe, celle du Hauptmann Steenz, perce le pont au pied de la tour de
commandement, entre celle-ci et la tourelle B. Elle termine sa course dans la
chaufferie avant, où son explosion provoque celle des chaudières, tuant tous les
membres du personnel. Le dreadnought étant aux postes de combat, la chaufferie
avant alimente le groupe des turbines avant tandis que la chaufferie arrière alimente le
groupe arrière. Dans la salle des machines avant, l’ingénieur mécanicien responsable
constate que ses turbines ne sont plus alimentées en vapeur. Il ordonne aux
mécaniciens d’isoler le collecteur de vapeur vers l’avant et fait ouvrir les vannes pour
recevoir la vapeur provenant de la chaufferie arrière. L’opération ne prend que
quelques minutes, mais pendant ce temps, si les deuxième et troisième Stukas ratent
leur cible, la bombe du quatrième perce le pont tribord au dessus de la même
chaufferie et, en explosant, ouvre une brèche de 2 m2 dans le bordé, sous la ligne de
flottaison. L’importante entrée d’eau fait giter le navire sur ce bord. Pressentant que la
blessure pourrait être mortelle, le commandant Feldman fait abattre sur bâbord pour
échouer le cuirassé à la côte encore proche. Cette manœuvre inattendue désoriente les
cinq derniers Stukas du groupe Steenz, dont les autres bombes tombent à la mer ;
seuls quelques éclats blessent des canonniers. Mieux encore pour le moral de
l’équipage, la riposte du cuirassé abat un des assaillants.
Bien que désespérée, la manœuvre réussit et l’Oktjabrskaja Revolucija parvient à se
jeter à la côte. Mais le navire, bien que gravement endommagé, n’est pas hors de
combat, comme le montre le tir acharné, quoique peu efficace, de sa DCA. Rudel
plonge à son tour, ordonnant à ses huit équipiers d’espacer leurs piqués. Sa bombe
perce le pont avant juste devant la tourelle triple de 305 mm. Elle explose dans la
soute, faisant sauter les munitions de 305 dans un jaillissement de flammes et de
fumée noire. Quand le nuage de fumée se dissipe, la plage avant est séparée du reste
du navire, tandis que la tourelle A et la tour de commandement ont purement et
simplement disparu – avec elles, le capitaine de 1ère classe Feldman et trois cent vingtneuf hommes d’équipage.
Devant l’état du cuirassé, les huit derniers Stukas se détournent de l’épave et vont
bombarder les destroyers soviétiques. Mais toucher de petites cibles qui zigzaguent à
vingt-cinq nœuds n’est pas un travail facile pour des pilotes novices. Seul le
Volodarskij est secoué par une bombe qui tombe à proximité, enfonçant une partie de
sa coque mais sans ouvrir de brèche. Les autres destroyers sont indemnes. L’un des
assaillants est touché à la jambe de train gauche ; en se posant, celle-ci va se briser et
l’avion capotera, tuant pilote et mitrailleur.
A bord de l’arrière du cuirassé, qui flotte encore (seule la proue est à présent
échouée), les officiers survivants constatent que la partie en arrière de la tourelle B est
structurellement intacte. L’onde de choc a désamorcé les pompes d’alimentation et
éteint les chaudières, privant le navire de toute énergie. D’autres auxiliaires ont stoppé
et les disjoncteurs électriques ont déclenché. Le lieutenant de vaisseau Petr
Borisovitch Grichine, qui commande en second l’artillerie (c’est l’officier survivant le
plus ancien dans le grade le plus élevé !) donne l’ordre à quatre dragueurs de pousser
sur la coque de manière à la disposer parallèlement au rivage. Puis, en remplissant
volontairement certains doubles-fonds, l’ingénieur mécanicien Maksim Petrovitch
Belaev échoue le tronçon de cuirassé avec une faible gite de 2° sur bâbord.
Toute l’après-midi, à la lueur de l’éclairage de secours, une partie de l’équipage isole
tous les tuyautages et circuits électriques rompus dans l’explosion. Une autre épontille
la cloison étanche qui séparait la chaufferie avant de la chambre des machines avant.
Sur le pont, les équipes de DCA veillent tandis que les VVS-VMF de Baltique ont
renforcé leur couverture – il est vrai qu’à présent, la chasse au-dessus de la zone de
débarquement peut couvrir à la fois l’infanterie de marine et l’Oktjabrskaja
Revolucija.
La nuit n’interrompt pas l’activité frénétique des marins soviétiques.
8 juin
Bataille du Détroit d’Irbe, les suites – Si un calme relatif est revenu sur le détroit
d’Irbe, les eaux entre Saaremaa et la Courlande continuent d’être parcourues par les
petits bâtiments soviétiques, qui achèvent de transporter en Courlande les troupes de
la 3e Brigade d’Infanterie de Marine. Celles-ci sont bien nécessaires, car les renforts
allemands affluent dans la péninsule : l’offensive de l’Armée Rouge a été arrêtée sur
la Daugava, la “forteresse Riga” paraît imprenable et l’OKW peut dégager des
réserves qui vont tenter de rejeter à la mer les éléments débarqués en Courlande.
………
Moscou – La consternation provoquée par le résultat de la bataille de la nuit du 6 au 7
est encore aggravée par le torpillage du Kirov et par les premiers rapports sur le
bombardement de l’Oktjabrskaja Revolucija. Elle n’est qu’atténuée par la destruction
du Lützow.
Puis, viennent de bonnes nouvelles. Les fusiliers marins sont apparemment
solidement implantés en Courlande. Ils sont à présent deux brigades et il ne semble
pas que les Allemands soient capables d’empêcher le transfert de Saaremaa en
Courlande de la dernière brigade de la 4e DFM. La Flotte du Drapeau Rouge a perdu
ses grandes unités, mais non le contrôle du Golfe de Riga ! Et puis, on apprend que,
finalement, l’Oktjabrskaja Revolucija n’est pas vraiment perdu – enfin, pas
complètement. Il peut encore être utile.
Youri F. Rall a eu le bon goût de périr dans le naufrage du Kirov et Feldman a disparu
à son poste de commandement… Pour le moment, il n’est pas question de faire
tomber d’autres têtes. « On verra plus tard s’il faut sévir, et contre qui ! » commente
sobrement Staline en personne. L’amiral Tributs peut (provisoirement) pousser un
soupir de soulagement. Lui sait bien que les grands croiseurs de classe Chapaev ne
vont pas tarder à être opérationnels 7 et qu’en revanche, les rapports de tous les
services de renseignements alliés indiquent que les Allemands n’ont en construction
aucun navire susceptible de remplacer le Lützow…
………
Berlin – Tout allait presque bien jusqu’au matin du 7, et puis la destruction du Lützow
a fait passer un frisson d’inquiétude dans le dos des officiers de l’état-major de la
Kriegsmarine. Dans la soirée, la rituelle conférence d’état-major devant Hitler
commence par un bilan complet des combats navals et aéronavals de Baltique. Puis le
silence se fait. Et, miracle ! Après quelques instants d’une profonde réflexion, le
7
Le Vasili Chapaev dès la fin du mois de juin, le Zheleznyakov fin août et le Chkalov fin octobre. Ces
bâtiments, dérivés de la classe Kirov, jaugent 15 000 t à pleine charge et leur armement principal est
constitué de 12 canons de 180 mm en quatre tourelles triples. Deux autres sont en achèvement et deux
en construction en Mer Noire.
Führer lâche : « Bien. Assurez-vous que le Seydlitz, l’Admiral Scheer et deux flottilles
de destroyers rejoignent la Forteresse Norvège. Kummetz pourra contrôler la
Baltique avec le Nürnberg et le Leipzig. » Un instant de silence, puis Hitler ajoute :
« Et j’ordonne que désormais, aucun navire de guerre allemand ne soit débaptisé. »
Percevant un flottement parmi les assistants, il daigne expliquer : « Suis-je le seul ici à
avoir constaté que trois des navires coulés en Baltique avaient changé de nom ? C’est
significatif ! »
Hitler, volontiers superstitieux, sait que, pour de nombreux marins, changer le nom
d’un navire est de mauvais augure. De fait, c’était le cas du Lützow (ex-Deutschland),
du Petropavlovsk (ex-Lützow) et de l’Oktjabrskaja Revolucija (ex-Gangut). Quoi
qu’il en soit, cette coïncidence semble avoir amorti la colère du Chef. La
Kriegsmarine va se hâter d’obéir à ses ordres. Les réparations du Seydlitz vont être
menées au pas de charge et, fin juin, le croiseur lourd, l’Admiral Scheer et les 4e et 7e
Flottilles de Destroyers auront rejoint les fjords de Norvège en profitant de quelques
jours de mauvais temps (voir appendice 1).
………
Côte est de la Courlande – Pendant que les états-majors font des bilans et des
projets, sous le pont de l’Oktjabrskaja Revolucija, l’ingénieur mécanicien Belaev
dirige une inspection méthodique, compartiment par compartiment, de ce qui reste du
navire. Un énorme travail, mais les hommes sont animés par le désir de rendre
hommage à leurs camarades disparus et de tenter de les venger.
9 juin
Côte est de la Courlande – Après quarante-huit heures de travail acharné, les
chaudières de la chaufferie arrière de l’Oktjabrskaja Revolucija peuvent être
rallumées. Les dynamos, alimentées en vapeur, sont relancées et alimentent en
électricité tous les compartiments intacts et, surtout, les installations de l’artillerie : les
deux tourelles triples de 305 mm centrale arrière (C) et arrière (D) sont de nouveau
aptes à tirer, ainsi que les quatre casemates arrière bâbord (du côté terre). Les montecharge peuvent de nouveau apporter obus et gargousses aux canons tandis que les
moteurs de pointage des grosses tourelles peuvent les manœuvrer.
La tourelle B n’a pu être remise en service, car les monte-charge la reliant à sa soute à
munitions ont été faussés.
………
Au large de Memel – L’U-34 rentre au port, mais les avaries qu’il a subies sont telles
qu’on doit lui envoyer du secours. C’est le ravitailleur Lech qui se porte à sa rencontre
pour l’assister… Hélas, le temps s’est quelque peu gâté, la mer est forte – les deux
bâtiments s’abordent et le sous-marin sombre ! L’accident fait quatre morts dans
l’équipage de l’U-34.
10 juin
Est de la Courlande – Dès le début de la matinée, les Allemands ont la désagréable
surprise d’être à nouveau la cible d’obus de gros calibre. Un Bf 110 de reconnaissance
se fait abattre par un Yak 9, mais non sans avoir envoyé un message confirmant
l’invraisemblable : le morceau de cuirassé échoué sur la côte est encore en état de
combattre.
Une nouvelle attaque du 1./StG 2 est mise sur pied mais cette fois, les Faucons de
Staline veillent. Les douze Bf 109 F de l’escorte ne peuvent permettre aux Ju 87 D de
percer l’écran constitué par vingt-cinq Yak 9 et La-5. Les Stukas sont obligés de se
délester de leurs bombes pour échapper au massacre. Deux Bf 109 et trois Ju 87 sont
abattus en échange de quatre Yak 9 et cinq LaG 5 mais, imperturbable, l’Oktjabrskaja
Revolucija n’a pas interrompu une seule minute son soutien à l’Infanterie de Marine.
La Luftwaffe montera plusieurs raids contre le cuirassé les semaines suivantes, sans
jamais arriver à le faire taire. Seul le manque de munitions en aura raison !
En 1945, la Marine soviétique renflouera l’Oktjabrskaja Revolucija pour le ramener à
Kronstadt. Il y sera partiellement reconstruit pour servir de ponton-école de
canonnage, avant d’être transformé en musée à la gloire de la Flotte du Drapeau
Rouge pendant la Grande Guerre Patriotique.
11 juin
12 juin
13 juin
14 juin
15 juin
16 juin
17 juin
18 juin
19 juin
20 juin
21 juin
22 juin
Mourir pour des idées
Près d’Ug!le, front de Courlande (Groupe d’Armées Nord), 05h00 – Le petit
matin illumine le champ de bataille. Le SS-Sturmbannführer Christian von Schalburg
finit de mettre de l’ordre dans ses affaires. Réveillé depuis plus d’une heure, il s’est
mis en tête d’écrire. D’écrire à ses camarades de lutte. D’écrire à sa famille, aussi.
Que devient sa sœur Vera, sa cadette d’un an ? Après s’être un moment égarée et
avoir travaillé pour les Rouges, avant-guerre, elle est revenue sur la bonne voie et elle
a commencé à travailler pour l’Abwehr en Angleterre. Là-bas, elle a fini par être
démasquée et elle est à présent prisonnière. Pourvu qu’elle soit bien traitée, songe le
grand frère…
Allons ! La journée sera rude et le chef incontesté et incontestable du Frikorps
Danmark se doit d’être infaillible devant ses hommes. Il y a quelques mois, on l’a fait
venir en urgence d’Ukraine, où il se battait dans la SS-Wiking – avec courage, la
Croix de Fer de 1ère classe qu’il arbore est là pour le prouver. Il a dû reprendre en
mains la troupe de volontaires formée par ses compatriotes désireux de lutter contre le
Bolchevisme. Son prédécesseur avait commandé le Frikorps de façon professionnelle
mais sans fougue, sans passion, sans… sans national-socialisme, tout simplement !
Or, c’est bien le destin de l’Europe, le destin du Monde qui se joue ! Il faut se montrer
exemplaire, donc sans faiblesse ! C’est pourquoi, même si son état-major le lui a
fortement déconseillé, tout comme le général allemand commandant le secteur, il va
en personne conduire ses hommes à la pointe du combat.
Il est vrai que le Frikorps est “son” unité, car c’est son idée : n’a-t-il pas demandé
instamment dès 1941 à son ami Fritz Clausen, le chef du parti nazi danois, de créer
une unité combattante danoise ? Mais c’est seulement il y a quelques mois que la
guerre contre les Rouges a permis de concrétiser ce grand projet.
Von Schalburg et ses hommes ont été affectés au Groupe d’Armées Nord quelques
semaines auparavant, après avoir achevé leur entraînement en Pologne. Souvent, au
camp de manœuvres d’Owi!ska, il s’était posé la question : quand libérerait-il
son pays natal des Bolcheviques ? Car, bien que Danois, il n’est pas né au
Danemark. Un quart de siècle auparavant, juvénile Cadet du Tsar né au fond de
l’Altaï, il a dû fuir en catimini avec sa famille vers le Danemark, pays d’origine de
son père. Depuis, tout en cultivant son anticommunisme viscéral (et son
antisémitisme, car, bien sûr, les Juifs étaient de mèche avec les Rouges en 17), il
attendait patiemment l’occasion de soutenir ceux qui pourraient lui permettre de
prendre sa revanche. Il avait donc accueilli avec joie l’ascension des Nazis. Il avait
une sympathie très prononcée pour leur idéologie dont il pensait qu’elle pouvait
s’adapter facilement à la société danoise et surtout il avait deviné qu’à terme, la
recherche d’espace vital des Germains les conduirait à affronter les Rouges. Il avait
donc été se battre dans la SS-Wiking.
A présent, à la tête du Frikorps, il lui a été ordonné d’appuyer les troupes allemandes
qui vont rejeter à la mer les Rouges débarqués en Courlande pour prendre à revers les
armées allemandes se battant en Livonie. Un glorieux destin l’attend, lui, son
Frikorps, le Danemark, le Reich et toute l’Europe Nouvelle !
………
13h00 – La dépouille du SS-Sturmbannführer Christian Frederik von Schalburg est
transportée au QG du Frikorps Danmark. Il a été fauché par l’explosion d’un obus
soviétique alors qu’il menait ses hommes en contre-attaque comme un lieutenant de
vingt ans. Bien d’autres Danois sont tombés, mais les Rouges ne sont pas passés.
23 juin
Mourir pour des idées
Cimetière municipal de Cirkale, près d’Ug!le, front de Courlande – C’est
drapée dans le Dannebrog (le drapeau du Danemark) que la dépouille du chef du
Frikorps Danmark est inhumée. Heinrich Himmler a fait nommer feu Christian von
Schalburg SS-Obersturmbannführer avec effet rétroactif au 1er juin.
Le commandant de la 2e Brigade SS d’Infanterie Motorisée, le Brigadeführer
Gottfried Klingemann, prononce un beau discours à la mémoire de ce glorieux Aryen
mort au champ d’honneur. Près de lui, le successeur de von Schalburg à la tête du
Frikorps, le SS-Obersturmbannführer allemand Hans von Lettow-Vorbeck, se tient au
garde-à-vous, l’air grave. Il est visiblement prêt à en découdre avec toute l’Armée
Rouge pour venger celui qui était « une source d’inspiration pour tout le Danemark »
(si l’on en croit le Brigadeführer…).
…………
Pour tout le Danemark – pas sûr. Vera von Schalburg, sœur de Christian, se trouve
bien dans un camp de prisonniers sur l’île de Man… mais elle est chargée d’y
espionner les conversations des Allemands. Elle a été retournée par l’agent U-15, dans
le civil Klop Ustinov (dont le fils, Peter, fera une belle carrière d’acteur) et elle
travaille à présent pour le MI-5.
24 juin
25 juin
26 juin
27 juin
28 juin
29 juin
Mourir pour des idées
Front de Courlande – Le SS-Obersturmbannführer von Lettow-Vorbeck, nouveau
chef du Frikorps Danmark, est tué au combat, quelques jours seulement après son
prédécesseur, von Schalburg. Le commandant de la 4e Compagnie, Knud Børge
Martinsen, qui avait déjà assuré l’intérim entre Knyssing et von Schalburg à la fin de
1942, reprend la tête du Frikorps. Les SS danois vont continuer à se battre pendant
plusieurs jours avant d’être relevés et renvoyés au Danemark. Le Frikorps doit être
« reconstitué » : il n’a pas à rougir de sa tenue au feu, mais il a subi des pertes
sévères.
30 juin

Documents pareils