Lutte contre les discriminations et emploi public territorial, synthèse
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Lutte contre les discriminations et emploi public territorial, synthèse
DISCRIMINATION A L’EMPLOI LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS ET EMPLOI PUBLIC TERRITORIAL Rencontre du 18 juin 2007 Chacun s’accorde à dire aujourd’hui qu’il est nécessaire que la société française ait une fonction publique qui lui ressemble. De fait, de nombreux rapports publics nous montrent que ce n’est pas encore le cas. L’IREV a décidé d’accompagner les initiatives portant sur les discriminations et l’emploi public en vue de développer collectivement des pratiques professionnelles conformes à l’exigence d’égalité de traitement, et de réfléchir aux actions qu’il est possible d’engager pour ouvrir la fonction publique territoriale à tous les profils. Ces travaux ont débuté par une rencontre avec deux collectivités qui, prenant acte de leur responsabilité en tant qu’employeur, se sont engagées depuis quelques années dans des actions en faveur de la diversité. Interventions d’Alexandre KOSAK, Chargé de mission, Mission Egalité, Ville de Lyon Et d’Agnès MONTALVILLO, Directrice des ressources humaines, Communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise La problématique des discriminations s’est posée à la ville de Lyon par la question de l’intégration. Les travaux y débutent en effet avec la création, en 2003 du GIPIV, groupe d’initiative pour l’intégration dans la ville, instance consultative composée de 25 membres choisis parmi des personnalités représentatives de la diversité culturelle et sociale de l’agglomération lyonnaise. Le premier thème d’étude du GIPIV est l’égal accès à l’emploi. Un diagnostic est conduit qui fait rapidement émerger la vraie question : comment faire une place à tout le monde ? Ou, en d’autres termes, comment réinterroger la capacité des systèmes à intégrer plutôt que les carences supposées des personnes ? La vraie question est : comment faire une place à tout le monde ? Pour y répondre, le rapport pose 10 recommandations où figure notamment la création d’une « mission Egalité » au sein de la ville de Lyon. Celle-ci est installée en 2005, au moment de la signature de la « charte de la diversité » par la ville, soit deux ans après la création du GIPIV. Deux ans qui ont été nécessaires pour transformer un enjeu des politiques publiques en objet des politiques publiques. Là où la plupart des organismes publics semblent ignorer le fait qu’ils sont eux aussi susceptibles de discriminer, la ville de Lyon fait de l’action en interne de son organisation l’un de ses deux axes stratégiques. La ville prend ainsi appui sur ses deux statuts : animateur des politiques publiques sur son territoire et employeur. En effet, la reconnaissance du phénomène des discriminations dans le secteur public souffre de son caractère systémique. Le système d’entrée par concours, les procédures d’avancement liées au statut, etc. apparaissent comme autant de protections contre les inégalités. Mais force est de constater que peu de collectivités peuvent se targuer d’être à l’image de leur population. Et sur un territoire où 15 % de la population est née à l’étranger, comme c’est le cas à Lyon, cette question revêt une importance particulière. Sur cet axe interne donc, la mission Egalité cherche avant tout à impulser et coordonner le changement au sein des services de la Ville. L’employeur public se croit à l’abri du risque discriminatoire Est donc élaboré un plan d’action de prévention contre les risques discriminatoires autour de deux logiques : - Une logique égalitaire : il s’agit d’améliorer l’accès au droit, de respecter l’égalité de traitement inscrite dans la charte de la diversité, - Une logique compensatrice : elle induit la prise en compte du fait que chacun ne part pas avec les mêmes chances au départ. Nous sommes ici dans le registre de l’action positive. Ces principes trouvent leur illustration dans plusieurs actions. Tout d’abord, tous les agents en position de recruter se voient offrir une formation à la non-discrimination. Ensuite, un travail important est effectué sur les pratiques de recrutement. Sont ainsi passés au crible : - les canaux de recrutement : lisibilité et transparence de l’offre émanant de la Ville sont améliorées, - les critères de recrutement, par un travail sur les fiches de poste et les référentiels métiers, - les critères de sélection par la constitution de jurys de sélection de DISCRIMINATION A L’EMPLOI nombre impair et composés d’agents au poids décisionnel équivalent… Enfin, des actions plus ponctuelles sont menées avec le CNFPT, comme l’accompagnement au concours de personnes issues des quartiers en politique de la ville. Du fait d’un portage politique solide et du positionnement de la mission Egalité comme animateur d’un mouvement qui doit concerner l’ensemble de l’organisation, de nombreux services sont impliqués : plus d’une centaine de cadres ont d’ores et déjà été formés, dont une trentaine qui sont aujourd’hui pilotes sur la question de l’adaptation des pratiques. Située à 50 km de Paris, l’agglomération de CergyPontoise est issue de l’expérience urbaine pilote des «Villesnouvelles ». De cette histoire, elle tire certaines caractéristiques: habitat individuel ou semi-collectif, mixité sociale et ethnique (52 nationalités sont présentes), adaptation aux situations de handicap physique, offre importante en enseignement supérieur (3 universités, 2 écoles d’enseignement supérieur) dont le résultat est que 25% de la population a moins de 25 ans. La réflexion de l’agglomération en matière de lutte contre les discriminations débute en 2004 avec l’arrivée d’une nouvelle équipe de direction. Celle-ci fait un constat simple : la diversité qui caractérise la population du territoire ne se retrouve pas à l’intérieur des services communautaires. Il apparaît nécessaire de mettre en cohérence les pratiques à l’œuvre au sein de l’agglomération avec les valeurs qui ont présidé à la création de la ville nouvelle. Dès lors est développée une politique de recrutement répondant à deux exigences : - Assurer l’exemplarité en tant qu’employeur public, ce qui signifie mettre en œuvre des pratiques non discriminantes en cherchant à être représentatif de la population du territoire, - Renforcer l’efficacité des services, en maintenant une certaine rigueur budgétaire afin de continuer à développer la ville et à renforcer encore son attractivité. Les valeurs négocient pas ne se Ceci passe par un certain nombre de changements de pratiques : en matière de recrutement, des cadres opérationnels autant qu’éthiques sont fixés. Une « charte de l’égalité et de la diversité au travail » vient réaffirmer, en mars 2006, les principes qui ont présidé à ces changements. Cette formalisation, née d’une réflexion et d’un travail conduits par les services de l’agglomération, n’a pas de mal à séduire les élus. Ils font leur cette charte éthique en l’adoptant sans conditions ni négociations. Ils revoient, à cette occasion, certaines de leurs pratiques à l’aune de ces principes. Puisque les concours ne nous amènent pas la diversité, nous amenons la diversité au concours Parallèlement, un constat s’impose : faire entrer la diversité dans les services de l’agglomération nécessite de revoir les canaux de recrutement utilisés. En effet, il apparaît difficile de trouver des profils diversifiés, en terme d’origine ethnique notamment, chez les titulaires des concours de la fonction publique territoriale. Le choix est donc fait d’orienter le recrutement vers le marché du travail classique, tout en permettant aux personnes ainsi intégrées d’accéder aux concours internes. Réputé rigide, le statut de la fonction publique offre en effet de multiples possibilités permettant d’amener les agents vers la titularisation. Nous avons beaucoup plus d’armes que nous le croyons Cette politique s’avère plutôt efficace en terme d’accès des agents au statut puisque de 64% de fonctionnaires titulaires en 2004, l’agglomération est arrivée aujourd’hui à 85%. Cette ouverture du recrutement nécessite dès lors pour l’agglomération de se faire connaître en tant qu’employeur. Cela passe par différents biais : la participation à des forums sur l’emploi, l’information sur les métiers présents à l’agglomération, etc. Les canaux de recrutement exploités sont également élargis : des partenariats sont noués avec les universités de Cergy-Pontoise, où les étudiants présentent des origines sociales et culturelles plus diverses que dans les grandes écoles. Enfin, c’est plus largement l’ « esprit » du recrutement qui a été impacté par toute cette réflexion. Un certain volontarisme prévaut en cela. En effet, recruter autrement peut conduire à quelques petits bouleversements dans l’organisation en bousculant les idées reçues (comme dans le cas de la nomination d’un cadre féminin dans le secteur des espaces verts par exemple). Mais on s’aperçoit à l’expérience que les choses rentrent finalement bien vite dans l’ordre. En savoir plus : Le dossier documentaire de la rencontre ainsi que les références citées dans ce document sont disponibles sur le site www.irev.fr rubrique programme d’actions Documents disponibles sur le site de la Ville de Lyon : http://www.polville.lyon.fr/polville/sections /fr/les_thematiques/la_mission_egalite http://www.lyon.fr/vdl/sections/fr/vie_de mocratique/promotion_de_legali DISCRIMINATION A L’EMPLOI En résumé ... … quelques commentaires tirés des échanges Si la non-discrimination garantit la diversité, la diversité ne garantit pas la non-discrimination ! Agir contre les discriminations nécessite de se pencher sur l’organigramme de l’organisation. La présence de personnes d’origine étrangère parmi les agents de la collectivité ne signifie pas l’absence de discrimination. Encore faut-il pouvoir s’assurer qu’ils ont accès comme les autres aux différents secteurs d’emploi, aux différents niveaux de responsabilité, aux possibilités offertes par la formation, etc. Il faut se faire connaître en tant qu’employeur Comment diversifier les profils de ses recrues lorsque l’on n’est pas identifié comme un employeur potentiel ? C’est toute la difficulté à laquelle se heurtent les communautés d’agglomération. Du fait de leur apparition récente et de champs de compétences encore très méconnus, les communautés d’agglomération reçoivent des candidatures bien moins nombreuses et diverses que les villes. Ceci est particulièrement vrai pour les postes de catégorie A. Attirer des profils « atypiques » (c'est-à-dire, pour les emplois de catégories A, mobiliser d’autres filières que les grandes écoles, par exemple), nécessite dès lors que l’intercommunalité s’engage dans une démarche de « promotion » de ses métiers auprès de filières ou d’écoles traditionnellement peu portées vers la fonction publique territoriale. On peut mesurer ses avancées Plusieurs méthodes sont aujourd’hui disponibles qui permettent de faire état de la situation d’un organisme en matière de diversité et donc de rendre compte des avancées des changements éventuels que l’action aura permis. L’analyse patronymique est ainsi admise par la CNIL1 à condition que soient respectées certaines règles méthodologiques et éthiques. Il est aussi possible, pour une collectivité, d’examiner certains motifs de 1 La CNIL a édité un nouveau rapport, fruit des réflexions d’un groupe de travail aidé par l’audition de différentes personnalités. Celui-ci expose les méthodes de mesure de la diversité autorisées par la CNIL et les précautions méthodologiques indispensables. Mesure de la diversité et protection des données personnelles, CNIL, mai 2007 discrimination inscrits dans la loi. Ainsi la nationalité, le pays de naissance, le domicile des agents sont des informations disponibles et qui peuvent être utilisées là encore sous certaines conditions définies par la CNIL. Enfin, une collectivité peut s’’auto-tester, c'est-à-dire organiser des « testings » afin de vérifier les pratiques de ses services. Toutefois, il est évident que les collectivités volontaires aujourd’hui s’engagent surtout à mettre en œuvre tous les moyens à leur disposition pour prévenir les discriminations. S’engager sur des résultats précis reste encore difficile. Travailler sur le risque, c’est s’y soumettre Toute collectivité impliquée dans une démarche de prévention des discriminations se pose la question, à un moment ou à un autre, de la visibilité de son action. Mais communiquer sur un objet aussi sensible comporte des risques. En lançant elle-même ce sujet sur la place publique, une collectivité peut, paradoxalement, voir remonter des cas de discrimination où elle est mise en cause. C’est certainement une donnée à intégrer dans le choix d’une stratégie de communication. La non vigilance discrimination créé de la C’est pourquoi il est indispensable, pour une collectivité comme pour tout autre employeur, de se saisir de cette question. Or, la gestion des ressources humaines n’est peut-être pas perçue par tous les élus locaux comme stratégique. Les relations entre élus et services des ressources humaines ne sont pas toujours aussi étroites qu’elles le devraient. Dans ce cas, c’est aux techniciens de prendre l’initiative en créant, au besoin, les conditions d’un débat de fond avec leurs élus sur la question des valeurs qui fondent leur action. Si la volonté politique reste primordiale, elle peut être provoquée. Soucis d’efficacité, respect de certaines valeurs, les élus ont diverses raisons d’agir, ce qui donne autant d’arguments à leurs techniciens pour les interpeller si besoin est. Il est difficile de trouver des interlocuteurs professionnels Afin que les chartes de la diversité signées par certaines collectivités ne restent pas lettre morte, comme c’est encore beaucoup le cas dans le secteur privé, il est possible de se faire accompagner par des structures compétentes. Toutefois, l’offre est encore très limitée. Cependant, les deux exemples qui précèdent nous montre que des étapes primordiales peuvent être franchies sans aide extérieure. Celle-ci s’avère par contre indispensable pour former les salariés aux enjeux de la lutte contre les discriminations. C’est une des missions des centres de ressources comme l’IREV que d’aiguiller vers les structures idoines. DISCRIMINATION A L’EMPLOI Ressources apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race. » (loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires modifiée par la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations) Pour ne pas confondre… L’intégration Le Haut Conseil à l’Intégration (HCI), installé auprès du Premier ministre depuis 1989, a vu sa conception de l’intégration évoluer avec le temps. Dans ses rapports de 2003 et 2006, il réaffirme son attachement à cette notion plus complexe qu’il n’y paraît : L’intégration s’adresse à tous : elle constitue un engagement individuel à dépasser les particularités dues aux origines et aux appartenances pour contribuer à la construction d’un espace public commun. (…) L’intégration n’est pas une notion réservée aux seules personnes étrangères ou d’origine étrangère, elle concerne chacune des personnes vivant en France et constitue l’élément fondateur du pacte social et du « vivre ensemble » (Le contrat et l’intégration, HCI, 2003) L’intégration n’est pas l’assimilation : elle ne vise pas à réduire toutes ses différences. L’intégration n’est pas non plus l’insertion car elle ne se limite pas à aider les individus à atteindre des standards socioéconomiques. L’intégration demande un effort réciproque, une ouverture à la diversité qui est un enrichissement mais aussi une adhésion. (le bilan de la politique d’intégration 2002-2005, HCI, 2006) La discrimination Le Haut Conseil à l’Intégration définit la discrimination comme « toute action ou attitude qui conduit, à situation de départ identique, à un traitement défavorable de personnes du fait de leur nationalité, origine, couleur de peau ou religion, qu’une intention discriminante soit, ou non, à l’origine de cette situation. » (Haut Conseil à l’Intégration : Lutte contre les discriminations : faire respecter le principe d’égalité, 1998) La loi française sanctionne deux types de discriminations : la discrimination directe et la discrimination indirecte2 : « Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur 2 Elle se produit lorsque qu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une race ou d’une origine ethnique donnée par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires. Un outil : le testing Le testing (ou test de situation, test de discrimination, test par couple) est une méthode permettant d’objectiver la discrimination en comparant, in situ, le traitement réservé (par un employeur, un propriétaire, etc.) à deux personnes que rien ne distingue, excepté leur origine « ethnique ». Elle comporte deux facettes : scientifique, où elle est employée à des fins de connaissance du phénomène, et judiciaire, où elle cherche à prouver l’existence d’un acte discriminatoire. En effet, depuis la loi sur l’égalité des chances (loi n° 2006-396 du 31 mars 2006), les résultats d’un testing constituent une preuve recevable par un juge pénal. Dans un cas comme dans l’autre, le testing doit répondre à un certain nombre de conditions méthodologiques et éthiques strictes afin d’être considéré comme valable3. Un objet légitime La diversité dans l’emploi public a déjà fait l’objet de différentes études qui n’ont pas laissé indifférents les pouvoirs publics. Un rapport public a d’ailleurs été élaboré fin 2004 sous la direction de Dominique Versini. Il fait le point sur la situation dans les trois fonctions publiques et dresse une liste de recommandations toujours d’actualité. Extraits… Le sujet est tabou au sein de la fonction publique, les statistiques quasi-inexistantes, mais en même temps la question de l’insertion professionnelle des jeunes issus de l’immigration est au cœur des interrogations politiques, économiques et sociales. Les jeunes français d’origine maghrébine sont ainsi deux fois et demi plus souvent au chômage que les jeunes français d’origine française, quel que soit leur niveau d’études. L’analyse effectuée au sein des emplois salariés de la fonction publique et du secteur privé montre une surreprésentation dans les emplois précaires et une sous-représentation dans les emplois de cadres des français d’origine étrangère (Maghreb et Afrique) Propositions : Former et sensibiliser tous les cadres de la fonction publique à la lutte contre les discriminations, Diversifier les dispositifs d’information, d’orientation, d’accompagnement en amont de l’entrée dans la fonction publique, Elargir les voies d’accès à la fonction publique : diversifier les dispositifs d’accès au recrutement pour renforcer – auprès d’autres publics – l’attractivité de la fonction publique, adapter le contenu des concours et la formation des jurys (…) 3 Voir le dossier « La discrimination saisie sur le vif : le testing», in Horizons stratégiques n°5, Centre d’analyses stratégique, La documentation française, juillet 2007.