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en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com Article original Presse Med. 2009; 38: 355–361 ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Étude booster : évaluation comparative d’un nouveau concept de compression élastique dans l’insuffisance veineuse chronique légère et modérée Serge Couzan1, Carine Assante2,3,4, Silvy Laporte2,3,4, Patrick Mismetti2,3,4, Jean-François Pouget1,4 1. Clinique Mutualiste, F-42023, Saint-Etienne, France 2. Université de Lyon, F-69003, Lyon, France 3. Université Saint-Etienne, Groupe de recherche sur la thrombose, F-42000, Saint-Etienne, France 4. CHU de Saint-Etienne, F-42023, Saint-Etienne, France Reçu le 4 mars 2008 Accepté le 17 septembre 2008 Correspondance : Disponible sur internet le : 6 décembre 2008 Serge Couzan, 104 Rue Bergson, 42000 Saint Etienne, France. Tel.: +33 4 77 74 21 76 [email protected] Booster study: Comparative evaluation of a new concept of elastic stockings in mild venous insufficiency Background > Evaluate a new progressive concept of compression stockings in comparison with degressive compression stockings class 2 in patients with mild venous insufficiency without permanent oedema (class 1 of Porter’s classification or C0s-C1s-C2s CEAP’s classification). Methods > The aim of this randomised, double-blind french, multicenter trial was to compare the efficacy and convenience of the new ES compared to conventional ES in patients with mild venous insufficiency for whom elastic compression by knee stockings was indicated. The primary endpoint was leg heaviness after 15 days of wearing ES. Secondary endpoints were discomfort and compliance. Results > A total of 130 patients were included (progressive ES: 64; conventional ES: 66). Mean age was 43 years, 68% were women. Disappearance or major improvement of leg heaviness was observed in 73% of patients wearing progressive ES and 62.5% of tome 38 > n83 > mars 2009 doi: 10.1016/j.lpm.2008.09.019 Résumé Objectifs > Évaluer un nouveau concept de contention – compression (CC) élastique progressive en le comparant avec la CC dégressive classique de classe 2 chez des patients ayant une insuffisance veineuse légère et modérée sans oedème permanent, définie selon la classe 1 de la classification de Porter ou C0s-C1s-C2s de la classification CEAP. Méthodes > Nous avons réalisé un essai thérapeutique multicentrique français comparant en double aveugle l’administration randomisée en deux groupes parallèles de deux types de compression élastique chez des patients ayant une insuffisance veineuse légère et modérée. Le critère principal d’évaluation était l’efficacité évaluée par la fatigabilité ou lourdeur des jambes en fin de traitement (15 jours). La facilité d’enfilage, le confort et l’observance ont été évalués comme critère secondaire. Résultats > De mai 2003 à mars 2004, 130 patients ont été inclus par 15 centres (âge moyen 43 ans, 68 % de femmes). Avec la CC progressive, 73,0 % des patients ont noté une disparition ou une amélioration importante de la sensation de fatigue contre 62,5 % avec la contention classique (D = 10,5 % [ 26,7; + 5,6, 355 Summary S Couzan, C Assante, S Laporte, P Mismetti, J-F Pouget those wearing conventional ES (difference = 10.5% [95% CI 26.7; +5.6]). This result met pre-specified statistical criteria for non-inferiority and was confirmed by per-protocol analysis. Ease of putting on ES and comfort were significantly better with progressive ES (p < 0.0001), as was compliance (p = 0.016). Interpretation and Conclusions > The Booster study is the first randomised, double-blind, multicentre trial evaluating a new concept of compression in mild venous insufficiency. The progressive ES is as efficient as degressive ES but it observance is better. This promising new concept deserves to be evaluated in other settings. p non-inferiorité < 0,001). Les chaussettes de CC progressive se sont avérées plus faciles à enfiler (95,2 % contre 56,2 % avec la contention classique, p < 0,0001) et plus confortables (pas de gène ou gène légère pour 93,6 % contre 59,4 % avec la CC classique, p < 0.0001). Enfin, l’observance a été meilleure avec la CC progressive (p = 0,016). Conclusion > L’étude BOOSTER est la 1ère étude randomisée évaluant la CC progressive dans l’insuffisance veineuse légère et modérée. Cette CC progressive a une efficacité au moins équivalente à la CC dégressive mais est mieux tolérée. Ce concept mérite d’être testé dans d’autres indications. L’ Le seul principe de CC existant repose sur la dégressivité des pressions [4,5]. Ce principe unique consiste à délivrer, à partir d’un textile, des pressions maximales en cheville puis qui diminuent vers le haut du membre inférieur selon un gradient établi par les industriels et les sociétés savantes et admis par l’Institut français du textile et de l’habillement (IFTH). Des classes ou forces de contention (1, 2, 3, 4) ont été établies en fonction de la gravité de la maladie veineuse. Dans l’insuffisance veineuse chronique légère et modérée, la SFP préconise une contention dégressive de classe 1 ou 2 [3] correspondant à une pression de 10 à 20 mmHg en cheville (100 %) et, selon le gradient de dégressivité, de 7 à 14 mmHg au mollet (70 %). Dans ce type d’indication, la répartition des pressions ne nous semblait pas adaptée. En effet, d’un point de vue physiologique, le volume veineux maximal ne se situe pas à la cheville mais au niveau du mollet qui se comporte comme un coeur périphérique [6]. D’autre part, d’un point de vue anatomique, les veines antérieures au niveau de la cheville sont très superficielles et peuvent être écrasées par le bas et les veines postérieures sont contenues dans le triangle malléole - tendon d’Achille et ainsi inaccessibles aux pressions de la contention. Des travaux préliminaires [7–10] nous ont permis de proposer un nouveau concept de contention – compression avec une nouvelle répartition des pressions plus fortes au niveau des masses musculaires du mollet (20 mmHg = 100 %) afin d’optimiser le fonctionnement de la pompe musculaire et le retour veineux qui lui est lié. Des pressions plus faibles, de 5 à 7 mmHg, étaient appliquées en cheville. Ces valeurs semblaient les mieux adaptées aux patients de l’étude pour des raisons anatomiques et physiologiques [7]. Nous l’avons appelé, compte tenu du gradient de pression inversé, « contention – compression progressive ». Cette CC progressive présente, à priori, l’avantage d’une efficacité au moins équivalente, d’une mise en place plus facile, d’un plus grand confort et d’une meilleure observance. Nous avons comparé l’efficacité et la tolérance de la CC progressive par rapport à la CC dégressive au cours d’un essai thérapeutique multicentrique randomisé en double aveugle. insuffisance veineuse chronique est une maladie lentement évolutive avec un coût socio-économique important. Elle doit être dépistée et traitée précocement afin de retarder ses complications. En 1996, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) elle touchait 18 millions de personnes en France [1] et environ 70 % étaient au stade de l’insuffisance veineuse légère et modérée. L’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) en 2004 préconisait la contention-compression élastique (CC) dégressive comme traitement de base de l’insuffisance veineuse chronique [2]. La Société française de phlébologie (SFP) a publié [3], en 2006, des recommandations sur l’utilisation quotidienne de cette thérapie compressive. Ce qui était connu Dans l’insuffisance veineuse légère et modérée, la contention – compression prescrite est la contention dégressive de classe 2 avec des pressions maximales en cheville. La contention – compression progressive, qui repose sur des bases physiques, physiologiques et anatomiques, est validée chez le sportif depuis 11 ans. Ce qu’apporte l’article La contention – compression progressive est au moins aussi efficace que la contention dégressive sur les symptômes de l’insuffisance veineuse légère et modérée. La contention – compression progressive est supérieure en terme de facilité d’enfilage, confort, tolérance, et observance. La contention – compression progressive est plus pertinente chez les 356 patients avec un coeur périphérique (mollet) encore fonctionnel. tome 38 > n83 > mars 2009 Méthodes Suivi Plan expérimental Une visite médicale était programmée après 2 semaines de traitement. Les patients remplissaient un questionnaire et effectuaient une estimation de la fatigue, du confort de la chaussette et de l’observance du traitement sur une échelle visuelle analogique (EVA). Population étudiée Les patients éligibles pour cette étude étaient âgés de 18 ans ou plus et avaient une insuffisance veineuse symptomatique, légère ou modérée sans oedème permanent correspondant à classe 1 de la classification de Porter [11,12] et à C0S - C1S- C2aS dans la classification CEAP [3,13,14]. Étaient exclus les patients ayant un syndrome post-thrombotique avec oedème permanent, des varices volumineuses et extensives au niveau de la cuisse, une artériopathie des membres inférieurs compensée ou non, une insuffisance rénale, cardiaque ou hépatique, un syndrome néphrotique, une maladie dermatologique des membres inférieurs, une prescription suivie de contention élastique ou des tailles hors normes. Selon les règles de bonne pratique, une information et un consentement du patient étaient obtenus. La coordination et la randomisation étaient centralisées et se faisaient par fax au Centre de Saint-Etienne (Centre Investigation Clinique : Epidémiologie clinique/Essais cliniques). La taille de la chaussette était établie selon les normes en cours. La chaussette était prescrite à la taille du patient et délivrée au patient par son médecin sous 48 heures. Ni le médecin ni le patient n’avaient connaissance du type de chaussettes. L’étude était pilotée par le centre de coordination qui réalisait un monitorage indépendant des données. Traitements Les patients recevaient par tirage au sort 1 des 2 traitements suivants : CC élastique dégressive par bas jarret de classe 2 aux normes IFTH, correspondant en moyenne à une pression de 20 mmHg en cheville (100 %) et de 14 mmHg en regard du mollet (70 %) ; W CC élastique progressive par bas jarret (BV Sport ), correspondant en moyenne à des pressions de 7 mmHg en cheville (pressions adaptées) et 20 mmHg en regard du mollet (100 %). Les 2 types de chaussettes étaient identiques en apparence et elles étaient toutes fabriquées par la société Lempy Médical (selon NF G30 102) agréée par l’IFTH. Les chaussettes devaient être portées toute la journée, pendant 2 semaines consécutives. Les veinotoniques et les antalgiques étaient interdits dans les 2 groupes. En dehors de cette restriction, les patients recevaient leur traitement habituel. tome 38 > n83 > mars 2009 Critères d’évaluation Le critère principal était l’amélioration de la sensation de lourdeur ou de fatigue des jambes appréciée par le patient par questionnaire et par EVA après 15 jours de traitement. La disparition ou l’amélioration importante (absence de gène) de la sensation de lourdeur ou de fatigue était considérée comme un succès, contrairement à une amélioration modérée (persistance d’une gène fonctionnelle) ou inexistante. Les critères secondaires étaient la facilité d’enfilage appréciée par questionnaire et par EVA et la tolérance exprimée par la sensation de gène et appréciée par questionnaire. L’observance du port des chaussettes de compression était appréciée par EVA avec une valeur de 10 correspond à une contention portée tous les jours et une valeur de 0 correspond à une contention jamais portée. Analyse statistique Aucune étude à haut niveau de preuve sur l’efficacité de la CC de classe 2 dans l’insuffisance veineuse n’a été publiée. Après discussion avec plusieurs experts, le taux attendu de l’amélioration de la sensation de fatigue ou lourdeur de jambe avec le port de chaussettes de contention était estimé à environ 80 %. Comme le but de notre étude était de démontrer que l’effet des chaussettes progressives n’était pas inférieur à celui des chaussettes dégressives, un taux de 80 % était aussi attendu pour les chaussettes progressives, c’est-à-dire que la différence des taux était égale à zéro. Les chaussettes progressives étaient considérées comme non-inférieures aux chaussettes dégressives si la limite supérieure de l’intervalle de confiance de 95 % de la différence des taux était inférieure à 18 %. Choisissant un seuil alpha pairé de 5 % et une puissance de 80 %, 60 patients par groupes étaient requis, soit au total 120 patients. Une analyse en intention de traitement incluant tous les patients randomisés a été effectuée initialement. Les résultats de l’analyse de non infériorité étaient confirmés par une analyse per-protocole. Comme il s’agissait d’une étude de non-infériorité, les 2 analyses étaient nécessaires pour conclure sur le critère principal. Les patients exclus de la per-protocole étaient les patients pour lesquels : les critères d’inclusion ou de non inclusion n’avaient pas été respectés ; le traitement administré n’était pas conforme au traitement alloué par randomisation ; une administration de traitements concomitants interdits ; 357 L’étude Booster est un essai thérapeutique qui compare, en deux groupes parallèles randomisés en double aveugle, une compression élastique progressive à une compression élastique dégressive (classe 2) chez des patients ayant une insuffisance veineuse légère ou modérée (C0S - C1S- C2aS). Article original Étude booster : évaluation comparative d’un nouveau concept de compression élastique dans l’insuffisance veineuse chronique légère et modérée S Couzan, C Assante, S Laporte, P Mismetti, J-F Pouget la contention élastique était portée moins de 15 jours sans raison médicale (intolérance ou inefficacité) ; la visite de J15 avait eu lieu tardivement. En revanche, pour les critères pour lesquels une différence était recherchée, seule l’analyse en intention de traitement a été nécessaire. Aucune analyse intermédiaire n’était prévue. L’analyse finale a été réalisée après l’inclusion de la totalité des patients et après leur suivi de 15 jours. Concernant l’analyse de la non-infériorité sur le critère principal, la différence entre les 2 types de contention a été calculée ainsi que l’intervalle de confiance à 95 % (il était prévu 90 % en bilatéral mais nous avons choisi une analyse plus conservatrice). Si la borne supérieure de l’intervalle de confiance n’excédait pas 18 %, la nouvelle contention était considérée comme non-inférieure à la contention classique en termes d’efficacité. Pour les critères secondaires, des tests du Khi2 ou tests exacts de Fisher ont été réalisés pour comparer les 2 groupes de traitement sur les variables qualitatives (ou catégorielles). Si les critères secondaires d’évaluation étaient quantitatifs et avaient une distribution normale, des tests de Student ont été réalisés. Dans le cas où leur distribution ne suivait pas une loi Normale, des tests de Wilcoxon ont été envisagés. L’analyse statistique a été réalisée à l’aide du logiciel SASWindows(version 8.2) installé sur PC. Résultats Description de la population incluse Un total de 130 patients a été inclus entre mai 2003 et mars 2004 par 15 centres d’investigations français avec un pic d’inclusion l’hiver. Soixante six patients ont été inclus dans le groupe dégressif et 64 dans le groupe progressif. Les caractéristiques des patients au début de l’étude étaient équivalentes entre les 2 groupes. L’âge moyen était de 42 ans et 68 % étaient des femmes (tableau I). Critère principal Quarante patients dans le groupe dégressif contre 46 patients dans le groupe progressif rapportaient une disparition ou une amélioration majeure de la sensation de fatigue ou lourdeur de jambe après 15 jours de port de chaussettes conduisant à une différence en faveur des chaussettes progressives (tableau II). La limite supérieure de l’intervalle de confiance étant inférieure à la marge de non infériorité définie dans le protocole les chaussettes progressives pouvaient être considérées comme non inférieures aux chaussettes dégressives. Trois patients n’avaient pu être inclus dans l’analyse de critère principal car ils ne s’étaient pas présentés à la visite de suivi : 2 patients dans le groupe dégressif et 1 dans le groupe progressif. L’analyse de sensibilité sur la population per-protocole montrait des résultats similaires en terme de non infériorité des Tableau I Caractéristiques et comparabilité initiale des groupes Contention classique N = 66 Contention progressive N = 64 Sexe feminine 46 (69,7 %) 43 (67,2 %) Age, années (moyenne W et) 42,6 W 12,3 42,1 W 13,0 Poids, kg (moyenne W et) 64,7 W 11,0 65,4 W 12,7 7,0 ans [3 mois à 46 ans] 5,5 ans [1 mois à 40 ans] 11/66 (16,7 %) 9/64 (14 1, %) Ancienneté de l’insuffisance veineuse, années (médiane [min-max] Traitements concomitants Veinotonique 0 0 1/66 (1,5 %) 2/64 (3,1, %) Pointure 39,7 W 2,4 40,0 W 2,7 Hauteur de jambe, cm 41,3 W 4,0 41,5 W 4,5 Circonférence cheville, cm 22,0 W 1,8 22,1 W 1,6 Circonférence maximale en mollet, cm 36,2 W 3,0 35,7 W 3,0 AINS* Aspirine (dose < 500 mg) Dimensions pour chaussettes 358 AINS* : anti-inflammatoire non-stéroïdien. tome 38 > n83 > mars 2009 Résultats sur le critère principal Contention classique N = 66 Critère principal : disparition ou amélioration importante de la sensation de fatigue ou lourdeur, n. (%) Contention progressive N = 64 40/64 (62,5 %) 46/63 (73,0 %) D = S10,5 % [S26,7–+5,6 %] Non-infériorité : d : 18 % Description de la sensation de fatigue ou lourdeur Disparition 10 18 Amélioration importante 30 28 Amélioration légère 15 11 Pas d’amélioration 9 6 chaussettes progressives : 37 patients dans le groupe dégressif et 40 patients dans le groupe progressif (différence = 9,5 % [95 % CI – 26,6 %; +7,5 %]). Autres critères d’efficacité L’amélioration de la sensation de fatigue ou lourdeur de jambe, l’enfilage des chaussettes et l’absence de sensation de gêne étaient significativement meilleures avec la contention progressive qu’avec la contention dégressive (tableau III). Critères d’observance L’observance du port des chaussettes de compression était significativement supérieure avec des chaussettes progressives qu’avec des chaussettes dégressives (tableau IV). Discussion L’étude Booster est la première étude randomisée en double aveugle comparant deux types de contention – compression (CC) dans l’insuffisance veineuse légère et modérée (C0S - C1SC2aS). En l’absence d’étude dans la littérature permettant une évaluation précise de la taille des groupes à comparer, le calcul d’effectif a été estimé sur opinion d’experts. Une seule étude randomisée et en double aveugle avait déjà été menée sur 341 patients et avait montré qu’une CC de classe 1 était plus efficace en terme de réduction de la gène qu’une CC placebo dans l’insuffisance veineuse légère [15]. Cette CC de classe 1 correspondait à des pressions en cheville de l’ordre de 10 à 15 mmHg et de 7 à 10 mmHg au mollet. Pour comparaison, les chaussettes de CC dégressive dans notre étude (classe 2) correspondaient à des pressions en cheville de 20 mmHg et de 14 au mollet et les chaussettes de CC tome 38 > n83 > mars 2009 progressive à seulement 7 mmHg en cheville contre 20 mmHg en mollet. Plusieurs pays européens ont publié des recommandations concernant la compression élastique dans la maladie veineuse chronique [13,14]. Le degré de pression est croissant selon la gravité de la maladie évaluée par la classification CEAP [13]. Si l’on se réfère aux dernières recommandations de la Société française de phlébologie [3] la pression d’un bas jarret (mi bas) exprimée en millimètres de mercure (mmHg) au niveau de la cheville en rapport avec les maladies ou situations cliniques particulières est de : pressions de 10 à 20 mmHg pour : C0 s, C1 : insuffisance veineuse légère (s : symptomatique), C2 a : insuffisance veineuse modérée avec comme objectif exclusif d’améliorer la symptomatologie; pressions de 30 à 40 mmHg pour : C2 b : insuffisance veineuse modérée avec comme objectif d’améliorer la symptomatologie, de freiner l’évolutivité et de prévenir les complications de la maladie veineuse chronique, C3, C4a, C4b, C5 : insuffisance veineuse importante à sévère et pour le syndrome post-thrombotique (C4a : Pigmentation et/ou eczéma veineux - C4b : Lipodermatosclérose, hypodermite d’origine veineuse, atrophie blanche). Cependant, le principe de la dégressivité avec des pressions fortes en cheville et plus faibles au mollet est discutable quels que soient les stades de la maladie veineuse. En effet, le volume maximal de sang veineux est contenu dans le mollet et non pas dans la cheville. Les veines perforantes et musculaires du mollet [6,10] sont quantitativement les plus importantes (près de 60 % du volume global) et leur topographie anatomique favorise la stase veineuse. D’autre part, ce mollet, situé à distance du coeur et des poumons est soumis aux contraintes de la gravitation et se comporte comme un coeur périphérique. La contraction musculaire assure la vidange veineuse ou systole et le relâchement permet le remplissage ou diastole. Les conséquences d’un mauvais fonctionnement de ce coeur périphérique sont l’aggravation des signes fonctionnels et la décompensation de la maladie veineuse par dilatation et stase veineuse [7,10]. Pour améliorer le fonctionnement de ce coeur périphérique et accélérer le retour veineux, il faut réduire le calibre des veines. Les pressions de compression doivent être suffisamment fortes pour traverser toutes les structures anatomiques (peau, tissu sous-cutané, aponévroses, muscles) et agir sur les veines superficielles, mais surtout sur les veines perforantes, musculaires et profondes du mollet [7,16]. Des études par IRM [7,9] et écho-Doppler avec mesure des pressions veineuses par un brassard à tension spécifique à fenêtre acoustiqueW [7,8,16] ont confirmé que, pour des raisons physiques, physiologiques et anatomiques, il n’était pas nécessaire d’appliquer des pressions élevées en cheville. En effet, une pression forte risque non seulement de collaber les veines antérieures mais également d’irriter les nerfs fibulaires. 359 Tableau II Article original Étude booster : évaluation comparative d’un nouveau concept de compression élastique dans l’insuffisance veineuse chronique légère et modérée S Couzan, C Assante, S Laporte, P Mismetti, J-F Pouget Tableau III Résultats sur les autres critères d’efficacité Contention classique N = 66 Contention progressive N = 64 64 63 5,2 W 3,4 6,9 W 3,0 * 36/64 (56,2 %) 60/63 (95,2 %) ** Très facile 14 32 Assez facile 22 28 Assez difficile 24 3 Très difficile 4 0 4,5 W 3,1 1,8 W 2,0 ** 38/64 (59,4 %) 59/63 (93,6 %) ** Aucune gène 25 42 Gène légère 13 17 Gène importante n’imposant pas le retrait 12 2 Gène importante imposant le retrait 14 2 Au niveau du pied 17/37 (45,9 %) 3/21 (14,3 %) Au niveau de la cheville 23/37 (62,2 %) 3/21 (14,3 %) Au niveau de la jambe 15/37 (40,5 %) 15/21 (71,4 %) Patients évalués par une étude de suivi FATIGUE ou LOURDEUR Evolution de la fatigue évaluée par échelle EVA, cm, moyenne W et 0 = pas d’amélioration 10 = disparition ENFILAGE Enfilage très facile ou assez facile, n. (%) Description de la qualité de l’enfilage Facilité évaluée par échelle EVA, cm, moyenne W et 0 = très facile 10 = très difficile GENE Aucune gène ou gène légère des chaussettes de contention, n. (%) Description de la gene Niveau de la gene Différence significative entre le groupe CC dégressive et CC progressive. * p = 0,0058. ** p < 0,0001. 360 D’autre part, la régulation des pressions en cheville est directement dépendante du bon fonctionnement du coeur périphérique (feed back veineux [7]). En revanche, au niveau du mollet, une pression minimale d’au moins 20 mm Hg était nécessaire pour traverser toutes les structures anatomiques et agir sur les veines musculaires et profondes en position assise ou debout [7,8,10,16]. A posteriori, nous regrettons de ne pas avoir inclus plus de patients. En effet, les résultats sur le critère principal (disparition ou amélioration importante de la fatigue ou lourdeur des jambes) étaient de 73 % de satisfaction avec la CC progressive et de 62,5 % avec la CC dégressive (tableau II). Cela ne suffisait pas pour affirmer la supériorité statistique de la CC progressive car il aurait fallu atteindre un delta de 18 % alors qu’il n’était tome 38 > n83 > mars 2009 Tableau IV Evaluation de l’observance Observance Contention classique N = 66 Contention progressive N = 64 Observance évaluée par échelle EVA, cm, moyenne W et 8,0 W 2,5 9,0 W 1,9 0 = jamais portées 10 = portées tous les jours Différence significative entre le groupe CC dégressive et CC progressive. * p = 0,016. que de 10,5 %. Néanmoins, nous pouvons affirmer au moins l’équivalence sur le critère principal. Une des principales critiques de l’étude est le suivi de 15 jours car il n’est pas suffisant pour juger de l’efficacité sur le long terme et sur la prévention des complications. Cependant le port de la CC pendant 15 jours a montré une efficacité sur les signes fonctionnels (lourdeurs et fatigue des jambes) dans l’insuffisance veineuse légère et modérée ce qui confirme l’intérêt de ce type de traitement. En pratique quotidienne, la difficulté d’enfilage, l’absence de confort et la gène ou mauvaise tolérance sont les premières causes du manque d’observance et d’abandon de la CC. Cette étude Booster a montré une supériorité statistique très significative de la CC progressive sur ces critères. L’ensemble des résultats s’explique probablement, d’une part, par une répartition des pressions de la CC progressive plus adaptée à l’anatomie et à la physiologie et, d’autre part, par une optimisation de l’efficacité de la pompe musculaire et vasculaire du mollet qui est encore fonctionnelle chez ces patients [10]. Des études en cours évaluent cette CC progressive avec des pressions plus fortes dans la maladie veineuse importante et sévère et en cas de déficience de la pompe du mollet. Article original Étude booster : évaluation comparative d’un nouveau concept de compression élastique dans l’insuffisance veineuse chronique légère et modérée Sources de financement : Société BV Sport que nous remercions pour son soutien Conflits d’intérêts : Dr Serge COUZAN inventeur du brevet : Bas de contention progressive n8 PCT/FR97/01892 du 22/10/1997. Dr Serge COUZAN et Dr Jean François POUGET sont actionnaires de la société BV Sport, propriétaire du brevet n8 PCT/FR97/01892. Carine ASSANTE, Silvy LAPORTE, Patrick MISMETTI. N’ont pas de conflits d’intérêts concernant cet article. Remerciements : aux investigateurs de l’étude BOOSTER (classés par nombre d’inclusions) : Dr Couzan, Saint-Etienne ; Drs Bucci et Diamand, Grenoble ; Dr Brisot, Clapiers ; Dr Coupe, Montpellier ; Dr Stirnemann, Saverne ; Dr Daussin, Strasbourg ; Drs Gachet et Lebrun, Voiron ; Dr Spini, Pont de Beauvoisin ; Dr Polverelli, Roanne ; Dr Prüfer, La Motte Servolex ; Dr Mollard, Chambery ; Dr Jurus, Lyon ; Dr Gris, Montbrison ; Dr Soulier-Sotto, Montpellier ; Dr Riom, Grenoble. Références [2] [3] [4] [5] [6] [7] Floury NC, Guignon N, Pinteaux A. Données sociales 1993, la société française. Paris: Edition INSEE; 1996. Traitement des varices des membres inférieurs. ANAES/Service Evaluation en santé publique – Evaluation technologique/juin 2004. Cornut-Thénard A, Benigni JP, Uhl JF, Le Floch E, Rastel D, Moyou-Mogo R et al. Recommandations de la Société Française de Phlébologie sur l’utilisation quotidienne de la thérapie compressive. Phlébologie 2006;59(3):237-44. Partsch H, Rabe E, Stemmer R. 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