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Vendredi 26 février 2016 // No 266 // 7e année
CHF 3.50 // Abonnement annuel CHF 140.– // www.vigousse.ch
VOTATIONS
P’TITS BOULOTS ESCROQUERIE SANTÉ
Gros comme
Pauvres
Cuisine
Gare aux maladies
une ficelle P. 2-3 comme jobs P. 6
aux leurres P. 7
bissextiles ! P. 17
JAA – 1300 Eclépens PP/Journal – Poste CH SA
2
POINT V
Le trou d’Ubu
Laurent Flutsch
L’
argument de la sécurité ? Foutaise. Des
dizaines d’analyses indépendantes et
irréfutables le montrent, il est grotesque
de percer un deuxième tube au Gothard
pour raisons de sûreté parce que, en vrac
et entre autres : les accidents graves dans le tunnel sont
rarissimes ; on augmenterait leur nombre hors du tunnel
en intensifiant le trafic ; le tunnel existant dispose déjà
d’abris et d’une galerie de secours, ce que les partisans
d’un Gothard II évitent de rappeler ; une régulation
stricte de la circulation, telle que pratiquée au tunnel du
Mont-Blanc, se révèle plus efficace ; les véhicules futurs
seront munis de systèmes anticollision ; les statistiques
prouvent qu’on épargnerait bien plus de vies en
investissant les milliards dans les passages pour piétons
et les pistes cyclables.
Par ailleurs, n’est-il pas curieux que des promoteurs du
deuxième tube, qui aujourd’hui brandissent la sacrosainte sécurité, se soient naguère opposés à Via Sicura et
autres mesures visant précisément à renforcer la sécurité
routière ? L’un d’eux, le conseiller national Fabio Regazzi
(PDC/TI), l’a avoué carrément : « Nous avons un peu
exagéré le thème sécurité parce que c’est un argument qui
touche. » Traduction : « Nous avons pris les gens pour des
cons parce que ça marche. »
La cohésion nationale, l’isolement temporaire du Tessin ?
Sornettes. La rénovation du tunnel actuel serait bien
moins longue si elle n’était pas d’un luxe aberrant. Et
la moitié des Tessinois ne veut ni d’un deuxième tube
ni d’un surplus de nuisances et de pollution. Et puis
on s’apprête à ouvrir, dans la gloire et les flonflons, un
tunnel ferroviaire tout nouveau tout beau. Il serait futé de
s’en servir : le transfert de la route au rail, n’était-ce pas
vaguement le but déclaré ?
En fin de compte, il ne reste qu’un argument pour ce
second tube absurde et mégalomaniaque : le profit. Au
comité à l’origine du projet, sept membres sur douze ont
des intérêts dans la construction ou le transport routier.
Influent à Berne et très actif dans la campagne, le lobby
du béton et des camions combat le « non » à coups de
millions. L’enjeu du deuxième tunnel, donc, c’est le
pognon. Et tout le reste, c’est pour la galerie.
Vigousse vendredi 26 février 2016
POINT V
Viles campagnes
Mémé dans
les orties
TAPIN COMPLET Manifestement prêts à tout pour
racoler les voix, les partisans du oui au deuxième tube
et à l’expulsion des délinquants étrangers n’hésitent
pas à faire le trottoir ; et même le caniveau.
Par le passé, la propagande de
l’UDC s’est rarement distinguée
par son élégance et sa subtilité.
Ses fins concepteurs ont d’ailleurs publiquement déclaré leur
attachement fidèle au très délicat
principe K.I.S.S., « keep it simple
and stupid ». On a donc une certaine habitude. Quand des affiches
hautement simples et stupides
étalent sur les murs la fange démagogique des peurs et des bas instincts, on se dit que ce n’est pas
nouveau. C’est un mal récurrent.
C’est salissant, mais ça part en
récurant. La campagne actuelle
suscite toutefois des teneurs
inédites en matière grasse.
En termes de bassesse, d’aucuns atteignent, si l’on ose
dire, des sommets. Non seulement ils ne rechignent pas à
l’usage du mensonge crasse, mais
ils recourent à des « arguments »
lourdement chargés en saloperies.
Menace, culpabilité, crainte, mélodrame, paranoïa, tout est admis si
ça peut ratisser quelques voix d’ici
dimanche. Vive la démocratie, et
Séverine André,
vivement lundi.
Laurent Flutsch et Sebastian Dieguez
Habituellement adeptes des messages à la hache et des coups d’éclat
les plus douteux, les stratèges de
l’UDC ont semble-t-il fini par comprendre que pour arriver à leur fins,
il faut considérer le contexte. Pour
cette initiative, il était contextuellement important de dire « les criminels étrangers ». Pour les autres,
on verra plus tard ; il y aura bien
d’autres votations.
Comité mité
« Il est tout simplement incompréhensible pourquoi l’expulsion systématique des étrangers criminels
serait mauvaise pour la Suisse » :
le tout-ménage envoyé par l’obscur
« Comité pour le sauvetage de la
place industrielle suisse » sent fort
la tradüktion, et aussi le rance. Farci
de mensonges, il raconte notamment que « les politiciens », après
le vote de 2010 sur le renvoi des
criminels étrangers, ont « affaibli la
décision du peuple par une astuce
juridique », d’où la nécessité d’une
nouvelle votation. Non seulement
c’est faux, mais ça dit que les politiciens, par nature malfaisants, complotent en jouant sournoisement
sur les lois : belle vision des élus et
de l’Etat de droit.
Quant aux méchants adversaires
de l’initiative, ce sont des « fonctionnaires de l’industrie de l’asile »
(allez savoir ce que c’est) et des
« personnes qui se croient plus
intelligentes parce qu’elles arborent
de beaux titres ». La démagogie de
bas étage descend jusqu’au local à
poubelles.
Enfin, ce tissu d’inepties affirme
que l’initiative UDC favorise l’emploi et la prospérité. Forcément :
comme les acteurs économiques,
Mâles entendus
Mais limiter explicitement l’expul-
sion aux seuls criminels risquait
toutefois de les faire passer pour des
gauchistes. Il fallait une contrepartie, pour éviter l’émasculation communicationnelle pure et simple. Ah,
ben tiens, les femmes, ça faisait un
moment, dis donc ! Il suffit, justement, de se servir du contexte colognial (de Cologne, donc). Ça fait un
peu comme ça : « A considérer que
tous les étrangers ne soient pas des
criminels, or ceux qui le sont violent
à commencer par economiesuisse,
appellent tous à voter non, il fallait
bien pour les contredire un « Comité
pour le sauvetage de la place industrielle suisse ». Et qui est derrière
ce machin basé à Stäfa, sur la côte
dorée zurichoise ? Mystère : opportunément en rade, le site internet
n’arbore que le texte du courrier,
une vidéo UDC, un lien vers le site
UDC ainsi qu’une rengaine folkorique, Mys Schwytzerland, mys
Heimatland. Et comme l’indique le
dessin en haut du tout-ménage, c’est
très sciant. L. F.
nos femmes, donc nos femmes sont
à nous et les étrangers dehors. Ça
joue bien ! Hein zäme ? »
Dans cette dernière ligne (à) droite
avant les votations, il ne s’agit donc
ni de dire que tous les étrangers
devraient quitter le pays, ni de dire
que les femmes sont par essence
faibles et inférieures. Il s’agit plutôt
d’un savant mélange des deux, une
cause se mettant naturellement au
service de l’autre et réciproquement.
Si le message est bien compris, tout
ce petit monde devrait bien vite rentrer chez soi : les femmes à la cuisine,
les étrangers dans leur pays. S. A.
« Désolé grand-maman, ton petitfils est mort dans le tunnel du
Gothard car je n’ai pas voté oui
le 28 février 2016. » Carrément
dégueulasse, l’annonce de l’Union
suisse des arts et métiers (USAM)
use de vieille dame et de mélodrame.
Le message : voter non au deuxième
tube, c’est tuer des gens et faire pleurer des grands-mères. En d’autres
termes, les experts qui réfutent le
prétexte de la sécurité et prônent le
non, les citoyens sensés qui trouvent
délirant d’engloutir trois milliards
dans un chantier superflu, tous ces
gens-là sont des assassins. Voilà qui
à coup sûr élève le débat démocratique. Et si un ouvrier meurt en
creusant le second tunnel ? Et si l’intensification du transit provoque un
accident mortel sur l’autoroute d’accès ? Et si un gosse tessinois tombe
gravement malade à force de bouffer
de l’octane ?
L’étape suivante, après cette vomitive
tentative de culpabiliser les gens,
c’est le chantage pur et simple.
Ce que l’annonce ne dit pas, c’est que
l’USAM est présidée par le conseiller national UDC fribourgeois JeanFrançois Rime. Qui est aussi quoi ?
Président du conseil d’administration de Sagérime S.A. Qui vend
quoi ? Des équipements pour chantiers routiers. Mais bien sûr ça n’a
rien voir. Quoique : en plus de la
vieille dame, il serait vraiment salaud
de faire aussi pleurer Rime. L. F.
La guerre des moutons
Tiens ! Revoilà, sur la propagande
de l’UDC, la fameuse imagerie ovine blanche et noire. Voici
quelques années, ça avait soulevé
un tollé. Entre accusations de
racisme larvé et arguties sur l’expression « mouton noir », l’encre
et la salive avaient abondamment
coulé. Aujourd’hui, c’est bon, c’est
admis, c’est anodin, c’est normal.
Il suffisait d’attendre. A toutes fins
utiles, rappelons toutefois deux
choses. Premièrement, selon le
penseur grec Aristote (IVe siècle
avant notre ère), le mouton est de
loin l’animal le plus sot et le plus
stupide de tous. Et au XVIe siècle,
François Rabelais a joyeusement
montré cette profonde imbécillité
grégaire avec le fameux épisode
des moutons de Panurge. Dès lors,
remercions l’UDC d’assimiler le
citoyen suisse à cet ovidé complètement bouché. Deuxièmement, le
cuir du mouton, convenablement
préparé et utilisé notamment en
reliure, s’appelle la « basane », d’où
l’adjectif « basané ». Autrement dit,
qu’il soit blanc ou noir, un mouton
est toujours basané. L. F.
3
Plus c’est gros, plus
c’est con
C’est une loi tragique de
l’univers : une connerie prend
moins de temps, et demande
moins d’énergie, à être dite qu’à
être corrigée. Pour vous faire
une idée, comparez l’aisance
avec laquelle votre chat a
pulvérisé la pile de vaisselle
qui tanguait dangereusement
sur la table, et le travail qu’il
faudra pour nettoyer tout ce
bordel. A partir de là, il est
mathématiquement inéluctable
que notre environnement
mental soit peuplé de conneries
fausses, néfastes et sans
intérêt, un fait qui n’a jamais
échappé aux producteurs de
conneries fausses, néfastes et
sans intérêt. Ce sont de fins
psychologues, ceux-là. Sans
même se référer à l’abondante
littérature scientifique sur le
sujet, ils ont bien compris les
trois lois suivantes : 1) tout
énoncé est par défaut considéré
comme vrai par le cerveau
humain ; 2) une connerie,
même reconnue comme telle,
est plus facile à mémoriser
que sa correction ; 3) corriger
une connerie renforce
immanquablement la croyance
en ladite connerie.
Certes, partant de ces constats,
les psychologues ont tenté de
proposer des solutions. Celles-ci
impliquent des techniques de
persuasion, l’enseignement de
la pensée critique, la production
d’explications qui évitent de
répéter la connerie initiale,
etc. D’autres psychologues, en
revanche, considèrent que tout
est foutu. Bien sûr, ils ne le
diront pas comme ça, mais dans
la mesure où le premier crétin
venu peut démolir des décennies
de travail ardu et consciencieux
en quelques secondes, il
serait peut-être souhaitable de
reconnaître une fois pour toutes
que la connerie l’emportera
toujours sur la raison. Ce pas
franchi, il arrive même qu’on se
sente tout de suite mieux. S. D.
Vigousse vendredi 26 février 2016
4
AFFAIRES EN COURT
Soirée typique
aux Etats-Unis
Un chauffeur Uber a tué six
personnes au hasard samedi
dans le Michigan. Entre ses
meurtres, il transportait des
clients. Belle décontraction,
mais après tout il n’y a pas
de raison de laisser échapper
une occasion de gagner un peu
d’argent, quelles que soient les
circonstances. Interrogés par
CNN, des voisins ont indiqué
que le forcené, sa femme et
leurs deux enfants semblaient
être « une famille américaine
typique ». On ne saurait mieux
dire. Un cinglé amateur
d’armes qui conjugue tueries de
masse et bosse du commerce,
c’est vraiment typique du pays.
QUELLE SEMAINE!
Sans opposition,
tout est dépeuplé
Le « Comité oui au projet
Neuchâtel Mobilité 2030 »
s’inquiète : il craint que
l’objet n’obtienne pas un
soutien massif lors du vote
de dimanche. Pourquoi
puisque personne ne s’oppose
au projet ? Eh bien c’est
justement le problème, comme
l’écrit L’Express (23.2) :
« Impossible, pour le comité du
oui, de présenter des contrearguments au comité du non
puisque ce dernier n’existe
pas. » Quand il n’a personne à
qui hurler « Ne m’interrompez
pas ! », le politicien s’étiole.
Panique autogérée
Il pleut, il tonne, il grêle sur les
bourses mondiales. Sale temps
pour les investisseurs, qui trop
souvent se comportent comme de
vulgaires spéculateurs. Les premiers sont des gens responsables
qui croient dans les entreprises
où ils mettent leur argent, les
deuxièmes espèrent juste réaliser quelques bons coups. Quand
les marchés s’agitent à la baisse,
comme en ce moment, on dit
que c’est une « saine correction »
pour éviter le mot de « panique ».
Suite à la découverte d’un « bout de plastique » dans une barre chocolatée
Mars, l’entreprise allemande du même nom a décidé de rappeler des
millions de barres Mars, Snickers et Milky Way. L’annonce, en revanche,
ne fait aucune allusion aux barres Bounty, pourtant produites par la même
compagnie. On tient enfin la preuve définitive que personne au monde ne
bouffe ces horreurs.
LE CHIFFRE
19,6
En millions, c’est le nombre de
nuitées passées dans les hôtels
suisses en 2015. Un chiffre en
légère diminution par rapport
à l’année précédente, mais
sans commune mesure avec les
prédictions cataclysmiques liées
au franc fort. Il faut dire que les
Helvètes ont passé davantage
de vacances au pays, ce qui a
compensé pour les touristes qui
sont restés chez eux. Expulser
les Suisses de l’étranger, il
suffisait d’y penser !
Vigousse vendredi 26 février 2016
L’argent se ramasse
à l’archipel
François Hollande,
en pleine tournée
dans les territoires
d’outre-mer, s’est
rendu lundi à Futuna.
Le président français
a annoncé la création
d’un distributeur de
billets de banque,
une installation qui
manquait encore sur
l’île de 3600 habitants.
La population aurait
bien voulu fêter ça,
mais comme l’automate
n’est pas encore en
fonction, elle n’a pas pu
acheter de champagne
ni de confetti.
sur le moral des intervenants en
bourse. Pour eux, il n’y a rien de
pire que les incertitudes et comme
cette communauté est plutôt
réduite et repliée sur elle-même,
ils s’intoxiquent les uns les autres,
perdant toute faculté d’analyse et
créant ainsi eux-mêmes la chute
des cours. Bien sûr, les cours sont
aussi manipulés par les investisseurs institutionnels que sont les
assurances ou les fonds de pension (dont les nôtres, il faut bien
en avoir conscience).
ÇA AVANCE, ÇA RECULE,
COMMENT VEUX-TU
QUE JE SPÉCULE ?
Pourtant c’en est une, de panique,
puisqu’il s’agit bien d’une peur
irraisonnée dictée uniquement par
le court terme.
Depuis son plus haut, en 2015,
Les résignés du Bounty
5
DUR D’OSEILLE
le SMI de la Bourse suisse a perdu
jusqu’à 20 %. Que se passe-t-il ?
La croissance en Chine ralentit,
le baril de pétrole ne vaut guère
plus de 30 dollars, contre 100 en
2011, les résultats financiers de
nombreuses entreprises sont
mitigés, des doutes s’instaurent
sur la croissance mondiale. Et au
niveau géopolitique, où que l’on
regarde, on frémit. Le monde ne
va pas très bien et cela se reflète
A l’autre bout de l’échelle,
les petits boursicoteurs souhaiteraient aussi avoir leur
part du gâteau. Ils doivent
souvent se contenter des
miettes ou, pire, faire l’impasse sur ce qu’un conseiller d’une
banque leur aura fait miroiter. Ici,
encore davantage qu’ailleurs, il
faut, comme le dit Edgar Morin, se
méfier de « la docte ignorance des
experts ».
Souvenez-vous toujours que le
conseiller est un vendeur et que
son intérêt, comme celui de son
employeur, est de trouver des
pigeons pour jouer à ce jeu qu’on
appelle finance mais qui en définitive ne rapporte qu’à ses concepteurs, gérants et distributeurs.
André Draguignan*
* chef d’entreprise romand connu
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Vigousse vendredi 26 février 2016
6
FAITS DIVERS ET VARIÉS
Cancrelats à la pizzeria
Tout vient appoint
VIDE-ORDURES Sous le coup d’un
mandat d’arrêt en Suisse, l’ancien
patron du Buffet de la Gare des
Avants (VD) applique ses recettes
douteuses à Avignon (F). Avec les
mêmes ingrédients : intimidation,
non-respect du code du travail et
autres magouilles.
PAUVRE DE MOIS La population se divise en deux catégories : les riches
et les pauvres. Si vous ne savez pas bien dans quelle catégorie vous
situer, il existe un test très simple : vous connaissez l’expression « fin de
mois » ? Si oui, aucun doute, vous êtes pauvre.
Si, pour les nantis, le temps n’est
qu’une « image mobile de l’immobile éternité », comme aimait à le
dire Platon, pour les pauvres en
revanche, le temps est une succession de mois, qu’il s’agit moins de
vivre sereinement que de boucler.
D’ailleurs, les pauvres ne disent
pas « les fins de mois sont difficiles », ils disent « les fins de mois » :
c’est implicite.
En Suisse, on estime que 7,7 % de la
population se situe en dessous du
seuil de pauvreté. Il n’y a cependant
pas lieu de s’alarmer. Des solutions
existent. Il y a bien entendu l’alcool.
Mais ce n’est pas tout : les sites de
petites annonces regorgent littéralement d’offres proposant des activités
accessoires permettant d’« arrondir
ses fins de mois ».
Hormis les très classiques ventes
en réunion de boîtes-en-plastiquequi-passent-aussi-bien-au-fourqu’au-congélateur, on trouve des
activités variées, souvent vantées
comme de juteuses sinécures. On
peut par exemple être rémunéré
pour regarder des publicités sur
la Toile. Evidemment, il faut commencer par acheter un paquet à
49 dollars contenant lesdites publicités, avant de percevoir 10 centimes par publicité visionnée. Mais
c’est un investissement rentable :
les gains sont en effet estimés à
18 francs… par mois.
Globalement, les arguments en
faveur de ce genre de boulot sont
toujours les mêmes : être son
propre patron, profiter d’horaires
flexibles, faire varier ses revenus en fonction de ses besoins,
sans aucune formation requise. Le
lexique, aussi, est récurrent : freelance, leader, challenge. Non pas
qu’il faille spécialement se méfier de
l’anglais. Mais quand freelance veut
dire « tout seul dans sa merde »,
et challenge « panade intégrale »,
autant le savoir à l’avance.
Sur Anibis par exemple, un
« employeur », propose « une activité indépendante pour dame au
foyer ». Le gain annoncé est de
D’Uber dans les épinards
Au-delà de ces seules annonces, la « multiactivité » (fait d’exercer
plusieurs activités lucratives en parallèle) serait en augmentation
constante depuis une vingtaine d’années. Selon l’Office fédéral
de la statistique, 8,3 % de la population serait concernée.
Depuis quelques mois, les économistes occidentaux se penchent
d’ailleurs sur un nouveau phénomène : l’« uberisation ». Néologisme
créé par les réseaux sociaux, ce terme désigne la mise à disposition
de ressources diverses par des particuliers, en dehors de leurs
heures de travail. Si l’affaire des taxis Uber a fait couler beaucoup
d’encre, de sang et d’essence, la pratique s’étend à un nombre
grandissant de secteurs économiques. Les « uberistes », comme
on pourrait les appeler, proposent désormais leurs services dans
la finance, l’éducation, l’énergie, le droit ou encore le tourisme.
Le lancement par Uber d’un département ubereverything (Uber-tout,
en français), témoigne bien de la généralisation du phénomène.
Si ces activités sont exercées la plupart du temps à titre accessoire
afin d’arrondir les fins de mois, elles ne sont pas sans conséquence
sur le marché du travail. Nombre d’économistes parlent d’une uberlibéralisation, qui implique que les charges et les responsabilités
incombant généralement à l’Etat ou aux entreprises soient
désormais assumées par les travailleurs. Lesquels, au lieu de
graisser leurs légumes, risquent à terme de mordre la poussière.
Vigousse vendredi 26 février 2016
7
FAITS DIVERS ET VARIÉS
300 à 500 francs par mois, mais la
nature du travail n’est pas précisée.
Prenons contact avec le monsieur.
S’il peine un peu à dire en quoi le
travail consiste exactement, on
comprend que ce n’est pas vraiment de la vente. Il s’agirait plutôt
de faire connaître un produit aux
plantes, « pas un médicament mais
un produit de santé » qui est facile à
promouvoir, puisque Bruce Willis,
Karolina Kurkova et « un chanteur
dont les Portugais raffolent » ont
un contrat avec le fabricant. Le
monsieur, qui concède que c’est
un peu compliqué à expliquer par
téléphone, propose d’en discuter
autour d’un café. En précisant que
si je peux venir avec mon mari,
c’est encore mieux, parce qu’il a
eu des problèmes avec un malabar
qui pensait qu’il voulait arnaquer
sa femme. Vu d’ici, rien à dire, ça
a l’air vraiment bien clair et réglo.
Mais dans quoi se fourre-t-on
exactement, en signant ce genre
de contrats ? Une série de coups
de fil à Travail.Suisse (organisation
de défense des travailleurs) et au
Secrétariat d’Etat à l’économie (très
sensible à la défense du patronat)
permet enfin d’y voir plus clair : ces
activités, dites annexes, échappent
complètement aux compétences
des autorités compétentes, qui ne
se penchent sur ces dossiers qu’en
cas de plainte, c’est-à-dire pile au
moment où c’est trop tard. Le fin
mot de l’histoire, c’est Alexandre
Martins, de chez Unia, qui nous le
donne : le plus souvent, ces jobs ne
sont pas régis par le droit du travail mais par celui des contrats. Ce
qui en fait un « archipel inconnu »
des autorités, selon l’expression
du syndicaliste. Et qui dit archipel
inconnu dit aussi gros méli-mélo de
tout et surtout de n’importe quoi.
On y retrouve bien évidemment le
« système de l’avion », qui ne profite qu’à une seule personne (jamais
vous), le stock de produits foireux
impossible à écouler, les missions
rémunérées uniquement à la commission, entre autres joyeusetés.
Comme ces activités annexes
relèvent de contrats passés entre
des particuliers, l’équation est
assez simple : il s’agit, pour « l’employeur », de faire en sorte que tous
les risques, les coûts, la pénibilité
incombent à l’autre partie. Lui, de
son côté, s’occupera du bénéfice.
Bénéfice double d’ailleurs puisque
aucune cotisation n'est à sa charge.
« L’employé », quant à lui, est tenu
de déclarer tout revenu, dès le premier centime, à l’administration
fiscale.
Aussi contestables soient-ils, ces
contrats prennent généralement
fin en douceur : face à des objectifs par définition inaccessibles,
« l’employé », découragé, finit par
abandonner. Il ne reste plus à « l’employeur » qu’à trouver quelqu’un
d’autre, qui s’en sortira évidemment
tout aussi mal. Séverine André
Par semaine, Martinez lui a généreusement accordé 72 euros en sus
et, selon Paul en tout cas, une partie par chèque, l’autre sous la table.
Paul estime à 1890 euros les heures
supplémentaires non payées.
Paul soupire : « Oui, j’ai malheureusement travaillé à Pizza du Sud à
Avignon. » Un établissement dont le
propriétaire n’est autre que Felipe
Martinez, qui ne compte pas que des
amis du côté du Buffet de la Gare
des Avants, en dessus de Montreux
(VD). Une ardoise de près de
300 000 francs subsiste pour divers
fournisseurs et une autre de 268 000
francs suite à la faillite du restaurant
(Vigousse du 10 avril 2015).
En Suisse, Martinez est sous le
coup d’un mandat d’arrêt. Et une
demande d’extradition aurait été
faite par la Confédération, bien que
le Département fédéral de la justice
un contrat à durée indéterminée.
Les deux ont commencé avant l’ouverture, car ils ont dû terminer les
travaux : peinture, récupération de
matériel à gauche et à droite, installation de caméras de surveillance…
Paul commence comme aide de
cuisine, il assure aussi le rôle de
second, voire de chef, puisqu’il
ESCROQUE MONSIEUR est parfois seul en cuisine. Il se
transforme en plongeur, fait le
ménage, les livraisons… Quand
refuse de confirmer au motif que les scooters sont tous sur la route, il
« les demandes de recherche et arres- doit prendre sa propre voiture. Et le
tation sont confidentielles et soumises patron ne rembourse ni l’essence ni
au secret de fonction ». Le mandat l’entretien du véhicule.
d’arrêt explique son absence aux Et voilà que Paul est viré au 1er janobsèques de son père, le 8 mai 2015 vier 2016 pour faute grave : « J’aurais
été agressif et vociférant. » C’est vrai
à Clarens.
Pizza du Sud a ouvert le 17 avril qu’ils ont failli en venir aux mains :
C’est un patron tyrannique, on
2015. Paul s’est présenté à Felipe « Martinez et a été engagé en même l’avait toujours sur le dos », expliquetemps que le chef de cuisine, avec t-il. Une description que les anciens
employés du Buffet de la Gare des
Avants ne peuvent que confirmer.
Paul se voit assigné aux
prud’hommes pour faute grave et
tort moral, Martinez lui réclame
7000 euros de dommages et intérêts. Des méthodes d’intimidation
pratiquées auparavant dans le canton de Vaud, Martinez attaquant
systématiquement en justice ses
anciens employés, ses fournisseurs
ou Vigousse…
Le sympathique employeur doit
encore 2400 euros à Paul, soit ses
deux derniers salaires. Martinez prétend que ledit Paul n’a pas demandé
son chèque de fin de contrat. Paul
va riposter, il a des preuves.
Du 6 au 24 juillet, durant le festival d’Avignon, Paul a travaillé
84 heures par semaine, soit plus
du double du maximum autorisé.
Comme en Suisse, Martinez a
ouvert une société à son nom à
Avignon, Alpac Sasu, et une autre,
Orangeo, au nom de sa belle-fille
Cindy Martinez (24 ans). C’est
cette dernière qui exploite la pizzeria. Quand le premier chef de cuisine a été viré et n’a pas été payé,
il a déposé plainte. Les huissiers
ont débarqué au restaurant, mais
Orangeo a été déclarée insolvable.
« Je ne vois pas comment il peut continuer s’il est insolvable », se demande
Paul. Martinez vit pourtant dans une
magnifique villa, à l’écart de la ville,
et se fait passer pour un ultrariche :
« On lui a fait confiance, il exhibait
fièrement ses cartes de crédit chics »,
se souvient Paul. Pour lui, et les
cinq personnes virées comme des
malpropres en moins d’une année,
il s’agit de sauver la face. « Nous voulons qu’ils ferment ce restaurant, on
lui fait donc une mauvaise publicité. »
Le slogan de Pizza du Sud est limpide : « Une ambiance familiale et
conviviale ». On y travaille pour
le moins en famille, selon des
méthodes éprouvées aux Avants.
Quant à la convivialité, elle ne doit
pas concerner le personnel.
Ni Felipe Martinez ni ses proches
n’ont répondu aux sollicitations de
Vigousse leur demandant leur point
de vue. Jean-Luc Wenger
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Vigousse vendredi 26 février 2016
8
MASS MERDIA
Libido de ministre
Micheline Calmy-Rey l’a dit sur
le plateau de 26 minutes (20.2),
la fonction de conseillère
fédérale est chronophage et
mange toute l’énergie. « C’est
le désert de Gobi sur le plan
sexuel », a ri Micheline, ravie
de son retour à la vie civile.
A Bursins, voilà Caroline
Parmelin prévenue…
#Bien essayé
Sur le site du Temps (22.2),
Olivier Perrin relatait l’histoire
de la jeune Valaisanne qui a fait
le buzz avec « un petit selfie en
mouvement » sur le dernier slogan
de l’UDC. Manifestement, Ol’ veut
parler jeune. Sauf qu’un « petit
selfie en mouvement », ça reste
une vidéo. Tout comme les selfies
qu’il a pris de sa famille ne sont
en fait que de vulgaires photos.
Télétop malingre
Si on en croit le site www.tamedia.ch, extension « publications
romandes », Télétop Matin informe
chaque dimanche ses 307 000 lecteurs (chiffres MACH Basic 20152) sur les grilles actuelles des
programmes TV et, surtout, « prodigue des conseils vivants, divertissants et effrontés aux amateurs de
films ». Autrement dit des articles
rédactionnels, écrits par des journalistes qui ne se contentent pas
TOUCHE PAS
À MON TOP !
de faire des copier-coller sur la
base de dossiers de presse fournis
par les chaînes elles-mêmes. Cela
c’était avant. Avant qu’en milieu de
semaine dernière le groupe zurichois annonce vouloir « prendre
des mesures de réduction du temps
de travail et du personnel » de ce
titre. Personnel technique et journalistes seront touchés par ces
coupes, « obligées » selon l’éditeur
zurichois. Lequel, pour l’heure, se
garde bien de préciser le nombre
d’employés, à temps plein ou partiel, concernés par ces mesures.
Mais ce qui est certain, c’est qu’il
s’agira de plusieurs postes de
travail qui viendront s’ajouter à
ceux déjà supprimés l’an dernier.
Résultat : une rédaction exsangue
et de gros doutes quant à la
volonté de l’éditeur de maintenir
le titre vivant sous sa forme papier.
Le magazine de programmes télévisés le plus lu de Suisse romande
réduit à un simple empilage de
grilles TV ? Tamedia n’en serait
pas à son coup d’essai : en juin
2014 déjà, le groupe zurichois en
avait fait de même du Guide TV
encarté chaque samedi dans 24
heures, la Tribune de Genève et La
Liberté. A l’époque, cette décision
avait été violemment contestée
par l’éditeur du quotidien fribourgeois, lequel s’était alors dit
« peu désireux d’acheter et d’offrir
un produit sans apport rédactionnel ». Le hic, cette fois-ci, c’est
que Le Matin Dimanche sera, lui,
contraint et forcé de continuer à
encarter Télétop Matin. Et pour
cause puisqu’il appartient lui aussi
à Tamedia.
Pour l’anecdote, ce même Matin
Dimanche a vu son prix de vente
discrètement passer de 4 fr. 50 à
5 francs en janvier dernier. Du
coup, il a fallu agrandir l’orifice
qui, désormais, permet à l’acheteur de glisser sa thune dans chacune des caissettes… Roger Jaunin
L’humour
enfin à la portée de tous
Abonnez-vous et recevez en bonus le recueil
« Le mieux de Vigousse 2014-2015 »,
96 pages, format 24 x 31 cm,
valeur CHF 22.–
Votre
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LE COURRIER
DU CHIEUR
A Henri Dès
Pépé couillu
Cher Henri,
Vous
préparez
une
tournée
déjantée au cours de laquelle
vous revisiterez vos standards
de la chanson enfantine accompagné par Explosion de Caca, le
groupe rigolo-destroy de votre
fils Pierrick Destraz. Vous
communiquez votre enthousiasme
au « Matin » (17.2) : « C’est du
Henri Dès en plus couillu,
en adéquation avec un public
d’adultes (…) En répétition,
je dis souvent « Ah p***, ça va
chier des bulles. » On vous imagine déjà, les jambes écartées,
devant un mur de Marshall, exécutant un solo frénétique avant
de vous rouler par terre et de
bouter le feu à votre guitare
acoustique.
Se lâcher un brin pour déconner, c’est sympa, mais il ne
faudrait pas que ça vous aliène
le public habituel qui vous fait
vivre, celui des bambins et de
leurs parents. Vous prenez donc
la peine de décrire méticuleusement en quoi ce concept spécial est décadent par rapport à
vos spectacles familiaux qui se
déroulent l’après-midi. « C’est
uniquement pour les adultes, le
soir, tard, dans le milieu des
clubbers, debout, avec des gens
qui boivent. » Vous ne précisez
pas s’il y aura aussi de la
drogue, mais rien que des gens
qui boivent debout, ça fout
déjà vachement les jetons.
PUB
Vigousse vendredi 26 février 2016
9
QUELLE SEMAINE!
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h
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ent
v
En v et Na
Après cette mise au point, on
peut espérer que les enfants
auront compris qu’ils ne sont
pas les bienvenus à ces concerts
particulièrement débauchés. A
moins que vous laissiez quand
même entrer les bébés pas
encore sevrés que leurs mamans
allaiteront debout et qui supportent de se coucher tard.
Stéphane Babey
Vigousse vendredi 26 février 2016
10
BIEN PROFOND DANS L’ACTU
BIEN PROFOND DANS L’ACTU
Hitler de contrastes
Pitch
La défaite des mères
LES CHANGEMENTS DE SEXE DU PROFESSEUR JUNGE Cette semaine : je me glisse
dans la peau d’une femme pour voir de quelle manière sont traitées par le monde du
travail les employées qui veulent des enfants.
Février 2016. Nous étions impatientes car Gisèle revenait de son
congé maternité. Elle avait promis
de passer au bureau pour nous faire
admirer son bébé. Las, à peine at-elle mis les pieds dans l’entreprise
qu’elle a été convoquée par les ressources humaines. M. Desmeules,
le directeur, s’est ensuite adressé
à l’ensemble des employés. Il a
expliqué qu’il avait été contraint
de licencier Gisèle, car c’est une
égoïste qui ne pense pas assez à son
patron. Il a martelé qu’il ne tolérerait plus de tels comportements
scandaleux. Les femmes doivent
choisir : travailler ou fonder une
famille, mais elles ne peuvent pas
avoir les deux et rester efficaces. Il
a enfin rappelé que les mamans ne
sont protégées par la loi que durant
leur congé. Dès leur retour, elles
peuvent être congédiées le plus
légalement du monde.
Mars 2016. Désormais, la tempé-
rature de toutes les employées est
prise chaque matin. Celles qui sont
en période de fertilité ont droit à un
tête-à-tête avec un responsable RH
qui les enjoint à s’abstenir de relations sexuelles pour le moment. Il
GODWIN-WIN S’il est parfois légitime d’accuser un adversaire d’avoir atteint le
« point Godwin », en d’autres circonstances c’est se comporter comme les nazis.
Petit survol au bras levé.
leur distribue des préservatifs au
cas où l’abstinence ne peut pas être
observée.
Septembre 2016. Malgré les
mesures antifécondité, Céline est
tombée enceinte. M. Desmeules ne
décolère pas. Il a imposé la prise de
la pilule pour toutes les femmes en
âge de procréer. Le traitement est
ingéré chaque jour en présence du
responsable hiérarchique.
Avril 2017. Isabelle a réussi à trom-
per la surveillance de nos gardiens.
En se faisant vomir sa pilule chaque
jour puis en se couvrant d’habits
amples, elle ne s’est fait repérer qu’à
son cinquième mois de grossesse.
En rétorsion, toutes les femmes de
l’entreprise se sont fait implanter de
force un stérilet et devront passer une
échographie préventive chaque mois.
Juin 2018. Les RH ont durci les
conditions d’embauche pour les
jeunes femmes. Elles sont maintenant soumises à des tests durant lesquels elles visionnent des images de
bébés souriants. Si elles manifestent
le moindre signe d’attendrissement,
elles sont immédiatement recalées.
Novembre 2019. Nous sommes
conviées à une conférence scientifique sur le thème : « Devenir
maman à l’âge de la retraite, c’est
possible ! » On nous y explique à
quel point il est plus reposant de
s’occuper de bambins lorsqu’on est
vieille et flétrie, que l’on n’a plus le
souci de plaire et encore moins de
se rendre utile dans le tissu économique suisse.
Août 2019. Nos salaires ont encore
été baissés de 30 % pour prendre en
compte les jours où nous sommes
moins productives en raison de
nos règles. Comme nous étions
déjà payées 20 % de moins que les
hommes en moyenne, il ne nous
reste plus grand-chose.
11
Janvier 2020. J’en ai marre d’être
exploitée en tant que femme. Je
décide de changer de sexe.
Décembre 2020. Quel bonheur !
Me voici enfin papa ! Pour l’occasion, M. Desmeules m’accorde une
augmentation de salaire et une promotion. Il estime que la paternité
me motivera à m’investir davantage
pour l’entreprise et me fera acquérir
de nouvelles compétences. Ma première décision en tant que nouveau
chef des RH est de virer Barbara, que
j’ai surprise en train de feuilleter un
catalogue de poussettes. Professeur
Junge, phare de la pensée contemporaine
C’est une bisbille dans une campagne toute pourrie, mais elle
n’en est pas moins très intéressante. Martin Landolt, président
du paisible PBD, a fait sensation
en « tweetant », le 15 février, une
image des plus éloquentes : la
croix suisse, étirée aux extrémités
en croix gammée, et accompagnée
du message : « 1933 : Deutschland ;
1948 : Südafrika ; 2016 : Schweiz ».
Inutile d’être un grand germaniste
pour comprendre le message : l’initiative UDC de « mise en œuvre »
rappelle les politiques discrimina-
comparant l’UDC au nazisme, il
utiliserait simplement les mêmes
méthodes que l’UDC. Voilà qui
pose le problème de la fameuse
« loi Godwin »…
Mike Godwin, jeune juriste en
1990, postait sur un ancêtre de
nos réseaux sociaux la formule
suivante : « Plus une discussion en
ligne dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf
Hitler s’approche de 1. » Ce n’était
guère qu’une dérivation mathématique (triviale, soit dit
en passant, puisqu’elle
à n’importe
NAZI SOIT QUI MAL Y PENSE s’applique
quoi) de la reductio
ad hitlerum, contre
laquelle le philosophe
toires de l’Allemagne nazie et de Leo Strauss, en 1953 déjà, se metl’apartheid. L’image n’a du reste tait lui-même en garde : « Qu’Hitler
rien de confidentiel puisqu’elle ait partagé une opinion ne suffit
était affichée en gares de Genève pas à la réfuter. » Ainsi, l’industrie
et de Zurich, quelques jours avant du tabac a utilisé la « carte nazie »
les votations. Si bien que le citoyen contre ses adversaires jusqu’au
ordinaire doit se taper à la fois les milieu des années 1990, exploitant
fameux moutons noirs et des croix le fait que le troisième Reich avait
gammées dans les lieux publics : édicté des lois antitabac. Ce genre
ambiance…
de comparaison a fini par porter un
discrédit total sur toute invocation
Martin Landolt justifiait son tweet du nazisme dans quelque conversarageur en arguant que l’UDC nous tion ou débat que ce soit, et, notama habitués aux outrances et que la ment sur le net, l’attribution d’un
polémique était la seule réponse (ou l’accès au) « point Godwin »
à sa propagande. En gros, en devenait l’anathème ultime.
Par extension, toute personne
s’aventurant dans ces eaux
troubles se voyait d’emblée disqualifiée : légitime ou non, la carte
nazie offre en effet un motif d’outrage très pratique à celui qui se la
voit appliquée, qui a beau jeu dès
lors de hurler au « point Godwin ».
Pourtant, on oublie souvent que
l’idée de Godwin, à l’origine,
n’était nullement d’interdire tout
recours à l’analogie fasciste ou
nazie, mais bien plutôt d’encourager les comparaisons sophistiquées et substantielles entre notre
actualité et les atrocités nazies.
Or le meilleur moyen d’y parvenir est précisément de décourager
les analogies frivoles et outrancières, qui par leur accumulation
risquent fort de noyer le poisson et
d’anéantir toute réflexion digne de
ce nom. De fait, si on ne pouvait
jamais rien comparer au nazisme
sans se voir accuser machinalement d’avoir succombé à la loi de
Godwin, il n’y aurait aucun moyen
de tirer quelque apprentissage
que ce soit des « heures les plus
sombres de notre histoire ».
Non, l’UDC ne souhaite probablement pas l’extermination de
millions d’étrangers, ni même leur
mise à l’écart complète. Mais tout
l’art de la comparaison consiste à
trouver un point d’appui qui fasse
mouche, et dans le cas présent, la
création de facto de citoyens de
seconde zone ainsi qu’une rhétorique raciste et populiste semblent
légitimer la reductio ad hitlerum.
S’en offusquer, ce serait faire honneur aux nazis. Sebastian Dieguez
Le strip de Bénédicte
De pimpants
ponts peints
En avril 2015, les usagers de l’autoroute
Genève-Lausanne avaient découvert
d’étranges peinturlures rouge, noir et
blanc en divers endroits de leur parcours.
Après moult conjectures (des militants
pro-Kurdes ? Des djihadistes irakiens ?),
le mystère des ponts peints est à présent
résolu : les vandales étaient 17 supporters
« ultras » du Lausanne Hockey Club. De
banals crétins, qui l’eût cru ?
Vigousse vendredi 26 février 2016
Vigousse vendredi 26 février 2016
12
CULTURE
CULTURE
Des films
Pères et impairs
BROUILLON
DE CULTURE
À POIL Avec l’exposition Scalp,
l’Atelier Tramway à Villars-sur-Glâne
(FR) tourne autour du poil. Sept
artistes (Julien Babel, Lorna Bornand,
Alexia Turlin, Claude-Hubert Tatot,
Cathia Rocha, Mevin Kartin et Anaïs
Verdon) se sont inspirés du système
pileux pour des interprétations
ludiques, érotiques ou franchement
peu ragoûtantes. Jusqu’au 2 avril, avec
une journée performances le samedi
5 mars. www.atelier-tramway.ch
Vigousse vendredi 26 février 2016
Des expos
John Cassavetes est l’un des
révolutionnaires essentiels du cinéma :
non seulement il tranche radicalement
avec le vernis hollywoodien, mais
il fait vraiment la différence par
le choix de ses sujets et par leur
traitement. Il se limite à quelques
personnages, souvent des couples
en proie à des crises existentielles. Il
est l’un des inventeurs de la caméra
portée, restant presque « collé »
à ses acteurs et créant ainsi une
proximité émotionnelle dévastatrice.
Le premier film réédit par Wild Side
est méconnu : une œuvre de jeunesse
où Cassavetes témoigne du quotidien
d’une institution pour enfants autistes
et attardés mentaux en mettant le
doigt sur les techniques de soin
souvent inefficaces à cette époque.
Puis le formidable Love Streams où il
analyse la relation fusionnelle entre
un frère et une sœur, entre amour
inconditionnel et troubles plus graves.
Gena Rowlands, formidable actrice
et femme du réalisateur à la ville, y
est encore une fois exceptionnelle.
Michael Frei, Karloff, films culte,
Et si on bougeait un peu ? D’accord,
à Bâle on cause bâlois, mais ce n’est
pas si loin ! Surtout, on y trouve
jusqu’au mois d’avril deux expos
qui valent le déplacement et qu’on
pourra aisément grouper. Au bord
du Rhin, le Musée Tinguely propose
Prière de toucher. Le toucher dans
l’art, sens ô combien réprouvé et
négligé, y est mis à l’honneur sous
toutes ses formes. Contrairement
à l’usage muséographique, ici
on peut tripoter, caresser et palper les œuvres. Enfin, pas toutes
les œuvres : les gardiens se feront
une joie de taper sur vos doigts
fouineurs si votre curiosité passe
les bornes... En plus d’activer les
joyeuses machines de Tinguely dans
l’expo permanente, on se baladera
dans la curieuse baraque d’Augustin
Rebetez, on tapera dans des ballons,
Un spectacle
Un roman
Crise et analyse
À VOUS DE VOIR Il y a ceux qui ont péché (Spotlight), ceux qui vont
pêcher (Tempête) et ceux qu’il aurait fallu empêcher de nous prendre
dans leurs filets (Pattaya)...
Pour ceux qui ne trouvent pas ça
très catholique. Aujourd’hui, les
journaux ont des équipes chargées
de faire du clic et dont le « scoop »
ultime est de faire savoir ce qu’une
starlette cathodique a mangé au
petit déj’. Hier, le Boston Globe
avait aussi sa cellule spéciale, baptisée Spotlight, mais s’intéressait à
d’autres turpitudes, catholiques
celles-là. Autres temps, autres
mœurs. Ces dernières laissaient
à désirer du côté de l’Eglise qui
abritait, en son pas très sain saint
sein, une armée de brebis galeuses
appelées prêtres pédophiles, et
qui les couvrait, les changeant de
paroisses au gré des rumeurs. Trois
Pater, mais pas d’aveux ! C’est
ce scandale, d’abord états-unien
avant qu’on réalise que c’était partout pareil, que révélèrent en 2002
les journalistes d’investigation du
Boston Globe. Ce qui ne fut pas un
jeu d’enfant, leur scoop ayant été
publié après... 12 mois d’enquête !
Spotlight, c’est donc du cinéma
qui ne vise pas à être fun, laisse
de côté les mouvements virtuoses
de caméra pour se consacrer à son
sujet, remuant la plume dans la
plaie. Sérieux, édifiant, rappelant
le cinéma des années 70 (la référence aux Hommes du président
Des védés
est évidente), c’est un bel hommage à un journalisme qui fustigeait les bas instincts plutôt que
de les flatter.
Pour ceux qui savent ce que
c’est que la galère. Dom est un
humble pêcheur qui a de la peine
à se maintenir à flot. L’argent est
à marée basse, les liens familiaux
tanguent et on lui coule ses projets quand il voit poindre l’espoir à l’horizon. Vague à l’âme !
Fiction moins douce qu’amère qui
navigue dans les eaux documentaires, Tempête est un grand film
sur les petites gens. Qui restent sur
le pont, dignes.
Pour ceux qui ne mettent aucune
limite à la vulgarité. Franck
Gastambide, de la bande des
Kaïra, décolle pour Pattaya. Le
spectateur se taille au bout d’un
quart d’heure, surtout s’il a oublié
son sac à vomi dans l’avion...
Bertrand Lesarmes
rares et classiques, Lausanne
Love Streams / Un enfant attend, John
Cassavetes, 1963/84, Wild Side, vf et
vost, DVD et Blu-ray, 244 min.
Spotlight, de Tom McCarthy (2 h 08) ;
Tempête, de Samuel Collardey
(1 h 29) ; Pattaya, de Franck
Gastambide (1 h 37). Tous en salles.
RIRE DU PIRE Pour Thierry Meury
et Florence Quartenoud, le bilan est
sans appel : On va pas vers le beau.
En effet, services publics, banques,
médecine, mais aussi vie de couple,
plus ça va, moins ça va. Au caveauthéâtre l’Oxymore à Cully, du 2 au
13 mars. www.oxymore.ch
ORIENT EXPRESS Vous avez
toujours rêvé de rencontrer l’écrivain
Mathias Enard ? La Fondation
Michalski à Montricher réalise votre
souhait le 6 mars. En présentant
son dernier ouvrage, il racontera,
en filigrane, l’histoire d’amour entre
Orient et Occident. www.fondationjanmichalski.com
PALESTINE Réfugié en Suisse,
le dessinateur syrien Hani Abbas
expose au Forum Meyrin le vendredi
4 mars, au cours d’une soirée De
Meyrin à Gaza en marge du concert
de Marcel, Rami & Bachar Khalifé.
Ses caricatures sont à vendre et les
bénéfices de la soirée iront à un
projet d’atelier de peinture pour les
enfants de Gaza.
www.forum-meyrin.ch
À LA LOUPE Jeudi 3 mars, c’est la
Night du polar au Musée de la main à
Lausanne. Entre recherche d’indices
et analyses scientifiques, le public
aura de quoi s’amuser : le crime
paie ! www.museedelamain.ch
COMIQUE D’OFFICE Les quatre
héroïnes de la pièce Office Girls se
proposent de faire rire sur la vie
au bureau. Un pari lancé au CACG
Voltaire à Genève, du 2 au 19 mars.
www.cacg.ch
INSTALLÉ Dans les anciens
abattoirs de La Chaux-de-Fonds,
François-Xavier Rouyer déploie son
Hotel City. Une œuvre composite
entre théâtre, cinéma et installation
plastique. L’artiste a repensé sa
création pour Quartier général, centre
d’art contemporain. Jusqu’au 10 avril,
www.q-g.ch
Bâle en touche
Association
de malfaiteurs
Avec Discours à la nation, le comédien belge David Murgia présente
un théâtre politique engagé et
enragé. Drôle aussi. Sur un texte
et une mise en scène de l’Italien
Ascanio Celestini, Murgia s’engage
dans un féroce pamphlet contre
les méfaits du capitalisme. Il met
au jour les véritables pensées des
hommes de pouvoir, un peu comme
si le cynisme des participants au
Forum de Davos se jouait sur une
scène. Lors de son passage au
Théâtre du Rond-Point à Paris, il y a
une année, Libération situait David
Murgia entre Arthur Rimbaud, Che
Guevara et Raoul Vaneigem. Il y a
parenté moins heureuse. A 27 ans,
Murgia décrypte le discours des
dominants et entre en résistance à la
scène comme à la ville.
En 2013, Discours à la nation a
mérité le prix du public au Festival
off d’Avignon et, curieusement,
Bienne a l’honneur de proposer la
seule date en Suisse. Alors, théâtre
politique ou théâtre citoyen ? Peutêtre juste du théâtre nécessaire.
J.-L. W.
Discours à
la nation
au Théâtre
Palace de
Bienne, jeudi
3 mars à
20 h 15. www.
spectacles­
francais.ch
on pelotera des statues antiques, on
apprendra plein de trucs sur l’histoire du toucher et on verra enfin
l’engin de torture inventé par Kafka
dans La colonie pénitentiaire. Un
peu de sexe et de trash, mais pas
trop. De l’art qui bouge, qui grince
Le poids du monde sur le dos
Les amateurs de Topor sont à la fête.
Tandis que Les Cahiers Dessinés
publient régulièrement ses travaux
graphiques, les Editions Wombat
continuent d’exhumer ses textes.
Joko fête son anniversaire, qui date
de 1969, n’avait jamais été réédité,
malgré le prix des Deux-Magots
décroché à l’époque.
Joko se rend comme tous les matins
à son travail à la citerne de la ville
lorsque, sans crier gare, un homme
lui saute sur le dos et lui ordonne
de le transporter jusqu’à son hôtel.
Après quelques hésitations, Joko
et ses collègues prennent l’habitude de se transformer en bêtes de
somme pour le compte de passagers
très exigeants. Il faut dire que ces
gens importants, qu’on appelle les
congressistes, paient des sommes
mirobolantes. Un rapport de dépendance s’instaure entre les porteurs et
les clients, rapport qui prendra une
tournure monstrueuse, du genre
kafkaïen.
Dans ce très court roman, Topor
va directement à l’essentiel. Pas de
psychologie, pas de digressions, pas
de contexte. De fait, le récit s’apparente à une fable très noire, un conte
cruel sur l’exploitation de l’homme
par l’homme. Dès le départ, c’est leur
dignité que les travailleurs cèdent,
car outre le chargement humiliant
sur le dos, les clients ne se gênent pas
pour leur bourrer les côtes de coups
de pieds ou les insulter. Ils paient si
bien, alors c’est acceptable… Mais
la transformation du prolétaire est
plus profonde. Lorsqu’un docteur
qui voyage sur son dos demande à
13
et qui frotte, les gosses vont adorer !
Un bus et un tramway plus loin,
l’expo Jean Dubuffet de la Fondation
Beyeler finira de vous convaincre que
l’art est une affaire corporelle avant
tout. Paysages, visages, corps, sols
et matières, art des fous, art j’m’en
fous, tout l’œuvre de Dubuffet se
voit autant avec la peau, les tripes et
les tendons qu’avec les yeux. Chose
rare, l’étonnante et énorme fresque
mobile Coucou Bazar y est présentée. L’art à fleur de peau, c’est d’un
Bâle deux coups. Sebastian Dieguez
Jean Dubuffet, Fondation Beyeler,
jusqu’au 8 mai. www.fondationbeyeler.ch
Prière de toucher, Musée Tinguely,
jusqu’au 16 mai. www.tinguely.ch
Une BD
De tout un peu
Joko ses impressions sur sa nouvelle
activité, il répond : « Je regarde plus
souvent le sol depuis que je vous
porte. Avant, je regardais surtout
le ciel. » Progressant dans un implacable crescendo, le texte enchaîne
ensuite les scènes d’horreur et de
grotesque dont Topor a le secret
pour s’achever sur un final glaçant.
D’où provient la cruauté du monde ?
Tout simplement du plaisir que l’on
ressent à infliger de la souffrance
aux autres, semble dire l’auteur.
Dans
sa
préface,
Pacôme
Thiellement avance que si Topor
n’avait été que romancier, il serait
considéré comme un des plus
grands écrivains du XXe siècle. Que
s’il n’avait été que dramaturge, on
l’estimerait autant que Beckett ou
Genet. Que s’il n’avait été qu’illustrateur, on l’exposerait aux côtés de
Bacon ou Giacometti. Mais comme
il était tout cela à la fois, et bien plus
encore, il ne demeure que comme
un joyeux déconneur. Ce pur chefd’œuvre qu’est Joko, dont on ressort chancelant et à bout de souffle,
montre à quel point il a raison.
Stéphane Babey
Depuis quelque temps, Fluide
Glacial a confié une chronique
culturelle à Menu, ancien pilier de
L’Association et pionnier de l’autobiographie dessinée. Intarissable
sur le rock ou la BD de bon goût,
l’auteur aime aussi digresser et
raconter sa vie, ses souvenirs d’enfance, ses collections bizarres, ses
rencontres et ses dérives alcoolisées. Malgré de constants sauts du
coq à l’âne, ce recueil est étonnamment digeste et se lit avec plaisir
par grosses portions.
Joko
fête son
anniversaire,
Roland
Topor,
Editions
Wombat,
128 pages.
Chroquettes,
JeanChristophe
Menu,
Editions
Fluide Glacial,
64 pages.
Au-delà de l’affirmation de ses
choix esthétiques, Menu raconte
comment il s’est forgé une culture
au travers des influences de son
temps, qu’elles soient populaires ou
underground. Parmi les meilleures
anecdotes, on retient la découverte
du punk à travers les disques que
son père ramenait un peu au hasard
de la discothèque de son entreprise.
Et le passage émouvant où Menu
tente de parler de ses derniers achats
de disques alors que l’attentat de
Charlie Hebdo venait de survenir.
S. Ba.
Vigousse vendredi 26 février 2016
14
15
REBUTS DE PRESSE
La messe est
cuite
Le Temps manque d’adresse
La presse écrite se meurt et fait tout pour décourager ses
derniers lecteurs fidèles au papier. Un abonné du quatrième
âge au Temps en a fait l’expérience. Mi-décembre, il avait
informé le service des abonnements de son changement
d’adresse. Rien ne se passe. Il patiente durant la période
des Fêtes, « les bureaux sont certainement fermés », imagine
le brave homme.
Ça bouge du côté de l’affaire « RTS
Religion » ! Rappelons qu’en novembre
dernier, la direction de la RTS annonçait
la suppression prochaine de trois
programmes radio et TV consacrés à la
religion. Une perte colossale qui allait
contribuer à la radicalisation d’une
jeunesse sans repères, s’écriaient alors
des milliers de fans ulcérés par les
voies impénétrables du service public
audiovisuel. Car c’est bel et bien le rôle
de celui-ci d’évoquer en continu les
puissances de l’au-delà et les mystères
du surnaturel, sans quoi le monde réel
deviendrait incompréhensible. Bref,
aujourd’hui les partenaires très laïques
Cath-Info (transsubstantialistes) et
Médias-pro (non-transsubstantialistes)
proposent un compromis dans les coupes
budgétaires. O.K. pour une réduction
d’un demi-million de francs, et va pour
quelques messes et cultes télévisés en
moins par année, disent-ils. Curieusement,
il n’avait jamais été question pour la
RTS de toucher à ces messes coûteuses,
répétitives et explicitement dévotes, alors
qu’on voit mal la plus-value « sociale »,
« réflexive » ou « contemporaine » de tels
épanchements de piété cathodique. On
progresse donc : encore quelques efforts
des deux côtés, et on ne parlera bientôt
plus de religion que pour évoquer la SaintMachin à la météo et la dernière facétie
du pape aux nouvelles. S. D.
Gare aux grilles par
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Vigousse vendredi 26 février 2016
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Le 21 janvier, l’un de ses proches, Julien, téléphone au service
ad hoc de Ringier Romandie, propriétaire du quotidien.
On lui certifie que le journal arrivera au plus tard le mardi
26 janvier. Julien se fend d’un courriel courroucé le 31 janvier.
Le lendemain, une aimable collaboratrice lui explique que
« la transmission n’avait pas été faite à notre direction en Suisse
allemande ». Bigre, si Ringier Suisse à Zurich s’en mêle, l’affaire
va se dénouer rapidement.
Mardi 16 février, toujours rien. Nouveau coup de fil du tenace
Julien. On lui répond que « tout ça c’est la faute du distributeur ».
Julien demande alors les coordonnées de la société de portage
coupable d’un tel mépris. Refus catégorique. Julien l’avoue
et s’en excuse : « Je me suis montré discourtois et énervé, voire
grossier, mais pas insultant. »
Le mardi 23 février, nouveau téléphone de Ringier : « Ça ne
devrait plus tarder. » A l’heure de mettre Vigousse sous presse,
le dénouement restait incertain.
Même furax, Julien ne manque pas d’humour, il avait écrit
à Ringier : « Désespérant de voir une telle négligence de votre
part, je suppose que dès son décès, pour rectifier la situation,
vous lui offrirez la crémation. » A Zurich, les experts du geste
commercial chez Ringier cherchent sans doute encore la
traduction de crémation. Pourtant, c’est comme le papier, tout
finit en cendres. J.-L. W.
égé No 97
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HORIZONTAL  1 On y mange Carné au Chili  2 Plus ou moins prude de l’hémisphère
sud  3 Volume important de pomme pour un seul homme – Un de la famille à
Séville  4 Voue fol amour à son idole - Fortement pénétré d’un sentiment  5 Court
parcours en Asie – De la mer au marais  6 Chez cher à Thatcher – Galette à
chansonnettes – Sartre lui adjoignit le néant 7 Rampent tout seuls – J’existe, dit le
travailliste (2 mots)  8 Vers dans un vers d’Ovide – Nain par rapport à Prost, géant
par rapport à Grosjean  9 Emettrais du ventre entre les dents  10 Partie de série –
Se fait amender sans s’amender dans la finance.
VERTICAL  1 Crime astucieux sous nos cieux aussi (4 mots)  2 Caractère typique
du caustique – Coule de bas en haut  3 Donna le lolo à Apollon – Sourit si Shaqiri
rit  4 Crimes moins astucieux en famille  5 Chargement d’antan – Blocher en est
là – Enée et Achille à votre oreille  6 Division de division – Prénomme homme
d’Arabie  7 Pierre magique et sympathique – Dépôt pour suppôt d’alcoolisme  8
Tensions à Sion par exemple  9 Ne feras pas cas  10 Tête d’œuf – Trop d’urée.
Solution pour les nuls dans le prochain numéro
[email protected]
LE CAHIER
DES SPORTS
DÉTRUIRE
C’est une manie, chez certains sportifs,
de casser leurs instruments de travail
dès que quelque chose va mal. Et que
je te brise une raquette au premier
revers dans le filet, que je fracasse ma
crosse pour un slap envolé aux étoiles
et, dernière vidéo à la mode, que je
« règle » mes fixations de ski à grands
coups de marteau. Championne des
championnes, l’Américaine Lindsey
Vonn s’en est donné à cœur joie après
une chute dans la descente de La
Thuile, nom prédestiné, il y a quelques
jours. Bon, d’accord, elle s’est excusée,
a demandé pardon à ses fournisseurs
et s’est empressée de préciser que
ceux-ci lui procuraient « le meilleur
matériel du monde ». Et quelques sous
en plus, mais ça, ça ne se dit pas.
MAG
« C’est long !
J’ai vraiment hâte
d’être présidente, vous
devriez voir le petit
stagiaire que je me suis
choisi. »
VOIX
Sebastian Dieguez
OFF
INSOLITE
EN VITE
Des lobbyistes peu convaincus par une étude
qui va dans leur sens
International Ces hommes
Au départ, la nouvelle était des plus enthousiasmantes. Une étude scientifique venait confirmer tout le
bien-fondé de l’activité de ces lobbyistes ! Mais une lecture attentive devait rapidement les faire déchanter :
« Oui, c’est vrai, ces résultats étaient très séduisants et semblaient confirmer tout ce pour quoi nous nous
battons depuis si longtemps, mais il convient toujours de rester prudent avec ce genre de données, et au
final ce truc était totalement bidon », a expliqué Juan Hortolense, un lobbyiste très influent. Dommage !
Oh, comme je les admire, ces sportifs
qui osent. Bénie sois-tu, Lindsey, vive
McEnroe, gloire à trucmuche ! Et
merci à eux de m’avoir fourni, dans
leurs colères, la matière pour cette
chronique, 266e du genre et dont, je le
dis, je me fiche totalement de savoir si
elle va oui ou non remplir l’espace qui
m’est réservé.
Et ce sera tout pour cette semaine.
Roger Jaunin
Société Un robot de déminage
laissé sans surveillance crée la
psychose.
Religion Jean-Paul II n’aurait
pas eu le temps d’effacer son
historique internet avant de
mourir.
HISTOIRE
« J’en ai marre de
tous ces nazis »
Médias Michel Drucker aurait
enregistré des milliers d’émissions
en secret : elles devraient être
diffusées après sa mort pendant
encore de nombreuses années.
Londres, 28 juin 1936 : Winston Churchill
devient la première personne à atteindre le
point Godwin
Tendance De plus en plus
d’adolescents pratiquent le
branling.
Franchement, je ne vois pas dans
de tels actes où peut être le mal. Tous,
un jour, nous sommes tentés d’en faire
de même. Prenez par exemple cet
ordinateur sur lequel, semaine après
semaine, je m’échine à pondre un texte
drôle (?), calibré 1879 signes espaces
comprises, « en rapport avec le sport »
insiste inlassablement mon réd en chef
qui n’y connaît rien et qui de toute
façon ne le lit pas. Vous croyez que je
n’ai pas moi aussi, et souvent, l’envie
de le détruire, ce fichu ordi ? Et hop,
par la fenêtre le machin, écrabouillé,
en mille pièces, les tripes à l’air sur le
trottoir, ce truc avec une pomme sur le
bas de l’écran juste pour me rappeler
hebdomadairement que j’en fais une
belle. De pomme.
en colère décident de se réunir
autour d’une caméra.
Sport Du nouveau dans le
football : selon plusieurs sources
concordantes, une équipe aurait
fait la différence en se créant des
occasions.
INQUIÉTUDE
Plus de 4000 jeunes seraient
soupçonnés de faire des
vidéos humoristiques dans
leur chambre
Misère sociale, déracinement culturel, endoctrinement,
imbécillité congénitale ? Difficile d’expliquer le phénomène
à ce stade, mais le rapport gouvernemental « Adolescence et
vidéos humoristiques » a fait l’effet d’une bombe. Ils seraient
plus de 4000 à réaliser des vidéos dans leur chambre, le plus
souvent des sketches qui racontent la vie quotidienne des
ados. Ce désastre inquiète de plus en plus les spécialistes, qui
mettent en garde contre la prolifération prochaine de comiques,
chroniqueurs et autres amuseurs publics. « Vous verrez, avertit
cet anthropologue des médias, bientôt on leur demandera : alors,
vous avez été découvert sur internet ? Il faut à tout prix agir, et
vite. » Pour l’heure, cependant, rien n’interdit aux jeunes de faire
des vidéos humoristiques dans leur chambre. Un vide juridique
surprenant, qui va heureusement très rapidement devenir une
urgence nationale.
ARTS VIVANTS
Des scientifiques découvrent que l’entracte serait le meilleur remède
contre les quintes de toux
spectacle
entracte
spectacle
UISSE : Nos femmes et nos filles exigent davantage de connards décérébrés – INTERNATIONAL : La question épineuse des danses lascives à Genève sera étud
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{
B É B E RT D E
PLONK & REPLONK
}
LA SUITE AU PROCHAIN NUMÉRO
A UE et à dia?
Pas maladroite ? Pas mal à droite
surtout, la dernière sortie de Boris
Johnson, qui vient de faire son
coming out ! Sur le sujet qui agite
l’Angleterre, à savoir le Brexit
(British Exit ou sortie de l’UE),
mot-valise qui vise notamment à
ce que d’autres fassent les leurs, le
maire de Londres a rejoint dans le
camp de ceux qui veulent dire byebye à l’Union européenne des gens
dont l’humanisme est à prendre
avec des pincettes. Qu’on appelle
aussi brucelles…
On y trouve ainsi Nigel Farage,
chef du parti nationaliste Ukip.
Au Royaume plus très uni, il n’y
a pas que le Prince qu’on sort !
Pourtant Johnson, membre du
parti conservateur, le jure : « Il est
vital de rappeler qu’il n’y a rien de
nécessairement anti-européen ou
xénophobe dans le souhait de vouloir quitter l’UE. » Admirable, ce
nécessairement, isn’t it ?
Comment pourrait-on douter
d’un homme qui n’a peur ni des
contradictions ni des déclarations
Vigousse vendredi 26 février 2016
à l’emporte-pièce, et dont le populisme carnavalesque lui a valu
un joli surnom pour un politicien : « le Bouffon » ? Comment
croire qu’un type né à New York,
d’un père dont le grand-père était
un Turc de l’Empire ottoman et
d’une mère petite-fille d’un Russe
juif (et fille d’un ex-président de
la Commission européenne des
droits de l’homme), qui a grandi
en partie à… Bruxelles, soit obnubilé par les immigrés ? Non, le seul
qu’il veut mettre dehors est bel et
bien Anglais, se nomme David
Il a dit
Cameron et loge au 10, Downing
Street. Boris Johnson, qui a
quelques similitudes, au moins
capillaires, avec Donald Trump, se
rêve en calife à la place du calife,
en premier ministre. Cette histoire
de Brexit est donc un pari politique, l’affirmation d’une ambition
personnelle.
Le 23 juin, lors du référendum sur
le maintien ou non du RoyaumeUni au sein de l’Union européenne, il joue à pile je gagne, face
tu perds. Si Cameron et le camp
du in l’emportent, Johnson
ralliera à lui tous les euro­
sceptiques, majoritaires, du
parti tory et sera idéalement
placé pour en prendre la
tête quand Cameron s’en
ira à l’horizon 2020. Si le
out triomphe, Cameron
devrait dégager presto, et
là, bingo ! Faut toujours
se méfier des bouffons
qui veulent devenir roi...
Bertrand Lesarmes
dimanche prochain
(ou du moins ça se pourrait bien)
« Et tout de suite,
à 15 h 12, l’analyse
définitive des résultats
provisoires. »
Quelqu’un, RTS
Editeur : Vigousse Sàrl, CP 1499, CH-1001 Lausanne >
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