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Vendredi 26 février 2016 // No 266 // 7e année CHF 3.50 // Abonnement annuel CHF 140.– // www.vigousse.ch VOTATIONS P’TITS BOULOTS ESCROQUERIE SANTÉ Gros comme Pauvres Cuisine Gare aux maladies une ficelle P. 2-3 comme jobs P. 6 aux leurres P. 7 bissextiles ! P. 17 JAA – 1300 Eclépens PP/Journal – Poste CH SA 2 POINT V Le trou d’Ubu Laurent Flutsch L’ argument de la sécurité ? Foutaise. Des dizaines d’analyses indépendantes et irréfutables le montrent, il est grotesque de percer un deuxième tube au Gothard pour raisons de sûreté parce que, en vrac et entre autres : les accidents graves dans le tunnel sont rarissimes ; on augmenterait leur nombre hors du tunnel en intensifiant le trafic ; le tunnel existant dispose déjà d’abris et d’une galerie de secours, ce que les partisans d’un Gothard II évitent de rappeler ; une régulation stricte de la circulation, telle que pratiquée au tunnel du Mont-Blanc, se révèle plus efficace ; les véhicules futurs seront munis de systèmes anticollision ; les statistiques prouvent qu’on épargnerait bien plus de vies en investissant les milliards dans les passages pour piétons et les pistes cyclables. Par ailleurs, n’est-il pas curieux que des promoteurs du deuxième tube, qui aujourd’hui brandissent la sacrosainte sécurité, se soient naguère opposés à Via Sicura et autres mesures visant précisément à renforcer la sécurité routière ? L’un d’eux, le conseiller national Fabio Regazzi (PDC/TI), l’a avoué carrément : « Nous avons un peu exagéré le thème sécurité parce que c’est un argument qui touche. » Traduction : « Nous avons pris les gens pour des cons parce que ça marche. » La cohésion nationale, l’isolement temporaire du Tessin ? Sornettes. La rénovation du tunnel actuel serait bien moins longue si elle n’était pas d’un luxe aberrant. Et la moitié des Tessinois ne veut ni d’un deuxième tube ni d’un surplus de nuisances et de pollution. Et puis on s’apprête à ouvrir, dans la gloire et les flonflons, un tunnel ferroviaire tout nouveau tout beau. Il serait futé de s’en servir : le transfert de la route au rail, n’était-ce pas vaguement le but déclaré ? En fin de compte, il ne reste qu’un argument pour ce second tube absurde et mégalomaniaque : le profit. Au comité à l’origine du projet, sept membres sur douze ont des intérêts dans la construction ou le transport routier. Influent à Berne et très actif dans la campagne, le lobby du béton et des camions combat le « non » à coups de millions. L’enjeu du deuxième tunnel, donc, c’est le pognon. Et tout le reste, c’est pour la galerie. Vigousse vendredi 26 février 2016 POINT V Viles campagnes Mémé dans les orties TAPIN COMPLET Manifestement prêts à tout pour racoler les voix, les partisans du oui au deuxième tube et à l’expulsion des délinquants étrangers n’hésitent pas à faire le trottoir ; et même le caniveau. Par le passé, la propagande de l’UDC s’est rarement distinguée par son élégance et sa subtilité. Ses fins concepteurs ont d’ailleurs publiquement déclaré leur attachement fidèle au très délicat principe K.I.S.S., « keep it simple and stupid ». On a donc une certaine habitude. Quand des affiches hautement simples et stupides étalent sur les murs la fange démagogique des peurs et des bas instincts, on se dit que ce n’est pas nouveau. C’est un mal récurrent. C’est salissant, mais ça part en récurant. La campagne actuelle suscite toutefois des teneurs inédites en matière grasse. En termes de bassesse, d’aucuns atteignent, si l’on ose dire, des sommets. Non seulement ils ne rechignent pas à l’usage du mensonge crasse, mais ils recourent à des « arguments » lourdement chargés en saloperies. Menace, culpabilité, crainte, mélodrame, paranoïa, tout est admis si ça peut ratisser quelques voix d’ici dimanche. Vive la démocratie, et Séverine André, vivement lundi. Laurent Flutsch et Sebastian Dieguez Habituellement adeptes des messages à la hache et des coups d’éclat les plus douteux, les stratèges de l’UDC ont semble-t-il fini par comprendre que pour arriver à leur fins, il faut considérer le contexte. Pour cette initiative, il était contextuellement important de dire « les criminels étrangers ». Pour les autres, on verra plus tard ; il y aura bien d’autres votations. Comité mité « Il est tout simplement incompréhensible pourquoi l’expulsion systématique des étrangers criminels serait mauvaise pour la Suisse » : le tout-ménage envoyé par l’obscur « Comité pour le sauvetage de la place industrielle suisse » sent fort la tradüktion, et aussi le rance. Farci de mensonges, il raconte notamment que « les politiciens », après le vote de 2010 sur le renvoi des criminels étrangers, ont « affaibli la décision du peuple par une astuce juridique », d’où la nécessité d’une nouvelle votation. Non seulement c’est faux, mais ça dit que les politiciens, par nature malfaisants, complotent en jouant sournoisement sur les lois : belle vision des élus et de l’Etat de droit. Quant aux méchants adversaires de l’initiative, ce sont des « fonctionnaires de l’industrie de l’asile » (allez savoir ce que c’est) et des « personnes qui se croient plus intelligentes parce qu’elles arborent de beaux titres ». La démagogie de bas étage descend jusqu’au local à poubelles. Enfin, ce tissu d’inepties affirme que l’initiative UDC favorise l’emploi et la prospérité. Forcément : comme les acteurs économiques, Mâles entendus Mais limiter explicitement l’expul- sion aux seuls criminels risquait toutefois de les faire passer pour des gauchistes. Il fallait une contrepartie, pour éviter l’émasculation communicationnelle pure et simple. Ah, ben tiens, les femmes, ça faisait un moment, dis donc ! Il suffit, justement, de se servir du contexte colognial (de Cologne, donc). Ça fait un peu comme ça : « A considérer que tous les étrangers ne soient pas des criminels, or ceux qui le sont violent à commencer par economiesuisse, appellent tous à voter non, il fallait bien pour les contredire un « Comité pour le sauvetage de la place industrielle suisse ». Et qui est derrière ce machin basé à Stäfa, sur la côte dorée zurichoise ? Mystère : opportunément en rade, le site internet n’arbore que le texte du courrier, une vidéo UDC, un lien vers le site UDC ainsi qu’une rengaine folkorique, Mys Schwytzerland, mys Heimatland. Et comme l’indique le dessin en haut du tout-ménage, c’est très sciant. L. F. nos femmes, donc nos femmes sont à nous et les étrangers dehors. Ça joue bien ! Hein zäme ? » Dans cette dernière ligne (à) droite avant les votations, il ne s’agit donc ni de dire que tous les étrangers devraient quitter le pays, ni de dire que les femmes sont par essence faibles et inférieures. Il s’agit plutôt d’un savant mélange des deux, une cause se mettant naturellement au service de l’autre et réciproquement. Si le message est bien compris, tout ce petit monde devrait bien vite rentrer chez soi : les femmes à la cuisine, les étrangers dans leur pays. S. A. « Désolé grand-maman, ton petitfils est mort dans le tunnel du Gothard car je n’ai pas voté oui le 28 février 2016. » Carrément dégueulasse, l’annonce de l’Union suisse des arts et métiers (USAM) use de vieille dame et de mélodrame. Le message : voter non au deuxième tube, c’est tuer des gens et faire pleurer des grands-mères. En d’autres termes, les experts qui réfutent le prétexte de la sécurité et prônent le non, les citoyens sensés qui trouvent délirant d’engloutir trois milliards dans un chantier superflu, tous ces gens-là sont des assassins. Voilà qui à coup sûr élève le débat démocratique. Et si un ouvrier meurt en creusant le second tunnel ? Et si l’intensification du transit provoque un accident mortel sur l’autoroute d’accès ? Et si un gosse tessinois tombe gravement malade à force de bouffer de l’octane ? L’étape suivante, après cette vomitive tentative de culpabiliser les gens, c’est le chantage pur et simple. Ce que l’annonce ne dit pas, c’est que l’USAM est présidée par le conseiller national UDC fribourgeois JeanFrançois Rime. Qui est aussi quoi ? Président du conseil d’administration de Sagérime S.A. Qui vend quoi ? Des équipements pour chantiers routiers. Mais bien sûr ça n’a rien voir. Quoique : en plus de la vieille dame, il serait vraiment salaud de faire aussi pleurer Rime. L. F. La guerre des moutons Tiens ! Revoilà, sur la propagande de l’UDC, la fameuse imagerie ovine blanche et noire. Voici quelques années, ça avait soulevé un tollé. Entre accusations de racisme larvé et arguties sur l’expression « mouton noir », l’encre et la salive avaient abondamment coulé. Aujourd’hui, c’est bon, c’est admis, c’est anodin, c’est normal. Il suffisait d’attendre. A toutes fins utiles, rappelons toutefois deux choses. Premièrement, selon le penseur grec Aristote (IVe siècle avant notre ère), le mouton est de loin l’animal le plus sot et le plus stupide de tous. Et au XVIe siècle, François Rabelais a joyeusement montré cette profonde imbécillité grégaire avec le fameux épisode des moutons de Panurge. Dès lors, remercions l’UDC d’assimiler le citoyen suisse à cet ovidé complètement bouché. Deuxièmement, le cuir du mouton, convenablement préparé et utilisé notamment en reliure, s’appelle la « basane », d’où l’adjectif « basané ». Autrement dit, qu’il soit blanc ou noir, un mouton est toujours basané. L. F. 3 Plus c’est gros, plus c’est con C’est une loi tragique de l’univers : une connerie prend moins de temps, et demande moins d’énergie, à être dite qu’à être corrigée. Pour vous faire une idée, comparez l’aisance avec laquelle votre chat a pulvérisé la pile de vaisselle qui tanguait dangereusement sur la table, et le travail qu’il faudra pour nettoyer tout ce bordel. A partir de là, il est mathématiquement inéluctable que notre environnement mental soit peuplé de conneries fausses, néfastes et sans intérêt, un fait qui n’a jamais échappé aux producteurs de conneries fausses, néfastes et sans intérêt. Ce sont de fins psychologues, ceux-là. Sans même se référer à l’abondante littérature scientifique sur le sujet, ils ont bien compris les trois lois suivantes : 1) tout énoncé est par défaut considéré comme vrai par le cerveau humain ; 2) une connerie, même reconnue comme telle, est plus facile à mémoriser que sa correction ; 3) corriger une connerie renforce immanquablement la croyance en ladite connerie. Certes, partant de ces constats, les psychologues ont tenté de proposer des solutions. Celles-ci impliquent des techniques de persuasion, l’enseignement de la pensée critique, la production d’explications qui évitent de répéter la connerie initiale, etc. D’autres psychologues, en revanche, considèrent que tout est foutu. Bien sûr, ils ne le diront pas comme ça, mais dans la mesure où le premier crétin venu peut démolir des décennies de travail ardu et consciencieux en quelques secondes, il serait peut-être souhaitable de reconnaître une fois pour toutes que la connerie l’emportera toujours sur la raison. Ce pas franchi, il arrive même qu’on se sente tout de suite mieux. S. D. Vigousse vendredi 26 février 2016 4 AFFAIRES EN COURT Soirée typique aux Etats-Unis Un chauffeur Uber a tué six personnes au hasard samedi dans le Michigan. Entre ses meurtres, il transportait des clients. Belle décontraction, mais après tout il n’y a pas de raison de laisser échapper une occasion de gagner un peu d’argent, quelles que soient les circonstances. Interrogés par CNN, des voisins ont indiqué que le forcené, sa femme et leurs deux enfants semblaient être « une famille américaine typique ». On ne saurait mieux dire. Un cinglé amateur d’armes qui conjugue tueries de masse et bosse du commerce, c’est vraiment typique du pays. QUELLE SEMAINE! Sans opposition, tout est dépeuplé Le « Comité oui au projet Neuchâtel Mobilité 2030 » s’inquiète : il craint que l’objet n’obtienne pas un soutien massif lors du vote de dimanche. Pourquoi puisque personne ne s’oppose au projet ? Eh bien c’est justement le problème, comme l’écrit L’Express (23.2) : « Impossible, pour le comité du oui, de présenter des contrearguments au comité du non puisque ce dernier n’existe pas. » Quand il n’a personne à qui hurler « Ne m’interrompez pas ! », le politicien s’étiole. Panique autogérée Il pleut, il tonne, il grêle sur les bourses mondiales. Sale temps pour les investisseurs, qui trop souvent se comportent comme de vulgaires spéculateurs. Les premiers sont des gens responsables qui croient dans les entreprises où ils mettent leur argent, les deuxièmes espèrent juste réaliser quelques bons coups. Quand les marchés s’agitent à la baisse, comme en ce moment, on dit que c’est une « saine correction » pour éviter le mot de « panique ». Suite à la découverte d’un « bout de plastique » dans une barre chocolatée Mars, l’entreprise allemande du même nom a décidé de rappeler des millions de barres Mars, Snickers et Milky Way. L’annonce, en revanche, ne fait aucune allusion aux barres Bounty, pourtant produites par la même compagnie. On tient enfin la preuve définitive que personne au monde ne bouffe ces horreurs. LE CHIFFRE 19,6 En millions, c’est le nombre de nuitées passées dans les hôtels suisses en 2015. Un chiffre en légère diminution par rapport à l’année précédente, mais sans commune mesure avec les prédictions cataclysmiques liées au franc fort. Il faut dire que les Helvètes ont passé davantage de vacances au pays, ce qui a compensé pour les touristes qui sont restés chez eux. Expulser les Suisses de l’étranger, il suffisait d’y penser ! Vigousse vendredi 26 février 2016 L’argent se ramasse à l’archipel François Hollande, en pleine tournée dans les territoires d’outre-mer, s’est rendu lundi à Futuna. Le président français a annoncé la création d’un distributeur de billets de banque, une installation qui manquait encore sur l’île de 3600 habitants. La population aurait bien voulu fêter ça, mais comme l’automate n’est pas encore en fonction, elle n’a pas pu acheter de champagne ni de confetti. sur le moral des intervenants en bourse. Pour eux, il n’y a rien de pire que les incertitudes et comme cette communauté est plutôt réduite et repliée sur elle-même, ils s’intoxiquent les uns les autres, perdant toute faculté d’analyse et créant ainsi eux-mêmes la chute des cours. Bien sûr, les cours sont aussi manipulés par les investisseurs institutionnels que sont les assurances ou les fonds de pension (dont les nôtres, il faut bien en avoir conscience). ÇA AVANCE, ÇA RECULE, COMMENT VEUX-TU QUE JE SPÉCULE ? Pourtant c’en est une, de panique, puisqu’il s’agit bien d’une peur irraisonnée dictée uniquement par le court terme. Depuis son plus haut, en 2015, Les résignés du Bounty 5 DUR D’OSEILLE le SMI de la Bourse suisse a perdu jusqu’à 20 %. Que se passe-t-il ? La croissance en Chine ralentit, le baril de pétrole ne vaut guère plus de 30 dollars, contre 100 en 2011, les résultats financiers de nombreuses entreprises sont mitigés, des doutes s’instaurent sur la croissance mondiale. Et au niveau géopolitique, où que l’on regarde, on frémit. Le monde ne va pas très bien et cela se reflète A l’autre bout de l’échelle, les petits boursicoteurs souhaiteraient aussi avoir leur part du gâteau. Ils doivent souvent se contenter des miettes ou, pire, faire l’impasse sur ce qu’un conseiller d’une banque leur aura fait miroiter. Ici, encore davantage qu’ailleurs, il faut, comme le dit Edgar Morin, se méfier de « la docte ignorance des experts ». Souvenez-vous toujours que le conseiller est un vendeur et que son intérêt, comme celui de son employeur, est de trouver des pigeons pour jouer à ce jeu qu’on appelle finance mais qui en définitive ne rapporte qu’à ses concepteurs, gérants et distributeurs. André Draguignan* * chef d’entreprise romand connu de la rédaction PUB Jeudi 3 et vendredi 4 mars (20 h) Pascal Rinaldi Chanson L’Esprit frappeur Villa Mégroz – 1095 Lutry (VD) www.livestream.com/espritfrappeur Vigousse vendredi 26 février 2016 6 FAITS DIVERS ET VARIÉS Cancrelats à la pizzeria Tout vient appoint VIDE-ORDURES Sous le coup d’un mandat d’arrêt en Suisse, l’ancien patron du Buffet de la Gare des Avants (VD) applique ses recettes douteuses à Avignon (F). Avec les mêmes ingrédients : intimidation, non-respect du code du travail et autres magouilles. PAUVRE DE MOIS La population se divise en deux catégories : les riches et les pauvres. Si vous ne savez pas bien dans quelle catégorie vous situer, il existe un test très simple : vous connaissez l’expression « fin de mois » ? Si oui, aucun doute, vous êtes pauvre. Si, pour les nantis, le temps n’est qu’une « image mobile de l’immobile éternité », comme aimait à le dire Platon, pour les pauvres en revanche, le temps est une succession de mois, qu’il s’agit moins de vivre sereinement que de boucler. D’ailleurs, les pauvres ne disent pas « les fins de mois sont difficiles », ils disent « les fins de mois » : c’est implicite. En Suisse, on estime que 7,7 % de la population se situe en dessous du seuil de pauvreté. Il n’y a cependant pas lieu de s’alarmer. Des solutions existent. Il y a bien entendu l’alcool. Mais ce n’est pas tout : les sites de petites annonces regorgent littéralement d’offres proposant des activités accessoires permettant d’« arrondir ses fins de mois ». Hormis les très classiques ventes en réunion de boîtes-en-plastiquequi-passent-aussi-bien-au-fourqu’au-congélateur, on trouve des activités variées, souvent vantées comme de juteuses sinécures. On peut par exemple être rémunéré pour regarder des publicités sur la Toile. Evidemment, il faut commencer par acheter un paquet à 49 dollars contenant lesdites publicités, avant de percevoir 10 centimes par publicité visionnée. Mais c’est un investissement rentable : les gains sont en effet estimés à 18 francs… par mois. Globalement, les arguments en faveur de ce genre de boulot sont toujours les mêmes : être son propre patron, profiter d’horaires flexibles, faire varier ses revenus en fonction de ses besoins, sans aucune formation requise. Le lexique, aussi, est récurrent : freelance, leader, challenge. Non pas qu’il faille spécialement se méfier de l’anglais. Mais quand freelance veut dire « tout seul dans sa merde », et challenge « panade intégrale », autant le savoir à l’avance. Sur Anibis par exemple, un « employeur », propose « une activité indépendante pour dame au foyer ». Le gain annoncé est de D’Uber dans les épinards Au-delà de ces seules annonces, la « multiactivité » (fait d’exercer plusieurs activités lucratives en parallèle) serait en augmentation constante depuis une vingtaine d’années. Selon l’Office fédéral de la statistique, 8,3 % de la population serait concernée. Depuis quelques mois, les économistes occidentaux se penchent d’ailleurs sur un nouveau phénomène : l’« uberisation ». Néologisme créé par les réseaux sociaux, ce terme désigne la mise à disposition de ressources diverses par des particuliers, en dehors de leurs heures de travail. Si l’affaire des taxis Uber a fait couler beaucoup d’encre, de sang et d’essence, la pratique s’étend à un nombre grandissant de secteurs économiques. Les « uberistes », comme on pourrait les appeler, proposent désormais leurs services dans la finance, l’éducation, l’énergie, le droit ou encore le tourisme. Le lancement par Uber d’un département ubereverything (Uber-tout, en français), témoigne bien de la généralisation du phénomène. Si ces activités sont exercées la plupart du temps à titre accessoire afin d’arrondir les fins de mois, elles ne sont pas sans conséquence sur le marché du travail. Nombre d’économistes parlent d’une uberlibéralisation, qui implique que les charges et les responsabilités incombant généralement à l’Etat ou aux entreprises soient désormais assumées par les travailleurs. Lesquels, au lieu de graisser leurs légumes, risquent à terme de mordre la poussière. Vigousse vendredi 26 février 2016 7 FAITS DIVERS ET VARIÉS 300 à 500 francs par mois, mais la nature du travail n’est pas précisée. Prenons contact avec le monsieur. S’il peine un peu à dire en quoi le travail consiste exactement, on comprend que ce n’est pas vraiment de la vente. Il s’agirait plutôt de faire connaître un produit aux plantes, « pas un médicament mais un produit de santé » qui est facile à promouvoir, puisque Bruce Willis, Karolina Kurkova et « un chanteur dont les Portugais raffolent » ont un contrat avec le fabricant. Le monsieur, qui concède que c’est un peu compliqué à expliquer par téléphone, propose d’en discuter autour d’un café. En précisant que si je peux venir avec mon mari, c’est encore mieux, parce qu’il a eu des problèmes avec un malabar qui pensait qu’il voulait arnaquer sa femme. Vu d’ici, rien à dire, ça a l’air vraiment bien clair et réglo. Mais dans quoi se fourre-t-on exactement, en signant ce genre de contrats ? Une série de coups de fil à Travail.Suisse (organisation de défense des travailleurs) et au Secrétariat d’Etat à l’économie (très sensible à la défense du patronat) permet enfin d’y voir plus clair : ces activités, dites annexes, échappent complètement aux compétences des autorités compétentes, qui ne se penchent sur ces dossiers qu’en cas de plainte, c’est-à-dire pile au moment où c’est trop tard. Le fin mot de l’histoire, c’est Alexandre Martins, de chez Unia, qui nous le donne : le plus souvent, ces jobs ne sont pas régis par le droit du travail mais par celui des contrats. Ce qui en fait un « archipel inconnu » des autorités, selon l’expression du syndicaliste. Et qui dit archipel inconnu dit aussi gros méli-mélo de tout et surtout de n’importe quoi. On y retrouve bien évidemment le « système de l’avion », qui ne profite qu’à une seule personne (jamais vous), le stock de produits foireux impossible à écouler, les missions rémunérées uniquement à la commission, entre autres joyeusetés. Comme ces activités annexes relèvent de contrats passés entre des particuliers, l’équation est assez simple : il s’agit, pour « l’employeur », de faire en sorte que tous les risques, les coûts, la pénibilité incombent à l’autre partie. Lui, de son côté, s’occupera du bénéfice. Bénéfice double d’ailleurs puisque aucune cotisation n'est à sa charge. « L’employé », quant à lui, est tenu de déclarer tout revenu, dès le premier centime, à l’administration fiscale. Aussi contestables soient-ils, ces contrats prennent généralement fin en douceur : face à des objectifs par définition inaccessibles, « l’employé », découragé, finit par abandonner. Il ne reste plus à « l’employeur » qu’à trouver quelqu’un d’autre, qui s’en sortira évidemment tout aussi mal. Séverine André Par semaine, Martinez lui a généreusement accordé 72 euros en sus et, selon Paul en tout cas, une partie par chèque, l’autre sous la table. Paul estime à 1890 euros les heures supplémentaires non payées. Paul soupire : « Oui, j’ai malheureusement travaillé à Pizza du Sud à Avignon. » Un établissement dont le propriétaire n’est autre que Felipe Martinez, qui ne compte pas que des amis du côté du Buffet de la Gare des Avants, en dessus de Montreux (VD). Une ardoise de près de 300 000 francs subsiste pour divers fournisseurs et une autre de 268 000 francs suite à la faillite du restaurant (Vigousse du 10 avril 2015). En Suisse, Martinez est sous le coup d’un mandat d’arrêt. Et une demande d’extradition aurait été faite par la Confédération, bien que le Département fédéral de la justice un contrat à durée indéterminée. Les deux ont commencé avant l’ouverture, car ils ont dû terminer les travaux : peinture, récupération de matériel à gauche et à droite, installation de caméras de surveillance… Paul commence comme aide de cuisine, il assure aussi le rôle de second, voire de chef, puisqu’il ESCROQUE MONSIEUR est parfois seul en cuisine. Il se transforme en plongeur, fait le ménage, les livraisons… Quand refuse de confirmer au motif que les scooters sont tous sur la route, il « les demandes de recherche et arres- doit prendre sa propre voiture. Et le tation sont confidentielles et soumises patron ne rembourse ni l’essence ni au secret de fonction ». Le mandat l’entretien du véhicule. d’arrêt explique son absence aux Et voilà que Paul est viré au 1er janobsèques de son père, le 8 mai 2015 vier 2016 pour faute grave : « J’aurais été agressif et vociférant. » C’est vrai à Clarens. Pizza du Sud a ouvert le 17 avril qu’ils ont failli en venir aux mains : C’est un patron tyrannique, on 2015. Paul s’est présenté à Felipe « Martinez et a été engagé en même l’avait toujours sur le dos », expliquetemps que le chef de cuisine, avec t-il. Une description que les anciens employés du Buffet de la Gare des Avants ne peuvent que confirmer. Paul se voit assigné aux prud’hommes pour faute grave et tort moral, Martinez lui réclame 7000 euros de dommages et intérêts. Des méthodes d’intimidation pratiquées auparavant dans le canton de Vaud, Martinez attaquant systématiquement en justice ses anciens employés, ses fournisseurs ou Vigousse… Le sympathique employeur doit encore 2400 euros à Paul, soit ses deux derniers salaires. Martinez prétend que ledit Paul n’a pas demandé son chèque de fin de contrat. Paul va riposter, il a des preuves. Du 6 au 24 juillet, durant le festival d’Avignon, Paul a travaillé 84 heures par semaine, soit plus du double du maximum autorisé. Comme en Suisse, Martinez a ouvert une société à son nom à Avignon, Alpac Sasu, et une autre, Orangeo, au nom de sa belle-fille Cindy Martinez (24 ans). C’est cette dernière qui exploite la pizzeria. Quand le premier chef de cuisine a été viré et n’a pas été payé, il a déposé plainte. Les huissiers ont débarqué au restaurant, mais Orangeo a été déclarée insolvable. « Je ne vois pas comment il peut continuer s’il est insolvable », se demande Paul. Martinez vit pourtant dans une magnifique villa, à l’écart de la ville, et se fait passer pour un ultrariche : « On lui a fait confiance, il exhibait fièrement ses cartes de crédit chics », se souvient Paul. Pour lui, et les cinq personnes virées comme des malpropres en moins d’une année, il s’agit de sauver la face. « Nous voulons qu’ils ferment ce restaurant, on lui fait donc une mauvaise publicité. » Le slogan de Pizza du Sud est limpide : « Une ambiance familiale et conviviale ». On y travaille pour le moins en famille, selon des méthodes éprouvées aux Avants. Quant à la convivialité, elle ne doit pas concerner le personnel. Ni Felipe Martinez ni ses proches n’ont répondu aux sollicitations de Vigousse leur demandant leur point de vue. Jean-Luc Wenger PUB Profitez! un an = 13 mois Du 15 janvier au 15 février, tout nouvel abonnement d’un an au Courrier bénéficiera d’un 13e mois gratuit. 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Manifestement, Ol’ veut parler jeune. Sauf qu’un « petit selfie en mouvement », ça reste une vidéo. Tout comme les selfies qu’il a pris de sa famille ne sont en fait que de vulgaires photos. Télétop malingre Si on en croit le site www.tamedia.ch, extension « publications romandes », Télétop Matin informe chaque dimanche ses 307 000 lecteurs (chiffres MACH Basic 20152) sur les grilles actuelles des programmes TV et, surtout, « prodigue des conseils vivants, divertissants et effrontés aux amateurs de films ». Autrement dit des articles rédactionnels, écrits par des journalistes qui ne se contentent pas TOUCHE PAS À MON TOP ! de faire des copier-coller sur la base de dossiers de presse fournis par les chaînes elles-mêmes. Cela c’était avant. Avant qu’en milieu de semaine dernière le groupe zurichois annonce vouloir « prendre des mesures de réduction du temps de travail et du personnel » de ce titre. Personnel technique et journalistes seront touchés par ces coupes, « obligées » selon l’éditeur zurichois. Lequel, pour l’heure, se garde bien de préciser le nombre d’employés, à temps plein ou partiel, concernés par ces mesures. Mais ce qui est certain, c’est qu’il s’agira de plusieurs postes de travail qui viendront s’ajouter à ceux déjà supprimés l’an dernier. Résultat : une rédaction exsangue et de gros doutes quant à la volonté de l’éditeur de maintenir le titre vivant sous sa forme papier. Le magazine de programmes télévisés le plus lu de Suisse romande réduit à un simple empilage de grilles TV ? Tamedia n’en serait pas à son coup d’essai : en juin 2014 déjà, le groupe zurichois en avait fait de même du Guide TV encarté chaque samedi dans 24 heures, la Tribune de Genève et La Liberté. A l’époque, cette décision avait été violemment contestée par l’éditeur du quotidien fribourgeois, lequel s’était alors dit « peu désireux d’acheter et d’offrir un produit sans apport rédactionnel ». Le hic, cette fois-ci, c’est que Le Matin Dimanche sera, lui, contraint et forcé de continuer à encarter Télétop Matin. Et pour cause puisqu’il appartient lui aussi à Tamedia. Pour l’anecdote, ce même Matin Dimanche a vu son prix de vente discrètement passer de 4 fr. 50 à 5 francs en janvier dernier. Du coup, il a fallu agrandir l’orifice qui, désormais, permet à l’acheteur de glisser sa thune dans chacune des caissettes… Roger Jaunin L’humour enfin à la portée de tous Abonnez-vous et recevez en bonus le recueil « Le mieux de Vigousse 2014-2015 », 96 pages, format 24 x 31 cm, valeur CHF 22.– Votre bonus! 021 612 02 56 / [email protected] / www.vigousse.ch LE COURRIER DU CHIEUR A Henri Dès Pépé couillu Cher Henri, Vous préparez une tournée déjantée au cours de laquelle vous revisiterez vos standards de la chanson enfantine accompagné par Explosion de Caca, le groupe rigolo-destroy de votre fils Pierrick Destraz. Vous communiquez votre enthousiasme au « Matin » (17.2) : « C’est du Henri Dès en plus couillu, en adéquation avec un public d’adultes (…) En répétition, je dis souvent « Ah p***, ça va chier des bulles. » On vous imagine déjà, les jambes écartées, devant un mur de Marshall, exécutant un solo frénétique avant de vous rouler par terre et de bouter le feu à votre guitare acoustique. Se lâcher un brin pour déconner, c’est sympa, mais il ne faudrait pas que ça vous aliène le public habituel qui vous fait vivre, celui des bambins et de leurs parents. Vous prenez donc la peine de décrire méticuleusement en quoi ce concept spécial est décadent par rapport à vos spectacles familiaux qui se déroulent l’après-midi. « C’est uniquement pour les adultes, le soir, tard, dans le milieu des clubbers, debout, avec des gens qui boivent. » Vous ne précisez pas s’il y aura aussi de la drogue, mais rien que des gens qui boivent debout, ça fout déjà vachement les jetons. PUB Vigousse vendredi 26 février 2016 9 QUELLE SEMAINE! t ayo ez P h c e ille ent v En v et Na Après cette mise au point, on peut espérer que les enfants auront compris qu’ils ne sont pas les bienvenus à ces concerts particulièrement débauchés. A moins que vous laissiez quand même entrer les bébés pas encore sevrés que leurs mamans allaiteront debout et qui supportent de se coucher tard. Stéphane Babey Vigousse vendredi 26 février 2016 10 BIEN PROFOND DANS L’ACTU BIEN PROFOND DANS L’ACTU Hitler de contrastes Pitch La défaite des mères LES CHANGEMENTS DE SEXE DU PROFESSEUR JUNGE Cette semaine : je me glisse dans la peau d’une femme pour voir de quelle manière sont traitées par le monde du travail les employées qui veulent des enfants. Février 2016. Nous étions impatientes car Gisèle revenait de son congé maternité. Elle avait promis de passer au bureau pour nous faire admirer son bébé. Las, à peine at-elle mis les pieds dans l’entreprise qu’elle a été convoquée par les ressources humaines. M. Desmeules, le directeur, s’est ensuite adressé à l’ensemble des employés. Il a expliqué qu’il avait été contraint de licencier Gisèle, car c’est une égoïste qui ne pense pas assez à son patron. Il a martelé qu’il ne tolérerait plus de tels comportements scandaleux. Les femmes doivent choisir : travailler ou fonder une famille, mais elles ne peuvent pas avoir les deux et rester efficaces. Il a enfin rappelé que les mamans ne sont protégées par la loi que durant leur congé. Dès leur retour, elles peuvent être congédiées le plus légalement du monde. Mars 2016. Désormais, la tempé- rature de toutes les employées est prise chaque matin. Celles qui sont en période de fertilité ont droit à un tête-à-tête avec un responsable RH qui les enjoint à s’abstenir de relations sexuelles pour le moment. Il GODWIN-WIN S’il est parfois légitime d’accuser un adversaire d’avoir atteint le « point Godwin », en d’autres circonstances c’est se comporter comme les nazis. Petit survol au bras levé. leur distribue des préservatifs au cas où l’abstinence ne peut pas être observée. Septembre 2016. Malgré les mesures antifécondité, Céline est tombée enceinte. M. Desmeules ne décolère pas. Il a imposé la prise de la pilule pour toutes les femmes en âge de procréer. Le traitement est ingéré chaque jour en présence du responsable hiérarchique. Avril 2017. Isabelle a réussi à trom- per la surveillance de nos gardiens. En se faisant vomir sa pilule chaque jour puis en se couvrant d’habits amples, elle ne s’est fait repérer qu’à son cinquième mois de grossesse. En rétorsion, toutes les femmes de l’entreprise se sont fait implanter de force un stérilet et devront passer une échographie préventive chaque mois. Juin 2018. Les RH ont durci les conditions d’embauche pour les jeunes femmes. Elles sont maintenant soumises à des tests durant lesquels elles visionnent des images de bébés souriants. Si elles manifestent le moindre signe d’attendrissement, elles sont immédiatement recalées. Novembre 2019. Nous sommes conviées à une conférence scientifique sur le thème : « Devenir maman à l’âge de la retraite, c’est possible ! » On nous y explique à quel point il est plus reposant de s’occuper de bambins lorsqu’on est vieille et flétrie, que l’on n’a plus le souci de plaire et encore moins de se rendre utile dans le tissu économique suisse. Août 2019. Nos salaires ont encore été baissés de 30 % pour prendre en compte les jours où nous sommes moins productives en raison de nos règles. Comme nous étions déjà payées 20 % de moins que les hommes en moyenne, il ne nous reste plus grand-chose. 11 Janvier 2020. J’en ai marre d’être exploitée en tant que femme. Je décide de changer de sexe. Décembre 2020. Quel bonheur ! Me voici enfin papa ! Pour l’occasion, M. Desmeules m’accorde une augmentation de salaire et une promotion. Il estime que la paternité me motivera à m’investir davantage pour l’entreprise et me fera acquérir de nouvelles compétences. Ma première décision en tant que nouveau chef des RH est de virer Barbara, que j’ai surprise en train de feuilleter un catalogue de poussettes. Professeur Junge, phare de la pensée contemporaine C’est une bisbille dans une campagne toute pourrie, mais elle n’en est pas moins très intéressante. Martin Landolt, président du paisible PBD, a fait sensation en « tweetant », le 15 février, une image des plus éloquentes : la croix suisse, étirée aux extrémités en croix gammée, et accompagnée du message : « 1933 : Deutschland ; 1948 : Südafrika ; 2016 : Schweiz ». Inutile d’être un grand germaniste pour comprendre le message : l’initiative UDC de « mise en œuvre » rappelle les politiques discrimina- comparant l’UDC au nazisme, il utiliserait simplement les mêmes méthodes que l’UDC. Voilà qui pose le problème de la fameuse « loi Godwin »… Mike Godwin, jeune juriste en 1990, postait sur un ancêtre de nos réseaux sociaux la formule suivante : « Plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s’approche de 1. » Ce n’était guère qu’une dérivation mathématique (triviale, soit dit en passant, puisqu’elle à n’importe NAZI SOIT QUI MAL Y PENSE s’applique quoi) de la reductio ad hitlerum, contre laquelle le philosophe toires de l’Allemagne nazie et de Leo Strauss, en 1953 déjà, se metl’apartheid. L’image n’a du reste tait lui-même en garde : « Qu’Hitler rien de confidentiel puisqu’elle ait partagé une opinion ne suffit était affichée en gares de Genève pas à la réfuter. » Ainsi, l’industrie et de Zurich, quelques jours avant du tabac a utilisé la « carte nazie » les votations. Si bien que le citoyen contre ses adversaires jusqu’au ordinaire doit se taper à la fois les milieu des années 1990, exploitant fameux moutons noirs et des croix le fait que le troisième Reich avait gammées dans les lieux publics : édicté des lois antitabac. Ce genre ambiance… de comparaison a fini par porter un discrédit total sur toute invocation Martin Landolt justifiait son tweet du nazisme dans quelque conversarageur en arguant que l’UDC nous tion ou débat que ce soit, et, notama habitués aux outrances et que la ment sur le net, l’attribution d’un polémique était la seule réponse (ou l’accès au) « point Godwin » à sa propagande. En gros, en devenait l’anathème ultime. Par extension, toute personne s’aventurant dans ces eaux troubles se voyait d’emblée disqualifiée : légitime ou non, la carte nazie offre en effet un motif d’outrage très pratique à celui qui se la voit appliquée, qui a beau jeu dès lors de hurler au « point Godwin ». Pourtant, on oublie souvent que l’idée de Godwin, à l’origine, n’était nullement d’interdire tout recours à l’analogie fasciste ou nazie, mais bien plutôt d’encourager les comparaisons sophistiquées et substantielles entre notre actualité et les atrocités nazies. Or le meilleur moyen d’y parvenir est précisément de décourager les analogies frivoles et outrancières, qui par leur accumulation risquent fort de noyer le poisson et d’anéantir toute réflexion digne de ce nom. De fait, si on ne pouvait jamais rien comparer au nazisme sans se voir accuser machinalement d’avoir succombé à la loi de Godwin, il n’y aurait aucun moyen de tirer quelque apprentissage que ce soit des « heures les plus sombres de notre histoire ». Non, l’UDC ne souhaite probablement pas l’extermination de millions d’étrangers, ni même leur mise à l’écart complète. Mais tout l’art de la comparaison consiste à trouver un point d’appui qui fasse mouche, et dans le cas présent, la création de facto de citoyens de seconde zone ainsi qu’une rhétorique raciste et populiste semblent légitimer la reductio ad hitlerum. S’en offusquer, ce serait faire honneur aux nazis. Sebastian Dieguez Le strip de Bénédicte De pimpants ponts peints En avril 2015, les usagers de l’autoroute Genève-Lausanne avaient découvert d’étranges peinturlures rouge, noir et blanc en divers endroits de leur parcours. Après moult conjectures (des militants pro-Kurdes ? Des djihadistes irakiens ?), le mystère des ponts peints est à présent résolu : les vandales étaient 17 supporters « ultras » du Lausanne Hockey Club. De banals crétins, qui l’eût cru ? Vigousse vendredi 26 février 2016 Vigousse vendredi 26 février 2016 12 CULTURE CULTURE Des films Pères et impairs BROUILLON DE CULTURE À POIL Avec l’exposition Scalp, l’Atelier Tramway à Villars-sur-Glâne (FR) tourne autour du poil. Sept artistes (Julien Babel, Lorna Bornand, Alexia Turlin, Claude-Hubert Tatot, Cathia Rocha, Mevin Kartin et Anaïs Verdon) se sont inspirés du système pileux pour des interprétations ludiques, érotiques ou franchement peu ragoûtantes. Jusqu’au 2 avril, avec une journée performances le samedi 5 mars. www.atelier-tramway.ch Vigousse vendredi 26 février 2016 Des expos John Cassavetes est l’un des révolutionnaires essentiels du cinéma : non seulement il tranche radicalement avec le vernis hollywoodien, mais il fait vraiment la différence par le choix de ses sujets et par leur traitement. Il se limite à quelques personnages, souvent des couples en proie à des crises existentielles. Il est l’un des inventeurs de la caméra portée, restant presque « collé » à ses acteurs et créant ainsi une proximité émotionnelle dévastatrice. Le premier film réédit par Wild Side est méconnu : une œuvre de jeunesse où Cassavetes témoigne du quotidien d’une institution pour enfants autistes et attardés mentaux en mettant le doigt sur les techniques de soin souvent inefficaces à cette époque. Puis le formidable Love Streams où il analyse la relation fusionnelle entre un frère et une sœur, entre amour inconditionnel et troubles plus graves. Gena Rowlands, formidable actrice et femme du réalisateur à la ville, y est encore une fois exceptionnelle. Michael Frei, Karloff, films culte, Et si on bougeait un peu ? D’accord, à Bâle on cause bâlois, mais ce n’est pas si loin ! Surtout, on y trouve jusqu’au mois d’avril deux expos qui valent le déplacement et qu’on pourra aisément grouper. Au bord du Rhin, le Musée Tinguely propose Prière de toucher. Le toucher dans l’art, sens ô combien réprouvé et négligé, y est mis à l’honneur sous toutes ses formes. Contrairement à l’usage muséographique, ici on peut tripoter, caresser et palper les œuvres. Enfin, pas toutes les œuvres : les gardiens se feront une joie de taper sur vos doigts fouineurs si votre curiosité passe les bornes... En plus d’activer les joyeuses machines de Tinguely dans l’expo permanente, on se baladera dans la curieuse baraque d’Augustin Rebetez, on tapera dans des ballons, Un spectacle Un roman Crise et analyse À VOUS DE VOIR Il y a ceux qui ont péché (Spotlight), ceux qui vont pêcher (Tempête) et ceux qu’il aurait fallu empêcher de nous prendre dans leurs filets (Pattaya)... Pour ceux qui ne trouvent pas ça très catholique. Aujourd’hui, les journaux ont des équipes chargées de faire du clic et dont le « scoop » ultime est de faire savoir ce qu’une starlette cathodique a mangé au petit déj’. Hier, le Boston Globe avait aussi sa cellule spéciale, baptisée Spotlight, mais s’intéressait à d’autres turpitudes, catholiques celles-là. Autres temps, autres mœurs. Ces dernières laissaient à désirer du côté de l’Eglise qui abritait, en son pas très sain saint sein, une armée de brebis galeuses appelées prêtres pédophiles, et qui les couvrait, les changeant de paroisses au gré des rumeurs. Trois Pater, mais pas d’aveux ! C’est ce scandale, d’abord états-unien avant qu’on réalise que c’était partout pareil, que révélèrent en 2002 les journalistes d’investigation du Boston Globe. Ce qui ne fut pas un jeu d’enfant, leur scoop ayant été publié après... 12 mois d’enquête ! Spotlight, c’est donc du cinéma qui ne vise pas à être fun, laisse de côté les mouvements virtuoses de caméra pour se consacrer à son sujet, remuant la plume dans la plaie. Sérieux, édifiant, rappelant le cinéma des années 70 (la référence aux Hommes du président Des védés est évidente), c’est un bel hommage à un journalisme qui fustigeait les bas instincts plutôt que de les flatter. Pour ceux qui savent ce que c’est que la galère. Dom est un humble pêcheur qui a de la peine à se maintenir à flot. L’argent est à marée basse, les liens familiaux tanguent et on lui coule ses projets quand il voit poindre l’espoir à l’horizon. Vague à l’âme ! Fiction moins douce qu’amère qui navigue dans les eaux documentaires, Tempête est un grand film sur les petites gens. Qui restent sur le pont, dignes. Pour ceux qui ne mettent aucune limite à la vulgarité. Franck Gastambide, de la bande des Kaïra, décolle pour Pattaya. Le spectateur se taille au bout d’un quart d’heure, surtout s’il a oublié son sac à vomi dans l’avion... Bertrand Lesarmes rares et classiques, Lausanne Love Streams / Un enfant attend, John Cassavetes, 1963/84, Wild Side, vf et vost, DVD et Blu-ray, 244 min. Spotlight, de Tom McCarthy (2 h 08) ; Tempête, de Samuel Collardey (1 h 29) ; Pattaya, de Franck Gastambide (1 h 37). Tous en salles. RIRE DU PIRE Pour Thierry Meury et Florence Quartenoud, le bilan est sans appel : On va pas vers le beau. En effet, services publics, banques, médecine, mais aussi vie de couple, plus ça va, moins ça va. Au caveauthéâtre l’Oxymore à Cully, du 2 au 13 mars. www.oxymore.ch ORIENT EXPRESS Vous avez toujours rêvé de rencontrer l’écrivain Mathias Enard ? La Fondation Michalski à Montricher réalise votre souhait le 6 mars. En présentant son dernier ouvrage, il racontera, en filigrane, l’histoire d’amour entre Orient et Occident. www.fondationjanmichalski.com PALESTINE Réfugié en Suisse, le dessinateur syrien Hani Abbas expose au Forum Meyrin le vendredi 4 mars, au cours d’une soirée De Meyrin à Gaza en marge du concert de Marcel, Rami & Bachar Khalifé. Ses caricatures sont à vendre et les bénéfices de la soirée iront à un projet d’atelier de peinture pour les enfants de Gaza. www.forum-meyrin.ch À LA LOUPE Jeudi 3 mars, c’est la Night du polar au Musée de la main à Lausanne. Entre recherche d’indices et analyses scientifiques, le public aura de quoi s’amuser : le crime paie ! www.museedelamain.ch COMIQUE D’OFFICE Les quatre héroïnes de la pièce Office Girls se proposent de faire rire sur la vie au bureau. Un pari lancé au CACG Voltaire à Genève, du 2 au 19 mars. www.cacg.ch INSTALLÉ Dans les anciens abattoirs de La Chaux-de-Fonds, François-Xavier Rouyer déploie son Hotel City. Une œuvre composite entre théâtre, cinéma et installation plastique. L’artiste a repensé sa création pour Quartier général, centre d’art contemporain. Jusqu’au 10 avril, www.q-g.ch Bâle en touche Association de malfaiteurs Avec Discours à la nation, le comédien belge David Murgia présente un théâtre politique engagé et enragé. Drôle aussi. Sur un texte et une mise en scène de l’Italien Ascanio Celestini, Murgia s’engage dans un féroce pamphlet contre les méfaits du capitalisme. Il met au jour les véritables pensées des hommes de pouvoir, un peu comme si le cynisme des participants au Forum de Davos se jouait sur une scène. Lors de son passage au Théâtre du Rond-Point à Paris, il y a une année, Libération situait David Murgia entre Arthur Rimbaud, Che Guevara et Raoul Vaneigem. Il y a parenté moins heureuse. A 27 ans, Murgia décrypte le discours des dominants et entre en résistance à la scène comme à la ville. En 2013, Discours à la nation a mérité le prix du public au Festival off d’Avignon et, curieusement, Bienne a l’honneur de proposer la seule date en Suisse. Alors, théâtre politique ou théâtre citoyen ? Peutêtre juste du théâtre nécessaire. J.-L. W. Discours à la nation au Théâtre Palace de Bienne, jeudi 3 mars à 20 h 15. www. spectacles francais.ch on pelotera des statues antiques, on apprendra plein de trucs sur l’histoire du toucher et on verra enfin l’engin de torture inventé par Kafka dans La colonie pénitentiaire. Un peu de sexe et de trash, mais pas trop. De l’art qui bouge, qui grince Le poids du monde sur le dos Les amateurs de Topor sont à la fête. Tandis que Les Cahiers Dessinés publient régulièrement ses travaux graphiques, les Editions Wombat continuent d’exhumer ses textes. Joko fête son anniversaire, qui date de 1969, n’avait jamais été réédité, malgré le prix des Deux-Magots décroché à l’époque. Joko se rend comme tous les matins à son travail à la citerne de la ville lorsque, sans crier gare, un homme lui saute sur le dos et lui ordonne de le transporter jusqu’à son hôtel. Après quelques hésitations, Joko et ses collègues prennent l’habitude de se transformer en bêtes de somme pour le compte de passagers très exigeants. Il faut dire que ces gens importants, qu’on appelle les congressistes, paient des sommes mirobolantes. Un rapport de dépendance s’instaure entre les porteurs et les clients, rapport qui prendra une tournure monstrueuse, du genre kafkaïen. Dans ce très court roman, Topor va directement à l’essentiel. Pas de psychologie, pas de digressions, pas de contexte. De fait, le récit s’apparente à une fable très noire, un conte cruel sur l’exploitation de l’homme par l’homme. Dès le départ, c’est leur dignité que les travailleurs cèdent, car outre le chargement humiliant sur le dos, les clients ne se gênent pas pour leur bourrer les côtes de coups de pieds ou les insulter. Ils paient si bien, alors c’est acceptable… Mais la transformation du prolétaire est plus profonde. Lorsqu’un docteur qui voyage sur son dos demande à 13 et qui frotte, les gosses vont adorer ! Un bus et un tramway plus loin, l’expo Jean Dubuffet de la Fondation Beyeler finira de vous convaincre que l’art est une affaire corporelle avant tout. Paysages, visages, corps, sols et matières, art des fous, art j’m’en fous, tout l’œuvre de Dubuffet se voit autant avec la peau, les tripes et les tendons qu’avec les yeux. Chose rare, l’étonnante et énorme fresque mobile Coucou Bazar y est présentée. L’art à fleur de peau, c’est d’un Bâle deux coups. Sebastian Dieguez Jean Dubuffet, Fondation Beyeler, jusqu’au 8 mai. www.fondationbeyeler.ch Prière de toucher, Musée Tinguely, jusqu’au 16 mai. www.tinguely.ch Une BD De tout un peu Joko ses impressions sur sa nouvelle activité, il répond : « Je regarde plus souvent le sol depuis que je vous porte. Avant, je regardais surtout le ciel. » Progressant dans un implacable crescendo, le texte enchaîne ensuite les scènes d’horreur et de grotesque dont Topor a le secret pour s’achever sur un final glaçant. D’où provient la cruauté du monde ? Tout simplement du plaisir que l’on ressent à infliger de la souffrance aux autres, semble dire l’auteur. Dans sa préface, Pacôme Thiellement avance que si Topor n’avait été que romancier, il serait considéré comme un des plus grands écrivains du XXe siècle. Que s’il n’avait été que dramaturge, on l’estimerait autant que Beckett ou Genet. Que s’il n’avait été qu’illustrateur, on l’exposerait aux côtés de Bacon ou Giacometti. Mais comme il était tout cela à la fois, et bien plus encore, il ne demeure que comme un joyeux déconneur. Ce pur chefd’œuvre qu’est Joko, dont on ressort chancelant et à bout de souffle, montre à quel point il a raison. Stéphane Babey Depuis quelque temps, Fluide Glacial a confié une chronique culturelle à Menu, ancien pilier de L’Association et pionnier de l’autobiographie dessinée. Intarissable sur le rock ou la BD de bon goût, l’auteur aime aussi digresser et raconter sa vie, ses souvenirs d’enfance, ses collections bizarres, ses rencontres et ses dérives alcoolisées. Malgré de constants sauts du coq à l’âne, ce recueil est étonnamment digeste et se lit avec plaisir par grosses portions. Joko fête son anniversaire, Roland Topor, Editions Wombat, 128 pages. Chroquettes, JeanChristophe Menu, Editions Fluide Glacial, 64 pages. Au-delà de l’affirmation de ses choix esthétiques, Menu raconte comment il s’est forgé une culture au travers des influences de son temps, qu’elles soient populaires ou underground. Parmi les meilleures anecdotes, on retient la découverte du punk à travers les disques que son père ramenait un peu au hasard de la discothèque de son entreprise. Et le passage émouvant où Menu tente de parler de ses derniers achats de disques alors que l’attentat de Charlie Hebdo venait de survenir. S. Ba. Vigousse vendredi 26 février 2016 14 15 REBUTS DE PRESSE La messe est cuite Le Temps manque d’adresse La presse écrite se meurt et fait tout pour décourager ses derniers lecteurs fidèles au papier. Un abonné du quatrième âge au Temps en a fait l’expérience. Mi-décembre, il avait informé le service des abonnements de son changement d’adresse. Rien ne se passe. Il patiente durant la période des Fêtes, « les bureaux sont certainement fermés », imagine le brave homme. Ça bouge du côté de l’affaire « RTS Religion » ! Rappelons qu’en novembre dernier, la direction de la RTS annonçait la suppression prochaine de trois programmes radio et TV consacrés à la religion. Une perte colossale qui allait contribuer à la radicalisation d’une jeunesse sans repères, s’écriaient alors des milliers de fans ulcérés par les voies impénétrables du service public audiovisuel. Car c’est bel et bien le rôle de celui-ci d’évoquer en continu les puissances de l’au-delà et les mystères du surnaturel, sans quoi le monde réel deviendrait incompréhensible. Bref, aujourd’hui les partenaires très laïques Cath-Info (transsubstantialistes) et Médias-pro (non-transsubstantialistes) proposent un compromis dans les coupes budgétaires. O.K. pour une réduction d’un demi-million de francs, et va pour quelques messes et cultes télévisés en moins par année, disent-ils. Curieusement, il n’avait jamais été question pour la RTS de toucher à ces messes coûteuses, répétitives et explicitement dévotes, alors qu’on voit mal la plus-value « sociale », « réflexive » ou « contemporaine » de tels épanchements de piété cathodique. On progresse donc : encore quelques efforts des deux côtés, et on ne parlera bientôt plus de religion que pour évoquer la SaintMachin à la météo et la dernière facétie du pape aux nouvelles. S. D. Gare aux grilles par 1 2 3 4 5 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Vigousse vendredi 26 février 2016 6 Le 21 janvier, l’un de ses proches, Julien, téléphone au service ad hoc de Ringier Romandie, propriétaire du quotidien. On lui certifie que le journal arrivera au plus tard le mardi 26 janvier. Julien se fend d’un courriel courroucé le 31 janvier. Le lendemain, une aimable collaboratrice lui explique que « la transmission n’avait pas été faite à notre direction en Suisse allemande ». Bigre, si Ringier Suisse à Zurich s’en mêle, l’affaire va se dénouer rapidement. Mardi 16 février, toujours rien. Nouveau coup de fil du tenace Julien. On lui répond que « tout ça c’est la faute du distributeur ». Julien demande alors les coordonnées de la société de portage coupable d’un tel mépris. Refus catégorique. Julien l’avoue et s’en excuse : « Je me suis montré discourtois et énervé, voire grossier, mais pas insultant. » Le mardi 23 février, nouveau téléphone de Ringier : « Ça ne devrait plus tarder. » A l’heure de mettre Vigousse sous presse, le dénouement restait incertain. Même furax, Julien ne manque pas d’humour, il avait écrit à Ringier : « Désespérant de voir une telle négligence de votre part, je suppose que dès son décès, pour rectifier la situation, vous lui offrirez la crémation. » A Zurich, les experts du geste commercial chez Ringier cherchent sans doute encore la traduction de crémation. Pourtant, c’est comme le papier, tout finit en cendres. J.-L. W. égé No 97 7 8 9 10 HORIZONTAL 1 On y mange Carné au Chili 2 Plus ou moins prude de l’hémisphère sud 3 Volume important de pomme pour un seul homme – Un de la famille à Séville 4 Voue fol amour à son idole - Fortement pénétré d’un sentiment 5 Court parcours en Asie – De la mer au marais 6 Chez cher à Thatcher – Galette à chansonnettes – Sartre lui adjoignit le néant 7 Rampent tout seuls – J’existe, dit le travailliste (2 mots) 8 Vers dans un vers d’Ovide – Nain par rapport à Prost, géant par rapport à Grosjean 9 Emettrais du ventre entre les dents 10 Partie de série – Se fait amender sans s’amender dans la finance. VERTICAL 1 Crime astucieux sous nos cieux aussi (4 mots) 2 Caractère typique du caustique – Coule de bas en haut 3 Donna le lolo à Apollon – Sourit si Shaqiri rit 4 Crimes moins astucieux en famille 5 Chargement d’antan – Blocher en est là – Enée et Achille à votre oreille 6 Division de division – Prénomme homme d’Arabie 7 Pierre magique et sympathique – Dépôt pour suppôt d’alcoolisme 8 Tensions à Sion par exemple 9 Ne feras pas cas 10 Tête d’œuf – Trop d’urée. Solution pour les nuls dans le prochain numéro [email protected] LE CAHIER DES SPORTS DÉTRUIRE C’est une manie, chez certains sportifs, de casser leurs instruments de travail dès que quelque chose va mal. Et que je te brise une raquette au premier revers dans le filet, que je fracasse ma crosse pour un slap envolé aux étoiles et, dernière vidéo à la mode, que je « règle » mes fixations de ski à grands coups de marteau. Championne des championnes, l’Américaine Lindsey Vonn s’en est donné à cœur joie après une chute dans la descente de La Thuile, nom prédestiné, il y a quelques jours. Bon, d’accord, elle s’est excusée, a demandé pardon à ses fournisseurs et s’est empressée de préciser que ceux-ci lui procuraient « le meilleur matériel du monde ». Et quelques sous en plus, mais ça, ça ne se dit pas. MAG « C’est long ! J’ai vraiment hâte d’être présidente, vous devriez voir le petit stagiaire que je me suis choisi. » VOIX Sebastian Dieguez OFF INSOLITE EN VITE Des lobbyistes peu convaincus par une étude qui va dans leur sens International Ces hommes Au départ, la nouvelle était des plus enthousiasmantes. Une étude scientifique venait confirmer tout le bien-fondé de l’activité de ces lobbyistes ! Mais une lecture attentive devait rapidement les faire déchanter : « Oui, c’est vrai, ces résultats étaient très séduisants et semblaient confirmer tout ce pour quoi nous nous battons depuis si longtemps, mais il convient toujours de rester prudent avec ce genre de données, et au final ce truc était totalement bidon », a expliqué Juan Hortolense, un lobbyiste très influent. Dommage ! Oh, comme je les admire, ces sportifs qui osent. Bénie sois-tu, Lindsey, vive McEnroe, gloire à trucmuche ! Et merci à eux de m’avoir fourni, dans leurs colères, la matière pour cette chronique, 266e du genre et dont, je le dis, je me fiche totalement de savoir si elle va oui ou non remplir l’espace qui m’est réservé. Et ce sera tout pour cette semaine. Roger Jaunin Société Un robot de déminage laissé sans surveillance crée la psychose. Religion Jean-Paul II n’aurait pas eu le temps d’effacer son historique internet avant de mourir. HISTOIRE « J’en ai marre de tous ces nazis » Médias Michel Drucker aurait enregistré des milliers d’émissions en secret : elles devraient être diffusées après sa mort pendant encore de nombreuses années. Londres, 28 juin 1936 : Winston Churchill devient la première personne à atteindre le point Godwin Tendance De plus en plus d’adolescents pratiquent le branling. Franchement, je ne vois pas dans de tels actes où peut être le mal. Tous, un jour, nous sommes tentés d’en faire de même. Prenez par exemple cet ordinateur sur lequel, semaine après semaine, je m’échine à pondre un texte drôle (?), calibré 1879 signes espaces comprises, « en rapport avec le sport » insiste inlassablement mon réd en chef qui n’y connaît rien et qui de toute façon ne le lit pas. Vous croyez que je n’ai pas moi aussi, et souvent, l’envie de le détruire, ce fichu ordi ? Et hop, par la fenêtre le machin, écrabouillé, en mille pièces, les tripes à l’air sur le trottoir, ce truc avec une pomme sur le bas de l’écran juste pour me rappeler hebdomadairement que j’en fais une belle. De pomme. en colère décident de se réunir autour d’une caméra. Sport Du nouveau dans le football : selon plusieurs sources concordantes, une équipe aurait fait la différence en se créant des occasions. INQUIÉTUDE Plus de 4000 jeunes seraient soupçonnés de faire des vidéos humoristiques dans leur chambre Misère sociale, déracinement culturel, endoctrinement, imbécillité congénitale ? Difficile d’expliquer le phénomène à ce stade, mais le rapport gouvernemental « Adolescence et vidéos humoristiques » a fait l’effet d’une bombe. Ils seraient plus de 4000 à réaliser des vidéos dans leur chambre, le plus souvent des sketches qui racontent la vie quotidienne des ados. Ce désastre inquiète de plus en plus les spécialistes, qui mettent en garde contre la prolifération prochaine de comiques, chroniqueurs et autres amuseurs publics. « Vous verrez, avertit cet anthropologue des médias, bientôt on leur demandera : alors, vous avez été découvert sur internet ? Il faut à tout prix agir, et vite. » Pour l’heure, cependant, rien n’interdit aux jeunes de faire des vidéos humoristiques dans leur chambre. Un vide juridique surprenant, qui va heureusement très rapidement devenir une urgence nationale. ARTS VIVANTS Des scientifiques découvrent que l’entracte serait le meilleur remède contre les quintes de toux spectacle entracte spectacle UISSE : Nos femmes et nos filles exigent davantage de connards décérébrés – INTERNATIONAL : La question épineuse des danses lascives à Genève sera étud Vigousse vendredi 26 février 2016 16 { B É B E RT D E PLONK & REPLONK } LA SUITE AU PROCHAIN NUMÉRO A UE et à dia? Pas maladroite ? Pas mal à droite surtout, la dernière sortie de Boris Johnson, qui vient de faire son coming out ! Sur le sujet qui agite l’Angleterre, à savoir le Brexit (British Exit ou sortie de l’UE), mot-valise qui vise notamment à ce que d’autres fassent les leurs, le maire de Londres a rejoint dans le camp de ceux qui veulent dire byebye à l’Union européenne des gens dont l’humanisme est à prendre avec des pincettes. Qu’on appelle aussi brucelles… On y trouve ainsi Nigel Farage, chef du parti nationaliste Ukip. Au Royaume plus très uni, il n’y a pas que le Prince qu’on sort ! Pourtant Johnson, membre du parti conservateur, le jure : « Il est vital de rappeler qu’il n’y a rien de nécessairement anti-européen ou xénophobe dans le souhait de vouloir quitter l’UE. » Admirable, ce nécessairement, isn’t it ? Comment pourrait-on douter d’un homme qui n’a peur ni des contradictions ni des déclarations Vigousse vendredi 26 février 2016 à l’emporte-pièce, et dont le populisme carnavalesque lui a valu un joli surnom pour un politicien : « le Bouffon » ? Comment croire qu’un type né à New York, d’un père dont le grand-père était un Turc de l’Empire ottoman et d’une mère petite-fille d’un Russe juif (et fille d’un ex-président de la Commission européenne des droits de l’homme), qui a grandi en partie à… Bruxelles, soit obnubilé par les immigrés ? Non, le seul qu’il veut mettre dehors est bel et bien Anglais, se nomme David Il a dit Cameron et loge au 10, Downing Street. Boris Johnson, qui a quelques similitudes, au moins capillaires, avec Donald Trump, se rêve en calife à la place du calife, en premier ministre. Cette histoire de Brexit est donc un pari politique, l’affirmation d’une ambition personnelle. Le 23 juin, lors du référendum sur le maintien ou non du RoyaumeUni au sein de l’Union européenne, il joue à pile je gagne, face tu perds. Si Cameron et le camp du in l’emportent, Johnson ralliera à lui tous les euro sceptiques, majoritaires, du parti tory et sera idéalement placé pour en prendre la tête quand Cameron s’en ira à l’horizon 2020. Si le out triomphe, Cameron devrait dégager presto, et là, bingo ! Faut toujours se méfier des bouffons qui veulent devenir roi... Bertrand Lesarmes dimanche prochain (ou du moins ça se pourrait bien) « Et tout de suite, à 15 h 12, l’analyse définitive des résultats provisoires. » Quelqu’un, RTS Editeur : Vigousse Sàrl, CP 1499, CH-1001 Lausanne > www.vigousse.ch > [email protected], tél. 021 612 02 50 Fondateur : Barrigue Rédacteur en chef : Stéphane Babey (resp.) Rédacteur en chef adjoint : Laurent Flutsch (resp.) 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