Exposé Enron 2010 - Le blog de Mao CHAN

Transcription

Exposé Enron 2010 - Le blog de Mao CHAN
ABSALON Aurélia
TOTH Esther
L’AFFAIRE
ENRON
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SOMMAIRE
Introduction...……………………………………………………………………………..3
Scandale Enron : la plus grande fraude financière de l’Histoire des Etats-Unis………….3
A. Présentation du groupe…………………………………………………………….3
B. Facteurs externes…………………………………………………………………..4
C. Facteurs internes…………………………………………………………………...5
Enron à l’origine d’une prise de conscience……………………………………………….8
A. …De la règlementation financière…………………………………………………8
B. …Aux mesures politiques et sociales……………………………………………...9
Conclusion………………………………………………………………………………..10
Sources……………………………………………………………………………………11
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Introduction
Le 2 décembre 2001 marque la faillite d’une des plus grandes multinationales de courtage en
énergie, à savoir le groupe texan Enron. En effet, c’est en raison de nombreuses pertes dues à
ses opérations spéculatives sur le marché de l’électricité que le groupe a masqué pendant de
nombreuses années via des manipulations comptables, qu’Enron a finalement fait faillite.
L’entreprise a vu le cours de son action chuté de 90 dollars à 1 dollars en quelques mois. Dès
l’annonce de sa faillite, 5000 salariés ont immédiatement été licenciés et des milliers
d’épargnants qui avaient confié leurs fonds de pensions à Enron ont perdu la majeure partie de
leur capital-retraite qui était constituée de parts dans l’entreprise.
La chute d’Enron a aussi mis en lumière l’implication de divers acteurs liés tant à la sphère
financière que politique tel que le cabinet chargé de son audit, Andersen ainsi que
l’administration Bush qui était alors en place.
Ce scandale sans précédent à été le point de départ d’une prise de conscience qui mènera à un
ensemble de tentatives de réformes visant à mieux réglementer le marché financier et boursier
ainsi que les secteurs qui y sont liés.
Afin d’analyser les différentes aspects de l’affaire Enron, nous verrons dans une première
partie les différents aspects du scandale avant d’expliquer dans une seconde partie les
répercutions et prises de conscience qui s’en suivirent.
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I/ Scandale Enron : la plus grande fraude financière de l’Histoire des Etats-Unis
A/ Présentation du groupe
Enron est né de la fusion en 1985 entre deux compagnies texanes exploitantes de
gazoduc, d’une part Houston Natural Gas et d’autre part Internorth. .C’est Kenneth Lay qui
dirigerait le groupe Enron de 1986 à 2002 date à laquelle il démissionnera de ses fonctions.
A ses débuts, l’activité de l’entreprise était axée sur l’exploitation de gaz naturel. Par
la suite l’entreprise développa une activité de courtage en matière énergétique par laquelle elle
achetait et revendait de l’électricité surtout au réseau de distributeur de courant en Californie.
En effet, en juin 1994 l’entreprise développa des produits dérivés tels que les « futures,
forward et options », c'est-à-dire des produits pour se protéger contre des effets négatifs
pouvant survenir lors d’opérations financière. Ceux-ci permettaient donc de prévenir
l’ensemble des risques liés aux matières premières ou aux productions intensives en énergie.
Les activités de la firme se regroupaient en trois axes majeurs à savoir la négociation, la
commercialisation de services financiers et la prise de participation dans des infrastructures de
télécommunication.
On peut donc comprendre que le succès d’Enron reposait essentiellement sur sa spécificité
vis-à-vis des autres traders en énergie. En effet, le groupe bénéficiait d’une double présence
sur les marchés. La première correspondait à son rôle de producteur d’énergie et d’activité de
transport et la seconde à son rôle de créateur de marché c'est-à-dire par le développement de
produits financiers dérivés. Ainsi, la firme était plus à même de garantir son développement
par sa connaissance des marchés énergétiques américains. Elle pouvait concilier à la fois un
portefeuille allégé en termes d’actifs physiques et une large couverture des marchés
énergétiques. Par ce système, Enron avait la possibilité de profiter d’une stratégie
« d’intégration virtuelle » en présentant aux investisseurs la bonne situation de l’entreprise,
favorisant ainsi leur confiance.
Parallèlement, Enron lança la première plate forme de vente en ligne du marché
énergétique intitulée EnronOnline. Elle permettait au client d’avoir accès 24/24H aux produits
et services offerts par Enron. Ils pouvaient aussi exécuter des transactions instantanées en
ligne. Ce service était destiné aux industriels, il assurait à la fois le courtage par la recherche
de fournisseur et la couverture du risque par sa garantie des prix quelque soit l’évolution des
cours à l’avenir, par le biais de produits dérivés.
En mars 2000 Enron apparaissait comme le sixième groupe énergétique mondiale et la
septième société américaine en terme de capitalisation boursière.
Cependant, le métier qu’Enron a inventé, c'est-à-dire transformer le gaz et l’électricité
en simple marchandises échangées sur le marché, était très risqué et pas forcément rentable.
Si bien que les investissements à travers le monde s’avérèrent la plupart du temps désastreux.
Les dettes s’accumulaient au fil des années et le groupe manquait en permanence de liquidité.
Pour masquer l’échec de son modèle, Enron se lança dans une véritable fuite en avant, en
dissimulant ses dettes et ses pertes par de nouvelles acquisitions et de multiples partenariats.
En effet son unique but était de soutenir ses cours dans la Bourse. Tout était entrepris pour les
faire monter et pour ainsi pouvoir continuer à emprunter et à rémunérer ses dirigeants. Le
groupe trafiquait ses comptes avec la complicité du cabinet d’audit Andersen.
C’est la conjugaison de tous ces éléments qui mènera à la faillite du groupe texan en
décembre 2001.
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De plus, l’affaire Enron illustre la dérive des règles, des pratiques et des institutions qui
assurent la crédibilité et le fonctionnement de Wall Street conjugués à un manque de
transparence et d’indépendance des institutions financières.
B/Facteurs externes
Pour comprendre la dynamique du groupe Enron, il est nécessaire d’expliquer le rôle
de la crise énergétique californienne, élément déclencheur qui a permis la découverte des
difficultés de la firme.
Au début des années 1990, le gouvernement californien, met en place un programme de
réforme du marché de l’électricité pour tenter de faire face aux prix excessifs de celui ci. En
effet, la moyenne des prix de l’électricité en Californie dépassait d’environ 50% la moyenne
des prix pour les Etats-Unis. La solution développée par le gouvernement californien
consistait dans la restructuration du secteur et dans son ouverture à la concurrence à la vente
en gros et au détail.
Au début de la réforme en 1996, trois compagnies privées se partageaient le monopole de ¾
des ventes en détail. On les appelait les « Investor Owned Utilities » (IOU), intégrées
verticalement c’est à dire qu’elles se chargeaient à la fois de produire, de transmettre et de
distribuer l’électricité. Seuls 25% de consommateurs étaient desservis par des compagnies
municipales intégrées à divers degrés.
La réforme incluait plusieurs éléments dont la participation obligatoire des IOU en tant
qu’acheteurs et vendeurs à des marchés spot centralisés pour les ventes en gros, la veille pour
le lendemain et le jour même. Les marchés spot sont fondés sur les appels d’offres pour la
vente en gros d’électricité. Les vendeurs étaient libres de proposer leurs prix. La concurrence
était établie sur les ventes en détail et les consommateurs pouvaient à partir de ce moment
changer librement de fournisseur. Les IOU devaient s’approvisionner obligatoirement sur le
marché spot au jour le jour et abandonnaient ainsi leur activité de production. Il leur était
interdit de recourir à des contrats bilatéraux afin de garantir leur approvisionnement pour une
quantité et un prix fixé. De surcroît, la réforme engendra des congestions importantes à la
fois dans le transport et dans la production.
Quatre facteurs expliquent l’origine de la crise :
-Les congestions à la fois au niveau de la production et du transport
-L’absence de toute élasticité de la demande du fait du caractère administré des prix de détail
-L’exercice de pouvoirs de marché
-Des erreurs dans la conception de la règlementation
Cette réforme se solda par une crise du marché de l’électricité en 2000. Le prix du marché de
la veille pour le lendemain bondit de plus de 500% entre 1999 et 2000. Les IOU n’avaient pas
l’autorisation de répercuter la hausse sur leurs usagers du fait de la fixation des prix au détail
et ont accumulés des dettes non provisionnées de plusieurs milliards de dollars. Le résultat fut
la faillite de deux des trois utilities et par la montée en puissance des accusations de
manipulation des cours formulées à l’encontre des opérateurs du marché dont principalement
les traders tels que ceux d’Enron. Les problèmes de gestion de la règlementation donnèrent
des possibilités d’action à la spéculation. La congestion engendrée a avantagé les traders dans
la mesure où ils avaient la possibilité d’user de leur pouvoir de spéculation en anticipant la
congestion par une sous estimation des capacités de l’offre d’électricité. En effet il s’est avéré
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que les cours de l’électricité s’établissaient à 16% au dessus des coûts marginaux estimés. A
partir de là sont nées des suspicions à l’encontre des traders tel que Enron.
La stratégie du groupe Enron au cœur de la crise californienne fait débat. Plusieurs
accusations sont portées à son encontre notamment son rôle dans la manipulation des prix de
l’énergie par les spéculations qui ont renforcé le déséquilibre du marché californien de
l’électricité. Suite à des enquêtes réalisées par les autorités californiennes, il s’est avéré que le
groupe Enron :
-effectuait des exportations d’électricité en dehors de l’Etat alors même qu’une pénurie
d’électricité touchait l’Etat californien et faisait ainsi grimper les prix
-créait des situations de pénuries afin d’obtenir une augmentation des prix sur le marché
-conduisait des stratégies de congestion délibérées, consistant à transmettre de l’énergie sur
une ligne hors service ou déjà congestionnée pour réduire l’offre d’électricité et augmenter les
prix sur le marché
Enron ne fut pas directement victime de la crise californienne. C’est à cause de celle-ci que la
firme s’est retrouvée sur le banc des accusés et que les pouvoirs publics ainsi que les
organismes de régulation ont commencé à s’intéresser de plus près à ses agissements.
C/ Facteurs internes
La défaillance d’Enron résultait tout d’abord de l’abandon progressif de son activité de
transport et de production en faveur de ses activités de courtage. De ce fait, le groupe a perdu
son avantage comparatif vis-à-vis des autres traders, augmentant son exposition aux risques
liés au marché. La rentabilité du groupe s’en trouvait directement affectée.
De plus la stratégie « d’intégration virtuelle » mise en place n’a pas pu être efficace car elle
n’avait pas les éléments nécessaires à son fonctionnement. Premièrement, le groupe
s’engageait sur des produits dérivés éloignés de ses métiers historiques sans avoir une
connaissance suffisante du marché. Ensuite, une défiance des investisseurs était née suite à la
mise en évidence de sa comptabilité douteuse lors de la crise énergétique californienne. Enfin,
la vente massive des actions de la part des investisseurs lorsqu’Enron fut obligé de réintégrer
ces actifs risqués lors des révélations de ses malversations précipita la faillite.
Il reste que l’un des principaux facteurs de la faillite d’Enron fut une mauvaise gestion
des risques amplifié par des recours massifs a des Special Purpose Entities (SPE) c'est-à-dire à
des filiales dont le but est de protéger la maison mère des risques de paiement tout en
maintenant ses actifs. Par le biais de ses SPE, Enron cherchait à masquer ses mauvais résultats
tout en revalorisant certains éléments du bilan. Ainsi, par grâce à cette manipulation, la firme
négligeait les pertes, valorisait les actifs et isolait certains risques.
En effet, c’est dès 1997, que le groupe Enron entreprit ces fraudes. Sa stratégie reposait sur le
placement de certains actifs risqués hors de ses comptes sociaux. Il vendait ses intérêts pour
les placer dans une filiale baptisée JEDI (Joint Energy Development Investment), à Chewco
Investment, un partenariat financé, de façon détournée avec ses propres actions. En cédant à
Chewco sa participation dans JEDI, Enron retire de son bilan les 700 millions de dettes de son
ex-filiale. Dans le même temps, Enron bénéficiait d’une garantie concernant les retours sur
investissement grâce aux remboursements progressifs des actifs préalablement placés dans sa
filiale. De plus, ces transferts d’actifs entre Enron et sa SPE lui permirent d’enregistrer dans
les comptes des plue values latentes c'est-à-dire des éventuels gains en capital non encore
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réalisées. Ceci dérogeait au principe de prudence comptable qui interdit l’enregistrement de
ces plue values latentes. Cette création de fausse valeur de marché exposait Enron à des
risques croissants en cas de retournement des marchés. Or cela se produisit à la suite de la
crise californienne lorsque l’entreprise faisait face à des accusations d’abus de pouvoirs de
marchés. Cette pratique va se généralisée, si bien qu’en quelque années, le groupe construit un
réseau de près de 4000 filiales et de joint-venture, le but étant de dissimuler les pertes,
pouvoir emprunter de l’argent et échapper à l’impôt sur les sociétés. Ainsi, pour ne pas payer
ses impôts, le groupe texan créa 881 filiales dans des paradis fiscaux, notamment aux îles
Caïmans.
Son chiffre d’affaire de 101 milliard de dollars en 2000, plaçait le groupe Enron en tête des
classements américains en compagnie de Citicorp et IBM. Cependant, si la firme n’avait pas
pris en compte la valeur totale des contrats échangés et seulement les commissions, comme
doivent le faire les maisons de courtage, son chiffre d’affaire serait tombé à 6,3 milliards de
dollars, le 278ème du pays. De plus cette falsification des comptes s’effectua avec la
complicité du cabinet d’audit Andersen qui certifiait ces comptes depuis la création du groupe
Enron en 1983. Ce dernier passait des contrats lucratifs de consultant avec Enron et reçu 25
millions de dollars pour avoir contrôler ses comptes et 27 millions pour l’avoir conseillé. En
effet jusqu’au printemps qui précéda la faillite d’Enron, on pouvait lire sur son rapport annuel
qu’Andersen attestait encore de la qualité de sa comptabilité interne et était capable « de
fournir des documents fiables ». Andersen ajoute même que les rapports rendus par le groupe
« présentent honnêtement, dans tout leur aspect matériels, la situation financière. »
Or, ces difficultés de trésoreries sont visibles. En effet le 16 octobre 2001, elles se traduisent
par une perte de 618 millions de dollars et une réduction d’un peu plus d’un milliard de son
capital tandis que le directeur financier Andrew Fastow s’attribue 35 milliards de dollars de
commissions. Malgré l’appel au secours de M. Lay auprès de la Maison Blanche, la situation
du groupe est déjà trop critique pour être sauvée. Le groupe demande un prêt de 6 milliards de
dollars auprès du groupe Dynegy mais Enron ne pût apporter aucune garantie comptable. Si
bien que Dynegy se rendît compte de l’imposture et de la falsification des comptes d’Enron.
Le 31 octobre la Securities and Exchange Commission (SEC) communément appelée le
gendarme de la bourse américaine, ouvre une enquête.
Le 8 novembre 2001 le groupe reconnaît avoir surévalué de 600 millions de dollars ses
bénéfices depuis 1997. Le 28 novembre Dynegy renonce au plan de sauvetage et la faillite
d’Enron aura lieu 4 jours plus tard.
Il faudra cinq semaines pour mettre au grand jour les pratiques comptables malhonnêtes
d’Enron et l’enrichissement de ses dirigeants au détriment de ses employés et actionnaires. Le
9 janvier 2001, le département de la justice ouvrit une enquête sur la plus grande faillite de
l’histoire américaine. De plus le 10 janvier, Andersen reconnût avoir détruit des documents
comptables liés à cette affaire en octobre 2001 après l’ouverture de l’enquête de la SEC.
Au-delà, cette faillite souligne les lacunes de la régulation dans au moins cinq domaines :
-la définition des normes comptables
-l’audit et la certification des comptes
-l’utilisation des produits dérivés et les transferts de risques du secteur bancaire vers les autres
secteurs bancaires et particulièrement l’assurance
-l’encadrement prudentielle de l’épargne retraite car de nombreux salariés d’Enron plaçaient
leur épargne retraite en action de leur entreprise et donc ont été ruiné
-le financement des partis politiques car Enron constituait l’un des principaux lobbies dans la
campagne présidentielle des républicains en 2000 et 2001.
L’affaire Enron résulte de malversation de la part de différents protagonistes :
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Les dirigeants et actionnaires
Ils portent la responsabilité principale du scandale pour avoir d’une part menti et détourné des
fonds à des fins personnelles, participé à un délit d’initié en ayant vendu leur actions Enron au
moment même où ils garantissaient aux actionnaires et salariés que tout allait bien.
Les auditeurs
Dans l’affaire Enron, c’est la règle d’indépendance qui a été violée. Plusieurs éléments le
démontrent :
-les auditeurs d’Andersen travaillaient en permanence dans les bureaux d’Enron à Houston et
partageaient tous les évènements sociaux de la société. De plus, un nombre important
d’employés d’Enron étaient des employés d’Andersen.
-En 1993, Andersen a repris l’audit interne d’Enron en plus de l’audit financier. Cette
situation représentait un conflit d’intérêt. Par ailleurs, Andersen a violé les règles du Code Of
Professional Conduct en embauchant l’ancien président du département d’audit interne
d’Enron remettant en cause l’indépendance du cabinet.
-Parallèlement, se pose la question des services de conseils fournis conjointement aux services
d’audit, si bien que la moitié des honoraires payés par Enron à Andersen concernait des
services autre que l’audit. Le problème posé ici est qu’il y a une tendance d’assouplissement
de l’audit au profit des services de conseil. De plus le fait qu’Andersen soit payé par des
commissions en contrepartie de ses services renforce la volonté du cabinet de satisfaire le
client afin de le garder.
Les pouvoirs publics
Le scandale Enron a permis de mettre en lumière les relations étroites entre la sphère politique
et les grandes entreprises américaines. En effet, il s’est avéré que les cabinets d’audit et leurs
clients exerçaient un lobbying très important sur les décideurs politique, notamment par
l’intermédiaire du financement des campagnes électorales des partis politiques afin de faire
adopté les lois favorables à leur activité. Dans le cas d’Enron, le lobbying était destiné à
obtenir la dérégulation des marchés énergétiques.
Les organismes de régulation comptable et financiers
On note une défaillance des organismes chargés de veiller au respect des normes comptables
et de la qualité de l’audit d’une part et de la qualité de la sécurité financière d’autre part. En
effet, pendant des années les bilans d’Enron ont été manipulés à l’insu ou avec la complicité
des auditeurs, des avocats et des membres du conseil d’administration. Une dérive qui a
totalement échappée à la SEC, aux analystes financiers, aux agences de notation, aux
gestionnaires de fonds et aux journalistes. La SEC n’a pas effectué de contrôle des comptes
d’Enron depuis au moins 1997. De plus, des analystes financiers américains, spécialistes de la
valeur, recommandait L’action d’Enron à l’achat encore en septembre 2001. Pour preuve,
pendant six années consécutives, Enron a été désignée par le magazine Fortune comme étant
l’entreprise la plus innovante.
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Toutefois, même si la faillite d’Enron est principalement liée à sa mauvaise gestion des
risques et à des pratiques comptables basées sur la création d’une fausse rentabilité financière,
sa défaillance aurait pu être évité si les institutions de contrôle des comptes de la société
avaient correctement joué leur rôle. Il a été montré les dangers liés au fait qu’un cabinet
d’audit se charge à la fois du contrôle et du conseil, provoquant des conflits d’intérêts. En
effet c’est parce qu’Enron avait la position de client vis-à-vis d’Andersen, que la question
d’indépendance et de conflit d’intérêt s’est posée.
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II/ Enron à l’origine d’une prise de conscience
A/ De la règlementation financière…
L’affaire Enron remet en question la fiabilité des normes comptables et de l’information
délivrée aux actionnaires. Deux éléments auxquelles le groupe texan a dérogé sans aucun état
d’âme. En effet, les actionnaires, sensibles à l’appréciation des risques du marché, devaient
être renseignés de telle façon que leur confiance n’en serait pas affectée.
Les applications comptables choisies par Enron n’ont pas été correctement justifiées auprès
des auditeurs internes de l’entreprise ainsi qu’auprès des instances de régulation. Même si ses
choix étaient à première vue conformes aux normes, ces dernières n’étaient pas adaptées aux
spécificités de la situation financière du groupe. En somme, il aurait été plus efficace
d’adapter la gestion des comptes aux risques auxquels était exposé Enron. C’est en cela qu’il
est possible de dire que les normes comptables américaines ont montré leurs limites.
De plus, la défaillance des audits internes du Conseil d’Administration de l’entreprise et les
conflits d’intérêt des commissaires aux comptes d’Andersen a été soulignée. En conséquence,
le 30 juillet 2002 fut promulguée la loi Sorbanes-Oxley relative à la sécurité financière. Elle
concerne la nécessité de garder l’indépendance des administrateurs et des auditeurs en
renforçant les obligations des dirigeants en matière d’information financière ainsi que les
peines pour les comportements frauduleux. Les dirigeants doivent par exemple certifier la
fiabilité des comptes et ont l’obligation d’informer le public de tout achat ou vente de titres de
la société à des fins personnelles. De plus, un cabinet d’audit ne peut plus à la fois fournir des
prestations de conseil et d’audit et ne peut servir une même entreprise au delà de cinq ans. Le
client quant à lui, doit recourir à deux auditeurs différents pour certifier ses comptes. La loi
veille aussi à l’établissement d’une meilleure communication et d’un meilleur équilibre entre
les dirigeants et actionnaires afin d’aligner leurs différents intérêts tout en ajoutant un contrôle
du mode de rémunération des dirigeants. Si ces derniers ont été incité a fraudé, c’est parce
qu’ils ont un trop grand intérêt dans le capital. Les stock-options qu’ils reçoivent grâce à la
montée du cours de leurs actions les incitent à prendre les décisions de gestion en fonction de
celui-ci. Les dirigeants du groupe Enron avaient en effet utilisé les stock-options comme un
outil pour gouverner l’entreprise.
Pour veiller au respect des différents éléments cités ci-dessus, The Public Company
Accounting Oversight Board, un organisme créé par la loi Sorbanes-Oxley, est chargé de
surveiller les auditeurs et de garantir le respect des lois. La profession d’auditeur passe ainsi
sous le contrôle public.
L’affaire Enron a donc remis en cause le fonctionnement et l’efficacité de l’ensemble des
organismes de contrôle financier et du principe d’autorégulation américains selon lequel la
régulation serait mieux entretenue si elle est entreprise non pas par les pouvoirs publics mais
par des membres de la profession. De plus, les organisations professionnelles de
normalisation ont-elles aussi tenté de combattre de nouvelles fraudes comptables comme
l’American Institute of Certified Public Accounts. En effet, l’organisation a instauré une
norme en 2002 : la norme SAS 99. Celle-ci définit un nouveau code de conduite pour les
auditeurs ainsi que pour la gestion interne des entreprises qui doivent être à même de détecter
ou de prévenir ou de détecter une fraude.
Les analystes financiers et agences de notation qui n’ont manifestement pas prévu la crise du
groupe Enron ni détectés ses manipulations comptables voient leur compétence et
indépendance remises en cause. Les prévisions relatives au cours de l’action d’Enron n’ont
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pas été révélatrices et montre les conflits d’intérêts existants : les banques gèrent le
portefeuille de leur client tout en les aidant pour augmenter leur capital, entreprendre des
fusions et émissions d’obligations. Même les agences de notations ont été suspectées de subir
de fortes pressions de la part des banques d’investissements. Alors que le travail des agences
de notation est considéré comme presque officiel (notamment par la SEC), il se pose la
question d’un manque de règlementation dans leur sein.
Enfin, suite à la crise californienne et au scandale d’Enron, la FERC a proposé en juillet 2002
une réforme de la réglementation électrique. Celle-ci consistait à harmoniser les règles du
pays dans le but de limiter la volatilité des prix et la possibilité des traders d’exercer un fort
pouvoir de spéculation sur les marchés. Cette harmonisation permet d’aider à la création
d’une concurrence dans les marchés de gros et à améliorer le fonctionnement du transport de
l’électricité.
B/…Aux mesures politiques et sociales
Le scandale d’Enron a permis de révéler les relations étroites entre les classes politiques et les
grandes entreprises américaines. En effet, les cabinets d’audit et les grandes entreprises
exerçaient un lobbying important sur les politiques, surtout lors des campagnes électorales
afin de faire adopter les lois qui leur étaient favorables. Les dons aux campagnes des
candidats avaient atteint entre 450 millions et 500 millions de dollars pour les élections
présidentielles et législatives de novembre 2000, dont 60% pour les républicains.
La faillite d’Enron a pris une tournure très ennuyeuse pour l’administration républicaine alors
en place. En effet, il a été révélé qu’en 2001, de nombreuses rencontres ont eu lieu entre des
dirigeants d’Enron et des membres du gouvernement. M. Lay et le groupe Enron en général
ont fait parti pendant plusieurs années des principaux soutiens financiers de l’ancien président
G.W.Bush. La somme reçue par ce dernier avoisinerait environ 623 000 dollars, selon le
Centre pour l’intégrité publique.
Peu avant la faillite d’Enron, M. Lay avait partagé ses inquiétudes au gouvernement
concernant les problèmes financiers de son groupe et avait demandé la création d’un plan de
sauvetage afin d’éviter la panique sur les marchés financiers. Alors que le gouvernement
refusait d’intervenir, il était clair que celui-ci était de ce fait au courant des difficultés subies
par la firme. Pourtant, rien n’a été engagé afin de protéger les salariés et actionnaires qui ont
perdu leur travail et leur épargne.
En mars 2002, le Congrès américain a approuvé une loi modifiant les conditions de
financement des campagnes électorales. De plus, le General Accounting Office (équivalent de
la Cour des Comptes en France), a engagé une action en justice contre l’administration Bush
concernant ses relations avec Enron.
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Conclusion
Le scandale lié aux fraudes et manipulations comptables d’Enron n’a pas seulement alarmé
les acteurs du marché américains. Certaines réformes ont été accélérées en Europe suite à
cette affaire. La création de l’Autorité des Marchés Financiers aurait été accélérée pour cette
raison selon Michel Tudel, ancien président de la Compagnie nationale des commissaires aux
comptes. De plus, la Commission Européenne a promulgué des dispositions à travers des
directives afin d’augmenter la transparence et de limiter les abus de marché au niveau des
analystes financiers.
Cependant, cette prise de conscience et son impact doivent être modérés.
Tout d’abord, parce que le monde de la finance continue à l’heure actuelle d’alimenter les
scandales notamment avec les affaires Madox ou Kerviel de 2008 qui montrent les dérives
de la finance. Cela montre qu’en dépit de leurs efforts, les organismes de contrôle ne peuvent
pas totalement prévenir le manquement aux règles édictées.
Et enfin, on ne peut parler de scandale financier sans évoquer la crise économique de 2008 qui
est à l’origine une crise financière et immobilière. Cela montre deux choses, la première
l’inconscience et l’immoralité de certain acteur financier. La deuxième est l’impact que peut
avoir une dérive financière sur la vie des citoyens, à l’image des fonds de pension qui ont été
englouti lors de la faillite d’Enron, ou des milliers d’américains qui se sont retrouvés sans toit
lors de la crise des subprimes, incapables de rembourser des crédits qui ont été octroyés, sans
réel contrôle, par leur banque.
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SOURCES
« Enron, symbole d’un système », Le Monde Diplomatique, 8 mars 2002
« Enron aux mille et une escroqueries », Le Monde Diplomatique, février 2002
« L’affaire Enron oblige les comptables à faire leur autocritique », Le Monde, 20/02/2002
Didelot L. et Duval G. (2002), « Les sept plaies d’Enron », Alternatives Economiques, n°203,
Mai, pp 40-44
http://lexinter.net/ACTUALITE/les_activites_denron.htm
Marty F (2004), « Conception du marché, règlementation et concurrence. Equilibre ou
processus de marché : Quelles implications en matière de règlementation et de politique de
concurrence ? », Ecole Doctorale Marchés et Organisations, UNSA
Cohen-Scali J (2002), « Les leçons d’Enron » Tribune libre, www.lexinter.com
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