Le Partenariat Public-Privé en France

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Le Partenariat Public-Privé en France
Presupuesto y Gasto Público 45/2006: 59-64
Secretaría General de Presupuestos y Gastos
© 2006, Instituto de Estudios Fiscales
Le Partenariat Public-Privé en France
FRANCOIS BERGÈRE
Secrétaire Général
Missión d’appui á la réalisation des contrats de Partenariat public-privé
Recibido: Diciembre 2006
Aceptado: Enero 2007
Résumé
En adoptant le 17 juin 2004 une ordonnance relative au contrat de partenariat public-privé, la France s’est dotée d’un
nouvel outil qui s’inscrit à la fois dans la longue tradition française de l’association d’opérateurs privés à la réalisa­
tion de missions de service public, et dans le récent mouvement d’innovation marqué par le développement des par­
tenariats public-privé (PPP) en Grande Bretagne (programme PFI) et dans de nombreux autres pays européens. Le
nouveau dispositif peut être mis en œuvre aussi bien par l’Etat et ses établissements publics que par les collectivités
locales.
Key words: Public Private partnerships, concessions, contrats de partenariat, public procurement, public invest­
ment, preliminary assessment, competitive dialogue.
Classification JEL: H3, H4 & H5.
1.
1.1.
Le cadre juridique français
Une longue histoire:
En France, le recours au PPP ne date pas d’aujourd’hui. Il s’agit en fait d’une très lon­
gue tradition qui remonte au XVI ième siècle, appliquée notamment aux infrastructures de
transport avec comme modèle de base la concession de service public. On peut citer à cet
égard la construction du canal de Provence (XVIºs), du canal du Midi (XVIIºs), des chemins
de fer, réseaux de distribution d’eau, de téléphone et d’électricité au XIXºs, à tous égards
l’age d’or des concessions en France. Au XXºs, malgré la tendance historique à l’extension
et au renforcement du secteur public, au travers notamment des nationalisations intervenues
après 1945, le développement du réseau national d’autoroutes, la collecte et le traitement des
déchets ou les réseaux de chaleur se sont fait sur ce mode...
Aujourd’hui, plus de 20 000 délégations de service public (concessions ou affermages)
sont en vigueur en France au niveau national et local, desservant une grande partie de la po­
pulation dans les secteurs évoqués.
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1.2.
Francois Bergère
Le cadre juridique français:
Fondé sur le droit administratif, ce cadre s’est progressivement mis en place et s’appuie
sur une jurisprudence abondante. Il a été récemment modernisé en conformité avec la légis­
lation européenne et couvre aujourd’hui l’ensemble des formules contractuelles et institu­
tionnelles définies dans le livre vert de la Commission Européenne du 30 avril 2004.
— Les PPP contractuels de type concessif sont désormais regroupés sous le vocable
«Délégation de service public» ou DSP et encadrés juridiquement par la loi du 3 jan­
vier 1991, la loi du 29 janvier 1993 et la loi du 11 décembre 2001. Ce système tradi­
tionnel des délégations de service public a fait ses preuves pour les services qui peu­
vent se financer au moyen de péages ou redevances perçues sur l’usager. Mais, pour
les autres services, non finançables par les utilisateurs finaux, le secteur public fran­
çais ne disposait pas jusqu’ici d’outils appropriés à un partenariat global et de lon­
gue durée avec des opérateurs privés.
— Les PPP contractuels à paiement public sont désormais couverts par l’ordonnance
du 17 juin 2004, qui introduit un nouveau type de contrat administratif: le contrat de
partenariat (CP). Ce contrat à vocation générale a été précédé de 2 années de concer­
tation et de consultations approfondies avec l’ensemble des acteurs administratifs et
professionnels en 2002 et 2003 et par des initiatives sectorielles dans le domaine de
la justice, de la sécurité intérieure, de la défense et de la santé déjà testés sur le te­
rrain. Cette catégorie de PPP, qui s’intercale entre les marchés publics et les DSP,
reste pour le moment dérogatoire.
1.3.
Le contrat de partenariat:
Les caractéristiques principales du Contrat de partenariat sont les suivantes:
— Contrat global et de longue durée, relatif au financement et à la réalisation
d’ouvrages ou équipements nécessaires au service public, ainsi qu’à l’entretien, la
maintenance et l’exploitation de ceux-ci; le cas échéant, des prestations de service
complémentaires peuvent être incluses dans le contrat.
— Contrat dérogatoire aux règles françaises de la commande publique —du fait du re­
cours au paiement différé, générateur de charges financières et du transfert de la
maîtrise d’ouvrage au privé— et de ce fait réservé à des projets justifiant d’une ur­
gence ou d’une complexité particulière;
— Procédure spécifique comportant une phase d’évaluation préalable, permettant de
vérifier l’éligibilité juridique du projet et de procéder à une analyse comparative ap­
profondie, en termes de coût global, de performance et de partage des risques justi­
fiant le choix du contrat de partenariat face à d’autres modalités de commande pu­
blique («Value for money test»);
— Recours, lorsque la complexité du projet est avérée, à une procédure de dialogue com­
pétitif en application de la directive 2004/18/CE pour le choix du partenaire privé.
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Le Partenariat Publi-Privé a la France
— Possibilité, pour l’Etat comme pour les collectivités, de conserver une procédure
classique pour tout ou partie de la conception des ouvrages (choix de l’architecte).
Tableau 1
Les trois grands modes de la commande publique en France
Marchés publics
Contrats de partenariat
Objet mono-fonctionnel
Objet multifonctionnel
Courte durée
Longue durée
Pas de préfinancement
Financement
Marchés successifs
Conception-construction
Service rendu à la personne publique Maintenance et gestion
Paiement public
Service rendu à la personne
publique
Paiement public principal
(mais possibilité revenus tiers)
Risques transférés au privé:
Risque de construction
risque de construction
Risque de performance
Délégations de service public
Objet multifonctionnel
Longue durée
Financement
Conception-construction
Maintenance & gestion +
exploitation du service
Relation directe à l'usager
Paiement par l'usager
Risque de construction
Risque de performance
Risque de demande
Déconsolidant pour la
personne publique
Source: MAPPP.
1.4.
Les avantages attendus du recours au contrat de partenariat:
Avant d’être un instrument de financement, ou même un outil d’acquisition, le Contrat
de Partenariat est d’abord un nouvel outil de gestion de la commande publique qui doit per­
mettre de répondre à des problématiques d’optimisation du service final rendu à la personne
publique.
Le partenaire public en attend de nombreux avantages:
— améliorer l’offre de services:
• Le préfinancement privé permet le lancement plus rapide de projet (accélérateur
d’investissement public),
• La puissance publique peut se concentrer désormais sur la définition du service à
fournir plus qu’aux spécifications techniques de l’ouvrage censé fournir ce service,
• le secteur public conserve l’expertise sur ses services externalisés,
• le dialogue compétitif permet de tirer le maximum d’innovation et de créativité
du secteur privé.
— au meilleur coût pour le citoyen:
• coût global du projet inférieur sur la durée de vie de celui-ci grâce à une meilleure
intégration des phases du projet: conception, construction, exploitation, mainte­
nance;
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• inclusion de prestations de services payants destinés à des clients tiers (revenus
annexes) permettant d’améliorer l’équilibre financier du projet et réduire le ni­
veau de la redevance à la charge du secteur public;
• délais de réalisation plus courts augmentant l’utilité socio-économique du projet;
• meilleure qualité de service grâce à la rémunération à la performance.
• Transfert de risques vers le partenaire privé,
le tout permettant de compenser, et au-delà, le coût accru du financement et la rémunération
du partenaire privé. Le CP introduit de nouveaux concepts dans la sphère administrative tels
que l’obligation de rendre compte et l’évaluation systématique aux différentes étapes de la
vie du projet, en cohérence avec la réforme budgétaire entrée en vigueur en 2006
Il reste que ces contrats sont complexes à monter et à négocier pour atteindre
l’optimum recherché pour la personne publique. Les coûts de montage sont de ce fait élevés
par rapport à un contrat classique et supposent une taille minimum du projet, même si
l’ordonnance de 2004 ne fixe pas de seuil d’application. Par ailleurs, le CP ne doit pas être
vu, même si la tentation est parfois forte chez certains décideurs publics, comme un moyen
de débudgétiser l’investissement ou de déconsolider la dette publique.
2.
Le bilan dressé par MAPPP à l’issue de sa première année d’activité:
2.1. La Mission d’appui à la réalisation des contrats de partenariat
(MAPPP):
La MAPPP est un organisme expert placé auprès du ministre de l’économie et des fi­
nances chargé tout à la fois:
— d’assister les porteurs publics de projets, par une action d’information et d’appui au
plan méthodologique
— de valider les rapports d’évaluation préalable, de développer les outils d’accompag­
nement et de participer au parachèvement du cadre réglementaire.
Il a en effet été jugé indispensable d’accompagner les personnes publiques dans la mise
en œuvre de ce nouvel instrument par une structure spécialisée («PPP task force»), composée
d’une demi-douzaine d’experts de la commande publique, du montage et du financement de
projet. Son intervention, obligatoire pour les projets émanant de l’Etat ou de l’un de ses éta­
blissements publics, reste facultative pour les collectivités locales. Elle est dans tous les cas
gratuite et vient compléter, plutôt que se substituer à, l’offre de conseils des cabinets juridi­
ques, experts financiers ou économiques disponible sur le marché.
Le Partenariat Publi-Privé a la France
2.2.
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Premier bilan quantitatif et sectoriel:
Au terme d’une année d’activité de la Mission d’Appui aux PPP et à l’issue d’une pé­
riode d’observation et d’attente, les projets se multiplient. A ce jour, plus de 60 projets de CP
ont été identifiés pour un montant supérieur à 10 milliards d’euros. Les plus grosses opéra­
tions portent sur des projets d’infrastructure de transport (4 projets autoroutiers, 1 projet de
Ligne ferroviaire à Grande Vitesse, 1 projet de tramway, 2 projets pour les voies navigables)
qui viendront compléter le portefeuille déjà très garni des concessions. Les autres projets
concernent des domaines aussi variés que la recherche, l’enseignement supérieur, la culture,
la défense, les équipements sportifs et de loisir, les hôpitaux... On trouve aussi des projets
«NTIC» (Nouvelles technologies de l’information et de la communication) comme la carte
d’identité électronique, ou encore la couverture Internet haut débit des zones d’ombre en mi­
lieu rural. Ces projets seront pour la plupart lancés en 2006-07.
— en ce qui concerne l’Etat, 10 ministères ont lancé des projets, dont 34 ont été retenus
à l’issue d’un examen par le CIACT du 14 octobre 2005, pour un montant
d’investissement cumulé de l’ordre de 6,2 Md€, projets qui portent aussi bien sur de
grandes infrastructures ferroviaires et routières que sur des projets immobiliers
d’une grande diversité (trésorerie générale, université...). L’instruction d’une ving­
taine de projets a effectivement été lancée. Une douzaine d’ avis favorables ont déjà
été rendus par la Mission.
— Du côté des collectivités locales, toutes les catégories sont concernées: communes,
syndicats intercommunaux, départements, régions, ... Sur la trentaine de projets re­
censés, 15 sont à l’instruction, 5 projets sont en phase d’attribution, 2 projets ont fait
l’objet d’un contrat signé, dont l’un a déjà été livré. Les secteurs concernés sont très
divers: Grandes infrastructures sportives (stades),écoles, bâtiments publics divers,
réseaux haut-débit et e-administration, traitement des déchets et assainissement,
éclairage public, infrastructures de transport en commun...
2.3.
les perspectives:
S’il est encore trop tôt pour tirer un bilan opérationnel de la création du Contrat de par­
tenariat —les premières opérations débouchent tout juste sur le stade de l’attribution et de la
signature— la tendance générale est encourageante. Suite au rejet des recours intentés devant
le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel en 2003-2004, les oppositions à caractère idéo­
logique s’atténuent, même si toutes les réticences ou pesanteurs culturelles sont loin d’avoir
disparu. Le constat économique sur lequel s’appuie la réforme est aujourd’hui largement par­
tagé. Les premières évaluations préalables et dialogues compétitifs menés, même s’ils ont
parfois été marqués par une certaine lourdeur, ont eu un effet pédagogique positif pour les
personnes publiques concernées. Quant aux partenaires côté privé, qu’ils soient acteurs du
Batiment-Travaux publics, opérateurs de services d’exploitation ou financiers, ils sont
d’autant plus convaincus de l’intérêt de la formule qu’ils ont eu, pour les plus internationali­
sés d’entre eux, l’occasion de la pratiquer sous des modalités proches sur les marchés étran­
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Francois Bergère
gers, et qu’ils en perçoivent les retombées en termes d’accélération ou facilitation de
l’investissement public. La création de près d’une dizaine de fonds d’investissement en capi­
tal spécialisés sur ce marché des PPP a déjà été annoncée.
Enfin, d’abord conçu pour les besoins de l’Etat central, le CP suscite un intérêt crois­
sant de la part des collectivités territoriales soumises aux mêmes contraintes globales que
l’Etat, mais aux compétences techniques et aux ressources financières plus limitées. Cette
évolution paraît doublement prometteuse, dans la mesure où plus des deux tiers de
l’investissement public en France sont aujourd’hui portés par les collectivités territoriales et
où elle permet d’acclimater la réforme au-delà de la sensibilité politique du gouvernement
actuel de centre-droit initiateur de l’ordonnance de 2004.
Abstract
France can boast of a long tradition of public-private management of public infrastructure and has now complemen­
ted its Public Procurement toolbox with the adoption of a new Public Private partnerships law in June 2004, creating
the «Contrat de partenariat».With the benefit of a detailed and secure legal framework, the Contrat de partenariat is
geared towards answering both local and central public sector needs. It serves as a complement to existing tools like
concessions, without replacing them. However, its use is still subject to key tests, both legal (complexity and ur­
gency) and economic (value for money), that must be demonstrated through a preliminary assessment. The PPP task
force (MAPPP) with the Ministry of Finance, is in charge of reviewing and checking projects earmarked for PPPs in
this respect.The very first projects launched point to a great diversity of underlying sectors and sizes and confirm the
appetite and interest from the public as well as private side for this new development.

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