Quelle place pour la musique dans les politiques

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Quelle place pour la musique dans les politiques
SPEECH/03/224
VIVIANE REDING
Membre de la Commission européenne chargée de l'éducation et
de la culture
« Quelle place pour la musique dans
les politiques communautaire ? »
Congrès européen de musiques et danses traditionnelles
Luxembourg, 2 mai 2003
L'écrivain belge Paul Carvel a écrit que la musique mériterait d'être la seconde
langue obligatoire de toutes les écoles du monde. Cette vérité en forme de boutade
nous rappelle que la musique a une place privilégiée dans la vie culturelle de
l’Europe parce que, très tôt, elle a été un mode d’expression artistique très
largement diffusé à travers notre continent.
C'est toujours le cas : selon l'enquête réalisée l'an dernier par Eurostat sur la
participation culturelle des européens, 61% d'entre eux disent écouter de la
musique tous les jours, et plus de 25% sont allés au concert au moins une fois
durant l'année écoulée.
La pratique musicale amateur dans certains Etats montre aussi une forte
participation de la population, surtout chez les jeunes. Selon notre enquête, 12,5 %
des européens jouent régulièrement d'un instrument de musique. D'autres études
nous apprennent qu'aux Pays-Bas, 9% de la population fréquente les écoles de
musique. Au Danemark, c’est 15% de la population qui joue d'un instrument de
musique, et 13% des Français chantent dans une chorale… Le succès d'initiatives
telles que la Fête européenne de la musique montre bien que l'engouement des
européens pour la musique est répandu et spontané.
La musique est un langage universel, accessible au plus grand nombre, ce qui en
fait un des domaines les plus importants de l'action de coopération culturelle
européenne depuis dix ans. L'Union soutient ainsi un nombre important d'orchestres
européens de jeunes, tel que, pour ne citer que celui-là, l'Orchestre des jeunes de
l'Union européenne, actuellement sous la direction de Vladimir Ashkenazy. Pour ce
qui est du seul programme "Culture 2000", près d'une centaine de projets de
coopération dans le domaine de la musique ont été co-financés en 3 ans. Il s'agit
de tournées européennes, de festivals internationaux, de projets d'initiation et de
sensibilisation à la musique ou à l’opéra, de formation de jeunes musiciens, etc. En
2001 par exemple, "Culture 2000" a soutenu le projet Europe Jazz Odyssée, un
programme de création et de coopération dans le domaine du jazz. En 2003, la
priorité a été donnée aux arts du spectacle dans la mise en oeuvre du Programme
"Culture 2000" : la musique est donc plus que jamais à l'honneur.
Dans ce contexte, l'Union encourage notamment l'émergence de grands accords de
coopération, établis entre professionnels européens du secteur musical pour une
durée de trois ans. Le but est de soutenir des coopérations structurantes, larges et
durables.
Je voudrais souligner qu'à trois reprises la Commission a retenu des projets de
coopération développés autour du réseau européen des Musiques et Danses
Traditionnelles : en effet, ce réseau a été créé en 1999 à la suite des Assises
européennes de Musiques et Danses traditionnelles qui s'étaient tenues à
Perpignan en 1997, déjà avec le soutien de l'Union européenne. Le soutien
communautaire a ensuite permis, en 1998-99, de mettre en place la Route
européenne, grand portail sur l'Europe des festivals de musique et danse
traditionnelles.
De plus, depuis l'an 2000, le Réseau bénéficie d'un soutien pluriannuel dans le
cadre du Programme "Culture 2000", qui lui a permis de mettre en œuvre un
programme européen de coopération axé notamment sur des rencontres de jeunes
artistes de haut niveau, sur des séminaires pédagogiques entre formateurs, sur
l'information, la diffusion des œuvres, et la valorisation de la dimension
multiculturelle européenne.
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Je sais que plusieurs membres du Réseau ont également participé à la réalisation
du CD-Rom "Panorama européen du patrimoine de musique traditionnelle" réalisé
grace à une action conjointe du Conseil de l'Europe et de la Commission
européenne, dans le cadre de la campagne "L'Europe , un patrimoine commun".
Pour les prochaines années, nous avons soumis ces dernières semaines au
Parlement européen et au Conseil des Ministres de l'UE une proposition visant à
prolonger le Programme "Culture 2000" de deux années supplémentaires (en 2005
et 2006), afin de nous donner collectivement le temps de la discussion et de la
préparation d'un futur programme, tout en garantissant la continuité de l'action
culturelle communautaire.
Je sais que vous plaidez pour une nouvelle approche communautaire des
programmes culturels, et notamment pour un soutien durable aux réseaux. Je vous
invite donc à contribuer à notre réflexion en répondant à la consultation que nous
venons de lancer sur le futur programme culturel post-2006, et qui est accessible
sur le site internet de la DG Education et Culture de la Commission.
Par ailleurs, je voudrais vous dire que je suis bien sûr très attentive aux débats sur
la culture qui se tiennent au sein de la Convention sur l'avenir de l'Europe. Je veux
croire que tous les conventionnels sont désormais convaincus qu'une action
communautaire culturelle complétant la coopération entre Etats membres dans ce
domaine est rendue plus nécessaire encore par l'élargissement.
Bien sûr, cette action ne pourra être possible en pratique que si le passage au vote
à la majorité qualifiée au Conseil est enfin accepté par tous. On imagine mal
comment des décisions pourraient être rapidement prises à l'unanimité dans une
enceinte de 25 Etats !
Par ailleurs, nous ne pouvons négliger l'importance, dans l'article 151 de l'actuel
Traité, des paragraphes 3 et 4.
En effet, la dimension externe de notre action dans le domaine culturel apparaît de
plus en plus comme un secteur clé pour l’avenir. Le climat post-11 septembre,
perçu à tort par certains comme un choc des civilisations, nous rappelle à quel point
la culture est au cœur des relations internationales. Il convient donc de conserver
un mandat explicite à l'Union pour favoriser la coopération avec les pays tiers
(actuel article 151 §3).
La Convention ne doit pas non plus négliger l’importance de la culture comme
politique à prendre en compte de manière horizontale dans l’ensemble de l’action
communautaire. La disparition de cette disposition qui figure aujourd'hui à l’article
151 § 4 du Traité, pourrait « a contrario » être interprétée comme signifiant que
l’Union doit moins tenir compte de la spécificité des aspects culturels que par le
passé.
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Je voudrais encore dire quelques mots sur les thèmes dont vous allez discuter cet
après midi et demain en ateliers de travail ; ces thèmes me semblent en effet tous
très intéressants :
− Cultures et régions défavorisées : la contribution de la culture, des cultures, à
la cohésion économique et sociale n'est plus à prouver, et je voudrais souligner
que la politique européenne en matière régionale a bien intégré cette dimension :
une partie non négligeable des fonds structurels y est consacrée. En effet, si l'on
ne considère que le cas de la Grèce, de l'Italie et du Portugal, on voit qu'en un
an les fonds structurels ont consacré plus de 250 millions d'euros dans la
culture. Par ailleurs, dans le cadre de sa politique régionale, l’Union européenne
contribue au financement et à la restauration d'écoles de musique, salles de
concert, studios d’enregistrement, etc. Le Fonds européen de Développement
Régional a ainsi octroyé, de 1989 à 1997, environ 38,3 millions d'€uros à la
musique. Enfin, prenons l'exemple du Fonds Social Européen, qui a permis de
soutenir une formation sur un an, dans le Nord de l'Italie, de musiciens qualifiés
qui rencontraient des difficultés d'emploi. Ce projet fait suite à une étude
démontrant que beaucoup d'étudiants en musique ne trouvent pas de poste
permanent après leurs études. Le but était d'en faire des entrepreneurs, des
"managers" artistiques.
− Elargissement de l'Europe : C'est une véritable chance pour l'espace culturel
européen, en même temps qu'un grand défi. Chaque année, comme vous le
savez, le programme "Culture 2000" soutient plus de 200 projets de coopération
culturelle. Je me réjouis du nombre grandissant d'opérateurs des pays candidats
dans ces projets : en 2002, 115 des 750 organismes impliqués venaient de ces
pays. Cette année, la quasi totalité des pays candidats, à l'exception de la
Turquie, participe au programme.
− Unité / Diversité : l'unité dans la diversité, c'est une jolie définition de notre
espace culturel européen. Cette expression illustre parfaitement la réalité
actuelle de la coopération culturelle européenne. Les projets, qui naissent et se
développent en permanence dans toute l'Europe, contribuent en effet à donner
forme à un véritable espace culturel européen riche de ses diversités, en tissant
des liens entre opérateurs culturels, en soutenant la création, en favorisant les
échanges entre Nord et Sud, Est et Ouest, en renforçant le sentiment d'une
culture commune aux citoyens européens.
− Jeunesse et éducation : il est évident que les actions éducatives et en direction
de la jeunesse ont un rôle fondamental pour promouvoir la connaissance des
autres cultures, qui conduit aussi à la tolérance et au respect. A l'intérieur de
mon portefeuille, des synergies existent entre l'action culturelle et mon action en
matière d'éducation, de formation professionnelle, de jeunesse. Je citerai un
chiffre éloquent: 40% des projets soutenus par "Leonardo", le programme
communautaire pour la formation professionnelle, ont une dimension culturelle
(je pense notamment à ce que ce programme fait pour la formation aux métiers
d'art). Le programme "Jeunesse", qui touche chaque année 100.000 jeunes
entre 15 et 25 ans, soutient de nombreux projets ayant une dimension culturelle
ou socio-culturelle. Ainsi il finance des rencontres entre jeunes autour d'activités
artistiques, par exemple à l’occasion de répétitions de concerts, ou de la
découverte de formations musicales variées. Le programme "Jeunesse"
contribue également depuis plusieurs années à l'organisation des capitales
européennes de la Culture, soutenues par le programme "Culture 2000". Nous
prévoyons de renforcer ces synergies, en développant notamment notre soutien
à des projets pilotes autour de la formation et de l'éducation artistique.
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− Emploi et circulation des artistes : là encore, un sujet qui nous tient
particulièrement à cœur au niveau européen. Tous les travaux que nous avons
menés récemment nous ont montré d'une part, combien l'emploi culturel est
important pour la croissance européenne (il y aurait plusieurs millions d'emplois
en Europe dans le secteur), et, d'autre part, combien la volonté d'échanges et de
mobilité géographique des artistes est forte. Nous nous employons donc à
travailler pour augmenter leurs opportunités.
Dans le seul secteur de l'industrie musicale, on estime actuellement le nombre
de personnes employées en Europe à plus de 650.000 : on dénombrait parmi
elles, en 1998, pour les 10 pays dans lesquels les chiffres étaient disponibles,
environ 46.500 musiciens professionnels classiques et 185.000 musiciens
professionnels de musique populaire -ou l’équivalent de 80.000 emplois à temps
plein.
− Multiculturalisme : c'est encore un thème qui est au cœur de notre action: les
différentes actions prévues par le Programme Culture 2000, qu'elles viennent en
soutien de projets de coopération annuelle, pluriannuelle ou d'événements
culturels spéciaux, incluent toutes cette dimension de la promotion du dialogue
interculturel.
C'est dans le but de favoriser ce dialogue au-delà des frontières de l'Europe que j'ai
organisé l'année dernière, avec le Président de la Commission européenne
Romano Prodi, une conférence sur le dialogue entre les cultures, dans le cadre de
l'action Jean Monet. Par ailleurs, le programme "Tempus Meda", qui étend aux pays
tiers méditerranéens le programme Tempus de collaboration entre Etats dans le
domaine de l'enseignement supérieur, et le programme "Erasmus Mundus", qui vise
à établir un réseau d'études de troisième cycle européen inter-universitaires, ont
également été pensés dans le but de favoriser la connaissance des autres cultures
et le multiculturalisme. Enfin, toujours pour améliorer le dialogue interculturel, la
Commission européenne finance ou co-finance, dans le cadre du programme
"Euromed-Jeunesse", des projets euro-méditerranéens de nature sociale et
humanitaire, qui permettent de renforcer le dialogue inter-culturel.
Pour conclure, je vous souhaite un bon congrès, et ne doute pas que les
discussions y seront passionnées et passionnantes !
Je souhaite aussi une pleine réussite aux prochaines rencontres européennes de
jeunes musiciens traditionnels, qui se dérouleront fin juin dans le cadre du Festival
de Segovia.
Je regrette de ne pouvoir assister au Concert de ce soir, qui verra notamment se
produire l'Orchestre européen de jeunes artistes, créé par votre réseau, mais … ce
n'est que partie remise !
Merci de votre attention.
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