Pascal Kintz, l`homme qui coupe les cheveux en quatre

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Pascal Kintz, l`homme qui coupe les cheveux en quatre
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portrait
DE NAPOLÉON I er A VICTOR IOUCHTCHENKO
Pascal Kintz, l’homme qui coupe
les cheveux en quatre
Pharmacien toxicologue,
Pascal Kintz est l’un des
experts en médecine légale
les plus réputés du monde.
Il est à l’origine de nouvelles
techniques d’analyse,
notamment du cheveu, qui
ont contribué à sa renommée.
Il y a deux ans, il crée son
propre laboratoire, spécialisé
en expertises judiciaires et
dans la toxicologie de
l’environnement, où l’on vient
le consulter des quatre coins
de la planète.
mais aussi dans la toxicologie de
l’environnement et du milieu professionnel. « J’ai quitté les immeubles vétustes de la faculté
pour ce bâtiment clair et neuf, et
je ne regrette pas l’aventure,
même si pour le moment je gagne
moins qu’avant et travaille nettement plus », explique-t-il en présentant ses locaux et ses équipe-
ments, « parmi les plus en pointe
d’Europe ».
> DENIS DURAND DE BOUSINGEN
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PHOTO G. ENGEL
vivre de regrets et de frustrations », explique-t-il. En 2003, il
crée avec quelques collaborateurs
le Laboratoire Chem Tox, spécialisé dans les expertises judiciaires,
Une renommée internationale
C’EST PARCE QU’il s’est « toujours intéressé à la chimie et aux
végétaux » que Pascal Kintz est
devenu pharmacien, et c’est un
stage de fin d’étude qui l’a vraiment initié à la toxicologie : aujourd’hui, à 44 ans, il est l’un des
toxicologues les plus réputés de
la planète et a récemment ouvert
son propre laboratoire, où il effectue des expertises à partir de
prélèvements venus du monde entier.
Après avoir fait ses premières
armes à l’institut de médecine légale de la faculté de médecine de
Strasbourg à l’issue de ses études,
Pascal Kintz en a dirigé le laboratoire de toxicologie pendant près
d’une quinzaine d’années et a
contribué au développement et au
rayonnement de ce dernier.
Il met au point de nouvelles
techniques d’analyses toxicologiques, en particulier du cheveu,
qui ont largement contribué à sa
renommée : en 2002, il est élu
président de la Société internationale de toxicologie en médecine légale.
Toutefois, petit à petit, ce que
l’on nomme pudiquement des divergences de vue avec sa hiérarchie commencent à peser sur sa
carrière : « J’étais reconnu internationalement, mais ici, plus
rien n’avançait », dit-il.
De plus, en tant que pharmacien rattaché à une faculté de médecine, Pascal Kintz, bien qu’habilité à enseigner, se trouvait dans
une situation administrative complexe, sans réelle possibilité de
progression. « J’ai hésité un certain temps, puis j’ai franchi le
pas et je me suis mis en disponibilité de la faculté, car je ne
voulais pas, dans quinze ans,
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Pascal Kintz dans son laboratoire d’Illkirch où il reçoit des demandes d’expertises provenant du monde entier
La confiance des juges. Installé
au sein du pôle de biotechnologies d’Illkirch, au sud de Strasbourg, Chem Tox représente un
investissement de 3 millions d’euros et a obtenu différents soutiens
des collectivités locales pour
s’équiper et se développer. En
France, il existe cinq autres laboratoires privés de toxicologie,
les autres étant rattachés aux hôpitaux ou aux universités.
Mais c’est surtout la compétence du toxicologue qui assure
le succès du laboratoire, explique
Pascal Kintz, car les magistrats,
qui constituent les principaux
« clients » des toxicologues, désignent des experts et non des laboratoires : en clair, lorsque Pascal Kintz a quitté l’université, la
plupart des juges qui lui faisaient
confiance l’ont suivi, au grand
dam d’ailleurs du service public
qui a accueilli assez froidement
son départ.
A coté des analyses médico-légales traditionnelles – expertises
judiciaires en toxicologie et en
pharmacologie, alcoolémies, dopage, recherches des causes de
mort, etc. – Chem Tox dispose de
compétences particulières, comme les recherches de soumission chimique, notamment après
un viol : l’analyse des cheveux
permet de prouver qu’il y a eu, ou
non, ingestion forcée de substance psychoactive, par exemple versée dans un verre, une
pratique de plus en plus fréquente.
« Nous recevons des centaines
de demandes d’analyse, venues
du monde entier », explique le
pharmacien, dont le laboratoire
travaille aussi très régulièrement
avec les justices britannique,
suisse et néerlandaise.
La renommée de Pascal Kintz
lui a aussi valu l’honneur d’analyser les cheveux de personnalités célèbres, dont ceux du
président ukrainien Victor Iouchtchenko – victime d’un empoisonnement lors de la campagne
électorale de l’automne dernier –
ou de quelques cyclistes connus
convaincus de dopage. « Mais je
ne vous dirai rien de plus, on
entre ici dans le domaine du secret professionnel », précise-t-il.
L’empereur empoisonné. En revanche, Pascal Kintz n’a eu aucune gêne à révéler son diagnostic après avoir étudié il y a
quelques mois les cheveux d’un
des personnages les plus illustres
de l’histoire, l’empereur Napoléon
Ier : « Grâce à nos nouveaux équipements, nous avons été en mesure d’effectuer des analyses de
cheveux jusque-là irréalisables »,
ce qui a permis enfin de confirmer l’hypothèse selon laquelle il
avait été empoisonné à Sainte-Hélène.
« Il a été victime d’un empoisonnement progressif, des petites doses d’arsenic sans doute
versées dans son vin », expliquet-il.
Ses analyses ont ainsi mis fin à
de longues polémiques mais trouvent tout de même leurs limites,
avoue avec modestie le toxicologue : « Je peux vous dire avec
certitude ce qui s’est passé, mais
je ne pourrai jamais vous dire
qui est le coupable : il reste donc
une partie du mystère qui ne
sera jamais levée ».
> D. D. B.
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