en savoir plus sur Nikolaï MIASKOVSKY
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NIKOLAÏ MIASKOVSKY 1881 - 1950 « Imaginez que l’on redécouvre aujourd’hui un compositeur méconnu du nom de Rachmaninov ou Prokofiev… » Nikolaï Miaskovsky est sorti depuis peu du Purgatoire de l’histoire de la musique. La résurrection de deux cantates du compositeur, Le Kirov avec nous et Le Kremlin la nuit, par l’orchestre et le chœur du Concert des Lycées- Concert européen des élèves de Sarre et Moselle, suit la sortie récente des enregistrements des Deuxième, Troisième et Quatrième Sonates pour piano par Lydia Jardon, celle des Quatuors à cordes par les Quatuors Renoir et Taneyev, la programmation de plus en plus fréquente de Miaskovsky par les institutions musicales du monde entier, ou encore l’utilisation de larges extraits de la Symphonie n°27 par le romancier et réalisateur Marc Dugain dans son dernier film, Une exécution ordinaire. Les Œuvres Dans le cas des deux cantates citées plus haut, le mot « résurrection » n’est pas trop fort. Le Kirov avec nous n’a connu qu’une exécution radiophonique à Moscou en septembre 1943 ; diffusion certainement destiné aux léningradois alors en proie au terrible siège imposé par l’Allemagne nazie et qui coûta à la ville un million de ses citoyens. Le titre de l’œuvre est trompeur : ce n’est pas ici l’engagement patriotique du célèbre théâtre qui est exalté, mais l’intervention quasi divine et post mortem de celui qui lui a donné son nom, le très populaire Serguei Kirov, secrétaire général du Parti de Leningrad assassiné en 1934. Il faut donc comprendre ce titre ainsi : « Le gars Kirov avec nous ». L’œuvre exalte la « Grande Guerre Patriotique » sur un mode religieux et surnaturel. A l’époque où elle est écrite, en plein milieu du second conflit mondial, l’Union Soviétique œuvre à renforcer sa cohésion nationale. Pour cela, elle réhabilite tout un pan de son histoire : ses grands prédécesseurs (Ivan le Terrible, Pierre le Grand, la Grande Catherine…) et même le clergé orthodoxe. Elle galvanise ainsi les russes en puisant dans leur fonds spirituel toujours vivace. Comme Sainte Geneviève ou Saint Georges dans des récits de batailles anciens, Kirov, mort depuis neuf ans, connaît une véritable épiphanie : il apparaît à ses anciens concitoyens pour les encourager dans leur lutte contre les nazis. Le texte de la Cantate est dans la veine des grandes épopées où un héros national militaire ou spirituel disparu (Jeanne d’Arc, par exemple, sainte et patronne des armées françaises, combine ces deux caractères) en prenant « mystiquement » ou « mythiquement » le commandement des vivants. Il est vrai que pour Staline, Kirov peut entrer d’autant plus facilement dans l’Empyrée soviétique qu’ étant mort depuis longtemps, – éliminé sans doute sur son ordre.- , il ne peut lui faire de l’ombre. Créée en 1947 à Moscou – ce fut là l’unique fois où l’œuvre fut entendue - Le Kremlin la nuit décrit poétiquement la citadelle endormie, ses églises et le Tsar Pouchka, le vieux canon fondu en 1586 pour la défendre…. Après cette évocation d’un passé russe épique, le livret raconte que, au lever du jour, les forces vives de la nation, académiciens et ouvriers, arriveront au Kremlin pour préparer les plans et l’avenir…… Ainsi, conséquence de la « Grande guerre patriotique » (et, le fait est significatif, non pas soviétique, comme on aurait pu s’y attendre), Le Kremlin la nuit, comme Le Kirov avec nous, fait fi de l’idée de tabula rasa des vingt-cinq premières années de la Révolution en unissant de la manière la plus étroite passé russe clairement revendiqué et présent soviétique. Nikolaï Miaskovsky L’initiative pionnière et audacieuse du Concert des Lycées- Concert européen des élèves de Sarre et Moselle contribue donc à en finir avec le long silence dans lequel ont sombré l’œuvre et la personne de celui qui fut le compositeur emblématique de la nouvelle URSS, le prestigieux « créateur de la symphonie soviétique » et le maître légendaire de la première génération de compositeurs formés après la Révolution. Après une vie professionnelle brillante, Nikolaï Yakovlevitch Miaskovsky connût une fin de carrière difficile : en 1948, deux ans avant sa disparition, il est dénoncé comme « musicien formaliste » par Jdanov, condamnation qui ne facilite guère la programmation de son œuvre dans son propre pays, et moins encore à l’étranger. Œuvre qu’à cette même époque, l’Occident en plein renouveau esthétique considère certainement comme totalement anachronique, voire « inutile » et bonne pour les « poubelles de l’histoire », si par miracle il en prend connaissance. Facteur aggravant, Miaskovsky, homme de l’ « exil intérieur » (cette expression étant à comprendre dans le sens spirituel, et non pas juridique), n’a pratiquement jamais voyagé hors des frontières de l’URSS, contrairement à son ami Prokofiev, par exemple. Et donc jamais constitué et entretenu de réseau amical avec ses innombrables et prestigieux interprètes internationaux qui, après le second conflit mondial, auraient pu œuvrer à la diffusion de sa musique. Après sa mort, en 1950, Miaskovsky disparaît des programmes de concerts. Son image, en quelque sorte, fut effacée de l’histoire soviétique, moins tragiquement, certes, mais aussi sûrement que celles des autres victimes notables des purges staliniennes, qu’on faisait disparaître des photos officielles. Aujourd’hui, on redécouvre le compositeur à la manière dont un physicien découvre un corps céleste inconnu : grâce aux perturbations, aux effets que, bien qu’invisible, il a sur son voisinage. Quels sont-ils, ces effets ? Mise à part l’influence sur l’œuvre de Prokofiev, son ami de toujours, rien de moins que la première génération des compositeurs soviétiques, que ce professeur d’exception a révélé à eux-mêmes : Vissarion Chebaline, Dimitri Kabalevsky, Alexandre Mossolov, Leonid Polovinkine, Aram et Karen Khatchatourian, German Galinine, Andreï Echpaï, Boris Tchaïkovsky… Nikolaï Miaskovsky est la pièce manquante, centrale et nécessaire de cette constellation, pièce sans laquelle on ne peut comprendre ses tenants et ses aboutissants, ni les lois qui la régissent. Le redécouvrir est donc un impératif historique. C’est, plus encore, un impératif musical. Cette œuvre est puissante, et on mesure cette puissance à celles qu’elle a enfantées. Elle fut portée par un artiste d’une rare hauteur de vue, lucide et sensible aux courants marquants de son époque et à la voix propre ; un créateur qui, malgré les diktats du « réalisme adapté au Socialisme », a su plus que tout autre saisir sur le papier à musique les vibrations les plus subtiles émanant de l’« homme intérieur », justement. La surprise de la réentendre est d’autant plus grande qu’elle fut longtemps gardée sous le boisseau. Imaginez que l’on redécouvre aujourd’hui un compositeur méconnu du nom de Rachmaninov ou Prokofiev… Les Éditions Le Chant du Monde 31/33, Rue Vandrezanne / 75013 Paris France Tel : 33 (0)1 53 80 12 30 Fax : 33 (0)1 53 80 12 18 Courriel : [email protected] Site internet : www.chantdumonde.com