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HISTOIRE DES ARTS
Fiche synthèse 3
DOMAINE : Arts du son
THEMATIQUE : ARTS, ETATS ET POUVOIR
PROBLEMATIQUE :
Pourquoi Sting s’est-il inspiré d’une mélodie de Prokofiev pour composer sa chanson
« RUSSIANS » ?
I.
Russians :
1. Présentation :
Chanson écrite et interprétée par Sting.
Sting est un chanteur pop rock britannique. Il a été leader du groupe Police.
Ce titre est tiré de l’album “The dream of the blue turtles” sorti en 1985.
2. Contexte historique :
Dans cette chanson, Sting dénonce l’absurdité des tensions entre l’URSS et les Etats-Unis dans le
cadre de la guerre froide.
Il nous dit sa peur d’une menace nucléaire entre ces deux grandes puissances.
3. Analyse :
a. Les paroles :
Khrouchtchev : homme politique soviétique au pouvoir de 1958 à 1964.
Oppenheimer : physicien américain, considéré comme l’inventeur de la bombe nucléaire.
Reagan : président des Etats Unis de 1980 à 1988.
b. La musique :
• Le style utilisé par Sting pour écrire sa chanson est à mi-chemin entre la musique pop et la
musique savante puisqu’il emprunte un thème écrit par Sergeï PROKOFIEV en 1934. Il s’agit de la
Romance du Lieutenant Kijé.
Ce thème apparaît de façon récurrente sous forme de ritournelle.
La Romance est un extrait de la musique du film « Le lieutenant Kijé » de Feinzimmer.
C’est une commande officielle faite à Prokofiev par le pouvoir en place en 1934.
Le compositeur y voit «l'occasion de s’'essayer à un sujet soviétique. Il précise : «Je m'intéresse à
un sujet qui défendrait les éléments positifs, les aspects héroïques de la construction socialiste,
le nouvel homme, la lutte pour triompher des obstacles.»
L'action, située au XVIIIe siècle mais tout à fait adaptée au XXe, est d'une ironie mordante
contre les régimes bureaucratiques.
Pour comprendre le rapport qui existe entre ce compositeur et la chanson de Sting, il faut
se pencher sur l’histoire de la musique russe pendant la dictature de Staline.
II.
Prokofiev et le pouvoir.
1. Qui est Prokofiev ?
Il est né en Ukraine en 1891 et mort à Moscou en 1953.
Compositeur très connu pour avoir composé des œuvres majeures de l’histoire de la musique.
Ex :
Pierre et le loup (conte musical pour enfant),
Roméo et Juliette (Ballet d’après l’œuvre de Shakespeare).
En 1918, suite aux événements politiques qui secouent son pays, Prokofiev choisit l'exil. Il se produit
comme pianiste dans le monde entier et s’établit aux États-Unis.
Il vient ensuite à Paris où il fréquente Stravinski, Poulenc, Milhaud, de Falla, Ravel...
En 1933, attiré par les promesses du régime soviétique, Prokofiev décide de rentrer en Russie. Au
départ il reçoit de nombreuses commandes officielles: Lieutenant Kijé, Pierre et le loup (pour les
enfants), le ballet Roméo et Juliette.
En 1938 Il rencontre le cinéaste Eisenstein et écrit la grande fresque historique et patriotique
Alexandre Nevski, qui devient une cantate et une bande son originale du film.
1940 Il fait la connaissance de la poétesse Myra Mendelssohn qui devient sa nouvelle compagne ; ils
élaborent ensemble le livret de Guerre et Paix d’après Tolstoï, opéra auquel il travaillera jusqu’à la
fin de sa vie.
1942 Il travaille sur un nouveau film historique Ivan le Terrible (1er épisode, projeté en 1945,
obtiendra le prix Staline).
En 1947 Il obtient le titre « d’artiste du peuple », mais il sera quand même l’objet de redoutables
attaques dans le cadre de l'endurcissement du régime stalinien qui lance une campagne sans précédent
contre les « mauvais compositeurs »...
Abandonné par le pouvoir, il finira sa vie dans une grande pauvreté, dont il survivra grâce au soutien
d’un jeune violoncelliste déjà très célèbre mondialement, Mstislav Rostropovitch qui menaça le
pouvoir en place de le rendre coupable publiquement de la mort de Prokofiev, s’il n’intervenait pas.
Le 5 mars 1953, Prokofiev meurt subitement d’un accident vasculaire cérébral et sa mort passera
complètement inaperçue, car il mourra le même jour que Staline.
Aux obsèques de Prokofiev, on ne vit pas de fleur, les hommes de Staline ayant fait main basse sur le moindre
bourgeon. Le cortège compta à peine une quarantaine de personnes, toute l'attention étant tournée vers la perte
de la nation. Les musiciens du quatuor à cordes qui jouaient près de la dépouille de Staline pleurèrent à chaudes
larmes – en pensant à Prokofiev.
2. La dictature intellectuelle d’Andreï JDANOV.
Staline dans sa paranoïa, était très prompt à imaginer une opposition à son pouvoir que ce soit pour la musique,
mais aussi notamment pour la littérature et d’autres arts.
Il va imaginer un moyen pour avoir un contrôle sur la création et la diffusion artistique. Il demande à Andreï
JDANOV, le « guide culturel du parti » de créer une commission chargée d’évaluer les musiciens.
Cette commission se nommera « l’Union des musiciens soviétiques » dont l’un des secrétaires sera Khrennikov.
JDANOV va imposer la notion de « Réalisme socialiste », c’est-à-dire que toute création artistique doit avant
tout servir la propagande du système et glorifier Staline. De plus, seule une musique gracieuse, harmonieuse et
mélodieuse agréable aux masses aura droit d’écoute, il est contre toute innovation et modernité.
« La musique qui est inintelligible au peuple lui est inutile » extrait du discours de Jdanov en 1948
Les musiciens suspectés d’écrire une musique qui ne respecte pas ces critères seront jugés par cette
commission.
3. Prokofiev et Staline.
Prokofiev est universellement reconnu comme l'un des plus grands compositeurs du XXe siècle, bien qu'il soit
parmi les plus négligés. Ce paradoxe s'explique par ses rapports complexes avec le stalinisme.
Ayant quitté la Russie après la révolution, Prokofiev y est retourné en 1933. Il fut le seul génie assez naïf pour
croire aux promesses d'asile de Staline. Sa création fut d'abord stimulée par la vie théâtrale de Moscou. Il
jouissait d'un statut social privilégié, d'un appartement confortable et d'une maison à la campagne.
Voyant cependant des amis disparaître lors de la première purge stalinienne, Prokofiev eut la lâcheté d'écrire
plusieurs œuvres à la gloire de Staline. À l'étranger, il fut qualifié de propagandiste officiel. Le magazine Time
titrait ainsi une couverture en 1945 : « Il marque le temps au métronome marxiste ».
Lors de la deuxième purge ordonnée par Staline en 1948, il fut publiquement condamné par l’Union des
musiciens soviétiques, privé de travail et réduit à l'indigence.
Conclusion :
Sting a choisi de s’inspirer d’une mélodie de Prokofiev car l’histoire de
ce compositeur est très représentative de la politique culturelle menée
par la dictature Stalinienne.
Il fut choisi pour être le musicien propagandiste des idéologies du parti
soviétique puis abandonné et poursuivi par l’union des musiciens mise en
place par Andreï Jdanov.
C’est donc pour dénoncer l’absurdité et la folie de ce régime, que Sting
nous fait entendre le thème du Lieutenant Kijé, comme un hommage à ce
grand compositeur déchu.
Idée de mise en lien : le film de Régis Wargnier « Est Ouest ».