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Médecins de Montagne
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Titre : « Premiers secours à une victime d’avalanche »
Auteur(s) : Dr Didier FAVRIE
Date : septembre 2003
Cadre : Article publié dans la revue de l’ANENA : « Neige et Avalanches » n° 103 de septembre 2003
Le but de cet article n’est pas d’informer les professionnels du secours organisé mais de
donner quelques idées sur les premiers secours à donner à un compagnon victime d’une
avalanche. Que faire si, lors d’une sortie en montagne qu’elle soit en ski de randonnée ou
en hors-piste, un ou des compagnons sont ensevelis sous une avalanche ?
L'asphyxie est un des facteurs sur lequel on peut agir : la rapidité de la recherche et du
dégagement est fondamentale et explique que quelques techniques sont rappelées ici.
Les chances de survie des victimes d’avalanche diminuent très rapidement en fonction du temps
d’ensevelissement sous la neige. On peut citer par exemple les travaux de Brugger et Falk : dès les
premiers instants, certaines victimes sont sans doute décédées. Après quinze minutes, il y a encore
92 % de survivants, mais ce pourcentage chute très rapidement, et il n’y en a plus que 30 % après
trente-cinq minutes. Au-delà, les chances de retrouver une personne vivante sont très faibles, mais
persistent (moins de 3 % des victimes d’avalanche ont survécu après deux heures sous la neige).
On peut agir sur la mortalité en dégageant le plus rapidement possible les victimes. Même si les
traumatismes reçus pendant l’écoulement de l’avalanche sont une importante cause de décès, le
premier risque est l’asphyxie : pour sauver votre compagnon, une véritable course contre la
montre doit être entreprise pour sa recherche.
Il est établi que l’on ne peut partir en montagne que correctement équipé d’une sonde et d’une
pelle et avec un ARVA branché dès le début de la sortie ou mieux lors de l’habillage. À noter qu’ «
un ARVA ne pèse pas plus lourd branché qu’arrêté » et que son fonctionnement doit être vérifié dès
le début de la sortie. L’ARVA est le seul matériel efficace en situation, car il permet l’autonomie
d’un groupe.
Les causes de décès des victimes d’avalanche les plus souvent constatées sont l’asphyxie, les
traumatismes et l’hypothermie.
L’hypothermie est une cause rare, elle survient secondairement et est aggravée par l’asphyxie et
les traumatismes. Les chiffres des fréquences de chacune des causes varient suivant les études,
mais l’asphyxie est prépondérante et est le seul risque sur lequel on peut agir efficacement en
raccourcissant le temps d’ensevelissement.
Sous la neige, l’oxygène est en principe présent en quantité suffisante pour respirer. Plus que le
manque d’oxygène, c’est l’excès de gaz carbonique, dû à l’air expiré par la victime qui provoque
généralement l’asphyxie. Le gilet Avalung, grâce à un système de valves à sens unique, permet
l’évacuation des gaz expirés sur le côté, loin de la zone où l’air est aspiré. C’est sans doute un
système intéressant.
Il faut organiser la recherche
Cette organisation dépendra beaucoup de la taille du groupe et du niveau de compétence de
chacun, mais quelques règles générales s’appliquent. L’idéal est qu’un des membres du groupe,
plus expérimenté, ayant une autorité naturelle, soit capable de prendre les premières décisions et
d’organiser une recherche rapide. Occupé à une tâche, chacun des membres du groupe aura moins
tendance à paniquer.
Le plus simple est de suivre le B.A BA du secourisme, c’est-à-dire
PAS :
- Protéger
- Alerter
- Secourir
- Protéger
C’est éviter le sur-risque d’une nouvelle avalanche : installer un guetteur dans une zone sûre, afin
d’éviter à ses compagnons d’être pris dans une autre avalanche. Son rôle est de les prévenir
immédiatement par des cris ou mieux par sifflet qu’un mouvement se fait pour que chacun puisse
remettre son ARVA en position d’émission et, si possible, se mettre hors de portée de la nouvelle
avalanche dans une aire de repli qui aura été définie à l’avance.
- Alerter
ce n’est pas toujours simple et cela dépend en grande partie des moyens de communication dont
on dispose :
- Avec un téléphone portable : en appelant le 112 qui peut fonctionner sans connaître le code PIN
de l’appareil et qui permet d’utiliser tous les réseaux, mais l’émission des téléphones portables est
souvent mauvaise en montagne.
- Avec une radio portable en utilisant les réseaux d’alerte : soit le canal E (161,300 Hz) sur la
Haute-Savoie, le Val d’Aoste et le Valais qui est ouvert à tous et gratuit, soit par les réseaux
d’alerte (150,00 Hz) qui fonctionnent dans tous les massifs, mais qui ne peuvent être déclenchés
qu’après avoir préalablement acquitté une redevance, ce qui fait que peu de gens sont équipés.
- En absence de ces moyens, il faut commencer la recherche immédiatement et, si le groupe est
nombreux, deux personnes doivent descendre dans la vallée.
Les renseignements qui vous seront demandés sont le numéro de la personne appelant, son
identité, la localisation précise, la situation météorologique locale (vent, plafond des nuages), le
nombre de victimes potentielles. Le bilan de chacune des victimes dégagées pourra être précisé
par la suite en utilisant par exemple une grille de SAMU :
La victime :
- Parle-t-elle ?
- Sinon, respire-t-elle ?
- Si elle ne respire pas, pratiquer deux insufflations efficaces et s’assurer de survenue de toux ou
de mouvements de la victime pendant les insufflations. Ce sont des signes de circulation.
- Existe-t-il une hémorragie ?
- Bouge-t-elle des quatre membres ?
- Y a-t-il une lésion évidente ?
- Théoriquement, selon les dernières instructions du secourisme, on ne doit plus rechercher le
pouls, mais personne ne vous en voudra !
Tout cela prend un peu de temps, peut paraître retarder les secours mais ces renseignements sont
fondamentaux afin d’engager les moyens les plus adaptés à l’accident.
- Secourir
Il s’agit d’abord de retrouver la victime, d’effectuer les gestes pour parer aux détresses vitales,
puis de donner les premiers soins.
Dégager la ou les autres victimes
Pour dégager la ou les victimes, la priorité est donnée à la recherche autonome par le reste du
groupe. Si, des équipes de secours professionnelles devaient intervenir dans cette phase de
recherche, il faut savoir que les chiens d’avalanche ne sont pas gênés par les odeurs de surface et
vous pouvez parcourir l’avalanche. En revanche, il ne faut ni manger ni uriner près de celle-ci.
Une capacité d’organisation rapide de la recherche sur le terrain est nécessaire. Pour cela il est
indispensable de maîtriser les différentes phases d’une recherche efficace (recherche d’indices
visuels, recher-che avec l’ARVA, utilisation de la sonde) et de les adapter à la situation.
La recherche sera organisée d’autant plus rapidement que vous aurez répété des entraînements
tous les hivers (il faut savoir que dans les PGHM, au moins cinq exercices sont effectués par saison,
en dehors de l’expérience apportée par les recherches faites sur les secours).
Les premiers soins
De la même façon, vos premiers soins peuvent être plus efficaces, si vous avez suivi des cours de
secourisme (AFPS), des séances de recyclage et si vous pratiquez.
1. Lutter contre l’asphyxie et donc dégager d’abord la tête (attention, il ne faut pas bouger le cou).
Libération des voies aériennes : Si la victime est inconsciente, mettre un doigt dans la bouche pour
enlever la neige (il faut souvent s’y prendre à plusieurs reprises) et ôter éventuellement un
appareil dentaire (il peut y en avoir deux et cela même chez de jeunes adultes). On peut avoir la
surprise -et le soulagement- de voir la victime inconsciente reprendre la respiration par une grande
inhalation.
Dégager ensuite le thorax qui, comprimé par une neige compacte, n’a pas une expansion
thoracique assez importante.
Si la victime est inconsciente et ne respire pas, entreprendre les manœuvres de bouche à bouche.
Il nécessite pour être efficace une extension du rachis cervical et, si on a appris à l’utiliser, la pose
d’une canule de Guedel. Il faut toujours prendre garde à mobiliser le rachis dans l’axe du tronc.
En cas d’absence de signes circulatoires (absence de signes ventilatoires ou de toux après deux
insufflations efficaces, absence de pouls), pratiquer un massage cardiaque.
Le dégagement complet de la victime n’est pas forcément nécessaire et ne doit pas retarder ces
premiers soins.
2. Les premiers soins de traumatologie sont limités
Il faut d’abord ne pas nuire : une victime inconsciente est suspecte a priori d’une fracture du rachis
en particulier cervical. Si les premiers soins de lutte contre l’asphyxie sont efficaces, la victime
vous saura gré de ne pas être tétra ou paraplégique. De la même façon, mobiliser un membre brisé
est très douloureux et ne sert à rien si des secours organisés sont présents rapidement. Cependant
si ce n’est pas le cas et si on sait le faire, réaligner un membre par une traction continue, douce
mais ferme est utile.
Arrêter une hémorragie est en revanche fondamental, mais celle-ci survient rarement dans une
avalanche. Le mieux est d’agir par compression directe sur la plaie par exemple à l’aide d’une
compresse ou d’un mouchoir propre, par une surélévation d’un membre et sinon par un poing de
compression à la racine d’un membre. L’usage d’un garrot doit rester exceptionnel.
3. Protéger de l’hypothermie
La victime est mieux isolée dans la neige que si on l’en extrait et qu’elle est laissée en plein vent.
Si elle est consciente, on peut l’isoler de la neige grâce à une couverture de survie placée sous le
corps qui, si elle ne protège ainsi pas du froid, protège de l’humidité, et grâce à des vêtements ou
un ou des sacs à dos. Si la victime n’est pas consciente, il faut absolument éviter de la mobiliser à
cause du risque de déplacement secondaire d’une fracture du rachis.
Si la victime est consciente et seulement dans ce cas, on peut lui faire boire une boisson tiède. On
peut mettre une bouillotte (gourde tiède) sur le ventre et sur le thorax mais pas sur les membres.
En effet, les extrémités doivent être froides afin de permettre la sauvegarde du noyau central
(cerveau, cœur, poumon, reins) et il existe un risque de désamorçage de la pompe cardiaque lors
du réchauffement ou de la mobilisation.
4. L’Evacuation
La méthode de choix est bien sûr l’hélicoptère et son personnel averti.
Une évacuation par ses propres moyens ne doit être envisagée que si des secours organisés ne
peuvent pas arriver rapidement sur place (éloignement, absence de moyens de transmission,
météo). Mais, une victime inconsciente ne doit pas être mobilisée ; une victime sérieusement
atteinte ou qui a été en état d’asphyxie ne doit pas être mobilisée. Un blessé fracturé ne peut être
transporté que correctement immobilisé, ce qui pose des problèmes matériels certains. Enfin, la
mobilisation d’un blessé instable ou d’un patient en état d’hypothermie peut entraîner un arrêt
cardiaque.
Un blessé doit être évacué à plat ou tête en bas.
L’usage d’un traîneau de fortune doit sans doute être réservé à un exercice lors d’un jour de
mauvais temps lorsque le moral est morose ; une traversée en dévers avec une victime factice et
quatre autres amis est en effet un exercice qui rend heureux pour la journée et l’on en parlera
longtemps autour d’un vin chaud.
Ainsi, sauf conditions exceptionnelles, il vaut mieux laisser la victime dans son trou et agrandir
l’abri pour les autres compagnons en attendant les secours.
Une sortie en montagne débute bien avant le début de la course : le niveau des participants et
leurs conditions du moment, l’expérience, l’étude des prévisions météorologiques et nivologiques
sont déterminants dans le choix et permettent de réduire le risque d’une course même a priori
anodine. Si malgré tout survenait une avalanche, la trilogie ARVA-pelle-sonde et les exercices
répétés par chacun devraient permettre de travailler plus sereinement et de retrouver plus
rapidement des victimes indemnes.
N
>> Mini pharmacie pour une course d’une journée
- Un paquet de cinq compresses.
- Une bande crêpe de 7 ou 10 cm de large.
- Une canule de Guedel pèse 30 g et coûte 2,30 e TTC. En vente dans les magasins d’orthopédie ou
de matériel médical.
- Un antalgique simple, par exemple Paracétamol 1 gramme, quelques gélules.
- Un pansement pour ampoule (par exemple, Spenco ou Compeed).
- Éventuellement un anti-inflammatoire ou de la Cortisone et un anti-diarrhéique.
Chacun devrait avoir une couverture de survie.
Remerciements
Je remercie chaleureusement les PGHM de Chamonix et de Jausiers, le Professeur Girardet et mes
amis randonneurs et alpinistes de m’avoir fait partager leurs expériences et donné de précieux
conseils.

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