Il me reste une heure…

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Il me reste une heure…
Dldler
Il me reste une heure…
Publié sur Scribay le 06/05/2016
Il me reste une heure…
À propos de l'auteur
Ancien cancre en orthographe, habitué des zéros en rédaction, je suis devenu
relecteur par le hasard d'une nécessité parallèle à mon travail. De relecture en
relecture, l'envie d'écrire à fini par dépasser ma honte de cancre.
Donc, si vous me voyez chipoter pour des virgules, c'est normal. Je suis entré par là
dans le monde de l'écriture. Pour l'instant, je m'y sens bien, je m'émerveille et
expérimente des plaisirs que je m'étais toujours refusé jusque là.
À cinquante ans, il était grand temps.
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Il me reste une heure…
Il me reste une heure…
23:01
Mais que suis-je venu faire dans cette galère ? Essayer d'écrire, sans doute. C'est
bien ce que je fais, ici, sur Scribay.
Et je dis bien essayer.
Moi, pour écrire, il faut généralement que j'ai une idée. Une base. Une chute. Ça me
rassure. Ensuite, je construis. C'est ce que je fais de mieux de construire. Ça me
rassure, aussi.
Et puis aussi, j'encule les mouches.
Voilà.
j'ai osé…
…la grossièreté.
Ne riez pas, ne prenez pas cela à la légère (on voit bien que vous n'êtes pas la
mouche). Je me suis relevé de mon lit pour vous écrire cela. Je me dédouane en vous
disant qu'elle me (re)vient de Renaud, je regardais un documentaire sur lui ce soir,
et, comme toujours, il m'a touché.
Juste.
Où il faut.
Quand il faut.
Je l'ai entendu enculer les mouches de Grand Corps Malade… Dites, c'est pas rien
quand même.
Moi, pour enculer les mouches, je corrige les virgules, l'orthographe. C'est ça que je
me suis dit en l'entendant. J'annote, en langage Scribayien. Et allez, tiens, même pas
honte, puisque j'écris spontané, je vais vous les laisser, mes fautes à moi, pour que
vous puissiez juger à votre tour, sans correcteur…
23:12
Bon, je déraille. Je m'éparpille. Plus que quarante-huit minutes… et je perds le fil. Je
n'ai pas l'habitude de parler comme j'écris, ou plutôt l'inverse.
Parce que le but de la chose, ici, c'est tout de même de répondre à un défit. Avant
minuit, ce soir. Un défit que j'ai choisis, pour une fois, parce qu'il me parlait de moi.
Un truc con, dont j'ai pas l'habitude. Comme je disais : sans structure, sans vision
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Il me reste une heure…
d'ensemble, sans plan… Et sans chute. Mal barré, je m'en suis rendu compte trop
tard. J'avais cliqué.
Du coup, ça m'a trotté dans le crâne (douze jours déjà !) cette idée que je trouvais
'cool' au départ, cette idée d'écrire sur ce que j'ai commenté sur Scribay. Une mise
en abime. Sauf que… Je n'ai pas commenté grand chose pour l'instant, je viens juste
d'arriver. J'ai surtout annoté. Corrigé les points, les virgules… vous savez, mes
mouches à moi, des pinailleries. Sinon sur Scribay, je papillonne (comme ici, non ?),
je lis, à droite à gauche. Entre un château-policier, un érotisé-expérimental, quelques
elfes, des brèves, un maillot de bain… (Ah, non. Zut. Je n'ai laissé ni commentaire ni
annotation sur le maillot, merci de ne pas noter Greffier.) Des tôles ondulées et
quelques Résistants… Bref, avant que je n'arrive à vingt commentaires, combien de
temps va-t-il se passer ? Plus d'une heure, sûr. Une heure, c'est mon délai.
Même pas, il ne me reste que quarante-cinq minutes, alors…
23:15
Non, sans rire, j'ai bien cherché, au point d'angoisser, comment relever ce défi avec
brio, mais rien. Pas de matière, pas de mots. Pas d'envie, non plus.
J'en ai parlé avec Une.
Une m'a demandé :
— Mais pourquoi tu veux écrire ?
La question n'est pas simpliste, i faut la prendre au second degré car Une écrit, elle,
et comprend très bien ce que je lui demande sans lui dire.
— Pour sortir tout ce bazar dans ma tête. Parce que j'aime les mots. Parce que je suis
trop secret. Trop timide. Trop taiseux. Trop seul. Besoin de crier, d'exister.
— Alors que veux-tu écrire ? ajoute Une, toujours attachante d'être opiniâtre (oui,
opiniâtre, car Une a beaucoup de vocabulaire).
— J'en sais rien. Mais je voudrais écrire comme Pierre Desproges. Et Raymond
Devos. Aussi.
Au premier, j'envie la liberté du ton, et la dérision. L'impertinence d'oser dire à tous
ces cons qu'ils le sont. J'imagine des commentaires façon Desproges, "commentaires
de la haine ordinaire". Pourquoi je ne le fais pas ? Parce qu'ils sont trop nombreux,
pardi ! Trop de travail. Ou alors, parce que je n'arrive pas à les trouver cons très
longtemps. Il suffit que je les croise, que je bavarde (oui, j'y arrive un peu, quand
même) et voilà que le con se dédrape de sa connerie. Enfin, disons que ce qu'il m'en
reste de visible ne me semble pas si imposant, surtout si je louche un peu sur la
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Il me reste une heure…
mienne… Alors.
À l'autre, je volerais les jeux de mots, de sens et toute la poésie qu'il dégage d'un
absurde tellement humain, si tendre également. Pourquoi je ne le fais pas ? Parce
que… attentats ? grèves ? chômage ? manifs ? accidents ? J'arrête ou vous en voulez
d'autres ? La poésie, elle à un peu mal quelque-part, comme la mouche de Renaud.
Aux deux, je volerais la maîtrise et le brio.
Voilà ce que j'ai dit, à Une, avec moins de mots, mais Une me comprend bien, Une
me pratique depuis longtemps.
Oula. C'est la mi-temps.
23:30
Et Une de me répondre, sans même réfléchir on dirait…
— T'as qu'à écrire comme toi.
— Moi ? J'ai aucun style.
— Bien sûr que si. Tous les messages sur les forums, les tutos que tu as écrits, nos
échanges épistolaires…
—Ah, mais ce n'est pas pareil…
— … ? Ouvre les yeux…
23:39
J'ai pas ouvert, pas osé, juste allumé la télé, ce soir, désabusé en me disant que tant
pis pour ce défi, après tout. Et là, la mouche est passé.
Renaud. Qui slam haut la main, haut le verbe, haut les cœurs.
Des textes, un ton, une histoire… De la poésie ? Autant que tu veux, bordel. Des jeux
de mots ? Y en a même un caleçon long… De la critique sociale et des cons ? La
maîtrise et le brio ? Ô, ils existent mais ils sont noyés dans un concert assourdissant
de lâcher-prise.
Tout est là.
Le genre de 'tout' qui m'accompagne depuis môme… Comment je pourrais l'oublier ?
Je le fredonne, souvent, en bagnole. Je le gueule quand j'ai besoin de sortir un cri, de
vider mon énergie retenue. J'en frissonne, quand un petit coup de Mistral passe, en
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douce. Du lâcher prise, un truc en plus que n'ont ni Devos, ni Desproges, sans
offense pour leur talent. C'est juste une question d'attitude, de spontanéité, de
sincérité…
23:51
Voilà.
Voilà ce que m'inspirent mes commentaires, et encore plus mes non-commentaires.
Je veux écrire comme Pierre Desproges.
Je veux écrire comme Raymond Devos.
J'aimerais écrire comme Renaud.
23:55
Et aller enculer les mouches avec lui…
Pourquoi pas. Une heure, pour passer le temps…
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